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EXPERIENCE

EXPERIENCE, n.f. (lat. experientia «excès», «tentative», «habileté acquise»). ♦ 1° Savoir acquis par la pratique, la réalité vécue (expérience professionnelle, expérience de la maladie). ♦ 2° Progrès personnel qui résulte d’une longue pratique d’un métier, d’une discipline scientifique, d’un art, ou tout simplement de la vie quand on sait en recevoir les leçons. Dans une certaine mesure, l’expérience ainsi entendue est transmissible. Elle constitue la mentalité de certains milieux, de certains peuples. La mémoire collective est marquée et enrichie par l’expérience des générations passées. ♦ 3° Un problème philosophique important est la part qui revient à l’expérience, entendue comme contact avec le réel, réalité vécue, dans le développement de la vie mentale et des connaissances. On distinguera alors l’expérience externe, celle qui nous est procurée par l’exercice de nos divers sens, et l’expérience interne qui nous découvre notre vie intérieure (pensées, désirs, affections, volonté). On peut même parler d’une expérience morale, d’une expérience métaphysique et d’une expérience mystique. — L’empirisme a soutenu que toute connaissance avait pour point de départ l’expérience, et certains philosophes comme Condillac ont réduit l’expérience à l’expérience sensible externe. Même si l’on n’admet pas que l’homme dispose d’idées innées, il faut encore examiner si l’expérience, à elle seule, permet l’acquisition d’un savoir organisé et cohérent et si celui-ci n’exige pas l’intervention de l’esprit, de ses principes, de ses lois propres, de sa capacité d’interprétation. ♦ 4° Dans les sciences dites expérimentales, l’expérience, c’est-à-dire le recours à l’observation des faits, joue un rôle capital. C’est de l’observation des faits que naissent les questions. C’est en revenant aux faits que les hypothèses, c’est-à-dire les explications supposées, se trouvent étayées et confirmées. Si l’observation de départ se contente souvent d’une expérience brute, l’expérience qui a pour objet l’établissement d’une loi est très élaborée. Il s’agit de créer une situation telle que la relation que l’on veut vérifier apparaisse d’une façon évidente et incontestable. Cela nécessite tout l’équipement de nos laboratoires et l’art ou le génie du chercheur qui «force la nature à se dévoiler».

EXPÉRIENCE, EXPÉRIMENTAL, EXPÉRIMENTATION

♦ Au sens vulgaire, l’expérience est la connaissance et le savoir-faire qui, obtenus progressivement par la pratique de la vie, enrichissent la pensée et la personnalité. Au regard de la théorie de la connaissance, elle est la faculté d’appréhender le réel soit par l’intuition sensible (expérience externe), soit par l’intuition psychologique (expérience interne). ♦ Bien que l’empirisme classique interprète l’expérience comme source unique du savoir, il apparaît cependant qu’il n’existe pas d’expérience brute, indépendante de l’activité de l’esprit. Elle est toujours établie au moyen de schèmes de pensée préalables, même implicitement : « Si toute connaissance débute avec l’expérience, cela ne prouve pas qu’elle dérive toute de l’expérience », dit Kant qui, à la matière de la connaissance oppose la forme de la connaissance (formes a priori de la sensibilité et catégories). En opposition avec une connaissance rationnelle a priori, l’expérience exprime l’enseignement qui provient de la sensibilité selon ses diverses modalités : l’expérience mystique ou religieuse désigne le sentiment qu’a celui qui l’éprouve, d’entrer en rapport avec Dieu ; l’expérience morale exprime l’intuition affective des valeurs morales que l’on expérimente en les mettant à l’épreuve de la vie (Rauh). ♦ L’expérience scientifique est l'acte d’observer et d’expérimenter en vue d’obtenir une connaissance expérimentale dont le but est de vérifier une hypothèse. On appelle expérience pour voir les pratiques expérimentales opérées par tâtonnement et destinées à favoriser l’apparition d’une hypothèse, et expérience cruciale l’opération décisive qui permet de choisir entre deux hypothèses.

♦ L’expérimentation est l’usage systématique de l’expérience dans une pratique scientifique. Plus techniquement, c’est le dispositif particulier qui permet de recomposer artificiellement un phénomène dont on contrôlera les variations pour vérifier une hypothèse. On nomme expérimentation mentale le raisonnement qui, s’appuyant sur ce qui est su, envisage des conséquences nouvelles sans qu’il soit nécessaire, ou même utile, d’en apporter une vérification concrète.

