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SUPERVIELLE Jules

SUPERVIELLE Jules 1884-1960

Né à Montevideo d’un père béarnais et d’une mère basque (on songe à Laforgue et à Lautréamont), il a huit mois quand ses parents meurent à Oloron-Sainte-Marie, empoisonnés par de l'eau corrompue. Auprès de sa grand-mère, puis de son oncle et de sa tante, il connaît une enfance heureuse et vient, en 1894, faire ses études à Paris. Dès 1899, il commence à écrire des poèmes et publie l'année suivante ses premiers vers. Après son service militaire, viennent des études de lettres, de droit et de langues. Peu après son mariage, il fait paraître son deuxième recueil: Comme des Voiliers (1910). Après la guerre, Poèmes de l'Humour triste (1919) inaugure une longue série de recueils qui lui vaudront l’estime d'un très grand nombre d'écrivains et bientôt une certaine notoriété: Débarcadères (1922), Gravitations (1925), Le Forçat innocent (1930), Les Amis inconnus (1938). Durant toute cette période, malgré une santé délicate, aucun événement notable ne vient troubler le cours d'une vie paisible qu'il consacre à sa famille (il a six enfants) et à la poésie. Pendant la guerre, qui le surprend alors qu'il séjourne en Uruguay, il publie Poèmes de la France malheureuse, puis, après, Oublieuse Mémoire (1949), Le Corps tragique (1959). Il mourra à Paris, qu'il n'a guère quitté sauf pour le pays natal, en mai 1960. Outre les recueils de poèmes, son oeuvre comporte des romans, L'Homme de la Pampa (1923), Le Voleur d'Enfants (1926), L'Enfant de la haute Mer ( 1931 ), des contes et plusieurs pièces de théâtre. On a pu dire qu'il y avait deux voix chez le poète Supervielle, l'une directe, quasi populaire qui sait tirer parti d'une anecdote ou d'un tableautin, l'autre hautement lyrique et mélodieuse, qui s'approche des grands poètes métaphysiciens, et particulièrement de ceux du XVIe siècle. Deux voix qui s’unissent pour essayer de réconcilier intimement l'homme et la nature dans une effusion discrète et résolument optimiste.

SUPERVIELLE Jules. Ecrivain français. Né à Montevideo (Uruguay) le 16 janvier 1884, mort à Paris le 17 mai 1960. Ses parents étaient français : le père natif du Béarn et la mère du pays Basque. Ils s’étaient expatriés pour fonder une banque et avaient bien réussi dans leurs affaires. Le petit Jules traversa pour la première fois l’Atlantique à l’âge de huit mois. Il s’agissait de passer des vacances auprès d’une grand’mère à Oloron-Sainte-Marie. Vacances tragiques, car le père et la mère meurent à une semaine d’intervalle, empoisonnés par de l’eau corrompue. L’enfant reste deux ans chez sa grand’mère avant de repartir pour l’Uruguay, emmené par son oncle Bernard et par sa tante qui dirigent maintenant la banque Supervielle et dont il croira, jusqu’à l’âge de neuf ans, qu’ils sont ses parents. De même, il prend ses cousins pour ses frères et ses cousines pour ses sœurs. Sa première enfance s’écoule heureuse, surtout lors des vacances, quand on va vivre à l’estancia parmi les bêtes. Mais, en 1894, c’est la seconde traversée de l’Atlantique, cette fois à destination de Paris, où Supervielle entre en sixième classique au Lycée Janson-de-Sailly. Il regrette l’Uruguay, sans cependant devenir un révolté comme Lautréamont, cet autre poète montévidéen. Il compose très jeune des poèmes et, à seize ans, en fait même imprimer une plaquette de vingt-huit pages, intitulée Brumes du passé (1900). A l’occasion des grandes vacances, il fait plusieurs fois le voyage d’Amérique du Sud, à dix-sept, dix-huit et dix-neuf ans. En 1902, il a obtenu son baccalauréat. Il accomplit son service militaire à Fontainebleau et à Coulommiers. Malgré ses longues jambes, il supporte très mal les marches de quarante kilomètres pendant les grandes manœuvres. Paradoxalement, la fatigue l’empêche de dormir. C’est un nerveux qui, plus tard, sera versé dans le service auxiliaire. L’armée lui laissera un plus mauvais souvenir encore que le lycée. Libéré, il n’a pas de soucis matériels — pas plus que n’en ont eu Gide, Larbaud ou Proust. Il s’inscrit à la Faculté de Droit et à l’Ecole des Sciences politiques. Il abandonne au bout d’un an et demi. Il obtient une licence d’espagnol. Les langues l’intéressent et il étudie aussi l’anglais, l’italien et le portugais. Il prépare sans beaucoup de conviction une thèse sur Le Sentiment de la nature dans