SUISSE ou CONFÉDÉRATION HELVÉTIQUE, en allemand Schweiz ou Schweizerische Eidgenossenschaft, en italien Svizzera ou Confederazione Svizzera
État de l'Europe centrale ; capitale Berne.
Avant la Confédération (des origines au XIIIe s.)
La lutte de la Confédération contre l'Autriche (XIIIe/XIVe s.)
L'extension de la Confédération et le rôle militaire des Suisses aux XVe/XVIe s.
La Réforme en Suisse
La Suisse aux XVIIe et XVIIIe s.
La Suisse, la Révolution française et Napoléon
De la Restauration à la guerre du Sonderbund (1814/48)
De la Constitution de 1848 à nos jours
Avant la Confédération (des origines au XIIIe s.)
Durant le paléolithique, une grande partie de la Suisse fut recouverte par la calotte glaciaire alpestre. Les premières traces de présence humaine, dans la région de Säntis, remontent cependant au paléolithique inférieur. Au paléolithique moyen se développa un moustérien alpin dont les vestiges industriels ont été retrouvés dans les grottes de Cotencher, de Drachenloch, de Wildkirchli ; par la suite, le magdalénien récent est représenté, près de Schaffhouse, dans la grotte Kesslerloch, où fut mis au jour un chef-d'uvre de l'art préhistorique, le bâton percé « au renne broutant ». Un des principaux gisements mésolithiques est Birsmatten, dans le canton de Berne, où des industries apparentées au tardenoisien apparaissent vers le VIe millénaire. Le néolithique est marqué en Suisse par la présence de sites lacustres sur les bords des lacs de Pfäffikon (Robenhausen, près de Zurich, IVe millénaire, apparenté à la culture de Michelsberg), de Constance, de Neuchâtel (culture de Cortaillod, Ve/IIIe millénaires). C'est en Suisse, sur le lac de Neuchâtel, que se trouve la station éponyme de la civilisation celtique du second âge du fer, La Tène.
À l'époque des migrations des Cimbres (v.) et des Teutons (v.) (fin du IIe s. av. J.-C.), les Helvètes (v.), peuple venu du sud-ouest de l'Allemagne, commencèrent à s'établir en Suisse occidentale. En 58 av. J.-C., les Helvètes décidèrent d'aller chercher de nouvelles terres en Gaule méridionale pour fuir la menace des peuples germaniques. Ils partirent après avoir brûlé leurs villages. César saisit ce prétexte pour intervenir en Gaule ; il arrêta les Helvètes dans le Morvan et les obligea à regagner leurs montagnes (plus des deux tiers du peuple helvète périrent dans cette expédition). Dès le début de notre ère, tout le territoire actuel de la Suisse était passé sous la domination romaine. À l'O., l'Helvétie fut rattachée d'abord à la province de Belgique, puis à la Lyonnaise Ire ; les principales villes étaient Aventicum (Avenches) et Augusta Rauricorum (Augst, près de Bâle) ; Genève et Nyon étaient également des centres importants. La Suisse orientale faisait partie de la province de Rhétie, dont la capitale était Curia (Coire). Rapidement romanisée, traversée par les routes romaines du Grand-Saint-Bernard, du Splügen et du Septimer, la Suisse était protégée par le limes romain, qui resta une de ses constantes historiques, provoquant une coupure qui, même après les invasions, contribua à empêcher la partie germanique du pays de s'intégrer à l'Allemagne.
Au Ve s., le pays fut occupé par deux peuples germaniques, les Burgondes (v.) (dans la région du lac Léman et le Jura), qui se romanisèrent et se christianisèrent rapidement, et les Alamans (v.) (dans tout le reste de la Suisse), qui restèrent beaucoup plus longtemps païens et plus foncièrement germaniques. Les limites actuelles de la Suisse romande et de la Suisse alémanique correspondent approximativement à la frontière entre les Burgondes et les Alamans. Au début du VIIe s., le moine missionnaire irlandais Colomban commença l'évangélisation des Alamans, et, vers 750, fut fondée l'abbaye de Saint-Gall (v.), qui devait avoir un intense rayonnement durant tout le Moyen Âge.
