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SYRIE

Nom donné à une région du Proche-Orient dont les limites ont beaucoup varié au cours des siècles. Dans l'Antiquité, on comprenait sous ce nom, au sens large, toute la région baignée par la Méditerranée depuis le golfe d'Alexandrette au N. jusqu'à la presqu'île du Sinaï au S., et bornée au N. par les chaînes du Taurus, à l'E. par l'Euphrate, au S. par l'Arabie. La Syrie ancienne s'étendait sur un territoire partagé aujourd'hui entre les États de Syrie, du Liban, d'Israël et de Jordanie. Désertique dans sa partie orientale, peuplée essentiellement de pasteurs nomades, mais très fertile au contraire dans la bande côtière méditerranéenne, les montagnes et les plateaux avoisinants, la Syrie a été habitée par l'homme dès le paléolithique moyen.

• Des origines à la conquête d'Alexandrie • D'Alexandre à la conquête musulmane (333 av. J.-C./634 apr. J.-C.) • La Syrie médiévale et ottomane (640/1918) • De la « Grande Syrie » au mandat français (1918/46) La Syrie depuis 1946

Des origines à la conquête d'Alexandrie

De nombreux vestiges de néandertaliens ont été retrouvés dans les grottes du mont Carmel ; ils remontent à quelque 40 000 ans. Jabroud est un autre gisement important du paléolithique syrien. À partir du VIIIe millénaire avant notre ère, la révolution néolithique s'est développée en Syrie à Jéricho, à Mureybet et à Ras Shamra, puis à Byblos. À l'époque chalcolithique, tell Halaf, dans le nord de l'actuelle Syrie, a donné son nom à une culture fort étendue. Dès le début de son histoire, la Syrie, seule voie de passage terrestre entre l'Égypte et la Mésopotamie, devint un enjeu essentiel dans la rivalité des empires, mais aussi un couloir pour les échanges et pour les courants de migration vers la Mésopotamie et vers l'Égypte. Englobées au XXIVe s. av. J.-C. peut-être déjà dans l'éphémère Empire sumérien de Lougalzagesi, puis dans celui de l'Akkadien Sargon l'Ancien (v.), qui prit sans doute les cités d'Ebla (une grande ville de Syrie du Nord, au sud d'Alep, qui fut la capitale d'un royaume étendu au IIIe millénaire av. J.-C.) et de Mari, les populations sémitiques de Syrie, les Cananéens, installés à la fin du IIIe millénaire, passèrent au début du IIe millénaire sous le contrôle des Amorrites (v.), qui fondèrent une série de royaumes dans la région ; parmi les plus importants ont figuré ceux du Yamhad, de Qatna et de Mari - où une dynastie d'anciens gouverneurs akkadiens (les shakkanakkou) fut renversée. Certains groupes d'Amorrites, qui avaient commencé à s'infiltrer en Mésopotamie à la fin du IIIe millénaire, parvinrent jusqu'en Babylonie et au pays de Sumer, où ils retrouvèrent d'autres Amorrites déjà sédentarisés et intégrés dans les populations locales ; leur assaut, conjugué à celui des Élamites, mit fin, vers 2004 av. J.-C., à la IIIe dynastie d'Our. Peut-être des Amorrites venus de Syrie furent-ils les fondateurs de la première dynastie de Babylone (XIXe s.), laquelle atteignit son apogée au siècle suivant sous Hammourabi (v. BABYLONE. Le premier empire babylonien et MÉSOPOTAMIE. Des origines à la chute de l'Assyrie). Prolongeant les relations des deux dynasties précédentes avec Byblos et Ebla, les pharaons de la Ve dynastie, pour préserver le delta du Nil des incursions des nomades, avaient pris pied en Syrie méridionale au début du XXIIIe s. (campagne d'Ouni, général de Pépi Ier). Cette pénétration égyptienne, interrompue pendant la Première Période Intermédiaire, reprit au Moyen Empire, avec les pharaons de la XIIe dynastie. Entre 1960 et 1840 environ, Sésostris Ier, Sésostris II et Sésostris III entreprirent plusieurs expéditions dans le pays de Canaan (v. PALESTINE. De la préhistoire à la conquête