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BROWNING Robert

BROWNING Robert. Poète anglais. Né à Camberwell, un des faubourgs de Londres, le 7 mai 1812, mort à Venise le 12 décembre 1889. Son père était un personnage peu commun : lorsqu'il fut envoyé par son propre père (le grand-père du poète) à la Jamaïque, pour y administrer les plantations appartenant à la famille, il s'empressa de libérer tous les esclaves qui y travaillaient. Furieux, le chef de famille lui envoya une facture de toutes les dépenses qu'il lui avait occasionnées, en commençant par celles de sa naissance, et en terminant par la « dernière folie ». Browning père régla la note entièrement; c'était peut-être de ce père que notre poète, Robert Browning junior, tenait une horreur presque instinctive de la moindre dette et son amour — non moins instinctif — de l'économie. Ce dernier trait de caractère ne tirait pourtant pas son origine de l'avarice, car Robert Browning ne tenait pas du tout à l'argent; en effet, il refusait constamment d'envoyer ses poèmes à des revues, prétextant qu'il trouvait injuste d'obliger quiconque à lire sa poésie, uniquement parce qu'on avait acheté ces revues. Ce fut également de son père que Browning hérita son extraordinaire facilité pour la versification (Browning senior avait composé une grammaire latine en vers de mirliton, uniquement pour faciliter les études de son fils); le jeune Robert « parlait en vers » avant de savoir écrire. A l'école, il composa plusieurs pièces en vers, qui furent jouées par ses condisciples, et, à l'âge de douze ans, écrivit un volume de poésies qu'il intitula Incondita. Ces vers furent très appréciés par une amie de Browning, la future Mrs. Adams, elle-même poète; elle en fit une copie, qui subsista jusqu'en 1871, date à laquelle elle fut détruite par l'auteur lui-même. Le premier poème publié par Browning fut Pauline; il l'écrivit en 1833, à la suite d'un séjour qu'il avait effectué à Saint-Pétersbourg, comme hôte du consul général de Grande-Bretagne en cette ville. La publication, en 1835, de son Paracelse lui valut l'amitié de Carlyle, de Landor, de Hunt et, plus tard, celles de Dickens et de Words-worth. Par contre, Sordello, paru en 1840, ne fut pas apprécié par le public; c'est de la publication de ce poème que date la réputation d'« obscurité » attachée à la poésie de Browning. S'étant lié d'amitié avec le célèbre acteur anglais Macready, le poète écrivit pour lui Strafford, sa première pièce de théâtre, qui fut représentée au théâtre de Covent Garden en mai 1837, mais n'eut que cinq représentations. Entre 1841 et 1846, Browning composa huit ouvrages, dont les plus connus sont Pippa Passes (1841), Une tache sur le blason — pièce dont la première représentation eut lieu le 11 février 1843 —, Lyriques dramatiques et Luria. Ces huit oeuvres, bien que très diverses, furent, en 1846, réunies en volume, dont le titre : Cloches et grenades devait, dans l'idée de Browning, « indiquer une alternance de poésie et de pensée ». Ce fut en cette même année 1846 que Browning fit la connaissance d'Elizabeth Barrett, dont il avait admiré les poèmes. L'enlèvement d'Elizabeth et leur mariage secret, qui eut lieu le 12 septembre 1846, furent le prélude romanesque à une union qui dura — sans un nuage — jusqu'à la mort d'Elizabeth, seize ans plus tard. Les époux quittèrent Londres et vécurent presque constamment à Florence, avec tout au plus quelques voyages occasionnels à Paris et à Londres. L'année 1849 fut une année importante dans la vie de Robert Browning; le 9 mars il fêta la naissance de son fils qui reçut les prénoms de Robert (comme tous les premiers nés de la famille depuis des générations) et de Wiedemann, nom du grand-père maternel du poète. Malheureusement, quelques jours plus tard, Browning apprit la mort de sa mère, qu'il adorait, nouvelle qui le plongea dans une dépression qui dura plusieurs mois. Ce fut également en 1849 que vit le jour, à Londres, la première édition — en deux volumes — des oeuvres du poète. En 1850 parut le poème, Veille de Noël et jour de Pâques, suivi, en 1855, du recueil Hommes et femmes : les deux seules oeuvres de quelque importance publiées par Browning pendant ses quinze années de mariage. Sa femme mourut le 29 juin 1861, et le poète, tout à sa peine, s'enferma chez lui, refusant de voir quiconque ou d'écrire la moindre ligne. Puis, tout à coup, il décida que cette douleur exagérée n'était qu'un sentiment morbide et qu'il se devait a son enfant. Il repartit pour l'Angleterre — laissant, il est vrai, son fils à Florence — et partagea dorénavant son existence entre Paris et Londres. Il recommença à écrire et fit paraître, en 1864, Dramatis Personne, recueil qui comprenait, entre autres écrits, l'Abbé Vogler et Prospice. Ce recueil fut suivi, en 1868-1869, des quatre volumes de L'Anneau et le livre et, en 1872, de Fifine à la foire. C'est de cette époque que date l'engouement du public anglais pour les oeuvres de Browning; en quelques années il en devint l'idole, au même titre que Tenny-son. Entre 1875 et 1880, c'est-à-dire après la publication de l'Album de l'Auberge, et, surtout, après la parution des Idylles dramatiques, sa gloire devint universelle, allant jusqu'à la constitution, en 1881, d'une Browning Society internationale. En 1884, l'université d'Edimbourg lui conféra le diplôme de docteur honoris causa et, en 1886, il fut nommé membre de la Royal Academy. Mais, en 1889, il contracta coup sur coup plusieurs bronchites qui, mal soignées, dégénérèrent en pneumonie; celle-ci se déclara lors d'un séjour de Robert Browning à Venise, auprès de son fils. Il mourut le 12 décembre 1889, le jour même où les libraires de Londres mettaient en vente son dernier recueil de poésies lyriques, Asolando (*). On lui fit à Venise des funérailles grandioses; puis son corps fut exhumé et transféré à la fameuse abbaye de Westminster, où il repose maintenant. NICOLA D'AGOSTINO. ? « Si la poésie de l'un, Tennyson, était semblable à un tapis de velours, celle de l'autre, Browning, ressemblait au lit rocheux d'un fleuve dont chaque aspérité témoigne de l'ampleur et de l'impétuosité du torrent intellectuel qui l'a creusé. » Gosse. ? « Les accidents et les événements étaient pour lui irréels ou insignifiants. Il fit de l'âme la protagoniste de la tragédie de la vie, et il considéra l'action comme le seul élément non dramatique du drame. » 0. Wilde. ? «Nul autant que Browning n'a fait jouer devant notre assentiment les multiples possibilités de la noblesse humaine, et, autant dire : de la joie. Son prismatique univers intérieur laisse, à chacun des êtres qu'il crée, sa part de rayons multicolores dont le faisceau formera Dieu. » André Gide. ? « Ses meilleures choses sont ses brefs et ardents poèmes d'amour, ou, pour mieux dire, ses petits drames amoureux. Il réalisa quelque chose de vraiment original et de remarquable : il réussit à parler en vers des détails de l'amour moderne et l'amour est la chose la plus réaliste du monde. Il remplaça par « le chemin avec les persiennes vertes » le jardin fané de Watteau et par l'« éclair bleu d'une allumette qui s'enflamme » la monotonie de l'étoile du soir. » G. K. Chesterton.

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