Servitude et Grandeur militaires de Alfred de VIGNY, 1835
La première partie de ce livre est un essai sur le métier de soldat et sur la guerre. Vigny, qui a été officier de 1814 à 1827, n'est aucunement favorable à la guerre. Ainsi, répondant à Joseph de Maistre qui la déclare divine (Les Soirées de Saint-Pétersbourg, 1821), Alfred de Vigny écrit : La guerre est maudite de Dieu et des hommes mêmes qui la font et qui ont d'elle une secrète horreur. Pour lui, le soldat est un paria que la société sacrifie à ses sombres besognes, un martyr de l'obéissance passive, et sa grandeur réside précisément dans sa servitude. Trois nouvelles illustrent ces idées. Dans Laurette ou Le Cachet rouge, Vigny présente un vieux capitaine qui reste brisé par le remords d'un crime qu'on lui a fait commettre, vingt ans plus tôt. Alors qu'il était commandant de vaisseau, au temps du Directoire, il reçut l'ordre d'embarquer deux déportés, un jeune poète et sa femme Laure. Une lettre cachetée de rouge, à ouvrir au passage de l'Équateur, devait lui préciser leur sort : la lettre contenait l'ordre de fusiller le mari de Laure. Le commandant a obéi, malgré l'innocence évidente des jeunes gens et l'amitié qu'il avait nouée avec eux. Laure est devenue folle de douleur. Il l'a prise en charge, et, passé dans l'infanterie, ne s'en est jamais séparé : Laure l'a suivi, dans une petite charrette, tout au long de ses campagnes. La Veillée de Vincennes peint l'humanité et la douceur d'un vieil adjudant qui va, au cours d'une ronde, être victime de l'explosion accidentelle d'une poudrière. La dernière, La Vie et la Mort du capitaine Renaud ou la Canne de jonc, est la plus riche. Le capitaine Renaud a autrefois aimé la guerre et a cédé, devant Napoléon, à la tentation du séidisme, c'est-à-dire de l'obéissance aveugle. Mais un jour, pendant la campagne de 1814, au cours d'un assaut, il a tué un jeune élève officier russe, un enfant, dont la seule arme était une canne de jonc. Il a conservé cette canne et ne porte plus que cette arme dérisoire pour marquer son refus de tuer. Pendant la Révolution de juillet 1830, un gamin de Paris le blesse grièvement d'un coup de pistolet. Touché à mort, il prend l'enfant sous sa protection et pourvoit à son avenir sous condition qu'il ne (sera) jamais militaire. La fin du livre appelle au culte de l'honneur, seule religion qui ait un sens pour l'homme moderne aux yeux de Vigny. Cette attitude d'inspiration stoïcienne se retrouve dans Les Destinées (La Mort du loup).
Liens utiles
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