romaine). La fin du Moyen Empire entraîna un nouveau repli égyptien, alors que la Syrie méridionale connaissait une période d'instabilité, marquée notamment par des mouvements de populations, dont certaines poussèrent jusqu'en Égypte. Parmi ces « étrangers » - ou Hyksos (v.) - qui contrôlèrent le Delta à partir du XVIIIe s. se trouvaient sans doute de nombreux chefs de clans syro-palestiniens. Après l'expulsion des Hyksos (milieu du XVIe s.), le Nouvel Empire égyptien, résolu à empêcher une nouvelle invasion venue d'Asie, entreprit des expéditions plus systématiques en Syrie pour y créer une sorte de zone tampon, marche avancée de l'Égypte. Mais cette entreprise resta toujours précaire, car la Syrie du Nord était également convoitée par le Mitanni (v.) et les Hittites (v.). Les incursions des rois hittites Hattousili Ier (vers 1620) et Moursili Ier (1595) étant restées sans lendemain, les Égyptiens se heurtèrent d'abord au royaume de Mitanni ; à partir du bassin du Khabour au N.-E. de la Syrie, celui-ci avait étendu au cours du XVIe s. son réseau d'alliances sur tout le pays, jusqu'à la Méditerranée. Après que Thoutmosis III (1458/1425) eut atteint l'Euphrate, les deux puissances se rapprochèrent vers la fin du XVe s., face à la menace hittite. Souppilouliouma, le « Grand Hittite » (1353/1322), profita du repli égyptien sous Aménophis IV (Akhénaton) pour imposer son autorité à toute la Syrie nord-occidentale et réduire le Mitanni au rang d'État sujet, mais fut confronté à la puissance montante de l'Assyrie, qui finit par annexer le Mitanni sous Salmanassar Ier (1274/1245). À l'O. cependant, vers 1320, les princes syriens s'étaient révoltés contre le successeur de Souppilouliouma, Moursili II, offrant à l'Égypte une nouvelle occasion d'intervenir en Syrie. La lutte entre Égyptiens et Hittites pour la domination de la Syrie occidentale resta indécise ; tout en se proclamant victorieux à la bataille de Kadesh (1274), le pharaon Ramsès II dut se résoudre à signer une paix de compromis avec les Hittites (1258) : la Syrie fut partagée en deux zones d'influence, l'une égyptienne, l'autre hittite, tandis qu'à l'E. l'Empire médio-assyrien étendait son influence jusque dans la boucle de l'Euphrate. L'histoire de la Syrie aux XIVe/XIIIe s. est surtout connue par les archives d'Amarna (en Égypte) et d'Ougarit, le grand port cananéen de la Syrie du Nord. Venus des rives de la mer Égée et se déplaçant le long de la côte méditerranéenne, les Peuples de la Mer détruisirent Ougarit en 1150 et ravagèrent l'ouest de la Syrie jusqu'au Sinaï. En même temps, de nouveaux Sémites nomades, les Araméens, occupèrent les terres syriennes à l'E. de la chaîne du Liban, refoulant les Assyriens vers le nord-est. Le monde cananéen ne survécut alors que le long de la côte, sous la forme des cités côtières de la Phénicie, et sur le sol de l'actuelle Palestine où les cités princières cananéennes subirent l'invasion de clans araméens parmi lesquels figuraient les Hébreux. Sur les côtes mêmes de la Palestine, quelques éléments des Peuples de la Mer se sédentarisèrent : ce furent les Philistins.

Le début du Ier millénaire vit l'apogée du royaume israélite, avec David et Salomon, et des ports phéniciens, Tyr principalement. De l'Anatolie à l'Arabie, un ensemble de nouveaux royaumes se développa entre le Liban et l'Euphrate : principautés néohittites, telle celle de Karkémish, royaumes araméens d'Arpad, du Samal, de Hamath et de Damas, dont la langue gagna progressivement tout l'Orient. Tous ces États, comme les royaumes d'Israël et de Juda, furent peu à peu soumis par l'Assyrie redevenue une grande puissance au IXe s. av. J.-C., puis par l'Empire néo-babylonien qui lui succéda à la fin du VIIe s. av. J.-C.

