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RUSSELL (Bertrand)

RUSSELL (Bertrand). Né à Rovenscroft, très tôt orphelin, Bertrand Russell (1872-1970) reçut, sous la tutelle de sa grand-mère, une éducation d'aristocrate, qui s'acheva à l'université de Cambridge, et à Trinity College. Il avait pour parrain John Stuart Mill. Sa longue vie a été vouée à l'étude des mathématiques et de la philosophie de la connaissance, à la philosophie morale et à l'action politique. De tendances pacifistes, il a admis, au moment de la Seconde Guerre mondiale, l'idée d'une guerre juste. Il s'est montré un adversaire résolu de l'armement thermo-nucléaire, est à l'origine d'une fondation pour la paix et s'est montré favorable à toutes les recherches orientées vers l'établissement d'un gouvernement mondial. Soucieux du « plus grand bonheur du plus grand nombre », méfiant à l'égard des partis, il se situait, en politique, entre le libéralisme et le Labour. Dans le domaine des mœurs, il a milité en faveur du divorce, du mariage à l'essai, de l'union libre, d'une sexualité précoce chez les jeunes. Il a reçu, en 1950, le Prix Nobel de littérature. Il a laissé, en logique, une œuvre très importante. Il s'est efforcé de subordonner les mathématiques à la pure logique. Il a aussi développé toute une philosophie du langage, de la signification et du sens. Au terme de sa réflexion, il s'est montré préoccupé par l'objectivité de la science. Ses principaux ouvrages sont Principles of Mathematics (1903) ; Principia Mathematica (1910-1913) ; Principes de reconstruction sociale (1926) ; la Méthode scientifique en philosophie (1914) ; Analyse de l'esprit (1921) ; Analyse de la matière (1927) ; Signification et Vérité (1940) ; Human Knowledge : Its Scope and Limits (1942) ; Autobiographie (1967-1968).

Mathématicien, logicien et philosophe anglais.

♦ Très tôt passionné par la philosophie des mathématiques, c'est dans les Principia Mathematica (1910-1913) rédigés en collaboration avec A.N. Whitehead, qu'il affirme la logique comme base des notions et développements mathématiques : son ambition est alors la mise au point d'un système permettant la reconstruction complète des mathématiques en partant d'un nombre restreint de concepts logiques premiers (en fait, le théorème de Godel montre qu'un tel programme est irréalisable). À la suite de son néo-réalisme initial, qui affirme que l'existence des objets logico-mathématiques est indépendante aussi bien du monde empirique que de l'esprit humain, il élabore dans les Principia une théorie de la déduction et les principes d’une logique extensionnelle (où la vérité des propositions complexes ne dépend que de celle des propositions simples initiales) qui, en raison de la rigueur dans la méthode et dans l'écriture symbolique utilisée, serviront de référence aux travaux des logiciens ultérieurs (il faut toutefois préciser que cette influence sera peu sensible en France, en raison des critiques énoncées par Poincaré à l'égard d'un tel travail ; mais à Cambridge où travaille Russell, il aura pour élève, d'ailleurs difficile et rapidement critique, Wittgenstein). En échappant aux ambiguïtés du langage courant par la logique symbolique, Russell montre d’autre part que la « description » usuelle ne peut être tenue sans équivoque pour le sujet grammatical de propositions strictes.

♦ Ses travaux sur les sciences modernes l'amèneront peu à peu à renoncer à son platonisme initial (seuls les êtres logiques, échappant au temps, possèdent l'être, les objets empiriques ou sensibles n'étant voués qu'à l'existence) pour se rapprocher du néo-positivisme*. Mais, tout en accordant toujours la place centrale à la logique (on peut pour cette raison le qualifier de « philosophe logicien »), son œuvre déborde largement les seules préoccupations formelles, dans la mesure où il entend maintenir la place éminente de la philosophie : « Notre époque, écrit-il, est, à bien des égards, une époque qui n'a pas beaucoup de sagesse et qui profiterait par conséquent grandement de ce que la philosophie a à enseigner. » Quant à ce qu'il entend lui-même enseigner, ce sera fréquemment au prix du scandale : il affirme son antimilitarisme au cours de la Première Guerre mondiale ; effectue en 1920-1921 un voyage en Russie au terme duquel il critiquera le bolchevisme tout en restant proche des socialistes anglais, qui lui paraissent plus soucieux de respecter ce qu'il tient pour les libertés fondamentales de l'être humain ; se déclare hostile aux tabous sexuels, prend position en faveur de l'union libre, et s'affirme systématiquement antireligieux. Esprit fondamentalement sceptique, individualiste et anarchiste, il prit toute sa vie à cœur de lutter contre les nationalismes et la guerre : en 1961, il organise un tribunal international d'intellectuels (dit « Tribunal Russell ») dont le rôle fut de « juger » les activités de guerre américaines au Viêt-nam.

Pour Russell, qui apparaît aujourd'hui comme un philosophe déjà classique (si la logique postérieure a « dépassé » ses propres travaux, ses prises de position morale en font une conscience représentative de l'époque), la tâche de la philosophie consiste radicalement à nous apprendre « comment vivre sans certitude ». Elle « est de fonder théoriquement la certitude totale ou partielle, là où c'est possible, de détruire les certitudes sans fondement ni nécessité et de rendre l'incertitude supportable, partout où elle est inévitable ».