000200000FE000000E85 FDA,Englobé entièrement dans le royaume franc au VIe s., le pays suisse fut de nouveau partagé, au IXe s., par des traités qui démembrèrent l'empire de Charlemagne. En 888 fut créé un royaume de Bourgogne, qui avait son centre en Suisse romande, mais, quand ce royaume fut réuni au Saint Empire, à la mort de Rodolphe II (1032), toute la Suisse passa dans la mouvance germanique. C'est seulement à cette époque qu'elle commença à se relever des ruines laissées par les Grandes Invasions. De nombreuses principautés laïques et ecclésiastiques apparurent. La plus importante fut celle des Zähringen, recteurs de Bourgogne de 1127 à 1218, qui fondèrent les villes de Fribourg (1178), de Berne (1191), de Thun, de Burgdorf... Au XIIe s., des villes comme Zurich et Bâle étaient des places commerciales très actives. À côté des Zähringen, qui s'éteignirent en 1218 et dont les biens furent partagés, montaient d'autres maisons féodales, celle des comtes de Lenzburg en Argovie, celle des comtes de Kyburg en Thurgovie, celle des comtes de Savoie, qui prenaient pied sur les deux rives du Léman, enfin celle des Habsbourg, qui s'assura l'hégémonie au cours du XIIIe s.
La lutte de la Confédération contre l'Autriche (XIIIe/XIVe s.)
Sur les bords du lac des Quatre-Cantons se trouvaient les « pays forestiers » (Waldstätten) d'Uri, Schwyz et Unterwald, nominalement soumis aux Habsbourg, qui rendaient la justice et prélevaient les impôts, mais formant en fait des petites communautés autonomes habituées à traiter leurs affaires dans des assemblées de tous les citoyens, les Landsgemeinden, qui existent encore aujourd'hui dans deux cantons suisses. Ces Waldstätten, qui se trouvaient au débouché de la route du Saint-Gothard, présentaient une grande importance économique. Menacés par l'autorité de plus en plus envahissante des Habsbourg, ils firent d'abord appel aux empereurs de la maison de Hohenstaufen (Frédéric II et ses successeurs), qui leur accordèrent le privilège de dépendre immédiatement de l'Empire (à Uri en 1231, à Schwyz en 1240).
L'élévation de Rodolphe de Habsbourg à l'Empire (1273) et le renforcement considérable de la maison de Habsbourg par l'annexion de l'Autriche (1278) firent redoubler les craintes des cantons forestiers, privés de leur protecteur impérial depuis la fin de la dynastie des Hohenstaufen. L'exemple de l'émancipation des communes italiennes put d'ailleurs contribuer à la naissance du mouvement d'indépendance suisse. Dans la tradition légendaire, ce mouvement est rattaché à l'épisode de Guillaume Tell (v.) en lutte contre les baillis du duc d'Autriche. Le fameux serment du Rütli (v.) n'est sans doute qu'une transposition romancée et tardive du pacte du 1er août 1291, par lequel les trois « cantons primitifs », Schwyz, Uri, Unterwald, firent le serment de se prêter assistance en cas d'attaque, de n'accepter aucun juge étranger à leurs vallées et de soumettre à l'arbitrage leurs conflits éventuels. Ce pacte fut l'acte de fondation de la Confédération suisse (dont la fête nationale a lieu le 1er août).
Les Habsbourg ayant été remplacés sur le trône impérial par Henri VII de Luxembourg, Uri et Schwyz firent confirmer leur immédiateté d'Empire, qui fut étendue à Unterwald (1309). Cependant, à la suite d'une attaque des Schwyzois contre la riche abbaye d'Einsiedeln (1313), le duc Léopold d'Autriche décida de châtier ces remuants montagnards, mais sa puissante armée fut complètement battue par les confédérés au Morgarten (v.) (15 nov. 1315). Peu après cette victoire, les cantons renouvelèrent et renforcèrent leur alliance par le pacte de Brunnen (9 déc. 1315). Le succès des cantons primitifs devait avoir un grand retentissement dans le pays, que de fortes limites naturelles (le Rhin, les Alpes, le Jura) inclinaient à une vie commune. Successivement Lucerne (1332), Zurich (1351), Glaris et Zoug (1352), puis Berne (1353), se sentant diversement menacés par les Habsbourg ou par des seigneurs locaux, conclurent avec les confédérés primitifs des alliances perpétuelles qui équivalaient à une adhésion.
