SIONISME
Idéologie et mouvement politique visant à donner un État au peuple juif dispersé de la Diaspora, le sionisme prit son essor dans la seconde partie du XIXe s., à une époque où triomphait l'idée d'État-nation. Il fut renforcé par le constat d'échec dressé par une minorité de Juifs européens assimilés, qui voyaient leurs efforts d'intégration échouer face à la recrudescence de l'antisémitisme à partir de 1880. Ceux-ci reportèrent donc leurs espoirs sur un projet collectif, étatique et séparatiste. Étymologiquement, le mot « sionisme », créé en 1886 par Nathan Birnbaum, renvoie au terme biblique de Sion, qui désigne Jérusalem. Le journaliste juif viennois Theodor Herzl (v.) fut, à Paris, en 1895, le témoin de la dégradation du capitaine Dreyfus. Profondément marqué par cet événement, il rejoignit le mouvement sioniste de Moïse Hess (1821/75) et Léo Pinsker (1821/91), le structurant et lui donnant une nouvelle impulsion. En 1896, il publia L'État des Juifs, essai d'une solution moderne du problème juif. En 1897, un premier Congrès fut convoqué, à Bâle, débouchant sur la constitution d'une Organisation sioniste. Influencés par le nationalisme moderne, ses dirigeants se proposaient d'offrir un refuge aux Juifs de la Diaspora et conféraient à leur projet une dimension socialiste et communautaire de régénération par le travail manuel. La direction du mouvement rassemblait des intellectuels issus des classes moyennes, tandis que la majorité de ses membres étaient constituée par des Juifs pauvres d'Europe orientale désireux de fuir les persécutions.
À l'origine, le sionisme a occupé une place marginale par rapport aux tendances dominantes du judaïsme de l'époque, mais il contraignit très rapidement celles-ci à se définir par rapport à son discours. Malgré la fondation du parti Mizrahi en 1902, tentative de conciliation du judaïsme religieux avec l'idéologie sioniste, l'orthodoxie juive religieuse y restait fort hostile. Cependant, le sionisme trouva des appuis déterminants et, en premier lieu, un soutien financier majeur auprès de la grande bourgeoisie juive occidentale.
Une première tentative significative de retour en terre d'Israël eut lieu après le XVe s., lorsque les Séfarades expulsés d'Espagne cherchèrent à s'installer en territoire ottoman. Ce n'est cependant qu'en 1881 qu'une première vague d'immigration (aliyah) conduisit en Palestine les membres de l'organisation des « Amants de Sion », fuyant les pogroms d'Europe orientale. Mais l'aspiration au retour vers le berceau ancestral du peuple juif, la Palestine, n'était pas encore à ce moment une priorité définitive pour les dirigeants sionistes. T. Herzl tenta de négocier avec la « Sublime Porte » et le Kaiser l'obtention d'une aire géographique où établir un foyer national, embryon d'un futur État juif, mais sans succès. Après avoir envisagé successivement une installation en Amérique du Nord, en Argentine, à Chypre ou au Kenya, il se vit proposer une partie de l'Ouganda par la couronne britannique ; le sionisme obtenait ainsi sa première reconnaissance internationale en 1903. En 1904, après la disparition de Herzl, le projet ougandais fut abandonné, sanctionnant l'échec, provisoire, du recours diplomatique. Le chimiste juif britannique Chaïm Weizmann (v.), futur premier président d'Israël, continua néanmoins d'incarner cette option au sein du mouvement. Émergèrent alors les sionistes dits « pratiques », élite intellectuelle des Juifs fuyant l'Europe centrale. Sous leur action, l'option palestinienne l'emporta définitivement. Ils firent le choix de s'infiltrer en Palestine par tous les moyens, afin d'y implanter une société juive, séparée des populations autochtones, fondée sur des institutions collectives essentiellement agricoles (kibboutz), dans l'optique égalitariste et socialisante des fondateurs du sionisme. David Ben Gourion (v.), arrivé en Palestine en 1907, peut être considéré comme l'archétype de ces pionniers socialistes de la seconde aliyah.
000200000D4B00000F86 D45,Au début du XXe s., l'immigration juive en Palestine, dotée d'institutions originales et d'une milice d'autodéfense, s'employa à créer une nation autosuffisante. L'observance de la règle du « travail juif », interdisant pour une entreprise juive d'employer de la main-d'uvre non juive, et l'application d'une politique d'acquisition des terres par des voies légales évitèrent de faire des nouveaux venus une classe d'exploiteurs coloniaux. Néanmoins, tributaire de la mentalité coloniale occidentale qui a influencé ses principes de création, le sionisme négligea le problème de sa coexistence avec la population locale, en poursuivant sa politique de développement dans l'isolement. Seule l'extrême gauche du mouvement adopta une position alors marginale, appelant à la création d'un État binational marxiste regroupant Juifs et Arabes. Les élites arabes de Palestine, inquiètes des progrès de l'immigration juive, virent essentiellement dans le sionisme un agent de l'impérialisme occidental.
