Databac

ROUMANIE

État de l'Europe du Sud-Est ; capitale Bucarest. La Roumanie, où l'on a retrouvé des vestiges d'industries du paléolithique inférieur, vit s'épanouir, aux Ve/IVe millénaires avant notre ère, plusieurs cultures néolithiques et chalcolithiques, celles de Boian, Gumelnitza, Cucuteni. La phase du chalcolithique est représentée principalement à Cotsofeni, vers 2000 av. J.-C. Les cultures du bronze (Sarata-Monteoru, Tei) atteignirent leur apogée vers le milieu du IIe millénaire. Le fer fit son apparition vers le XIIe s. avant notre ère. • Les origines de la nation roumaine • Des principautés danubiennes à la naissance de l'État roumain moderne (XIVE/XIXe s.) • Jusqu'à la Première Guerre mondiale (1859/1918) • La Roumanie d'une guerre à l'autre • La République populaire roumaine • La Roumanie postcommuniste Les origines de la nation roumaine La Roumanie actuelle rattache ses origines à l'ancienne Dacie, conquise puis érigée en province romaine par Trajan, en 107 apr. J.-C. L'objectif des Romains était d'exploiter les gisements d'or et, en fondant des colonies peuplées de vétérans dans cette région, de protéger la frontière du Danube contre les invasions barbares. Cette province, plus petite que la Roumanie actuelle, s'étendait, au N. du Danube, de la Tisza à l'Olt, en englobant les régions montagneuses de la Transylvanie. À l'arrivée des Romains, le pays était habité par des populations d'origines diverses, principalement des Gètes, très proches des Thraces, mais aussi des peuples des anciens « empires des steppes » (Cimmériens, Scythes, Sarmates) et des Celtes. Au VIIe s. av. J.-C., les Grecs avaient commencé à coloniser la Dobroudja, région côtière de la mer Noire : des Milésiens à Tomoi (Constantza), des Mégariens à Callatis (Mangalia), qui devint le principal port d'exportation des céréales. Au Ier s. av. J.-C., sous la conduite de Burebista, des populations thraco-gètes fondèrent un ensemble politique auquel les Romains donnèrent le nom de Dacie et qu'ils conquirent de 101 à 106. Outre leurs colonies militaires du Banat, de la Transylvanie et de l'Olténie actuels, les Romains possédaient la Dobroudja, qui formait une partie de la province de Mésie-Inférieure. Leurs principaux établissements étaient, sur la côte, les deux anciens ports grecs de Tomis-Constantiana (Constantza) et de Callatis et, à l'intérieur, dans la grande boucle du Danube, le camp militaire de Trœsmis (près de Braila). Mais la domination romaine en Dacie ne dura guère plus d'un siècle et demi : vers 271, sous la pression des Goths, Aurélien dut prendre la décision de ramener les légions sur la rive droite du Danube. Pendant près de mille ans, l'ancienne Dacie fut soumise à des vagues successives d'envahisseurs : les Goths (IIIe/IVe s.), les Gépides (IVe/Ve s.), les Huns (IVe/Ve s.), les Avars (VIe/VIIe s.), les Bulgares (VIIe/IXe s.), les Petchenègues (IXe/XIe s.), les Coumans (XIe/XIIIe s.). Cette période confuse a donné lieu à des hypothèses historiques contradictoires. Les historiens roumains affirment en général que le départ des légions romaines, vers 271, fut un mouvement purement militaire et que la population romanisée de l'ancienne Dacie se maintint dans le pays, puis, devant les invasions barbares, se réfugia dans les montagnes de Transylvanie ; vers la fin du XIIIe s., après la dernière des Grandes Invasions, celle des Mongols (1241), cette population, qui avait conservé dans l'essentiel sa langue romane, serait redescendue dans les plaines. À cette thèse de la continuité du peuplement roumain s'oppose celle de nombreux historiens allemands, hongrois et slaves selon lesquels toute la population de la Dacie romaine aurait suivi les légions au S. du Danube après 271. Les recherches archéologiques et toponymiques confirment plutôt la première thèse. En tout cas, c'est seulement à la fin du XIIIe s. que les documents attestent la présence des Roumains dans les deux plaines formant la périphérie du massif montagneux de la Transylvanie : au S., entre les montagnes et le Danube, la Valachie ; plus au N., entre les Carpates et le Pruth, la Moldavie. Ces Roumains parlaient une langue dérivée du latin, avec d'importants apports slaves ; ils avaient été convertis par les Bulgares, vers le IXe s., à la religion grecque orthodoxe. 