D'Alexandre à la conquête musulmane (333 av. J.-C./634 apr. J.-C.)

Occupée par Alexandre à la suite de la victoire d'Issos (333 av. J.-C.), la Syrie fut absorbée et métamorphosée, non sans résistances locales (notamment de la part des Juifs), par la civilisation hellénistique. Après la mort d'Alexandre, elle fut occupée par Antigone le Borgne, avant de passer à Séleucos Ier Nicator (bataille d'Ipsos, 301) et à ses successeurs, les Séleucides (v.) ; mais elle fut âprement disputée à ces derniers par les Lagides (v.), qui occupèrent presque constamment la partie méridionale du pays, dite Cœlésyrie ou « Syrie creuse ». Les Séleucides pratiquèrent une politique d'hellénisation active, appuyée sur de grandes villes qui étaient aussi des colonies militaires : Antioche, Séleucie, Apamée, Laodicée. La rivalité avec l'Égypte, les attaques des Parthes, qui enlevèrent aux Séleucides leurs provinces orientales, la victoire des Romains sur Antiochos III à Magnésie du Sipyle (189 av. J.-C.), le soulèvement de la Judée sous la conduite des Macchabées, enfin les incessantes luttes dynastiques au sein de la famille royale amenèrent la ruine totale de la puissance des Séleucides. La Syrie fut conquise par Pompée en 64 av. J.-C. et réduite en province romaine ; jusqu'au début du IIe s. de notre ère, celle-ci s'accrut des royaumes de Commagène, d'Iturée, de Judée et de l'Arabie nabatéenne. Sous la paix romaine, la Syrie redevint florissante, en dépit de l'incursion des Parthes (v.), en 40/38 av. J.-C. Par les grandes cités caravanières de Palmyre, Petra, Damas et Doura-Europos, par les ports grecs, phéniciens ou juifs de la côte, Laodicée, Béryte, Sidon, Tyr, Césarée, Joppé, la Syrie constituait l'inévitable intermédiaire dans les relations commerciales entre Rome et l'Orient ; sa richesse tenait aussi à ses produits naturels (bois, vins, fruits et huile) et à ses industries (pourpres et verres de Phénicie, toiles de lin, soieries) ; Antioche était, après Alexandrie, la première ville de l'Orient par sa population, avec une élite syrienne moins romanisée qu'hellénisée. Protégée sur sa frontière orientale par un limes appuyé sur des fortifications et des routes stratégiques, la Syrie romaine est restée exposée aux attaques des Parthes, puis des Sassanides. Elle fit partie de l'éphémère royaume oriental de Zénobie, souverain de Palmyre (v.) que l'empereur Aurélien réduisit en 272 apr. J.-C. C'est d'Antioche que le christianisme entreprit son expansion dans le monde païen.

Après la condamnation du monophysisme (v.) au concile de Chalcédoine (451), l'Église syrienne, par opposition à Byzance, demeura hérétique, et une Église monophysite de Syrie, dite Église jacobite, du nom de son fondateur Jacques Baradée, fut organisée au VIe s. (v. ÉGLISES ORIENTALES MONOPHYSITES) ; la minorité de chrétiens restés fidèles à Constantinople reçut le nom de « melkites ». Politiquement, la Syrie fit partie de l'Empire byzantin jusqu'au début du VIIe s., mais elle subit les invasions des rois sassanides de Perse (Chosroès Ier en 540, Chosroès II en 611/28). La reconquête menée par Héraclius Ier resta sans lendemain, car les monophysites syriens, tout occupés par leur querelle religieuse contre Constantinople, étaient prêts à se livrer à n'importe quel maître pour échapper aux Byzantins. Les musulmans, vainqueurs des armées byzantines sur le Yarmouk (636), ne rencontrèrent aucune résistance de la population et, à partir de 640, ils dominaient complètement la Syrie.