Œuvres principales : Problèmes de philosophie (1912) ; Introduction à la philosophie des mathématiques (1919) ; Le Mariage et. la morale (1927) ; Education et ordre social (1932) ; Recherches sur la signification et la vérité (1940) ; Histoire de la philosophie occidentale (1946) ; Mon autobiographie philosophique (1959) ; etc.

RUSSEL (Bertrand, 3e comte), mathématicien, sociologue et moraliste britannique (Trellek, pays de Galles, 1872-Penrhyn 1970). Il se rendit célèbre, parmi les logiciens, par un ouvrage consacré aux Principes des mathématiques (Principia mathematica) [19031; connu des sociologues par Vers la liberté : le socialisme, l'anarchie et le syndicalisme (1918); maître de morale concrète par la Conquête du bonheur (1930). Sa compétence philosophique proprement dite (Histoire de la philosophie occidentale [19461) est plus discutable. Il demeure un grand logicien, et sa figure possède suffisamment de relief pour qu'il ait été l'interlocuteur direct de Khrouchtchev en Occident pendant la crise de Cuba (1962).

RUSSEL Bertrand Arthur William. Philosophe anglais. Né à Ravenscroft, Monmouthshire (Grande-Bretagne), le 18 mai 1872, mort à Pendhyndreuraeth, dans le nord du Pays de Galles, le 2 février 1970. Son père, le vicomte Amberley, était un homme de tradition libérale et d’esprit irréli-gieux, sa mère une militante du féminisme, Bertrand Russel montra de bonne heure des dispositions pour les mathématiques, étudia la philosophie (subissant alors l’influence de Hegel) et s’initia à Cambridge aux formes les plus hautes de la logique et de la théorie de la science. Sa dissertation pour l’examen d’agrégation à Trinity College (en 1895) est un Essai sur les fondements de la géométrie , publié en volume en 1897 (traduction française dès 1900). Russel vient ensuite à Paris comme attaché d’ambassade. Il épouse alors une jeune Américaine, de famille quaker, avec laquelle il fait en 1896 son premier voyage aux Etats-Unis. II s’établit à son retour en Angleterre dans le Sussex, résolu à se consacrer a la philosophie et aux mathématiques. En 1898, ayant lu la Logique de Hegel, il se détache complètement de la pensée de celui-ci. Puis, avec G. E. Moore, il répudie le Bradley d'Apparence et réalité . C’est alors qu 'il publie sa Philosophie de Leibniz [1900]. Il subit l’influence de Peano, publie en 1903 les Principes des Mathématiques, et écrit en collaboration avec Whitehead les Principia Mathematica (3 vol., 1910-1913), ouvrage d’une importance fondamentale où est développée une nouvelle forme de la logistique, au-delà de la notion de classe : c’est aussi l’époque de Méthode scientifique en philosophie. Mais dans le même temps Russel milite aux côtés de sa femme pour l’obtention du vote des femmes et cherche même en 1910 à se présenter au Parlement : toutefois le parti libéral le repousse, pour athéisme. Pacifiste en 1914, refusant les mythes de guerre de tous les belligérants, il lutte pour faire établir les droits des objecteurs de conscience. Cette activité anticonformiste lui vaut, en 1918, six mois de prison. Il les emploie à écrire son Introduction à la philosophie mathématique [Introduction to Mathematical Philosophy, 1919]. En 1920 il visite l’U.R.S.S. et rencontre Lénine, mais il se déclare bientôt un adversaire du communisme. En 1921 il divorce et épouse Dora Winifred Black qui fut sa collaboratrice pour Perspectives de la civilisation industrielle. Leurs enfants et les soucis d’éducation marquent l’époque suivante de sa pensée. Russell décide d’ouvrir, sur des principes modernes, une école à Beacon Hill. En 1926 il publie On Education. Mais l’école est un échec, surtout financier. Marriage and Morals, en 1929, fait scandale. En 1936, Russel, une seconde fois divorcé, épouse Helen Patricia Spence. Revenu, en 1934, avec Liberté et dirigisme de 1814 à 1914 à l’étude générale du monde actuel, il combat le déterminisme économique, l’historicisme, le marxisme, et souligne l’importance de l’idée de nationalité. En 1938, Power, a new social analysis est un examen de l’Etat. De 1938 à 1944, Russel sera professeur aux Etats-Unis. Mais ce séjour n’ira pas sans difficultés. Révoqué de son premier poste à New York pour « immoralité » sous la pression catholique, il ne peut rester ensuite que deux ans (sur cinq qui étaient convenus) à la fondation Barnes de Merion (Pennsylvanie). Des cours sur l’histoire de la philosophie qu’il professe il tirera sa grande Histoire de la Philosophie occidentale [1946], où chaque philosophe est défini comme le produit de son milieu. En 1940, Russel a cessé d’être pacifiste. Déjà antifasciste, il décide, en 1948, d’être violemment anticommuniste. Bertrand Russel est revenu après guerre en Angleterre. Il obtint le Prix Nobel de littérature en 1950 et continua ses recherches sur la philosophie de la connaissance — Etendue et limites de la connaissance. Très soucieux d’éviter l’utilisation de l’énergie nucléaire dans une éventuelle guerre entre grandes puissances, Bertrand Russel attacha son nom à une « Fondation Russell pour la Paix » et à la création du « Tribunal Russell » qui condamna l’intervention militaire américaine au Viêt-Nam. Lutteur infatigable, il sut allier jusqu’à la fin de sa vie la réflexion du logicien et l’« action dans le siècle ».

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