000200000FB9000010B2 FB3,Des principautés danubiennes à la naissance de l'État roumain moderne (XIVE/XIXe s.) Le peuple roumain ne réalisa son unité politique qu'au XIXe s. Jusque-là, son histoire est celle des deux principautés de Valachie et de Moldavie, qui, l'une et l'autre, furent soumises à la domination turque, à l'administration des Grecs phanariotes (de Constantinople) appointés par la Porte et, à partir de la fin du XVIIIe s., aux visées de la Russie. La principauté de Valachie fut constituée vers 1330 par Bessarab Ier. Vassale de la Hongrie, elle lutta pour s'émanciper, mais, à la fin du XIVe s., elle fut menacée par les Turcs ottomans. Mircea l'Ancien (1386/1418) aida les Serbes par des contingents valaques qui prirent part à la grande bataille de Kossovo contre les Turcs (1389), et il participa à la croisade chrétienne qui fut écrasée à Nikopol (1396). En 1417, la Valachie dut reconnaître la suzeraineté ottomane, mais elle conserva son autonomie interne, sa dynastie et sa religion chrétienne. Dans les luttes qui suivirent entre la Turquie et la Hongrie, les voïvodes (gouverneurs militaires) de Valachie combattirent, selon leurs intérêts, tantôt avec l'un, tantôt avec l'autre des adversaires. Les souverains les plus importants de cette période furent Vlad IV (1456/62), qui dut à ses cruautés le surnom d'Empaleur, et Bessarab III Neagoe (1512/21). Malgré leur énergie, la domination turque s'appesantit sur le pays, surtout après la défaite hongroise de Mohács (1526). D'immenses espoirs furent éveillés par les succès de Michel le Brave (1593/1601), qui, après avoir réussi à chasser les Turcs (1594/97), conquit la Transylvanie (1599), puis constitua pour la première fois l'union de tous les Roumains en annexant la Moldavie (1600). Mais Michel le Brave fut assassiné l'année suivante, et ces heures de gloire furent sans lendemain immédiat. Au XVIIe s., Matei Bessarab (1632/54) remporta encore des succès contre les Turcs et la publication d'un code (le Pravila) lui donna une réputation de grand législateur. Avec l'exécution par les Turcs du voïvode Constantin Brancovan (1714), la Valachie perdit ses derniers vestiges d'indépendance. Les sultans ottomans la firent administrer par des hospodars (vassaux du sultan) choisis parmi les Grecs phanariotes, qui achetaient leur charge et livraient le pays à un pillage systématique. La principauté de Moldavie avait eu, jusqu'à cette époque, des destinées sensiblement différentes de celles de la Valachie. Fondée en 1359 par Bogdan Ier, la Moldavie passa rapidement sous l'influence de la Pologne, et Alexandre le Bon (1400/32), qui accomplit une œuvre importante dans les domaines de l'administration, de l'enseignement, de l'organisation militaire, reconnut officiellement la suzeraineté polonaise. La principauté était également l'objet des visées des Turcs ; en 1455, elle dut payer un tribut au sultan. Étienne VI le Grand (1457/1504) fut un des plus redoutables adversaires des Ottomans. Monté sur le trône de Moldavie quatre ans seulement après la chute de Constantinople, il consacra tous ses efforts au redressement de la puissance chrétienne en face des Turcs. Après s'être emparé de la Transylvanie (1469), de la Valachie (1471/75), il remporta de grandes victoires sur les Turcs et fut salué par le pape Sixte IV du titre d'« athlète du Christ ». Il dut cependant faire hommage à Casimir IV de Pologne (1484), mais, en 1499, il fit reconnaître par la Pologne et la Hongrie l'indépendance de la Moldavie. Après sa mort, les Turcs reprirent l'avantage. Le fils et successeur d'Étienne le Grand, Bogdan III, dut recommencer à payer le tribut à la Porte en 1511, et les voïvodes devinrent bientôt des jouets entre les mains des sultans. Au XVIIe s., Constantinople choisit elle-même les princes de Moldavie parmi des familles grecques ou albanaises présumées sûres. À partir de 1711, la Moldavie, comme la Valachie, fut gouvernée par des Grecs phanariotes aux ordres du sultan (la plupart furent des membres des familles Mavrocordato et Ypsilanti). 