La Syrie médiévale et ottomane (640/1918)

Devenue le fief de Moawiya, chef de la maison des Omeyyades, la Syrie fit sécession après l'assassinat d'Othman (656). En 660, Moawiya se proclama calife à Jérusalem, et, l'année suivante, après la mort d'Ali, il établit le califat omeyyade (661/750), dont il fixa la capitale à Damas. La Syrie devint ainsi le centre de la communauté islamique, qui ne cessait de s'étendre à l'E. et à l'O. Mais après l'avènement des Abbassides, le califat fut transféré à Bagdad. À partir du IXe s., la Syrie passa sous des dynasties égyptiennes, les Toulounides (879/905), les Ikhchidides (935/69), enfin les Fatimides à partir de 969. Sur Alep régnaient les Hamdanides (944/1003), qui ne purent empêcher les Byzantins de reprendre Antioche (969). Sous les Fatimides, la Syrie resta émiettée en de nombreuses principautés, et l'unification réalisée par les Turcs Seldjoukides de 1078 à 1095 ne laissa pas de traces profondes. Au chaos politique s'ajoutait une extrême diversité religieuse. Les chrétiens demeuraient divisés en jacobites et en melkites. Parmi les musulmans de Syrie apparurent, aux XIe/XIIe s., de nombreuses sectes hérétiques : celles des Nusayris, des Druzes (v.) et des Assassins (v.). Les croisés, qui entreprirent la conquête de la Syrie en 1098, ne rencontrèrent pas une grande résistance. Ils se rendirent maîtres de toute la région côtière et fondèrent des États latins : le comté de Tripoli, la principauté d'Antioche, le comté d'Édesse. Cette installation des Latins provoqua une renaissance économique de la Syrie, qui connaissait un profond marasme depuis la chute des Omeyyades. La résistance musulmane fut d'abord conduite par les atabegs de Mossoul, qui annexèrent Alep (1125). En 1146, les croisés perdirent le comté d'Édesse, et l'existence même des États latins de Syrie fut mise en péril par Nour ed-Din, atabeg d'Alep, qui s'empara de Damas (1154) et réunit sous son autorité la Syrie et l'Égypte en imposant son lieutenant Saladin aux Fatimides déclinants (1169). Saladin (1174/93), rival et héritier de Nour ed-Din, remporta sur les croisés la grande victoire de Hattin (1187), mais la troisième croisade sauva les États latins (1190/91). La Syrie vit bientôt fondre sur elle les Mongols, qui mirent à sac Alep (1260), mais furent arrêtés par les mamelouks d'Égypte. Les sultans mamelouks Baybars (1260/77) et Kalaoun (1277/90) chassèrent complètement les Latins, mais la Syrie connut encore quatre autres invasions mongoles et elle resta ruinée longtemps par les ravages de Tamerlan (1400/01). L'annexion de la Syrie à l'Empire ottoman, par Sélim Ier, en 1516/17, donna un renouveau aux villes commerçantes, comme Alep et Damas, qui se trouvaient sur la route du pèlerinage de La Mecque, mais le reste du pays souffrit d'une anarchie grandissante.