♦ Qualifiant une méthode fondée sur l’expérience et l’expérimentation opposée à la simple observation, le terme expérimental s’applique également aux sciences utilisant cette méthode, aussi bien, depuis le XIXe siècle, les sciences physiques et la biologie que, plus récemment, la psychologie.

expérience (du lat. experire, éprouver). 1° Connaissance acquise par l'observation et non par la raison. C'est de l'expérience, et d'elle seule, que l'empirisme (Locke, Hume) fait venir toutes les connaissances humaines; à cette doctrine s'oppose le rationalisme classique (Descartes, Kant), pour qui l'expérience sensible, quoique indispensable, ne suffit pas, et ne serait rien sans la pensée, qui nous permet d'appréhender et d'ordonner l'expérience concrète. De ce point de vue, on oppose l'expérience à la raison (« Et à tout ce qui est inné »). 2° Sur le plan moral, ensemble de l'acquis constitué au long de la vie d'un individu ou de toute l'humanité. Dans ce sens, celui qui a de l'expérience, à la fois parce qu'il a vécu et parce qu'il connaît l'histoire des hommes et en tire les enseignements, est un « sage », apte à donner, comme le disait Kant, des « conseils de prudence » capables de nous apporter le bonheur. Le savoir-faire, qui se fonde sur l'expérience et la connaissance des hommes, peut aussi développer en nous l'« habileté » capable de nous « faire réussir » dans la vie. Mais la morale proprement dite est totalement indépendante de l'expérience ; elle se fonde sur un sentiment qui est indépendant de toute expérience et nous ordonne, de façon absolue, de tenir telle conduite, quelles que soient la situation et les circonstances particulières qui entourent notre acte (Kant). Il peut y avoir de l'empirisme en affaires ou en politique, il n'y a pas d'empirisme en morale.

expérimentation, méthode scientifique qui consiste à provoquer des observations, en vue de vérifier une probabilité, une hypothèse. — Alors que l'observation n'est que constatation d'un phénomène dont on est le témoin passif, « l'expérimentation réalise volontairement des conditions données » (Louis de Broglie) et provoque le phénomène dans des conditions parfaitement définies.

EXPÉRIENCE (n. f.) 1. — (Sens vulg.) Savoir ou savoir-faire acquis par l’exercice ; instruction acquise par l’usage de la vie ; action d’éprouver, d’essayer quelque chose (faire l’expérience de la vie militaire, de la drogue). 2. — Donnée de la connaissance provenant de l’action du monde sur le sujet ; d’où, au sens actif, rapport direct du sujet à l’objet conçu comme ayant une existence indépendante ; connaissance par expérience : connaissance qui n’est pas due au seul exercice de la raison, mais à celui de la sensibilité : « Si toute notre connaissance débute avec l'expérience, cela ne prouve pas qu'elle dérive toute de l'expérience » (Kant) ; en ce sens, Kant distingue l’expérience externe (rapport à une donnée externe, c.-à-d. spatiale) et l’expérience interne (rapport à une donnée interne, c.-à-d. uniquement temporelle). 3. — a) Action d’observer ou d’expérimenter (faire des expériences scientifiques), b) Résultat d’une observation ou d’une expérimentation. 4. — Expérience de pensée : expérience au sens 3 purement imaginaire, réalisable ou non (Mach : expérience qui « imagine mentalement la variation des faits ») ; Koyré se sert de cette expression pour désigner l’utilisation, dans des raisonnements scientifiques, d’expériences idéales, c.-à-d. non effectivement réalisées et décrites en faisant abstraction des conditions concrètes de leur réalisation. 5. — Expérience cruciale : toute expérience qui permet de choisir entre deux hypothèses. 6. — Expérience pour voir : expérimentation effectuée non dans le but de vérifier une hypothèse, mais de la suggérer. 7. — Expérimentation : activité utilisant des montages techniques pour contrôler la production de certains phénomènes sélectionnés en vue de tester la validité d’une ou plusieurs hypothèses déterminées ; Syn. méthode expérimentale ; Cl. Bernard utilise en ce sens le mot expérience (cf. sens 3) qu’il oppose à l'observation, cette dernière supposant la passivité du sujet de la connaissance. 8. — Expérimental : a) qui concerne l’expérimentation ; science expérimentale : qui utilise l’expérimentation (parfois opposée à science d'observation), b) Qui a valeur d'expérience, d’expérimentation (une classe expérimentale).  



EXPÉRIENCE

1. Sens courant : acquis moral ou technique apporté par le temps et l’usage (les vieillards invoquent leur expérience ; un artisan acquiert de l'expérience). 2. Connaissance due à l’action du monde sur le sujet qui la perçoit par ses sens (c'est par expérience que nous découvrons peu à peu les choses qui nous entourent) . Le problème épistémologique que pose l’expérience est celui de savoir si elle constitue seule notre connaissance — thèse empiriste — ou si elle doit être saisie et organisée par l’esprit pour devenir connaissance — thèse rationaliste. E. Kant opte pour la seconde thèse quand il écrit : «Si toute notre connaissance débute avec l'expérience, cela ne prouve pas qu’elle dérive toute de l'expérience. » 3. Sens restreint : action d’expérimenter ou d’observer certains phénomènes (en classe de chimie, les élèves font des expériences). Ici, pour éviter des confusions, on peut employer le terme expérimentation.

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