000200000FDA00001E5F FD4,Ainsi se forma la Confédération des huit cantons, qui n'était en aucune manière un État fédéral, car il n'y avait pas de gouvernement central, et chaque canton conservait son autonomie, son gouvernement et ses lois. Ce n'est que très lentement que la Suisse (qui doit son nom à Schwyz) évolua vers l'État fédéral proprement dit, qui ne fut constitué qu'au XIXe s. Cependant, l'unité fut resserrée par la lutte contre l'ennemi commun, les Habsbourg. Le duc Léopold III d'Autriche tenta vainement d'arrêter les progrès des confédérés. La chevalerie autrichienne fut surprise et écrasée à la bataille de Sempach, où Arnold de Winkelried s'illustra par son héroïsme (9 juill. 1386). Une nouvelle tentative des Habsbourg fut repoussée à Naefels par les gens de Glaris (9 avr. 1388). Se résignant, l'Autriche reconnut alors l'indépendance et les agrandissements de la Confédération, qui, en un siècle de luttes héroïques, avait conquis définitivement son droit à l'existence. La paix, signée en 1389, devait être renouvelée pour vingt ans en 1394 et pour cinquante ans en 1412. Elle prépara la « paix perpétuelle » de 1474, par laquelle la maison de Habsbourg renonça à tous ses droits et privilèges féodaux sur les confédérés.
L'extension de la Confédération et le rôle militaire des Suisses aux XVe/XVIe s.
La voie du Saint-Gothard ayant pour eux une importance vitale, les gens d'Uri débordèrent sur le versant sud des Alpes et, entre 1403 et 1439, ils se rendirent maîtres de l'Urseren et de la vallée tessinoise de la Leventina ; la place de Bellinzona, qui commandait le passage, fut achetée à son seigneur. En dépit de la paix qui venait d'être renouvelée avec l'Autriche en 1412, les confédérés, après quelques hésitations, répondirent à l'invitation de l'empereur Sigismond, qui, venant de mettre au ban de l'Empire le duc Frédéric IV d'Autriche, leur offrit de s'emparer de l'Argovie, possession des Habsbourg (1415). La plus grande partie de ce nouveau territoire passa à Berne ; Lucerne et Zurich élargirent également leurs possessions, et le reste de l'Argovie ainsi que la Thurgovie, enlevée également aux Habsbourg en 1460, furent divisés en « bailliages communs » administrés par tous les cantons (à l'exception de Berne et d'Uri). Dans ces bailliages, les populations conservaient leur anciennes libertés et franchises, mais elles devenaient les sujets de la confédération. Enfin, des alliances (qui préparèrent souvent l'entrée dans la Confédération) furent conclues entre un ou plusieurs cantons et Saint-Gall (1451), Appenzell (1452), Schaffhouse (1454), Rottweil (1463), Mulhouse (1466). Les « dizains » du Valais étaient également devenus des alliés depuis 1416/17 ; les Grisons, qui s'étaient groupés, entre 1367 et 1436, en trois ligues - la ligue Caldée ou de la Maison-Dieu, la ligue Grise et la ligue des Dix Juridictions -, conclurent à leur tour des alliances en 1497/98.
Malgré le « convenant de Sempach » (1393), qui établissait une sorte de loi militaire commune, les liens de la Confédération restaient assez lâches. La menace autrichienne disparue, des forces centrifuges mirent pour la première fois en péril la cohésion de la ligue. Le partage du comté de Toggenburg (1436) fut à l'origine du conflit entre Zurich et Schwyz. S'étant vu imposer la paix par les autres confédérés, qui soutenaient Schwyz (1440), Zurich n'hésita pas à s'allier avec l'Autriche (1442) : les sept autres cantons attaquèrent alors la ville et les troupes zurichoises furent mises en déroute près des murs de la cité, à Saint-Jacques (22 juill. 1443). Pour venir à bout des confédérés, l'empereur Frédéric III de Habsbourg, allié des Zurichois, fit appel à la France ; celle-ci lui envoya, sous le commandement du futur Louis XI, une armée de 30 000 « écorcheurs », qui s'apprêtaient à dévaster le pays suisse, mais furent arrêtés près de Bâle, sur la Birs, par une petite troupe de confédérés (26 août 1444). Épuisée par la guerre, Zurich signa enfin la paix, mais la ville ne put reprendre pleinement sa place dans la Confédération qu'en 1446.