Au début de l'époque contemporaine, la Syrie pâtit des campagnes de Méhémet-Ali (1831/41) (v. MÉHÉMET-ALI et ÉGYPTE. Des réformes de Méhémet-Ali à l'occupation anglaise). À la suite des massacres perpétrés par les Druzes contre les chrétiens maronites (v. LIBAN. Le Liban sous les Ottomans), la France, en vertu du régime des capitulations (v.), intervint militairement en 1860 et obligea Constantinople à accorder une certaine autonomie au Liban. Les années précédant la Première Guerre mondiale furent marquées en Syrie par la naissance d'un nationalisme arabe qui supportait avec une impatience grandissante le joug de la Turquie ottomane. De la « Grande Syrie » au mandat français (1918/46) C'est en Syrie que se formèrent les premières organisations secrètes qui furent à l'origine du nationalisme arabe moderne. Alors que les comités « El-Kahtaniya » (1909) et « El-Ahd » (1914) n'eurent qu'une action limitée et éphémère, le comité des Jeunes-Arabes ou « El-Fatat », fondé à Paris en 1911 et qui s'organisa ensuite clandestinement en Syrie, exerça une influence durable. En mai 1915, au cours d'une conférence secrète tenue à Damas, les membres des comités El-Ahd et El-Fatat et l'émir Fayçal, fils de l'Hachémite Hussein, chérif de La Mecque, s'accordèrent pour déclencher la révolte arabe contre la Turquie, alliée de l'Allemagne et en guerre contre l'Angleterre. Ce « protocole de Damas » exigeait toutefois de l'Angleterre la garantie de l'indépendance arabe de la Méditerranée au golfe Persique et de la frontière N. de la Syrie au S. de la péninsule Arabique. Sur les promesses britanniques, les Arabes déclenchèrent une insurrection contre la domination ottomane (été 1916) au moment même où l'Angleterre et la France signaient les accords Sykes-Picot (v.) qui contredisaient cet engagement. L'année suivante, le cabinet de Londres adressait aux sionistes la fameuse « déclaration Balfour » concernant l'établissement d'un « foyer national juif » en Palestine (v. SIONISME). Après l'entrée des troupes anglo-arabes à Damas (sept. 1918), l'émir Fayçal établit un gouvernement arabe à Damas, et un congrès national le désigna (11 mars 1920) comme roi d'une « Grande-Syrie » qui devait englober la Syrie, le Liban, la Palestine et la Jordanie. Mais l'Angleterre dut céder aux pressions de la France, qui réclamait un mandat sur la Syrie et le Liban conformément aux accords signés. Malgré l'opposition des populations syriennes, ce mandat français fut confirmé par la conférence de San Remo (25 avr. 1920), et le général Gouraud, haut-commissaire français au Levant, occupa Damas et expulsa Fayçal (juill. 1920). La Syrie fut d'abord partagée administrativement en quatre « États » : les États de Damas et d'Alep (regroupés sous le nom de Syrie en 1925), l'État du djebel Druze, qui bénéficia d'une autonomie rapidement restreinte, et l'État des Alaouites, qui devint, en 1930, le gouvernement de Lattaquié. L'établissement du mandat français causa une immense déception chez les Arabes, qui avaient espéré, à la chute de l'Empire ottoman, accéder immédiatement à l'indépendance. La France dut vaincre plusieurs révoltes, dont la plus importante fut celle du djebel Druze (1925/27) ; la loi martiale fut maintenue jusqu'en 1928. L'Assemblée constituante élue en 1928, et de tendances nettement nationalistes, fut dissoute en 1930. La Constitution du 14 mai 1930 resta lettre morte. L'ampleur du mouvement nationaliste amena cependant le gouvernement Blum à promettre, dans un délai de trois ans, l'indépendance de la Syrie (accords Viénot, 9 sept. 1936), mais ce traité, ratifié par le Parlement syrien au mois de déc. 1936, ne le fut jamais par le Parlement français. En juill. 1939, le haut-commissaire français, Puaux, suspendit la Constitution de 1930 et assuma tous les pouvoirs. Lors de la défaite de 1940, les autorités françaises de Syrie se rallièrent au gouvernement de Vichy. Nommé haut-commissaire (déc. 1940), le général Dentz, en mai 1941, consentit à laisser les appareils de la Luftwaffe, qui gagnaient l'Irak, à transiter par les aérodromes syriens. Les troupes britanniques, soutenues par des éléments des forces françaises libres, envahirent alors la Syrie (8 juin 1941). Un armistice fut signé le 14 juillet, et les troupes fidèles à Vichy purent regagner la France.

Sous la pression britannique, le général Catroux, représentant du général de Gaulle, promit solennellement l'indépendance aux pays du Levant (sept. 1941), mais les autorités françaises - qui, d'ailleurs, n'entendaient pas aller plus loin que les accords de 1936 - s'efforcèrent ensuite de gagner du temps, malgré la victoire, aux élections de 1943, des nationalistes, conduits par Choukri Kouatli (v.). En mai 1945, à la suite de manifestations réclamant l'indépendance complète et immédiate, de Gaulle envoya des renforts de troupes au Liban et l'aviation française bombarda Damas (29 mai). Mais à la suite d'un véritable ultimatum du commandant en chef britannique au Proche-Orient et d'un message de Churchill, de Gaulle dut ordonner un cessez-le-feu (31 mai). Les troupes françaises et britanniques évacuèrent simultanément la Syrie en mars/avr. 1946.