la poésie hispano-américaine. A vingt-trois ans, il retourne en Uruguay et il y épouse Pilar Saavedra qui est, elle aussi, originaire de Montevideo. Le jeune couple vivra trois années d’affilée en Amérique du Sud, dont une année entière à l’estancia, où naît le premier de six enfants (trois garçons et trois filles). Les autres enfants verront le jour en France, où Supervielle revient en 1909. Il publie un second recueil : Comme des voiliers (1910). En 1914, il est mobilisé, mais appartient désormais au service auxiliaire. Il est d’abord versé dans l’intendance, à Saint-Cyr-l’Ecole, puis on l’affecte au Deuxième Bureau, dans la section du contrôle postal : il doit examiner des lettres écrites en espagnol, portugais et italien. Il obtient les galons de caporal et ne dépassera pas ce stade dans la hiérarchie militaire. A la fin de la guerre, il est heureux de regagner le bel appartement du boulevard Lannes, qui devait être son port d’attache pendant plus de vingt-cinq ans. Il connaît un bonheur familial parfait et il ignore tout souci financier, mais sa santé est fragile et il est de sensibilité inquiète. Son troisième recueil s’appelle Poèmes de l’humour triste (1919). C’est une édition de luxe, mais elle est envoyée à un certain nombre d’écrivains connus et Supervielle reçoit des lettres de Gide et de Valéry. La même année, c’est à Paul Fort qu’il demande une préface pour son quatrième recueil de Poèmes (où sont notamment repris Les Poèmes de l’humour triste). Son ton personnel s’affirme définitivement avec Débarcadères (1922). Jacques Rivière l’accueille dans La Nouvelle Revue française et c’est là que paraîtra son premier ouvrage en prose, L’Homme de la pampa, en 1923, histoire qui tient de la féerie. Supervielle possède désormais un domaine bien à lui. Les poèmes de Gravitations paraissent en 1925 et le roman du Voleur d’enfants enl926. Supervielle a indiqué qu’il ne s’identifiait nullement à Bigua, le héros de ce livre : « C’est un homme qui aimait tellement les enfants qu’il en volait. Or moi, j’en ai six, je n’ai pas besoin d’en voler. » Le malheur de Bigua est de s’éprendre d’une adolescente qu’il a adoptée et qui aime un garçon de son âge. Bigua se jettera à la mer. Mais il ne se noiera pas et reparaîtra dans Le Survivant (1928), qui se termine sur une note apaisée. Peu après, Supervielle fait paraître les poèmes du Forçat innocent (1930) et un admirable recueil de nouvelles, L'Enfant de la haute mer (1931). Supervielle est alors devenu un des meilleurs amis de Jean Paulhan. Il est très lié aussi avec Henri Michaux et Marcel Arland. Avec les dirigeants de la N. R. F. il passe des vacances à Port-Cros. Il assiste à des décades littéraires à Pontigny. Il lui est arrivé aussi de retourner à Oloron, ce qui lui inspire de belles pages dans Boire à la source (1933). Poète et conteur, il désire aussi devenir homme de théâtre. Sur un thème de conte de fées, il écrit La Belle au bois qui est créée par les Pitoëff à Bruxelles pour la Noël 1931, puis donnée à Paris au début de 1932. Il compose également la charmante fantaisie La Première Famille, celle d’Adam et Eve, et adapte pour la scène française Comme il vous plaira de Shakespeare (1935). Sa pièce historique Bolivar est créée à la Comédie-Française le 1er mars 1936, agrémentée d’une musique de Darius Milhaud et de ballets réglés par Serge Lifar. Mais le théâtre ne lui fait pas négliger l’art des vers : Les Amis inconnus ont paru en 1934, La Fable du monde en 1938. Et la même année il publie les contes de L'Arche de Noë. Plusieurs de ces œuvres ont été composées en Uruguay où Supervielle fait un séjour tous les trois-quatre ans. Il a eu la joie de présenter sa terre natale à Henri Michaux en 1936. Les voyages se font en bateau. Le 2 août 1939, Supervielle et sa famille s’embarquent sur le « Groix » des Chargeurs réunis. La traversée doit durer vingt-cinq jours et Supervielle en est content qui prépare un Robinson et considère le navire comme une île flottante. Il se trouve à Montevideo quand la guerre survient. Il y demeurera jusqu’en 1946. C’est là qu’il écrira Les Poèmes de la France malheureuse qui paraîtront d’abord en Argentine (1941), puis en Suisse, dans une édition augmentée (1942). De cette époque datent aussi Les Contes du petit bois qui paraissent à Mexico (1942) et Orphée qui sera publié à Neuchâtel en 1946. Ces textes seront réunis