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Sylvie de Gérard de NERVAL, 1853

• Cette nouvelle, d'abord publiée en revue en 1853, puis reprise dans le recueil Les Filles du feu (1854), est peut-être la plus riche et la plus significative des oeuvres de Nerval. Rédigée à la première personne, elle a la valeur d'une confession, et révèle les cheminements secrets de la vie sentimentale de ce poète dont la destinée est dominée par l'irréalisable désir de voir la réalité ressembler au rêve. • Le point de départ du narrateur est une soirée perdue, d'abord dans un théâtre, pour apercevoir comme chaque soir une actrice en qui il poursuit une image, puis dans un cercle où deux lignes d'un journal illuminent sa mémoire (comme fera plus tard une petite madeleine pour le héros de A la recherche du temps perdu). Cette rencontre accidentelle fait surgir de l'oubli une fête en Valois, devant un château, au temps de son adolescence; il accompagnait Sylvie, une petite fille du hameau voisin, mais les règles de la danse placèrent en face de lui une blonde grande et belle, qu'on appelait Adrienne, et qui l'émut comme n'avait jamais fait Sylvie. J'emportai cette double image d'une amitié tendre tristement rompue - puis d'un amour impossible et vague, source de pensées douloureuses... Il apprit plus tard que la belle venue du château avait été consacrée par sa famille à la vie religieuse (ch. II). Ce souvenir à demi rêvé lui révèle tout à coup ce qu'il cherche au théâtre : Aimer une religieuse sous la forme d'une actrice!... Et si c'était la même! Regrettant d'avoir oublié Sylvie, il décide de partir sur-le-champ pour le Valois (ch. III). Pendant quatre chapitres, la course de la voiture sur la route se double d'un cheminement dans le passé parmi des souvenirs que la distance poétise. L'arrivée à Loisy à la fin d'un bal, dans la lumière du matin (ch. VIII), lui cause la déception propre aux pèlerinages : Sylvie est changée et va se marier avec le Grand Frisé, frère de lait de Gérard, la trace d'Adrienne est insaisissable, le passé est perdu. Quand, postérieurement à ce voyage, il essaie encore d'en retrouver l'illusion en conduisant l'actrice, Aurélie, dans le pays d'Adrienne, c'est le même échec. Aurélie se détourne de lui : Vous ne m'aimez pas. Vous attendez que je vous dise : La comédienne est la même que la religieuse; vous cherchez un drame... (ch. XIII). Plus tard, Sylvie lui apprend la mort d'Adrienne. • Un résumé ne peut rendre la richesse et l'harmonie de cette narration qui livre quelques-unes des clefs du caractère de Nerval : sentimentalité nourrie de Rousseau (Julie ou la Nouvelle Héloïse) et de Goethe (Werther, 1774), obsession du passé, peur de la réalité, poursuite de rêves insaisissables, quête d'un paradis perdu et d'un inaccessible amour, angoisse conjuguée avec une religiosité confuse empruntée aux religions initiatiques du monde antique et à l'illuminisme moderne. Les mêmes thèmes se retrouvent dans Les Chimères et Aurélia.

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