000200000DB300002E33 DAD,De cette grave épreuve, l'union des Suisses sortit finalement renforcée. Leur puissance militaire était devenue considérable, car, appliquant le service militaire obligatoire pour tous les hommes de seize à soixante ans, ils étaient en mesure de lever une armée plus importante que celle du roi de France ou de l'empereur. Encore très pauvres, surtout dans les régions montagneuses, les cantons n'étaient pas capables de faire vivre toute leur population, et, dès cette époque, les Suisses, qui avaient impressionné toute l'Europe par leurs qualités guerrières, prirent l'habitude de s'engager comme mercenaires dans les armées européennes. François Ier eut jusqu'à 163 000 Suisses sous ses drapeaux, et la tradition du service à l'étranger se perpétua jusqu'à la fin du XVIIIe s.
Les armées suisses donnèrent une nouvelle preuve de leur valeur dans les guerres de Bourgogne. Épuisé financièrement par une nouvelle guerre contre la confédération, dite « guerre de Waldshut » (1468), le duc Sigismond d'Autriche avait dû céder en gage à Charles le Téméraire les possessions des Habsbourg en Forêt-Noire, en Brisgau et en Alsace. Cette expansion de la puissance bourguignonne éveilla de grandes inquiétudes dans la Confédération, et Louis XI n'eut pas de mal à entraîner les Suisses dans la lutte contre le Téméraire. Les villes de Mulhouse et de Bâle, qui avaient formé une ligue antibourguignonne avec plusieurs cités d'Alsace, appelèrent à l'aide les confédérés, qui déclarèrent la guerre aux Bourguignons (oct. 1474). Les Suisses devaient être les principaux artisans de la ruine du puissant duc de Bourgogne, avec d'autant plus de mérite que leur allié, Louis XI, ne tarda pas à les abandonner. En 1475, les Bernois se saisirent du pays de Vaud, qui appartenait à la maison de Savoie, alliée du Téméraire. Forcés ensuite de battre en retraite devant l'armée bourguignonne, ils laissèrent à Grandson (canton de Neuchâtel) une garnison que Charles fit entièrement massacrer, au mépris des termes de la capitulation. Arrivés au secours des Bernois, les confédérés prirent aussitôt leur revanche sur les Bourguignons, qui, après un bref combat, s'enfuirent de Grandson en laissant aux Suisses un butin considérable (2 mars 1476). Une nouvelle offensive de Charles le Téméraire contre Berne se solda par la défaite de Morat (21 juin 1476), qui porta un coup fatal à la puissance bourguignonne. Le Téméraire devait mourir quelques mois plus tard devant Nancy. Les Suisses n'eurent que quelques bribes des riches dépouilles de la Bourgogne. Avec l'aide de Louis XI, la Savoie recouvra la plus grande partie du pays de Vaud.
La Confédération fut même mise en péril par les querelles qui s'élevèrent lors du partage du butin de guerre. Entre les villes, où la richesse et le luxe se répandaient, et les pauvres cantons montagnards, les intérêts semblaient de plus en plus divergents. Quand Fribourg et Soleure demandèrent à entrer dans la Confédération, les Waldstätten craignirent d'être complètement débordés par les villes. Une nouvelle guerre civile était sur le point d'éclater lorsque, grâce à la médiation de l'ermite Nicolas de Flüe, les confédérés se rallièrent à un compromis, le « convenant de Stans » (1481) : Fribourg et Soleure furent admises comme des cantons confédérés, mais sans pouvoir mener une politique extérieure indépendante ; le partage du butin fut fait équitablement et les territoires enlevés aux Bourguignons (Orbe, Échallens, Morat, Grandson) devinrent des bailliages communs.
000200000D8200003BE0 D7C,L'avènement définitif des Habsbourg sur le trône impérial, à partir du XVe s., allait amener la Confédération à se séparer de l'Empire, dont elle faisait encore nominalement partie. En cherchant à imposer aux Suisses des réformes centralisatrices, Maximilien Ier provoqua la guerre de Souabe (1499), où les confédérés eurent encore l'avantage : à la paix de Bâle, la séparation des pays suisses et des pays allemands devint définitive (elle ne devait toutefois être consacrée officiellement que par les traités de Westphalie, en 1648). Dès lors, tous les pays et les villes situés au S. du Rhin se tournèrent décidément vers la Confédération : après Soleure, ce furent Bâle et Schaffhouse (1501), puis Appenzell (1513), qui entrèrent parmi les confédérés. Cette ligue des XIII cantons (Schwyz, Uri, Unterwald, Lucerne, Zurich, Glaris, Zoug, Berne, Fribourg, Soleure, Bâle, Schaffhouse, Appenzell) ne devait plus varier jusqu'à la fin du XVIIIe s. Elle était complétée par des pays « alliés » (Grisons, Valais, Saint-Gall, Neuchâtel) et par des « bailliages communs » (Thurgovie, Argovie, Sargans, Gaster, vallées tessinoises...).