000200000F0200002065 EFC,À partir de la seconde moitié du XVIIIe s., l'influence russe ne cessa de grandir dans les deux provinces danubiennes. En 1769/70, les troupes de Catherine II occupèrent la Moldavie et la Valachie. Le traité de Kütchük-Kaïnardji (1774) les restitua à la Porte, mais celle-ci dut accorder des libertés politiques aux Roumains ; la Bucovine, au N. de la Moldavie, fut annexée par l'Autriche. La Russie occupa encore la Moldavie en 1788/92, et, par la paix de Iassi (janv. 1792), elle accentua son protectorat sur les principautés chrétiennes. L'occupation russe de 1806/12 laissa de fâcheux souvenirs dans les deux principautés (pillages, réquisition de travailleurs, déportations en Sibérie), et, à la paix de Bucarest (1812), le tsar se fit donner le sud-est de la Moldavie, la Bessarabie. Déçus par les Russes, les Roumains se retournèrent vers les Grecs, et, lors du soulèvement d'Alexandre Ypsilanti (1821), les Turcs furent très inquiets d'une collusion gréco-roumaine. Pour l'éviter, ils supprimèrent le régime phanariote et désignèrent des princes d'origine roumaine, Ion Sturdza en Moldavie et Grégoire Ghika en Valachie. Dans les années 1830/48, alors que les provinces danubiennes étaient régies par la Constitution dite Règlement organique de 1831/32, l'élite de la jeunesse roumaine se tourna de plus en plus vers la France libérale ; de nombreux intellectuels vinrent faire leurs études à Paris, et, en 1848, éclata en Moldavie et en Valachie un mouvement à la fois national et libéral, qui fut réprimé par les Turcs et les Russes. Occupées par les Russes jusqu'en 1851, puis par les Autrichiens (1854/57), les provinces danubiennes, après la guerre de Crimée, furent replacées par le traité de Paris (1856) sous la suzeraineté turque ; la garantie collective des puissances mit fin au protectorat de fait de la Russie. La convention de Paris (août 1858) stipula que les deux provinces devaient rester séparées, car l'Autriche ne souhaitait nullement une réunion qui aurait préludé à la fondation d'une « Grande Roumanie » qui pouvait rassembler les Roumains de Transylvanie, de Bucovine et du Banat, pays sous domination autrichienne. Mais Napoléon III suggéra aux deux provinces de voter pour le même gouverneur, et c'est ainsi que l'unité de la Roumanie fut réalisée, sinon en droit, du moins de fait, par l'élection d'Alexandre Cuza comme hospodar de Valachie et de Moldavie (17 janv. 1859). Jusqu'à la Première Guerre mondiale (1859/1918) Proclamée en déc. 1861 et reconnue par les puissances européennes et par la Porte, l'unité du nouvel État fut vite menacée par l'instabilité ministérielle. Le prince Cuza établit un régime plus autoritaire en mai 1864, mais une conspiration le força à abdiquer (févr. 1866). Le gouvernement provisoire appela sur le trône le prince Charles de Hohenzollern-Sigmaringen, qui, dès son avènement, promulgua une Constitution libérale (juill. 1866). Durant la guerre russo-turque de 1877/78, la Roumanie, sous la direction du grand ministre libéral Ion Bratianu, se rangea aux côtés de la Russie, et ses armées prirent une part importante à la victoire russe. Mais les Russes forcèrent leurs alliés roumains à la restitution de la Bessarabie méridionale, en échange de la Dobroudja. Le congrès de Berlin (1878) consacra l'indépendance complète de la Roumanie. De 1876 à 1888, Bratianu resta le maître incontesté de la Roumanie. Il érigea celle-ci en royaume (mars 1881), entreprit de grands travaux (chemins de fer, routes, ponts, canaux) et assura la défense du pays par de puissantes fortifications. Après la défaite électorale et la retraite de Bratianu (1888) l'alternance politique entre conservateurs et libéraux fonctionna jusqu'à la Première Guerre mondiale. En 1907 avait eu lieu la première des grandes émeutes paysannes antisémites qui troublèrent la Roumanie jusqu'en 1940. 000200000CEB00002F61 CE5,En politique étrangère, le roi Charles Ier avait conclu en 1883 une alliance secrète avec l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie. Cette alliance, plusieurs fois renouvelée, resta la base de la politique roumaine jusqu'à la Première Guerre mondiale, mais elle n'était pas unanimement populaire dans le pays surtout auprès des élites roumaines, qui continuaient à se nourrir de culture française. Le rêve d'une Grande Roumanie, englobant les frères de Transylvanie et du Banat, entretenait en outre des sentiments hostiles aux Habsbourg. La question de la Dobroudja constituait également une pomme de discorde entre la Roumanie et la Bulgarie, qui jouissait de l'appui de Berlin et de Vienne. Lors de la première guerre balkanique, la Roumanie, tout en se tenant en dehors des hostilités, exigea de la Bulgarie une rectification de frontières en Dobroudja. N'ayant pas obtenu une satisfaction suffisante, elle attaqua la Bulgarie en juill. 