La Syrie depuis 1946

Devenue indépendante, membre de l'ONU et de la Ligue arabe, la Syrie souffrit longtemps, plus qu'aucun autre État du Proche-Orient, de l'instabilité politique et des coups d'État militaires. La seule année 1949 fut marquée par trois putschs, ceux du général Husni Zaim (mars), du général Sami Hennawi (août) et du général Chichakly (déc.). Ce dernier établit d'abord un régime parlementaire, puis imposa son pouvoir personnel par un nouveau coup d'État (nov. 1951). Après son renversement, en févr. 1954, la Constitution de 1950 fut rétablie, et les élections permirent aux partis politiques de s'exprimer. Le plus important d'entre eux était le Baas, fondé en 1943 par M. Aflak et S. Bitar ; à la fois socialiste et nationaliste, ce mouvement s'était étendu en dehors de la Syrie, particulièrement en Irak. Le Baas affirma rapidement sa suprématie et travailla à l'union avec l'Égypte. Celle-ci fut réalisée en févr. 1958 par le colonel Nasser (v.) et le président syrien Choukri el-Kouatli. Au sein de la République arabe unie (RAU) à laquelle le Yémen (v.) se joignit, la Syrie et l'Égypte formaient désormais deux régions conservant provisoirement leur législation, leur système économique et social, leur représentation diplomatique propres ; mais la présidence du nouvel État était dévolue au colonel Nasser, et les Égyptiens s'assuraient en fait une nette prépondérance. Pour protester contre l'hégémonie nassérienne, les baassistes quittèrent le gouvernement commun à la fin de 1959, et, en sept. 1961, un nouveau coup d'État militaire syrien entraîna la rupture de la République arabe unie. La Syrie reprit son indépendance complète, mais connut de nouveau l'instabilité intérieure, jusqu'au coup d'État de mars 1963 qui porta au pouvoir un gouvernement baassiste, sous la direction du général Hafez. Celui-ci essaya, sans succès, de créer une union syro-irako-égyptienne, puis revint à une politique de plus en plus hostile à l'Égypte. À l'intérieur, il entreprit la nationalisation de l'industrie, du commerce et du pétrole, tout en essayant de coopérer avec le capital privé. Les baassistes modérés, avec S. Bitar, parvinrent au pouvoir en janv. 1966, mais ils en furent presque aussitôt chassés par le putsch du 23 févr. 1966. Y. Zayen, chef de cette nouvelle faction baassiste « de gauche », perdit tout crédit après la guerre israélo-arabe de 1967, qui permit à Israël de conquérir le Golan (v.) syrien. Il fut éliminé en 1970 par le général Hafez el-Assad (v.), élu président de la République par 99 % d'électeurs en 1971 (et réélu depuis avec des scores comparables). La nouvelle Constitution de 1973 légitima un pouvoir personnel conféré en réalité par l'armée.