Cependant, la Confédération entreprit encore une dernière grande tentative de conquête étrangère, dans le cadre des guerres d'Italie. Afin d'obtenir l'appui des Suisses dans ses campagnes contre Milan, le roi de France Louis XII leur assura la possession des bailliages tessinois (Bellinzona, Lugano, Locarno), mais, comme la France mettait beaucoup de mauvaise grâce à tenir ses promesses, les Suisses, sous l'influence de Matthäus Schiner, évêque de Sion, changèrent de camp et s'allièrent au pape Jules II contre Louis XII (1510). Après avoir remporté une grande victoire à Novare (1513), ils chassèrent les Français du Milanais, tandis qu'une autre armée confédérée allait assiéger Dijon. Mais François Ier, par sa victoire de Marignan (13 sept. 1515), renversa la suprématie militaire suisse. La Confédération, renonçant désormais à toute grande politique étrangère, conclut une paix perpétuelle avec la France, laquelle lui garantit la possession des bailliages tessinois, lui accorda d'importants privilèges commerciaux, versa une indemnité de guerre et des pensions annuelles aux cantons, mais obtint le droit de lever en Suisse des mercenaires (1516).
La Réforme en Suisse
Préparée par l'humanisme, dont Bâle, avec Érasme et l'imprimeur J. Froben, fut un foyer important, la Réforme (v. PROTESTANTISME) commença d'être prêchée à Zurich par Zwingli (v.) en janv. 1519. À partir de 1525, Zurich adhéra complètement au protestantisme. Les idées nouvelles triomphèrent également à Bâle avec colampade, à Berne avec Berthold Haller, à Schaffhouse, dans les villes alliées comme Saint-Gall, Bienne, Mulhouse, dans les bailliages communs d'Argovie, de Thurgovie, du Rheinthal, du Toggenburg (1527/29). En général, la Réforme l'emporta dans les villes, alors que les cantons ruraux et montagnards (les trois Waldstätten, Lucerne, Zoug, Soleure, Fribourg) restaient fidèles à la foi catholique et formaient, avec l'appui du pape, de l'empereur et de l'archiduc Ferdinand, une union chrétienne (1529). Le zèle expansionniste de Zwingli provoqua la « première guerre de Kappel » (1529), qui se termina par un compromis. Zwingli, mécontent, provoqua une nouvelle guerre, et les catholiques, qui avaient eu le temps de s'armer, écrasèrent l'armée zurichoise à la bataille de Kappel, où Zwingli trouva la mort (11 oct. 1531).
000200000E690000495C E63,La paix qui suivit consacra la division religieuse de la Suisse : aux quatre cantons réformés (Zurich, Berne, Bâle et Schaffhouse) s'opposaient sept cantons catholiques (Uri, Schwyz, Unterwald, Lucerne, Zoug, Soleure et Fribourg), tandis que deux cantons étaient mixtes (Glaris et Appenzell). Moins peuplés que les cantons protestants, les cantons catholiques détenaient pourtant la majorité à la Diète fédérale. L'opposition des catholiques devait empêcher pendant longtemps tout élargissement de la Confédération. Genève, menacée par le duc de Savoie, s'était unie dès 1519/26 par des pactes de combourgeoisie avec Fribourg et Berne, mais elle ne put devenir officiellement suisse qu'en 1815. La Réforme, que l'apostolat de Farel (v.) et de Viret avait répandue dans le pays de Vaud et à Neuchâtel à partir de 1530, s'était définitivement établie à Genève en mai 1536. Pour débloquer la ville, assiégée par les Savoyards, les Bernois firent la conquête du pays de Vaud (1536), et la Suisse, s'étendant désormais sur toute la rive septentrionale du Léman, atteignit ainsi ses frontières actuelles à l'O. Devenue, avec Calvin, la métropole du protestantisme, Genève, restée indépendante, commença à exercer une influence européenne ; sa victorieuse résistance lors de la nuit de l'Escalade (11/12 déc. 1602) acheva de la libérer de l'emprise de la Savoie (v. GENÈVE).