1913, lors de la seconde guerre balkanique, et, au traité de Bucarest (10 août 1913), elle obtint la Dobroudja méridionale. Au début de la Première Guerre mondiale, le gouvernement roumain, s'opposant à Charles Ier, qui mourut quelques semaines plus tard, refusa de faire jouer l'alliance avec les puissances centrales. Le libéral Ionel Bratianu, qui était Premier ministre, proclama d'abord la neutralité, puis engagea des négociations avec les Alliés. Le nouveau roi, Ferdinand Ier (1914/27), nourrissait lui aussi des sympathies pour les Alliés. Le 27 août 1916, la Roumanie déclara la guerre à l'Autriche-Hongrie, mais l'armée roumaine, rapidement bousculée, dut évacuer Bucarest dès le mois de déc. et se retira sur le Siret, tandis que le roi et le gouvernement s'installaient à Iassi. La révolution russe de 1917 rendit la résistance roumaine sans espoir : le roi dut appeler un ministère proallemand et signa avec les puissances centrales le traité de Bucarest (7 mai 1918), qui laissait subsister un État roumain, mais amputé de la Dobroudja, annexée par la Bulgarie. En nov. 1918, la Roumanie rentra cependant dans la guerre et put ainsi bénéficier largement de la victoire des Alliés. La Roumanie d'une guerre à l'autre L'effondrement des Habsbourg permit la création de la Grande Roumanie. Après la Bucovine (nov. 1918), la Bessarabie et la Transylvanie, en déc. 1918, demandèrent leur réunion à la Roumanie. Le gouvernement communiste hongrois de Béla Kun commit l'imprudence, au printemps 1919, d'engager les hostilités contre la Roumanie ; les troupes roumaines prirent l'offensive et occupèrent Budapest d'août à nov. 1919. Les traités de Saint-Germain (10 sept. 1919) et de Trianon (4 juin 1920) consacrèrent la naissance de la Grande Roumanie, qui comprenait 295 000 km2 et 16 300 000 habitants  contre 138 000 km2 et 7 500 000 habitants en 1914. Le 15 oct. 1922, à Alba Iulia, en Transylvanie, Ferdinand fut couronné solennellement roi de la nouvelle Roumanie unie. Cet agrandissement n'allait pas sans périls : l'annexion de la Bessarabie mina les rapports entre la Roumanie et l'URSS, avec qui les relations diplomatiques ne furent établies qu'en 1934. En Transylvanie et dans le Banat se posait le problème des minorités hongroises, rendu plus aigu encore par la politique centralisatrice suivie à partir de 1922 par le gouvernement de Bratianu. 000200000C1C00003C46 C16,Toute la politique étrangère roumaine, après la Première Guerre mondiale, fut inspirée par le souci de maintenir le statu quo territorial. Après avoir signé un traité avec la Pologne (1921), le gouvernement roumain échafauda avec la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie le système de la Petite-Entente, renforcée par des alliances avec la France (1926), avec l'Italie (1927) et par son action infatigable à la SDN. À l'intérieur, les conservateurs, qui avaient été les champions d'une politique proallemande, se trouvaient déconsidérés, mais, en face des libéraux, apparurent de nouveaux partis. Le plus important fut le parti national populaire d'I. Maniu, qui devint en 1926 le parti national paysan, de beaucoup le plus influent. Néanmoins, le chef des libéraux, Bratianu, resta presque continuellement au pouvoir de 1922 à 1928 et il favorisa son camp par la loi électorale de 1926, qui attribuait la majorité absolue des sièges au Parlement au parti qui obtiendrait 40 % des voix. Les élections de 1927 furent truquées par le gouvernement, et le parti paysan, en dépit de son rayonnement, n'obtint qu'environ 22 % des voix. À ces facteurs d'instabilité s'ajoutaient l'action souterraine, encore restreinte, du parti communiste (déclaré illégal en 1924), l'antisémitisme largement répandu dans la population, enfin les difficultés dynastiques, l'héritier du trône, Charles, ayant été contraint à l'exil par son père, pour s'être séparé de sa femme. À la mort de Ferdinand (juill. 