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ALIÉNATION

ALIÉNATION, n.f. (lat. alienus «d’autrui», «étranger», «qui ne s’appartient pas» ; puis «égaré», «délirant»). ♦ 1° Sens premier (juridique). Vente ou cession d’un bien à une autre personne. ♦ 2° Pathologie mentale. Désigne, dans le langage populaire, un trouble profond de l’esprit ; mais ce terme concerne un symptôme, et il n’appartient pas à la terminologie médicale stricte ; on distingue des formes différentes d’aliénation mentale : délire, manie, psychose, etc. ♦ 3° Hegel. Devenir autre ; ♦ 4° Marx. État de l’homme traité comme une chose par l’organisation économique (dans l’esclavage antique, dans le prolétariat du système capitaliste moderne) ; ♦ 5° Sartre. Condition fondamentale de la conscience; ♦ 6° Ce terme prend aujourd’hui un sens vague et très général ; ainsi Marcuse voit des « fonctions aliénées » dans presque toutes les organisations sociales modernes ; on parle de la condition aliénée de l’enfant, des parents, de la femme, du mari, de l’élève, du professeur, du commerçant, du client, du producteur, du consommateur, de l’inactif, etc. ; l’aliénation devient la condition ordinaire, et finit par ne plus rien signifier, sinon l’insatisfaction humaine.

ALIÉNATION

1. Le sens primitif est juridique : l’aliénation est la vente ou la cession d’un bien. On trouve ce sens chez J.-J Rousseau, par exemple, quand il affirme que nul ne peut aliéner (vendre ou donner) sa liberté. 2. Par extension, aliéné désigne celui qui ne s’appartient pas, celui qui ne semble maîtriser ni ses paroles ni ses actes, qui présente des troubles mentaux (asile d'aliénés). II faut remarquer que ce terme est aussi vague et équivoque que celui de «fou» : il ne s’agit pas de termes médicaux mais seulement d’appellations courantes. 3. Pour F. Hegel, l’aliénation désigne le fait que la conscience n’agit qu’en sortant d’elle-même, qu’en se séparant d’elle-même : toute pensée pour se manifester doit se réaliser, s'objectiver (c’est-à-dire se faire chose, se faire objet), que ce soit dans un écrit, dans une œuvre d’art, dans une loi ou dans une institution. Bien qu’elle soit l’auteur de ces diverses réalisations, la conscience les ressent comme étrangères, différentes d’elle-même ; elle doit donc les reconquérir, comprendre qu’elles sont ses œuvres : c’est là tout le mouvement de l’histoire. 4. Chez K. Marx, l’aliénation a un sens plus matériel et plus social : l’aliénation n’est plus seulement l’objectivation, c’est-à-dire le fait de sortir de soi, de créer des objets et des œuvres, elle désigne des situations concrètes où l’homme s’est perdu lui-même. Ainsi en est-il dans la religion qui aliène l’homme en ce qu’elle dénonce ce qu’il est (mortel, faillible, corporel) pour le faire aspirer au contraire de lui-même (immortalité, sainteté, spiritualité). Mais l'aliénation religieuse n’est pour Marx qu’une figure des aliénations vécues par les hommes. On doit voir qu’elle s’enracine : - dans l'aliénation politique — l’État frustre le peuple de ses droits —, - dans l'aliénation sociale — les individus sont déterminés par leur classe sociale — - et surtout dans l'aliénation économique — les travailleurs ne maîtrisent ni la forme ni les produits de leur travail. Dans l’optique de K. Marx, la fin de l'aliénation ne peut être obtenue que par la lutte politique et le renversement des structures économiques, politiques et sociales.

5. Le terme aliénation se rencontre aussi chez J.-P. Sartre pour lequel l’exercice de la liberté suppose qu’elle agisse sur les choses et parmi les autres hommes. Elle court le risque de se figer, de s’engluer, de se voir déformée ou limitée : alors la liberté est aliénée.

Aliénation

Du latin alienus, « qui appartient à un autre ». En droit, fait de céder son bien à autrui, soit par donation, soit par vente. - En psychologie, on parle d'aliénation mentale pour désigner l’état de celui qui ne s’appartient plus et qui paraît, pour ainsi dire, étranger à son environnement comme à lui-même. - Dans les systèmes hégélien et marxiste, processus par lequel l’individu est dépossédé de lui-même et devient l’esclave des autres ou des choses.