Au contraire, en Suisse méridionale et orientale, la Contre-Réforme catholique se développait, sous l'impulsion de Charles Borromée, archevêque de Milan, dont la juridiction ecclésiastique s'étendait sur une partie du territoire de la Confédération. Du Collège helvétique, fondé par Borromée à Milan, partirent des missionnaires qui reconquirent presque entièrement au catholicisme Glaris, Appenzell et les Grisons ; une nonciature fut établie à Lucerne ; des collèges de jésuites s'ouvrirent à Lucerne et à Fribourg. Deux Suisses se distinguèrent particulièrement par leur zèle romain : Ludwig Pfyffer à Lucerne, qui joua également un rôle important dans les guerres de Religion en France et fut surnommé « le roi des Suisses », et Melchior Lussy dans les Waldstätten. Les luttes religieuses gardèrent une particulière acuité jusqu'à la fin du XIXe s.
La Suisse aux XVIIe et XVIIIe s.
Pendant la guerre de Trente Ans (1618/48), qui mit aux prises, dans toute l'Europe centrale, catholiques et protestants, les cantons restèrent en dehors du conflit, où la Confédération eût sans doute été démembrée. Cette neutralité se traduisit par l'accord de 1647, par lequel les confédérés prirent l'engagement de se défendre contre n'importe quel agresseur, sous la direction suprême d'un conseil composé de catholiques et de protestants. Aux traités de Westphalie (1648), grâce aux efforts du délégué suisse, Johann Rudolf Wettstein, bourgmestre de Bâle, l'empereur et les puissances européennes reconnurent solennellement l'indépendance de la Confédération. Les animosités religieuses n'avaient cependant pas disparu. Les protestants, plus riches, plus actifs que les catholiques, et deux fois plus nombreux, souffraient de leur représentation minoritaire à la Diète fédérale. Ce déséquilibre fut la cause des deux guerres religieuses de Villmergen : dans la première (1656), provoquée par les mesures de rigueur dont les réformés étaient l'objet à Schwyz, les protestants eurent le dessous ; dans la seconde (1712), qui eut pour origine le soulèvement des protestants du Toggenburg contre le prince-abbé de Saint-Gall, les troupes bernoises battirent les catholiques à Villmergen (25 juill. 1712), et la paix d'Aarau, qui suivit peu après, établit pour la première fois la liberté de croyance dans les bailliages communs.
000200000E1C000057BF E16,Des centres industriels commençaient à se développer : Zurich (filature et tissage de la soie), Saint-Gall (broderie), Bâle (rubans), Genève et le Jura (horlogerie). L'arrivée de protestants français chassés par la révocation de l'édit de Nantes (1685) fut un sérieux appoint pour l'industrie suisse à ses débuts. L'écart entre les conditions de vie dans les villes et dans les campagnes s'accrut : vers le milieu du XVIIe s., des révoltes paysannes éclatèrent près de Lucerne, dans l'Oberland bernois, dans la campagne de Bâle. Cependant, une vie de société luxueuse et brillante allait s'épanouir, en particulier dans le pays de Vaud.
En Suisse romande, l'« esprit philosophique », en dépit de la méfiance des conservateurs religieux, trouva un terrain privilégié : la pensée de Rousseau, « citoyen de Genève », doit évidemment beaucoup à la tradition politique de son pays, et ce furent pour une bonne part des « idées suisses », issues du protestantisme mais aussi d'une vieille pratique de la démocratie, qui inspirèrent la Révolution française de 1789.
