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Droit

Droit. 1. À Athènes. Pour ce qui est de la législation à Athènes avant le Ve siècle, voir dracon et solon. Une fois la démocratie instaurée à Athènes par Clisthène (2) en 507 av. J.-C., ce fut l'ekklêsia («assemblée») qui vota les lois. On les appela nomoi «lois», ou psêphismata, «décrets» (littéralement «votations»). Selon l'usage général, nomos semble se référer à une loi considérée comme plus fondamentale et peut-être plus permanente que pse-phisma, mais il n'y a pas de distinction rigoureuse. Les lois étaient gravées dans les divers lieux publics et étaient accessibles à tout un chacun. Voir AXONES. Procédure judiciaire. 1. Au cours du Ve siècle av. J.-C., la quasi-totalité de la justice résidait entre les mains du peuple. La boulé (conseil) et l'ekklêsia traitaient des délits commis par les fonctionnaires et des crimes graves contre l'État. L'Aréopage conservait sous son ancienne juridiction les cas de meurtres, de blessures causées avec intention criminelle et d'incendie volontaire. Certaines affaires peu importantes étaient réglées par des juges connus sous le nom des Quarante. Toutes les autres affaires tombaient sous la juridiction des cours populaires, nées de l'ancienne heliaia. Les procès étaient soit publics, lorsqu'il s'agissait de crimes contre l'État, soit privés. Dans les procès publics, l'accusation pouvait être portée par un magistrat, ou par un citoyen privé, mais, dans les grandes lignes, il n'y avait pas de différence entre procédure publique et procédure privée. L'affaire venait généralement devant l'un des thesmothetae (voir archontes) à moins qu'elle ne tombât dans le domaine d'un autre magistrat. Le magistrat l'instruisait en vue du procès et présidait ensuite la cour devant laquelle l'affaire était appelée. On ne l'appelait pas juge et il ne remplissait pas les fonctions d'un juge moderne; il ne résumait pas l'affaire et ne guidait pas le jury. Toutes les décisions judiciaires étaient prises indépendamment par les jurés ; ils devaient interpréter la loi de leur propre chef, juger par eux-mêmes de ce qui constituait une preuve ou de ce qui n'en était pas une, et quels arguments étaient recevables. Ils jouaient ainsi autant le rôle de juges que de jurés et, en français, on les désigne fréquemment comme «juges» aussi bien que comme «jurés». Leur nom grec était dikastai «dicastes» ou, moins communément, heliastai, « héliastes ». Dans le contexte actuel, ces quatre noms sont tous synonymes. 2. Les jurés qui composaient les cours étaient choisis sur une liste de six mille volontaires, dressée au début de chaque année; c'étaient des citoyens (mâles) de plus de trente ans, n'ayant subi aucune condamnation, répartis en dix sections à l'intérieur desquelles chaque tribu était représentée. On choisissait parmi celles-ci les cours (ou jurys), dikastêria, qui variaient en importance selon la nature de l'affaire, mais dont le nombre était généralement de plusieurs centaines (pour décourager la corruption ou l'intimidation) et où, à nouveau, chaque tribu était représentée. Au IVe siècle, un jury se composait d'un nombre impair de jurés, par exemple 201, pour éviter un ballottage des votes, mais il n'existe pas de preuve que le nombre fût im pair au Ve siècle. S'il y avait ballottage, l'accusé était acquitté. Chaque juré recevait un paiement (introduit par Pé-riclès) de deux oboles, porté à trois avant 425. Étant donné qu'un homme vigoureux pouvait espérer gagner davantage en une journée de travail, les jurys étaient principalement composés de vieillards. On ignore la méthode utilisée au ve siècle pour affecter des jurés aux tribunaux. Au début du IVe siècle, on utilisa un système de tirage au sort qui, au cours du siècle, se transforma en dispositions plus compliquées. Le but était d'empêcher la corruption en évitant une affectation préalable. C'est par leur vote que les jurés décidaient du verdict : au Ve siècle, ils mettaient un caillou ou un coquillage dans une urne ; il y avait une urne pour les condamnations et une urne pour les acquittements. Au IVe siècle, chaque dicaste recevait deux disques de bronze, l'un était percé d'un trou, ce qui signifiait la condamnation, l'autre n'avait pas de trou, ce qui signifiait l'acquittement; il plaçait son disque de vote dans une « urne de vote», et l'autre disque dans une « urne de rechange ». On espérait que, de cette manière, le vote restait secret, et que chaque dicaste ne voterait qu'une fois. Si l'accusé était condamné, l'accusateur et l'accusé proposaient