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INFLATION (étymologie)

INFLATION: le mot inflation nous montre comment un mot français peut transiter par l'anglais avant de nous revenir à l'occasion de l'introduction d'une notion technique. Il existait dès le XVe siècle dans le vocabulaire médical français un mot inflation (gonflement) fait sur le latin inflatio (génitif: inflationis) = «dilatation de l'eau en ébullition, gonflement de l'estomac, inflammation». Le français avait les mêmes sens. L'anglais a adopté ce mot inflation avec son sens de «gonflement». Mais il lui a ajouté un sens financier : «gonflement de la masse monétaire» (billets, pièces et autres moyens financiers). Le mot inflation, avec son sens monétaire, est revenu en France, au lendemain de la Première Guerre mondiale, avec, hélas ! le phénomène qu'il désignait. Les spécialistes ont créé en français sur ce mot le mot de sens contraire déflation (réduction de la masse monétaire en circulation), et même stagflation, mélange de stagnation économique et d'inflation. Mots dérivés : inflationniste, déflationniste, anti-inflationniste. Les mots reviennent de nos jours régulièrement dans la presse.

L'inflation est un phénomène monétaire défini comme une hausse durable du niveau général des prix. La première grande période d'inflation attestée est liée à la découverte des mines d'or et d'argent des Amériques qui, au XVIe s., firent baisser le pouvoir d'achat de ces métaux. Mais l'inflation n'a pris toute son ampleur qu'avec l'apparition de la monnaie fiduciaire (les billets de banque) qui, comme son nom l'indique, reflète la confiance (fiducia, en latin) dans la solidité financière de la banque qui les émet. Ainsi les assignats émis par les révolutionnaires français en 1789 virent-ils en sept ans d'existence leur valeur divisée par 10 000. Échaudés par cette expérience désastreuse, les grands argentiers du XIXe s. s'efforcèrent de limiter l'inflation au maximum. Cette prudence ne put être maintenue en Allemagne après la Première Guerre mondiale. Le pays connut entre 1918 et 1924 une hyperinflation sans précédent qui culmina en 1923, année où les prix furent multipliés par plusieurs milliards. L'Europe, marquée par la déflation (l'inverse de l'inflation) de la grande dépression des années 1930, ne connut, jusqu'au début des années 1970, qu'une inflation modérée. Celle-ci s'accéléra sous le coup du quadruplement des prix du pétrole en 1973 et devint l'un des principaux soucis des gouvernants après le second choc pétrolier de 1979. Pendant les Trente Glorieuses et encore au cours des années 1970, l'inflation a été utilisée comme exutoire aux conflits sociaux : on a alors laissé croître les salaires, sachant qu'ils seraient partiellement rattrapés par l'inflation. L'inflation fut même institutionnalisée avec la mise en place, en France (en 1950) et en Italie, d'échelles mobiles des salaires, permettant un rattrapage automatique des uns sur les autres. Mais, avec l'ouverture croissante des économies, les désavantages de la méthode parurent l'emporter. L'inflation peut en effet avoir des effets néfastes sur les échanges extérieurs d'un pays en dégradant ses performances à l'exportation du fait d'un taux de change plus élevé que celui de ses partenaires. Dans la seconde moitié des années 1970, les pays développés ont fait l'expérience de la stagflation (combinaison d'inflation et de récession) et de l'accroissement des déséquilibres extérieurs. Cela a conduit à un consensus sur la nécessité de lutter contre l'inflation par une politique de désinflation compétitive. Celle-ci repose sur l'idée que la croissance économique et la réduction du chômage passent par une baisse des coûts salariaux. Elle permet une baisse du taux d'inflation, donc un accroissement de la compétitivité et une augmentation des marges des entreprises, avec des effets favorables sur l'investissement et les exportations. C'est la stratégie macroéconomique suivie en France depuis 1984. La défense du taux de change (stratégie de franc fort) et l'augmentation du chômage ont entraîné une modération salariale tandis que la croissance modérée a permis un fort ralentissement de la hausse des prix. Cette politique conduisit cependant les pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) (v.) à la récession à la fin des années 1980 et au début des années 1990 : la baisse des taux d'inflation rendit le coût réel du crédit (coût nominal moins taux d'inflation) très élevé et conduisit, compte tenu des habitudes prises en période d'inflation, à une crise d'endettement. La maîtrise de l'inflation fut cependant une des conditions nécessaires à la mise en place de la monnaie européenne unique. Les exemples des sociétés latino-américaines, qui ont connu, dans les années 1970 à 1990, une hyperinflation qui désorganisa complètement leurs économies (prix multipliés par 30 000 en Argentine dans les années 1980) et des pays issus de la décomposition de l'URSS, qui furent confrontés au même phénomène après 1989, restent des repoussoirs. Cependant, le strict monétarisme qui avait fait de l'inflation l'ennemi économique numéro un a été progressivement remplacé depuis le début des années 1990 par l'idée que mieux vaut une inflation maîtrisée (1,9 % en France en 2002) qu'une récession.

 

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