Pourtant, les XVIIe et XVIIIe s. virent dans toute la Suisse le déclin de l'influence des anciennes assemblées populaires, des Landsgemeinden, et le renforcement d'un système aristocratique qui permettait à une bourgeoisie de plus en plus fermée de monopoliser le pouvoir. Même dans les cantons ruraux, où les traditions se conservèrent pourtant mieux qu'ailleurs, toutes les charges politiques et administratives importantes, mal ou non rémunérées, devinrent le privilège de fait de quelques familles aisées qui se les transmettaient de père en fils. Les villes industrielles (Zurich, Bâle, Schaffhouse) étaient gouvernées par des corporations de métier dont l'accès devenait de plus en plus difficile. Dans d'autres villes, à Berne, à Fribourg, à Lucerne, à Soleure, un patriciat élitiste et efficace gouvernait sans plus consulter le peuple, s'efforçait de restreindre le nombre des « bourgeois » et possédait le contrôle absolu de conseils dont les membres étaient constamment réélus ou remplacés par des hommes appartenant aux mêmes familles. Les cantons continuaient à traiter leurs affaires d'une manière souveraine. La Diète n'avait rien d'un pouvoir fédéral et n'était qu'une « conférence d'ambassadeurs » dont les membres n'avaient aucun pouvoir de décision, mais devaient constamment en référer à leurs autorités cantonales. Dans ce pays, où les habitants parlaient quatre langues et se répartissaient en deux confessions religieuses toujours antagonistes, il n'existait pas d'armée fédérale, de monnaie, de système de poids et mesures, de tribunaux communs. Seule une petite élite de citoyens lucides, celle qui devait se regrouper à partir de 1761 dans la Société helvétique, comprenait la nécessité de donner à la Suisse une cohésion nouvelle à l'heure où l'absolutisme monarchique et le despotisme éclairé faisaient triompher la centralisation dans les grands États européens. Dans ces conditions, les résistances au régime oligarchique ne pouvaient être que locales, et c'est pour cette raison qu'elles connurent toutes l'échec : les plus importantes furent celle du major Davel, qui essaya de délivrer le pays de Vaud de la domination de Berne (1723) ; celle de Lorenz Zellweger à Appenzell (1733) ; celle de Péquignat à Bâle (1740). Les troubles de Genève, en 1707 lors de l'affaire Fatio, en 1762/68 à propos de J.-J. Rousseau, et en 1781/82, qui entraînèrent le renversement de l'aristocratie, et la proclamation de l'égalité de tous les citoyens, eurent un retentissement européen en raison du prestige spirituel de la ville.
000200000FBF000065D5 FB9,La Suisse, la Révolution française et Napoléon
Dès 1790, les événements de Paris eurent des répercussions en Suisse. Quelques manifestations révolutionnaires furent rapidement réprimées par les cantons aristocratiques, mais de nombreux démocrates se réfugièrent en France, où ils fondèrent un Club helvétique. À Genève, un gouvernement révolutionnaire prit le pouvoir à la fin de 1792, et la ville connut la Terreur. La France, engagée depuis 1793 dans une politique de conquête, utilisa la propagande des réfugiés pour justifier son intervention militaire en Suisse. Sa pression ne cessait de s'accentuer sur les frontières de la Confédération : les possessions de l'évêché de Bâle avaient été annexées en 1793 et formèrent le département français du Mont-Terrible ; au traité de Campoformio (1797), Bonaparte enleva la Valteline aux Grisons pour la rattacher à la République Cisalpine, et la Confédération ne put que s'incliner devant le fait accompli. Mais le Directoire songeait déjà à occuper toute la Suisse, à la fois pour contrôler les cols alpestres, d'une importance militaire capitale en raison des opérations en Italie, et pour s'approprier le trésor des cantons.
La proclamation de l'indépendance du pays de Vaud, sous le nom de « République lémanique » (janv. 1798), fournit le prétexte de l'intervention militaire. Le Directoire annonça qu'il prenait les Vaudois sous sa protection. Une armée française, commandée par le général Ménard, occupa non seulement Lausanne, que les Bernois avaient évacuée, mais également Fribourg, Soleure et, enfin, Berne (5 mars 1798). Les petits cantons catholiques essayèrent de prolonger la résistance, notamment à Schwyz, avec Aloys de Reding, mais en vain : la Suisse orientale fut elle aussi occupée (mai 1798), comme Genève, et le Valais. L'insurrection qui éclata dans l'Unterwald (Nidwald), en sept. 1798, fut écrasée avec la dernière rigueur. C'était l'effondrement de l'ancienne Confédération des XIII cantons. Sur le modèle de la République française fut créée une « République helvétique une et indivisible », dont la Constitution, démocratique et centralisatrice, était l'uvre du révolutionnaire bâlois Peter Ochs (v.). En fait, cette république n'était qu'un État fantoche, livré à l'exploitation des commissaires français, à l'occupation militaire, aux réquisitions et aux contributions extraordinaires. L'armée française, qui, presque partout, avait d'abord été bien accueillie de la population, s'en fit rapidement détester. La Suisse fut contrainte de renoncer à sa neutralité et d'entrer dans une alliance militaire avec la France. En mai 1799, elle devint un champ de bataille entre les armées françaises de Masséna et les armées austro-russes de Souvarov, qui laissèrent les campagnes dévastées.