une pénalité (sauf dans les cas où celle-ci était fixée par la loi), chaque homme soutenant sa proposition de son discours ; les dicastes choisissaient entre les deux propositions au moyen d'un vote. La pénalité pouvait être la mort, l'emprisonnement, le bannissement, la privation des droits civiques, la confiscation des biens, ou une amende. On n'imposait pas de longues peines d'emprisonnement. L'amende était la pénalité la plus commune, et le montant variait de quelques drachmes à des peines très importantes. Démos-thène se vit une fois imposer une amende de vingt talents, et Timothée une amende de cent talents. Le poursuivant était susceptible de recevoir une amende de mille drachmes s'il se désistait avant le procès, ou ne parvenait pas à obtenir un cinquième des votes. Les amendes (et les honoraires des parties plaidantes) alimentaient le fonds sur lequel étaient payés les di-castes. La décision de la cour était sans appel. 3. La majorité des procès privés (sur le droit de propriété, les dettes, les contrats, etc.) venait d'abord devant les Quarante qui, si la matière en litige dépassait le très faible montant de dix drachmes, renvoyaient l'affaire à l'arbitrage de l'un des arbitres publics (diaitêtaî) choisis parmi les Athéniens ayant atteint leur soixantième année. Une fois acceptée par les deux parties, la décision de l'arbitre était contraignante, mais, avant qu'elle ne soit prise, on pouvait faire appel contre elle devant un tribunal. Au tribunal, l'accusateur et l'accusé avaient parfois droit à deux discours chacun, quelquefois un seul. L'accusateur parlait le premier et la longueur de son discours, fixée en fonction de l'importance de l'affaire, était mesurée au moyen d'une horloge à eau. On n'avait droit à aucun avocat : les parties devaient mener leur propre affaire et s'adresser en personne à la cour, à moins d'en être empêchées d'une manière ou d'une autre; elles étaient néanmoins normalement autorisées à consulter pour avis d'autres personnes plus expérimentées en droit, ou même à faire rédiger leurs discours ; Antiphon fut le premier à acquérir la gloire en tant que rédacteur de discours. Le témoignage d'un esclave dans un procès n'était re cevable que s'il avait été arraché sous la torture. 4. Le système judiciaire fournissait une assurance contre l'intimidation et la corruption des jurés, mais ces derniers pouvaient facilement être influencés par des orateurs habiles, car les magistrats qui présidaient ne leur procuraient pas les conseils que l'on attend d'un juge moderne (voir 1, supra). Dans Les Guêpes, Aristophane attaque ce système en raison de la férocité des jurys envers les riches, et de leur tendance à se laisser influencer par des facteurs hors de propos. Néanmoins, dans l'ensemble, le système fonctionnait efficacement. 2. À Rome. La loi s'infiltre à un degré exceptionnel dans la vie et la pensée romaine, et le corpus des matériaux relatifs à la loi romaine et à sa procédure est abondant. La base du jus civile, le « droit civil », est la coutume. Le droit civil, dans son sens le plus large, était le droit applicable aux citoyens romains (et jusqu'à un certain point à leurs alliés proches ; voir latin, droit). Il fut codifié lors de la rédaction des Douze Tables, selon la tradition, au milieu du Ve siècle av. J.-C. Selon Tite-Live, les Douze Tables étaient «la source de tout le droit public et privé de Rome». (Le droit public est constitutionnel et criminel, le droit privé, qui représente le droit civil dans son sens limité, a trait aux droits des individus et s'occupe des relations familiales, de la propriété et des contrats.) On n'a jamais aboli les Douze Tables, mais des développements ultérieurs ont fait tomber en désuétude une grande partie de leur contenu. Sous la République, des propositions législatives émanant du Sénat durent être ratifiées par l'assemblée politique du peuple, la comitia centu-riata. Les lois étaient baptisées d'après les magistrats qui les avaient proposées, ainsi la lex Calpurnia, était «la loi de Lucius Calpumius Pison». De plus, les édits des magistrats avec imperium avaient force de loi et pouvaient se passer de l'approbation de l'assemblée. Le magistrat responsable en particulier de l'exercice de la loi était le praetor urbanus. 