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SUPERVIELLE Jules 1884-1960

SUPERVIELLE Jules 1884-1960
Poète et conteur né en Uruguay, à Montevideo (comme Laforgue et Lautréamont). Sa famille, d'origine basque, est riche. Et quand la banque paternelle périclitera, l'Uruguay va nommer le poète Supervielle « attaché culturel honoraire à Paris ». Affranchi de l’obligation (qui gauchit mainte carrière) de se faire connaître auprès du grand public avant de pouvoir « vivre de sa plume », il édifie à l'abri de toute publicité une œuvre aussi immense qu'originale, mais qui n’a guère fait de bruit; recueils de poèmes: Débarcadères (1922) et Gravitations (1925), ses deux chefs-d'œuvre, que suivront Les Amis inconnus (1934), La Fable du monde (1938), À la nuit (1947), Oublieuse mémoire (1949), L’Escalier (1951), Le Corps tragique (1959). Pièces de théâtre: La Belle au bois (1932), Bolivar, livret pour un opéra de Darius Milhaud avec décors de Fernand Léger (1936), Shéhérazade (1948). Romans et nouvelles: L'Homme de la pampa (1923), où l'on peut le reconnaître sans peine dans Guanamiru; Le Voleur d'enfants (1926), où le gigantesque, le volcanique Bigua, qui reste fidèle et placide malgré un sang trop chaud, lui ressemble plus encore ; L’Enfant de la haute mer, enfin, nouvelles (1930) dont la première est sans doute la merveille des merveilles, la «perle », dans toute l'œuvre de Supervielle (mais il faut signaler aussi, parmi les autres pièces de ce recueil, L'Inconnue de la Seine, fait divers devenu conte poétique - ou mieux, poème en prose - et sur lequel règne magiquement le personnage du «Grand-Mouillé»); Boire à la source (1953), récit lourd de confidences; Premiers pas de l'univers (1951), contes où voisinent sur le dos de sa« belle terre tourneuse » les mythes antiques cheis à son cœur, Io, Vulcain, et sa mythologie personnelle (infantilement fantastique) : les nymphes, la géante, etc. La cordiale simplicité et l'humour affichés par ce «hors-venu» ont trop bien masqué - comme il le souhaitait d'ailleurs — son génie. Premier accessit d'insomnie (ainsi s'est-il défini lui-même; voir aussi l'essai pénétrant de Nadal dans Le Mercure de France, numéro de décembre 1958 : « Supervielle ou le rêve éveillé »), il aura bien trompé son monde en protestant qu'il n'était qu'un raconteur d'« histoires de fées», un mirliton magique. On l'oubliera même dans un gros dictionnaire de « littérature française moderne 1900-1962 » qui pourtant fait place à ses contemporains exacts, Cocteau, Saint-Exupéry, etc. (dont il est sans doute le voisin, au Parnasse céleste, tout au premier rang). Mais des juges aussi exigeants que René Étiemble et Claude Roy n'hésiteront pas à lui consacrer, chacun, un livre entier. Quant à Jouhandeau, il a donné la plus belle définition de ce poète (et, du même coup, la clé de la méprise dont il fut victime) : « Le génie de Supervielle, c'est de permettre que coexistent en lui, sans heurt de notre part ni la moindre gêne de la sienne, l'homme le plus familier qui soit et un personnage légendaire. »

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