Constatant l'échec de la République helvétique, où se déchiraient fédéralistes et unitaires, Bonaparte, ayant convoqué à Paris les représentants des cantons et ceux des partis politiques, imposa l'Acte de médiation du 19 févr. 1803. La Suisse redevenait une confédération, mais le nombre des cantons était porté à dix-neuf ; leurs frontières n'ont guère changé depuis lors. Aux treize anciens cantons venaient s'en ajouter six nouveaux (Saint-Gall, Grisons, Argovie, Thurgovie, Tessin et Vaud). Mulhouse, Genève, Bienne étaient annexées à la France, comme le fut, en 1810, l'éphémère république du Valais, devenue département français du Simplon. Les Grisons perdaient définitivement la Valteline. Enfin, Neuchâtel fut érigée en 1806 en principauté pour le maréchal Berthier. Chaque canton avait de nouveau son gouvernement. Un suffrage presque universel fut établi. Le pouvoir fédéral était renforcé par une armée et une monnaie communes, par une Diète fédérale, qui prenait ses décisions, non plus à l'unanimité, comme autrefois, mais à la majorité des trois quarts. À tour de rôle, six des anciens cantons (trois protestants : Berne, Bâle, Zurich - et trois catholiques : Lucerne, Fribourg, Soleure) tenaient pour un an le rôle de canton directeur (Vorort).
000200000F380000758E F32,La Suisse souffrit du Blocus continental et de la conscription, qui l'obligeait à fournir en permanence 16 000 hommes à la Grande Armée. Le contingent helvétique se distingua au passage de la Berezina, mais fut presque entièrement anéanti en Russie. Après Leipzig (1813), la Suisse proclama sa neutralité, mais les Alliés, qui poursuivaient Napoléon, n'en tinrent aucun compte et pénétrèrent dans le pays, entraînant la fin du régime de l'Acte de médiation (début 1814).
De la Restauration à la guerre du Sonderbund (1814/48)
Après la victoire des Alliés, la Suisse, représentée au congrès de Paris par Charles Pictet de Rochemont, fit reconnaître et garantir solennellement par les grandes puissances sa neutralité et l'inviolabilité de son territoire. La France dut abandonner ses annexions de la période révolutionnaire et impériale (Genève, Neuchâtel, les districts jurassiens, le Valais). En revanche, Mulhouse et la Valteline furent définitivement perdues. Le système de gouvernement aristocratique se rétablit dans tous les anciens cantons. Les institutions fédérales mises sur pied par l'Acte de médiation de 1803 furent presque entièrement démantelées ; les cantons redevinrent pleinement souverains ; l'ancienne Diète, rétablie, vit toutefois ses pouvoirs accrus dans le domaine des Affaires étrangères, et, à la différence de l'ancienne Confédération des XIII cantons, la nouvelle, régie par le « pacte fédéral » du 7 août 1815, fut pourvue d'une armée commune et d'un budget militaire. Des transformations importantes s'étaient produites cependant : Genève, le Valais et Neuchâtel formant trois nouveaux cantons, la Confédération comptait désormais vingt-deux cantons ; Berne dut consentir à la perte définitive du pays de Vaud et d'une partie de l'Argovie, mais reçut en compensation la ville de Bienne et les anciennes possessions du prince-évêque de Bâle (c'est-à-dire le Jura bernois) ; dans le pays de Gex et en Savoie furent créées des zones franches permettant aux marchandises suisses d'entrer dans une partie des territoires français et sardes.
Après la révolution parisienne de 1830, la moitié environ des cantons, parmi lesquels Berne, Zurich, Lucerne, Vaud, Fribourg, réformèrent leur Constitution dans un sens démocratique, abolirent toutes les anciennes redevances féodales et garantirent les libertés politiques fondamentales. Ce fut le régime de la « régénération ». En revanche, le conservatisme se maintint à Neuchâtel (qui, bien que
RÉPUBLIQUE HELVÉTIQUE. Nom donné à la République proclamée en Suisse le 22 mars 1798 après l'annexion du pays par les armées du Directoire, lors de la Révolution française. Dès 1790, les événements de Paris eurent en Suisse des répercussions importantes, particulièrement dans le pays de Vaux, mais les manifestations révolutionnaires furent rapidement réprimées. Envahie en 1799 par les armées russe et autrichienne, la Suisse connut l'anarchie durant cinq ans. Par l'« Acte de médiation» de 1803, Bonaparte y rétablit le fédéralisme mais ce régime prit fin lorsque les alliés envahirent le pays après la bataille de Leipzig (1813). Voir Républiques soeurs.