1. Procédure judiciaire criminelle. I. La juridiction criminelle, à l'origine entre les mains du roi, passa, à l'époque républicaine, entre celles des magistrats détenteurs de l'imperium. Très tôt, le pouvoir de punir fut limité par le droit du prisonnier condamné de faire appel (provocatio) contre la sentence de mort devant l'assemblée du peuple, dans la comitia centuriata (assemblée). En fait, cela signifiait d'abord que dans les affaires où il y allait de la vie, et ensuite dans les affaires criminelles importantes, la juridiction passait des magistrats à l'assemblée. Tout un chacun pouvait agir en tant que plaignant à condition que quelque raison ne l'en rende pas incapable ; l'État encourageait la poursuite des criminels en offrant des récompenses, mais un accusateur mis en échec pouvait à son tour être poursuivi. Le droit de veto (intercessio) pouvait être utilisé contre la condamnation dans une cour criminelle. Pendant le conflit entre les ordres, la juridiction des tribuns de la plebs était instaurée en matière criminelle, et ceux-ci devinrent les principaux accusateurs dans les affaires qui avaient à voir avec des infractions et des abus auxquels avaient pu se livrer des magistrats patriciens. II. Il arrivait que, lorsqu'une affaire politique sérieuse était évoquée, le Sénat mît en place une cour spéciale (quaestio extraordinaria) dont les membres étaient des sénateurs. En 149 av. J.-C., grâce à la loi Calpumia (lex Calpurnia) fut institué le premier tribunal permanent, le quaestio perpétua de repetundis pour juger des cas d'exactions par des gouverneurs provinciaux. Les membres de cette cour étaient des sénateurs, jusqu'à ce que C. Gracchus (122 av. J.-C.) transférât la qualité de membre à l'ordre équestre. Au cours des quarante années qui suivirent, d'autres quaestiones perpetuae (« tribunaux permanents ») furent installés pour traiter de crimes particuliers qui se présentaient souvent, certainement pour des cas de décès par empoisonnement et pour trahison (venefîcia et maies-tas), probablement pour corruption lors des élections (ambitus), et détournement de fonds publics (peculatus). En 81 av. J.-C., Sylla donna une nouvelle extension au système des quaestiones en en instaurant au moins sept, qui furent entièrement composés de sénateurs, pour juger de divers délits spécifiques. C'est ainsi que la juridiction criminelle fut retirée des mains du peuple. Grâce à la loi aurélienne (lex Aurélia) de 70 av. J.-C., époque à laquelle les jurys de Sylla avaient fait la preuve de leur insuffisance, trois listes de jurys (decuriae) de trois cents personnes chacune furent constituées, l'une composée de sénateurs, l'autre d'equites et la troisième de tribuni aerarii. Un tiers de chaque decuria était tiré au sort parmi ces listes de jurés pour les affaires individuelles. L'importance des jurys variait avec celle de l'affaire. Le plaignant et l'accusé avaient tous deux le droit, dans certaines limites, de récuser des jurés. À partir du IIe siècle av. J.-C., le vote avait été secret, et on déposait des plaquettes dans une urne. Il n'y avait pas d'accusateur public : les accusations devant les quaestiones, de même que devant les comitia étaient portées par des individus privés ou, lors de procès politiques, par des tribuns. L'accusé pouvait avoir un avocat, un patronus (voir patron) ou plusieurs patroni qui parlaient pour son compte; l'accusateur, excepté dans les cas de repetun-dae ou quand une femme ou un enfant était l'accusateur nominal, devait mener personnellement son affaire, mais pouvait être aidé par d'autres personnes également intéressées à soutenir la poursuite et qui «cosignaient l'accusation» (subscrip-tores). À l'occasion d'une audience préliminaire, connue sous le nom de divinatio, on sollicitait auprès du magistrat en fonction l'autorisation d'évoquer une affaire devant le tribunal. La longueur des discours, initialement illimitée, fut ultérieurement réglée au moyen d'une horloge à eau (voir horloges). À la fin du procès, le jury proclamait son verdict à la majorité. Le magistrat qui présidait ne votait pas mais prononçait le verdict et la sentence, qui était sans appel. Il n'était pas permis de poursuivre quiconque était absent en raison d'affaires d'État. III. Après les changements de 70 av. J.-C., le système des quaestiones demeura inchangé, mais son déclin finit par se produire. Des quaestiones spéciaux étaient encore formés à l'occasion pour juger de cas particuliers, comme ce fut le cas pour Clodius dans l'affaire Bona Dea en 62 av. J.-C., et pour les assassins de Jules César en 43 av. J.-C. L'empereur Auguste ajouta une quatrième liste de jurés dont les membres appartenaient à un cens inférieur (c.