plus tard avec d’autres dans Premiers pas de l'Univers (1950). La joie qu’il éprouve de la libération de la France est assombrie pour Supervielle par de graves désagréments survenus dans sa vie personnelle : la Banque Supervielle a fait de mauvaises affaires et c’en est fini des rentes que le poète percevait régulièrement. Il se serait trouvé brusquement devoir vivre de ses modestes droits d’auteur si le gouvernement uruguayen, qui reconnaît la double nationalité de ses ressortissants, n’était intervenu. Supervielle est nommé attaché culturel honoraire à l’ambassade de Paris, avec traitement et indemnité de résidence. On lui retient ses places sur le bateau qui le ramène en France avec les siens. Il emporte dans ses bagages les manuscrits de trois nouvelles pièces. Shéhérazade sera créée en Avignon sous la direction de Jean Vilar en juillet 1948. Sur une scène de plein air elle séduisit vivement le public. Dans un théâtre parisien, elle sembla avoir un peu perdu de ses pouvoirs. En revanche, la version scénique du Voleur d'enfants, créé en 1949 par Raymond Rouleau, fut une réussite de ce qu’on peut appeler le « théâtre de chambre » (comme il y a une musique de chambre). Quant à Robinson, en prose mêlée de vers, on put seulement en lire le texte, la même année. Les ennuis de santé de Supervielle s’étaient aggravés : arythmie cardiaque, troubles pulmonaires. Ses poèmes, depuis A la nuit (1947), avaient pris une nouvelle résonance. Les rythmes en sont plus amples, comme dans Oublieuse mémoire (1949), que suivirent Naissances (1951). L’Escalier (1956), Le Corps tragique (1959). Conteur, après Les B. B. V. (Les bombes de bonne volonté, en 1949), Supervielle devait donner encore Le Jeune Homme du dimanche (1952) qu’il compléta par celui... des autres jours (1955). Pour le théâtre, il écrivit Les Suites d'une course, qu’il appelle «mimo-farce» ou encore « pantomime parlante ». Elle fut créée en 1956 par Jean-Louis Barrault, avec musique d’Henri Sauguet dans des décors de Jacques Dupont. Quand il la publia en volume, il la fit suivre d’une traduction de L’Etoile de Séville de Lope de Vega. Peu avant sa mort, un hebdomadaire, Les Nouvelles littéraires, lui décerna le titre de « prince des poètes », qu’avait porté Paul Fort, son préfacier de 1919. Supervielle a mérité le beau nom de réconciliateur. A l’époque où le surréalisme subjuguait les jeunes poètes et les envoyait se perdre dans les sables mouvants de l’écriture automatique, il a maintenu la tradition du chant, sans négliger les images et en faisant appel aux sentiments nés du rêve et de 1 Inconscient. Ne craignant pas la démesure dans ses premiers contes, il n’a pas voulu s’abandonner à la sauvagerie des instincts : il les apprivoise et invente une mythologie personnelle, où il donne parfois un sens nouveau à de vieilles fables. Ami des bêtes et des arbres, il sait que tout ce qui vit est de même essence et le thème des métamorphoses est peut-être celui qui l'inspire le mieux. Il cherche toujours à nous faire échapper à la pesanteur du monde en donnant toutes ses chances à la tendresse. Mais la plus souriante fantaisie se nuance de nostalgie et Supervielle s’est montré capable de grands accents tragiques. Son œuvre est une des plus originales et des plus solides de ce temps. ♦ « Lui, comme nous tous, est tous les jours sous les orages des déchaînés événements; mais par son feuillage la pluie battante, qui tous nous tarabuste, est muée en pluie latente, que tous nous pouvons supporter. » Armand Robin. ♦ « De plus en plus, se détournant des voies dangereuses, agissant à la façon des peuples qui appellent « Beau Seigneur ! Bon Seigneur ! Noble ami ! » celui que seuls les impudents nomment « Tigre », il se plaisait à être gracieux et courtois avec les mots, les états, les créatures, dans un immense désir de rassurer, de calmer, de pacifier et, par le charme des mots rendant le réel inoffensif, défaire que les choses soient simples et non plus redoutables. » Henri Michaux. ♦ « Oui, tel a des chants plus purs; tel autre, la voix plus forte; celui-là, un accent plus hautain; tel, enfin, courtise de plus près la folie. De plus humain, chez les poètes d’aujourd’hui, de plus complet, de mieux tempéré, qui voyez-vous ?» Etiemble. ♦ « Le sentiment que nous éprouvons pour cette œuvre et qui n’est pas un sentiment mineur : je l’appelle amitié. » Jean Schlumberger.