• Il y a aliénation, pour Hegel, lorsque l'esprit s'extériorise dans le sensible (les créations de l'art, par exemple) et devient comme étranger à lui-même. • Chez Marx, c'est le mode de production capitaliste qui entraîne l’aliénation du travailleur. En vendant à bas prix sa force de travail, l'ouvrier se voit dépossédé du produit de son travail, lequel devient pour lui un objet, une marchandise extérieure à lui.

ALIÉNATION (n. f.) 1. — (Stricto jur.) Vente ou cession d’un bien. 2. — Par ext., action de devenir autre. Hegel distingue l'aliénation (Entaüsserung) de l’esprit, mouvement par lequel il se pose comme chose, et l’extranéation (Entfremdung) de l’esprit, mouvement par lequel il devient étranger à soi-même : cf. dialectique. 3. — (péjoratif) Pour les hégéliens, l'aliénation consiste en la projection dans une réalité étrangère (pour Feuerbach, les représentations religieuses) ou en l’accaparement par autrui (pour Marx, le travail de l’ouvrier) d’une activité, d’une qualité propre à l’homme. En ce sens, l’utilisation du terme suppose une définition de la nature humaine ; pour l’homme, est aliénation tout ce qui le prive de sa nature d’homme. 4. — Pour Sartre, l’exercice de la liberté n’est possible que dans une double aliénation : dans la matière travaillée, ma volonté est objectivée, et, dans le passage de mon « action-pour-moi » à mon « action-pour autrui », elle est altérée. 5. — État de celui qui appartient à un autre, qui n’est pas libre. 6.— Toute maladie mentale. ALIENATION nom fém. - 1. Droit. Vente ou cession d’un bien à une autre personne. 2. Philosophie. Action de devenir un autre : processus de dépossession de soi. 3. Médecine. État de démence qui se caractérise par la perte du sentiment de la personnalité. ÉTYM. : du latin alienatio se rattachant au verbe alienare -« rendre étranger », « céder à autrui » se rattachant lui-même à alius - « autre ». Le terme aliénation reste dans tous ses emplois fidèle à son étymologie latine qui renvoie au processus d’appartenance à autrui. Quelle que soit sa forme, l’aliénation exprime toujours un phénomène de dépendance, de perte de propriété et par suite d’identité. De même qu’une chose aliénée, c’est-à-dire cédée à autrui, ne m’appartient plus, de même une personne « aliénée » est dépossédée d’elle-même, qu’elle soit réduite à un état de servitude au sens philosophique et politique, ou habitée par une autre personnalité que la sienne propre, au sens médical et psychologique. Sur ce sens latin va se plaquer un sens moderne qui provient d’un mot-clé de la philosophie du XIXe siècle, que Marx a emprunté à Hegel pour exprimer la notion de « travail aliéné », se rapportant à l’esclavage économique. CITATION : « [les] clauses [du contrat social] bien entendues se réduisent toutes à une seule, à savoir l’aliénation de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté... L'aliénation se faisant sans réserve, l’union est aussi parfaite qu ’elle peut l’être... » Dans ces extraits du Contrat social, le mot « aliénation » désigne la renonciation volontaire de l’individu à la liberté individuelle (et fictive) de l’état de nature pour obtenir en échange les droits que lui confère l’organisation sociale.


aliénation, privation d'un droit ou d'une qualité. — L'aliénation mentale n'a plus, à l'heure actuelle, un sens psychologique, mais social. Elle désigne la privation du sens social, l'impossibilité de mener une vie normale. La vie anormale peut être celle du génie ou simplement de l'étranger qui arrive dans notre société (le lat. alienus signifie simplement « autre, étranger »). Le terme d'aliéné au sens clinique, pour désigner un «fou», n'évoque rien d'autre que son caractère d'« étranger » à la normale et aux habitudes sociales qui nous sont particulières. L'aliénation ouvrière, sur laquelle a insisté le marxisme, désigne simplement le fait de n'être pas propriétaire du produit de son travail : l'ouvrier est aliéné parce qu'il est traité comme une chose, comme un instrument de travail, et n'est pas « intéressé » personnellement par un travail dont le produit et le bénéfice lui échappent.

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