-à-d. qu'ils étaient plus pauvres) que. la classe la plus basse précédente, les tribuni aerarii. Il réorganisa également certains des quaestiones et en ajouta un pour les cas d'adultères. Mais sous les empereurs suivants, les quaestiones déclinèrent rapidement et, au iiie siècle, ils semblent avoir cessé d'exister. Leurs fonctions furent reprises par d'autres : l'empereur pouvait juger toute affaire qu'il jugeait de son ressort; le Sénat était constitué en cour criminelle pour juger des affaires importantes, qui impliquaient en général ses propres membres; le praefectus urbi jouissait de la juridiction criminelle à Rome et sur cent miles (romains) alentour, c'est-à-dire 148 kilomètres; et au IIIe siècle de notre ère, le praefectus praetorio (préfet du prétoire) détenait la juridiction criminelle sur le reste de l'Italie (les deux préfets agissaient en tant que délégués de l'empereur). Sous la République et sous l'Empire, ce furent des magistrats tels que les tresviri capitales (voir viginti-sexviri) qui durent traiter des cas mineurs. IV. Vers la fin de la République, les appels aux assemblées populaires (co-mitia) cesseront d'être pratiqués. Sous l'Empire, l'empereur avait le pouvoir d'intervenir dans la décision d'un magistrat présidant un procès (ou de renoncer lui-même à ce pouvoir en faveur de ses délégués) ou au nom de son « pouvoir tribunicien » (tribunicia potestas). Pendant le Ier siècle de notre ère, la juridiction criminelle des gouverneurs provinciaux était limitée par le droit des citoyens romains d'en appeler à un tribunal de Rome ou à l'empereur. C'est ainsi que fut autorisé «l'appel à César» de l'apôtre Paul, contre le procurateur de Judée. V. En pratique, la peine de mort fut rarement appliquée, mais, à l'époque républicaine, elle pouvait être prononcée par la comitia centuriata ; elle était en général remplacée par l'exil hors du territoire romain. Pendant le dernier siècle de la République, les quaes-tiones étaient obligés de laisser à un condamné le temps de s'échapper avant d'exécuter la sentence de mort. Après sa fuite, on passait un décret qui interdisait son retour sous peine de mort (aquae et ignis in-terdictio, «refus de l'eau et du feu»). Les exécutions qui avaient réellement lieu étaient généralement dues à des circonstances exceptionnelles, par exemple un senatus consultum ulti-mum. La peine de mort devint plus fréquente sous l'Empire. Des amendes, ou des restrictions du statut civil (telle que l'infamia, «disgrâce») étaient les sanctions les plus courantes sous la République. Ultérieurement, les punitions se diversifièrent et augmentèrent en sévérité, incluant la déportation dans quelque île désolée, la confiscation des biens, la servitude pénale (par exemple dans les mines) et la flagellation. 2. Procédure judiciaire civile. La juridiction civile, comme la criminelle, passa du roi aux magistrats. En 366 av. J.-C., se constitua la magistrature du praetor urbanus (le « préteur urbain ») qui reçut la responsabilité spéciale de l'administration de la justice à Rome. Aux environs de 242 av. J.-C., le développement des relations avec les pays étrangers amena la nomination d'un praetor peregrinus («préteur étranger») chargé de traiter des poursuites judiciaires lorsque l'une des parties, ou les deux, étaient étrangères. Quand le praetor urbanus entrait en fonctions, bien qu'il fut solennellement tenu de ne pas faire plus qu'appliquer le jus civile, il publiait un édit, ainsi que le faisaient tous les magistrats importants de Rome, proclamant les nouvelles mesures et les nouveaux remèdes qu'il allait instituer pendant l'année de sa fonction. C'est ainsi qu'il créa en fait une masse de nou veaux règlements. Légalement, un édit cessait d'être applicable quand le magistrat quittait son poste. Mais comme il était de toute évidence impossible au nouveau préteur d'abroger toutes les règles qui existaient et de les remettre en vigueur, l'édit précédant était généralement prorogé par le nouveau préteur, avec, à l'occasion, les amendements que les juristes de l'époque conseillaient. L'édit dont la validité demeurait permanente était connu sous le nom d'edictum tralaticium («édit traditionnel»). Ces édits, publiés tous les ans, finirent par former le grand code du droit civil. Sous la République, deux sortes de procédures principales pouvaient figurer dans une poursuite judiciaire civile. La première était le système archaïque connu sous le nom de legis actio, qui remontait à des temps très anciens, et dont on connaît relativement peu de chose; il commença à s'éteindre aux IIIe et IIe siècles av. J.