SPARTE ou LACÉDÉMONE, Spartê, Lakédaïmôn
Cité de la Grèce antique, dans le Péloponnèse, sur l'Eurotas. En général, le nom de Sparte s'appliquait à la ville et à son aristocratie de citoyens ; le nom de Lacédémone s'appliquait à l'ensemble du territoire de Sparte. La formation de la puissance spartiate Sparte dans le monde grec Le déclin de Sparte La formation de la puissance spartiate La ville de Sparte a été construite à l'extrémité septentrionale de la plaine de Laconie, traversée par le fleuve Eurotas, dans une vallée étroite enfermée par les chaînes du Parnon à l'E. et du Taygète à l'O. Elle était située à une cinquantaine de kilomètres de la mer. À l'époque mycénienne, avant la naissance de Sparte, cette plaine était dominée par les villes d'Amyklaï et de Thérapnê (c'est probablement sur ces dernières que régna le roi Ménélas, époux de la belle Hélène). De tradition dorienne (v. DORIENS), Sparte se constitua, vers la fin du IXe s. av. J.-C., par le regroupement (syncisme) de quatre villages doriens. Puis les Spartiates, qui constituèrent une société militaire, dominèrent rapidement les localités voisines (IXe/début VIIIe s.), dont les habitants, exclus de l'organisation politique, furent réduits à des statuts inférieurs (périèques et hilotes). Au cours du VIIIe s., Sparte assura sa prépondérance sur le Péloponnèse. L'étape décisive fut la conquête de la fertile Messénie, au S.-O. du Péloponnèse, menée au prix de deux guerres acharnées (vers 736/716 et 668/654). Dans cette lutte pour l'hégémonie, Sparte eut Argos comme principale rivale. À la fin du V. e s., les Spartiates, grâce à la formation d'une ligue Péloponnésienne, dominaient toute la presqu'île du Péloponnèse, à l'exception d'Argos et de l'Achaïe. Les institutions de Sparte étaient déjà fixées et elles demeurèrent presque sans changement jusqu'à l'époque romaine. La tradition les attribuait à Lycurgue (v.), législateur mythique du IXe s. La population était divisée en trois catégories, très inégales en nombre et en droits. Au sommet se trouvait la minorité des citoyens, appelés Spartiates ou Égaux (Homoioi), qui avaient seuls part au gouvernement. La deuxième catégorie était celle des périèques, habitants des villages de la périphérie ; hommes libres, ils s'adonnaient au commerce et à l'industrie. La troisième catégorie était celle des hilotes (v.), probables descendants des anciennes populations, dites achéennes, soumises par les Doriens ; ils étaient la propriété de l'État, donc dépendants, mais ne pouvaient être vendus ni loués comme esclaves. Leur travail servait à l'entretien des citoyens dont le rôle, dans la cité, était essentiellement guerrier. Depuis les origines, Sparte possédait deux rois, qui avaient des droits égaux, régnaient en même temps et se succédaient héréditairement au sein de deux familles ; leur rôle était militaire et religieux. Sparte combinait dans ses institutions des éléments d'oligarchie et de démocratie, même si les premiers l'emportaient : la réalité du pouvoir appartenait aux cinq éphores (les « surveillants ») et à la gérousia, conseil de trente membres âgés de plus de soixante ans. Quant à l'assemblée du peuple, l'ecclésia, parfois nommée apella, elle était composée de tous les Égaux, mais n'avait guère de pouvoir. Omniprésent et policier, l'État spartiate ne laissait que peu de place à la vie privée. Les citoyens, les Égaux, voués entièrement à la vie militaire, étaient soumis de l'enfance jusqu'à l'âge de trente ans à une discipline très dure. La vie économique était étroitement contrôlée. La terre appartenait à l'État, qui distribuait à chaque famille un lot (kléros) suffisant pour vivre et entretenir un guerrier, avec son équipement ; ce domaine était indivisible, il ne pouvait être ni vendu ni légué, et, en principe, il y avait égalité absolue entre les domaines exploités chacun par des hilotes qui s'y trouvaient attachés. Sparte vivait en économie fermée, avec une monnaie de fer qui n'avait aucune valeur à l'extérieur. Sparte dans le monde grec Paradoxalement, cette cité toujours en armes se montra beaucoup moins expansionniste que la démocratique