SUPERVIELLE Jules 1884-1960 Poète et conteur né en Uruguay, à Montevideo (comme Laforgue et Lautréamont). Sa famille, d’origine basque, est riche. Et quand la banque paternelle périclitera, l’Uruguay va nommer le poète Supervielle « attaché culturel honoraire à Paris ». Affranchi de l’obligation (qui gauchit mainte carrière) de se faire connaître auprès du grand public avant de pouvoir « vivre de sa plume », il édifie à l’abri de toute publicité une oeuvre aussi immense qu’originale, mais qui n’a guère fait de bruit ; recueils de poèmes : Débarcadères (1922) et Gravitations (1925), ses deux chefs-d’œuvre, que suivront Les Amis inconnus (1934), La Fable du monde (1938), À la nuit (1947), Oublieuse mémoire (1949), L’Escalier (1951), Le Corps tragique (1959). Pièces de théâtre : La Belle au bois (1932), Bolivar, livret pour un opéra de Darius Milhaud avec décors de Fernand Léger (1936), Shéhérazade (1948). Romans et nouvelles: L’Homme de la pampa (1923), où l’on peut le reconnaître sans peine dans Guanamiru ; Le Voleur d’enfants (1926), où le gigantesque, le volcanique Bigua, qui reste fidèle et placide malgré un sang trop chaud, lui ressemble plus encore ; L’Enfant de la haute mer, enfin, nouvelles (1930) dont la première est sans doute la merveille des merveilles, la « perle », dans toute l’œuvre de Supervielle (mais il faut signaler aussi, parmi les autres pièces de ce recueil, L’Inconnue de la Seine, fait divers devenu conte poétique - ou mieux, poème en prose - et sur lequel règne magiquement le personnage du « Grand-Mouillé ») ; Boire à la source (1953), récit lourd de confidences; Premiers pas de l’univers (1951), contes où voisinent sur le dos de sa « belle terre tourneuse » les mythes antiques chers à son cœur, Io, Vulcain, et sa mythologie personnelle (infantilement fantastique) : les nymphes, la géante, etc. La cordiale simplicité et l’humour affichés par ce « hors-venu » ont trop bien masqué - comme il le souhaitait d’ailleurs - son génie. Premier accessit d’insomnie (ainsi s’est-il défini lui-même ; voir aussi l’essai pénétrant de Nadal dans Le Mercure de France, numéro de décembre 1958 : « Supervielle ou le rêve éveillé »), il aura bien trompé son monde en protestant qu’il n’était qu’un raconteur d’« histoires de fées », un mirliton magique. On l’oubliera même dans un gros dictionnaire de « littérature française moderne 1900-1962 » qui pourtant fait place à ses contemporains exacts, Cocteau, Saint-Exupéry, etc. (dont il est sans doute le voisin, au Parnasse céleste, tout au premier rang). Mais des juges aussi exigeants que René Étiemble et Claude Roy n’hésiteront pas à lui consacrer, chacun, un livre entier. Quant à Jouhandeau, il a donné la plus belle définition de ce poète (et, du même coup, la clé de la méprise dont il fut victime) : « Le génie de Supervielle, c’est de permettre que coexistent en lui, sans heurt de notre part ni la moindre gêne de la sienne, l’homme le plus familier qui soit et un personnage légendaire. » ■ Œuvres En poche: Gravitations, suivi de Débarcadères (coll. Poé-sie/Gallimard). - Le Forçat innocent, suivi de Les Amis inconnus (id.). - La Fable du monde; Oublieuse mémoire (id.). - L'Homme de la pampa (coll. L'Imaginaire). - Le Voleur d'enfants (Folio). - L'Enfant de la haute mer (id.). -Autres : Poèmes, 1939-1945 (Gallimard). - Premiers pas de l'univers (id.). - La Belle au bois (id.). - Boire à la source (id.).

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