-C., bien que certains de ses aspects aient pu perdurer jusqu'à la fin de la République. Il était caractérisé par un formalisme rigide; on ne pouvait introduire une plainte que d'une seule façon parmi un nombre limité de modes rituels statutairement reconnus, et la plus petite faute dans l'observation du rituel était synonyme de désastre pour le plaideur. La seconde procédure fut introduite vers 150 av. J.-C.; elle procédait per formulant («par instructions écrites») et était plus souple. Il y avait une étape initiale, devant le préteur, qui faisait ressortir la loi, et une deuxième étape devant un juge (judex, personnage nommé pour prendre une décision au sujet d'un cas en litige), ou devant les tribunaux permanents des decemviri ou des centumviri qui décidaient de l'aboutissement en fonction des faits (ces tribunaux existaient avant le système formulaire). Quand l'affaire était portée devant le préteur, on disait qu'elle était in jure, « devant la loi » ; devant le judex, on disait qu'elle était subjudice, ou apud judicem, «devant le juge». Après discussion devant le préteur, celui-ci définissait et résumait le point de droit légal au moyen d'une instruction écrite (formula) adressée au juge, et relative au jugement à prononcer. De cette façon le préteur acquérait la possibilité d'accorder de nouveaux remèdes et ainsi d'« appuyer, de compléter et de corriger la loi civile ». L'edictum tralaticium contenait la for-mulae des actions et, au cours du dernier siècle de la République, il constituait le principal instrument d'évolution de la loi. Ce processus s'acheva et l'édit du préteur prit sa forme définitive avec celui de Salvius Julianus, sous l'empereur Hadrien. L'importance du préteur dans le développement de la loi romaine s'accrut énormément en raison de l'emploi du système formulaire. 3. Responsa jurisprudentium. Etant donné que ni le magistrat ni le juge n'étaient nécessairement ou même normalement au fait de la loi, des personnes qui n'étaient pas du métier, mais qui avaient des connaissances légales (jurisprudentes, jurisconsulti, jurisperitï) prirent de l'importance, en particulier lorsqu'il s'agissait de conseiller le préteur. Les responsa jurisprudentium étaient les « réponses (opinions) des experts légaux» aux questions relatives à l'interprétation de la loi, qui leur étaient posées par leurs clients. Ces réponses étaient enregistrées et recueillies par les élèves de l'expert concerné, et jouissaient d'une autorité proportionnelle à sa réputation comme juriste. Semblable personnage n'était pas en général un avocat, mais le plus souvent un homme d'un certain statut dont l'expertise légale n'était qu'un des aspects de la carrière publique, comme par exemple Scaevola sous la République, et, sous l'Empire, Papinien, Paulus et Ulpien. Donner des responsa menait à l'acquisition d'un pouvoir, et il se peut qu'Au-guste ait tenté, jusqu'à un certain point, de prendre ce pouvoir en main, en limitant à certains juristes le droit de donner des responsa. (Mais jusqu'à quel point les responsa étaient-elles contraignantes pour les juges, cela demeure obscur.) De même, l'édit du préteur fut placé sous le contrôle de l'empereur dans la mesure où l'empereur exerçait une influence sur la nomination des préteurs. Après l'édit de Julianus (voir 2, supra), ce fut dans les écrits des juristes mentionnés ci-dessus que se développa principalement la jurisprudence. 4. Jus gentium et jus naturale. La question se posa très tôt de connaître les principes en fonction desquels les litiges devaient être jugés quand une des parties (ou les deux) étaient étrangères. Les affaires et le commerce amenaient sans cesse un nombre croissant de ces litiges. Leur grand nombre est souligné par la nomination, vers 242 av. J.-C., d'un préteur spécial, le praetor peregrinus, chargé de les traiter. La solution la plus générale paraît avoir été découverte dans l'idée d'un jus gentium, «loi universelle», dont l'élément universel se trouverait dans les lois de toutes les nations ; la genèse du développement de cette idée reste cependant obscure. Pratiquement, le jus gentium en vint à désigner particulièrement la loi des contrats, et il est à présumer qu'elle engloba les coutumes généralement observées par les peuples méditerranéens dans leurs tractations commerciales. Après 212 de notre ère, lorsque, grâce à la constitu-tio Antoniniana, la citoyenneté romaine fut conférée à tous les habitants libres de l'Empire, il n'y eut plus de différence effective entre le Jus gen-tium et le jus civile. Sous l'influence des théories des Grecs, le jus gentium en vint à se confondre, dans la majorité des cas pratiques, avec le jus naturale, le droit naturel, un ensemble de préceptes dictés par la raison, et dont la validité était universelle. Ce n'est que dans le cas de l'esclavage que les Romains faisaient la distinction entre le droit naturel au nom duquel tous les hommes étaient nés libres, et le droit universel, au nom duquel certains hommes pouvaient être réduits en esclavage. 