Le 2 nov. 1917, le soutien apporté par le gouvernement britannique à l'Organisation sioniste fut officialisé par la déclaration Balfour (v.) : promettant la création d'un « foyer national pour le peuple juif » dans une Palestine prise aux Ottomans, elle contredisait l'engagement contracté en 1916 par Londres auprès du chérif Hussein de La Mecque de créer un grand royaume en échange du déclenchement de la révolte arabe contre les Ottomans. Après l'instauration du mandat britannique sur la Palestine, en 1922, la puissance mandataire fit progressivement marche arrière devant l'opposition des Arabes palestiniens effrayés par les progrès du contrôle territorial sioniste et l'afflux d'immigrés juifs fuyant le nazisme (à partir de 1933) et les régimes antisémites d'Europe centrale. En 1936, le gouvernement britannique publia un Livre blanc qui prônait l'arrêt de l'immigration juive en Palestine, mais celle-ci se poursuivit de façon clandestine. Les dirigeants sionistes réagirent au Livre blanc en adoptant un nouveau système d'appropriation spatiale, créant des installations fortifiées sur les frontières de l'État juif potentiel, alors que la Grande-Bretagne envisageait un premier projet de partage de la Palestine, en 1937. De leur côté, les membres du Betar, créé par Zeev Jabotinsky, et dirigé par Menahem Begin (v.), projetaient de conquérir par la force, non seulement l'ensemble de la Palestine, mais également la Transjordanie. Après 1945, la libération des camps d'extermination contribua à modifier la position des puissances occidentales à l'égard de la création d'un État d'Israël. En raison de l'inspiration socialiste du mouvement sioniste, l'URSS lui était également favorable. Impuissants à endiguer l'arrivée massive de Juifs européens sortis des camps (v. EXODUS) et à la recherche d'une terre d'asile, les Britanniques s'en remirent à l'ONU, dont le Conseil de sécurité décida, en 1947, la création de deux États en Palestine, l'un juif, l'autre arabe.
L'État d'Israël fut proclamé le 15 mai 1948. L'URSS ayant rompu avec Israël dès 1949, l'État hébreu se retrouva dans le camp occidental. En 1975, le sionisme fut assimilé par l'Assemblée générale de l'ONU à une forme de racisme. Dans un contexte international radicalement différent (essoufflement du tiers-mondisme, dislocation de l'URSS, guerre du Golfe), ce vote fut annulé par la même instance en 1991.
SIONISME. Mouvement national juif qui visait à la restauration d'un État juif en Palestine (thème du retour à Sion), et qui fut à l'origine de la création de l'État d'Israël ( 1948). Le sionisme s'est d'abord exprimé longtemps sous la forme d'un courant mystique, avant d'être envisagé dans une perspective politique. Le vrai fondateur de la doctrine sioniste fut T. Herzl (L'Etat juif, 1896), qui organisa à Bâle le premier congrès constitutif de l'Organisation sioniste mondiale (1897), rencontrant néanmoins de nombreuses oppositions au sein même de la diaspora juive (rabbins et juifs orthodoxes, mouvements socialistes juifs). L'Organisation sioniste mondiale tint à partir de 1897 des congrès annuels et un Fonds national juif fut créé (1901) pour le rachat de terres en Palestine. L'immigration juive s'accrut après la déclaration Balfour (1917), le démantèlement de l'Empire ottoman et le mandat britannique sur la Palestine, puis fut limitée dans l'entre-deux-guerres par la Grande-Bretagne, soucieuse de ménager les susceptibilités arabes. Cependant, le nationalisme sioniste se heurta rapidement au nationalisme des Arabes de Palestine, provoquant de nombreux conflits (1929-1938). Le grave problème de cette région fut porté en 1947 devant l'assemblée générale de l'ONU qui décida le partage de la Palestine en deux États (juif et arabe). Cependant, à peine achevé le mandat britannique, David Ben Gourion proclama la naissance de l'État d'Israël (mai 1948), entraînant l'exode d'une partie importante de la population arabe de Palestine et le déclenchement de la première guerre israélo-arabe (1948-1949). Quelques mouvements et partis politiques israéliens, minoritaires, se sont désolidarisés de l'idéologie sioniste accusée d'être nationaliste, anti-arabe et conquérante. Voir Haganah. Irgoun.