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Folie (Wahnsinn) - Schelling

Folie (Wahnsinn)

• Essence la plus profonde de l’esprit humain. Ce dont la sollicitation ne doit pas manquer, qui ne devient terrifiante que lorsqu’elle n’est plus enfouie ou intériorisée.

•• La folie (Wahnsinn) s’oppose à l’imbécillité (Blödsinn) en ce que celle-ci pèche par défaut tandis que celle-là pèche par excès. L’entendement humain n’est lui-même que folie réglée, maîtrisée, surmontée. Si l’esprit humain est au fond folie, il n’est toutefois lui-même qu’à la condition de ne pas se confondre avec ce qui constitue son fond obscur, mais de s’en dissocier. La folie est ainsi la « base » (au sens alchimique et chimique du terme) de l’entendement : non pas ce sur quoi celui-ci reposerait, mais ce contre quoi il lui appartient de réagir.

••• La question de la folie (ou mania) est abordée par Platon dans le Phèdre, et, retranscrit sous la forme du dicton nullum magnum ingenium sine quadam dementia, le lien affirmé par Aristote entre la vie créatrice et la folie semble constituer l’arrière-plan antique des développements récurrents de Schelling sur la folie (dans les Conférences de Stuttgart, les Ages du monde, la Philosophie de la Révélation) : « pas de génie sans un grain de folie ». Contemporain de Hölderlin et de Schumann, Schelling voit en effet dans la folie une condition de la vie de l’esprit, mais il s’agit, non d’une folie déclarée ou envahissante, mais au contraire intérieure, ou pour mieux dire intériorisée, d’un « grain de folie » que la force de l’entendement consiste à maintenir à l’état germinal et inéclos : « Les hommes qui n’ont en eux aucune folie sont des hommes à l’entendement vide et stérile » (O. M., 246) : on donnera toute son importance, dans cette déclaration, au « en eux », qui fait écho à « l’essence la plus profonde », c’est-à-dire la plus profondément enfouie, jamais patente, toujours latente. À l’encontre de la conception rationaliste de la folie comme aliénation, Schelling propose de comprendre non pas la folie à partir de la raison, mais bien la raison elle-même à partir de la folie, comme déraison surmontée. Il y a un fond mythique, dionysiaque de la folie, comme lutte s’étant livrée, dans la nature, entre union et séparation, conscience et inconscience. Comme dans le Protreptique d’Aristote, la philosophie s’enlève sur fond de folie. La compréhension schellingienne de la folie ne semble pas avoir été dépassée.

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