5. Diffusion du droit romain. Parallèlement au processus d'évolution décrit ci-dessus, se dessina un processus de diffusion grâce auquel le droit romain se répandit graduellement dans une grande partie du monde civilisé. Sa diffusion se fit d'abord par voie de conquête. Dans tous les territoires conquis par Rome et gouvernés comme des provinces, le système appliqué varia selon le degré d'organisation sociale alors en vigueur chez les indigènes, et l'état de développement ou de non-développement de leurs lois et de leurs institutions propres. Dans les provinces, le droit était souvent accordé aux cités et on tolérait encore plus souvent, en pratique, qu'« elles aient leurs propres lois», suis legibus uti. L'édit que le gouverneur d'une province, tout comme le préteur de Rome, publiait lorsqu'il entrait en fonction, semble avoir indu des règlements sur les litiges dont traitait le tribunal du gouverneur, entre citoyens romains, entre ceux-ci et des étrangers, et probablement entre un étranger et un autre étranger. L'expérience du praetor peregrinus de Rome fournit un corpus de règles applicables entre des parties dont les lois d'origine étaient différentes, et il ne fait aucun doute que ces règles servaient de modèles aux tribunaux provinciaux. Mais la tendance naturelle était de romani-ser la loi de la province, alors que la loi romaine elle-même était progressivement infiltrée par le jus gentium, en particulier dans le domaine de la propriété et des contrats. Un nouveau stade du processus de diffusion fut atteint en 212 apr. J.-C. , quand l'empereur Ca-racalla étendit la citoyenneté romaine à tous les sujets de l'Empire nés libres; en conséquence, le droit romain devint applicable à nombre d'étrangers d'origines diverses et n'était pas adapté à certains, en particulier les peuples orientaux, dotés d'institutions bien établies. Le résultat en fut que le droit local et les coutumes indigènes perdurèrent, et que le droit romain fut modifié pour s'y adapter. Après le transfert du centre du gouvernement à Constantinople par l'empereur Constantin (330 apr. J.-C.), le droit romain fut naturellement soumis au droit grec de même qu'aux influences chrétiennes. Tel qu'il est exprimé dans sa forme finale, le Corpus juris («corps de lois») de Justinien englobe les effets des influences non romaines, mais il est néanmoins, dans l'ensemble, la création de l'esprit romain. Le principal développement du droit pendant cette période se fit par constitutions impériales publiées conjointement sous le nom des empereurs d'Orient et d'Occident, et qui étaient normalement valables dans tout l'Empire. Le Code théodosien, proclamé par Théodose II en 438 apr. J.-C., fut une collation de celles qui avaient été proclamées depuis Constantin. Les principales formes que revêtirent les écrits légaux romains sont : les commentaires, particulièrement ceux des édits des préteurs : des collections de responsa ("opinions") ; des discours sur des affaires (quaestiones) hypothétiques ou réelles; des collections ou des catalogues systématiques de cas (digesta) ; des monographies sur des sujets particuliers ; et des manuels connus sous le nom d'institutiones. Tous les écrits légaux romains sont marqués par de fréquentes références à des cas particuliers et offrent ainsi une grande richesse de détails. L'extension ultérieure du droit romain se fit principalement grâce à une diffusion paisible émanant de deux centres, l'Italie et Constantinople. Après le haut Moyen Âge, une forte poussée de cette extension provint d'une renaissance des études juridiques, à l'université de Bologne, vers la fin du XIe siècle. De là, l'étude du Corpus juris de Justinien s'étendit aux universités de France, d'Angleterre, d'Espagne et d'Allemagne. Pour le règlement des affaires ecclésiastiques, le développement du droit canon, en grande partie fondé sur le droit romain, marqua un nouveau stade de diffusion. Grâce à l'adoption définitive du droit romain ou à la codification des principes romains relatifs aux coutumes locales, une grande partie de l'Europe est encore régentée par ce qui est essentiellement le droit romain.

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