Athènes. Reconnue déjà comme la première puissance de la Grèce, elle ne participa pas à la victoire de Marathon, car ses troupes arrivèrent après la bataille (490). Dans la seconde guerre médique, en 480, Sparte obtint le commandement suprême de toutes les forces grecques. La troupe qu'elle envoya, sous les ordres de Léonidas, pour barrer le passage des Thermopyles, s'y fit tuer héroïquement ; à Salamine ce fut l'Athénien Thémistocle qui prit l'initiative. Du moins le Spartiate Pausanias (v.) eut-il la gloire d'achever la victoire grecque sur terre en battant Mardonios à Platées, en Béotie (479) (v. MÉDIQUES, guerres). Tout le Ve siècle fut dominé par le conflit entre Sparte et Athènes. En 461, Athènes fit alliance avec Argos et Mégare contre les Spartiates. La paix de 446 établit une sorte d'équilibre entre la ligue Péloponnésienne et la ligue Athénienne de Délos. Athènes poursuivit cependant sa politique impérialiste, et Sparte apparut paradoxalement comme la protectrice des « libertés grecques » menacées par Athènes. La guerre du Péloponnèse, commencée en 431, se termina en 404 avec la prise d'Athènes par le Spartiate Lysandre (v.). Ce dernier installa à Athènes le régime des Trente Tyrans (v.) et, dans les autres cités, des gouvernements oligarchiques composés de dix hommes sûrs (décarchies) et surveillés par des gouverneurs spartiates, les harmostes. Mais à Sparte, le parti traditionaliste, antiexpansionniste, restait vigilant. D'ailleurs, l'autorité spartiate apparut bientôt beaucoup plus lourde encore que celle d'Athènes. Malgré les succès du roi spartiate Agésilas contre les Perses (396/394), Athènes, Thèbes, Argos, Corinthe formèrent une coalition contre Sparte. Celle-ci fut vaincue par Agésilas (394), mais les Athéniens reconstituèrent peu à peu leur puissance maritime. Les Spartiates revinrent alors à l'alliance avec les Perses, dont l'aide leur avait été précieuse à la fin de la guerre du Péloponnèse. Par la paix du Roi ou paix d'Antalcidas (386), Sparte sauva son hégémonie en Grèce, mais en cédant aux Perses toutes les villes grecques d'Asie. Cependant, l'hégémonie spartiate s'effondra sous les coups de Thèbes : le général thébain Épaminondas battit les Spartiates à Leuctres (371), puis fit quatre brillantes campagnes dans le Péloponnèse, libéra la Messénie (370/369), et mourut en battant une dernière fois les Spartiates à Mantinée (362). Le déclin de Sparte Ces défaites ruinèrent la structure sociale de Sparte dont le nombre des citoyens ne cessait de décliner ; il n'en subsistait plus, si l'on en croit les effectifs de la phalange, que 700 environ vers 340 av. J.-C. Depuis le début du IVe s., avec l'afflux de l'or perse dans la cité, un mouvement de concentration foncière se poursuivait au profit d'un groupe de plus en plus restreint de Spartiates, tandis que beaucoup perdaient leur citoyenneté, relégués au rang d'Inférieurs. Au IIIe s., deux tentatives de restauration de l'ordre ancien furent faites par les rois Agis IV (244/241) et Cléomène III (235/222). Mais ces réformes rencontrèrent des résistances à Sparte et éveillèrent l'inquiétude en Grèce : la ligue Achéenne appela la Macédoine à son aide, et Sparte fut écrasée à la bataille de Sellasie (222 av. J.-C.). Livrée aux factions, elle tomba ensuite sous les tyrannies de Machanidas (vers 211/206) et de Nabis (206/192), puis fut rattachée par Philopmen à la ligue Achéenne (188) (v. ACHAÏE) et, enfin, intégrée à l'Empire romain comme cité libre et fédérée, ou peut-être comme confédération (146 av. J.-C.). Dans la paix romaine, Sparte devint une ville assez florissante ; elle possédait un vaste et somptueux théâtre et elle avait conservé, notamment dans le domaine de l'éducation de la jeunesse, certaines de ses anciennes traditions. Dévastée par Alaric vers la fin du IVe s. de notre ère, elle ne fut plus connue, à l'époque byzantine, que sous le nom de Lakédaimonia. Comprise en 1204 dans la principauté latine de Morée ou d'Achaïe, elle fut de nouveau fortifiée par les Latins, puis abandonnée à partir de la fondation de Mistra (1248). LACÉDÉMONE. Désigne l'ensemble du territoire de Sparte.