Face à Israël, le nouveau pouvoir fut à peine plus heureux que le précédent : lors de la guerre israélo-arabe de 1973, l'armée israélienne, parvenue à 40 km de Damas, ne fut arrêtée que grâce à la diplomatie américaine déjà consciente de l'intérêt, pour Israël, d'une Syrie forte. Par son intervention au Liban, en 1976, la Syrie confirma effectivement qu'elle était capable de contenir les velléités d'autonomie politique des réfugiés palestiniens, ainsi que d'asservir la gauche libanaise à la puissance de ses armes et de sa diplomatie. La perte définitive du Golan, annexé par Israël en 1981, ne modifia pas cet équilibre. L'occupant syrien trouva en outre au Liban quelque avantage à l'effondrement de son économie. Les premières années de la décennie furent marqués par de nombreux complots organisés par des militaires et par l'action des Frères musulmans. Une féroce répression se traduisit par des centaines d'exécutions et la ville de Hama fut détruite, plus de 20 000 de ses habitants y trouvant la mort (1982). La Syrie soutint en outre l'Iran chiite dans la première guerre du Golfe. Très isolée dans le monde arabe à la fin de la guerre irano-irakienne, la Syrie, qui voyait également se réduire l'aide soviétique, fut contrainte de se rapprocher des pays arabes modérés (reprise des relations diplomatiques avec l'Égypte en déc. 1989). C'est d'ailleurs sous l'égide de l'Arabie Saoudite que furent signés, en oct. 1989, les accords de Taëf qui confirmaient la mainmise de la Syrie sur le Liban. À la suite de la participation de la Syrie à la coalition anti-irakienne, lors de la seconde guerre du Golfe, les Occidentaux entérinèrent cet état de fait et consentirent à Damas des prêts qui lui permirent d'améliorer sensiblement sa situation financière. Sous le parrainage des États-Unis, la Syrie entama en 1991 un processus laborieux de négociations avec Israël, dont l'objectif essentiel était la récupération du Golan. Cependant, les pourparlers israélo-syriens furent interrompus en 1996, lorsque le nouveau Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, issu du Likoud, remit en cause le principe de l'échange du Golan contre la paix. Par ailleurs, les relations entre la Syrie et la Turquie connurent une crise en 1998, car Damas soutenait le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ; elle fut désamorcée par un accord, en nov. 1998, par lequel la Syrie s'engageait à cesser de soutenir les Kurdes. Elle expulsa d'ailleurs le chef kurde Abdullah Öcalan. L'année 1999 fut marquée par l'arrestation de centaines d'islamistes, dans un contexte économique de récession et de chômage, et par la reprise des négociations avec Israël, grâce à l'accession au pouvoir du travailliste Ehoud Barak. Comme elles n'aboutissaient pas, Israël se résolut, en mai 2000, à un retrait unilatéral de ses forces du Sud-Liban, retrait que la Syrie salua comme une victoire, mais qui l'embarrassait : déjà des voix s'élevaient au Liban pour réclamer également le départ des troupes syriennes. La mort d'Hafez el-Assad, le 10 juin 2000, vit l'accession au pouvoir, préparée de longue date, de son second fils Bachar el-Assad, rapidement nommé chef de l'armée, du parti Baas et élu président. Sa reprise en main du pouvoir se manifesta par des limogeages dans l'armée, un remaniement ministériel et l'inculpation pour corruption de plusieurs anciens ministres. L'aggravation des affrontements entre Israéliens et Palestiniens à la fin de l'année 2000 poussa la Syrie à réclamer une rupture totale des relations de tous les pays arabes avec Israël.

SYRIE. Nom donné dans l'Antiquité à une région de l'Asie occidentale qui s'étendait de la côte orientale de la Méditerranée jusqu'à l'Euphrate à l'époque de sa plus grande extension. Seule voie de passage entre l'Égypte et la Mésopotamie, la Syrie fut une région très convoitée. Occupée par une population en majorité sémite, elle fut successivement dominée par les Égyptiens, les Hittites, les Hébreux, les Philistins, et les Perses jusqu'à la conquête d'Alexandre III le Grand (332 av. J.-C.). Royaume hellénistique gouverné par les Séleucides avec Antioche pour capitale, la Syrie fit ensuite partie de l'Empire romain puis byzantin. Conquise par les Arabes en 636 ap. J.-C., elle fut soumise à partir de 1260 aux Mamelouks d'Égypte puis aux Ottomans (1516). Après la dislocation de leur empire en 1918, la Syrie fut placée sous l'administration de la France et ne retrouva réellement son indépendance qu'en 1946. Elle est aujourd'hui située entre le Liban et Israël, la Turquie, la Jordanie et l'Irak.




Syrie. La région connue dans l'Antiquité sous le nom de Syrie correspond à peu près à la Syrie moderne, mais ses frontières étaient fluctuantes et mal définies. À l'époque de sa plus grande extension, elle était limitée à l'est par l'Euphrate, à l'ouest par la Méditerranée, au nord par le mont Taurus et au sud par le désert arabique. Elle comprenait la Phénicie, la bande côtière occidentale et la région sud connue sous le nom de Coelosyrie ou «Syrie creuse».

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