1927), le Conseil de régence ordonna des élections libres, qui donnèrent cette fois une majorité écrasante au parti paysan de Maniu (déc. 1928). Mais Maniu, en désaccord avec les régents, provoqua le retour d'exil de Charles, qui fut proclamé roi en juin 1930 sous le nom de Charles II. Le nouveau souverain était décidé à briser les partis politiques et à imposer son gouvernement personnel. La campagne d'agitation du mouvement fasciste et antisémite fondé par Codreanu, la Garde de fer, qui remporta ses premiers succès électoraux en 1932, facilita ses desseins. Après l'assassinat du Premier ministre Ion Duca (déc. 1933), le libéral Tataresco essaya vainement de dissoudre la Garde de fer. Il subit un grave échec aux élections de 1937, tandis que les fascistes obtenaient 16 % des voix. Le roi Charles appela alors au gouvernement le poète antisémite O. Goga. Pendant quelques semaines, la Roumanie fut le théâtre de véritables pogroms. Profitant de ces troubles, Charles II, en févr. 1938, abolit le système parlementaire et instaura une dictature royale. Codreanu fut emprisonné, puis abattu sommairement par la police. En déc. 1938, le roi institua une sorte de parti unique, le Front de la renaissance nationale. Mais la Garde de fer poursuivit son activité terroriste (assassinat du Premier ministre Calinesco, sept. 1939). Pendant ce temps, la Roumanie voyait s'effondrer le système de sa politique étrangère : la disparition de la Tchécoslovaquie (mars 1939) mit fin à la Petite-Entente, et la Roumanie se trouva isolée en face de l'Allemagne hitlérienne alliée à l'URSS depuis le pacte d'août 1939. 000200000D040000485C CFE,Dès la défaite française de juin 1940, l'influence allemande s'exerça directement jusque dans la politique intérieure roumaine : Charles II dut faire appel à un cabinet proallemand, dont fit partie le nouveau chef de la Garde de fer, Horia Sima. En juin 1940, avec l'accord de l'Allemagne, l'URSS annexa la Bessarabie et la Bucovine. Pour satisfaire leurs alliés hongrois, le Reich et l'Italie imposèrent ensuite à la Roumanie l'arbitrage de Vienne (30 août 1940), qui rendit à la Hongrie la Transylvanie septentrionale ; Bucarest dut également rendre la Dobroudja méridionale à la Bulgarie. Ces amputations soulevèrent dans le pays une profonde colère, et le roi Charles II, complètement déconsidéré, abdiqua le 6 sept. 1940 en faveur de son fils, Michel. Le général Antonesco se fit donner les pleins pouvoirs, proclama la Roumanie « État national légionnaire » et, le 23 nov. 1940, adhéra au pacte tripartite. Les hommes de la Garde de fer massacrèrent des personnalités politiques de l'ancien régime, mais Antonesco réussit à obtenir l'appui des Allemands et il se débarrassa de ces forcenés (janv. 1941). Le régime fut désormais essentiellement militaire. Entré en guerre aux côtés de l'Allemagne contre l'URSS (juin 1941), Antonesco connut d'abord une réelle popularité grâce à la reconquête de la Bessarabie et à l'annexion de la « Transnistrie » (entre Dniestr et Boug), avec Odessa. Mais les pertes subies par l'armée roumaine à partir de 1942 et le désastre de Stalingrad amenèrent un revirement de l'opinion. Les anciens chefs du parti paysan et des libéraux, Maniu et D. Bratianu, commencèrent à nouer des contacts avec les Occidentaux et à faire pression sur le roi Michel. Celui-ci, par un véritable coup d'État, limogea Antonesco (23 août 1944), alors que les armées soviétiques étaient déjà entrées en Roumanie. L'armistice fut signé à Moscou le 12 sept. et la Roumanie reprit les armes, mais cette fois contre l'Allemagne. Le traité de paix du 10 févr. 1947 l'obligea à renoncer à la Bessarabie et à la Bucovine du Nord au profit de l'URSS, à la Dobroudja méridionale au profit de la Bulgarie, et lui imposa des réparations de guerre ; en revanche, il lui assura la restitution par la Hongrie de la Transylvanie septentrionale. Après trois gouvernements militaires de brève durée fut formé, en mars 1945, sous la pression soviétique, un gouvernement dans lequel étaient représentés tous les partis du Front national démocratique sous la direction d'un sympathisant communiste, Petru Groza, chef d'un petit mouvement appelé le Front des laboureurs. Les élections du 19 nov. 1946 donnèrent au bloc des partisans gouvernementaux plus de 70 % des voix et 348 des 414 sièges du Parlement. Dans le nouveau gouvernement, les communistes s'assurèrent la plupart des postes clés. Dans les mois qui suivirent, les communistes s'employèrent à provoquer une scission chez les sociaux-démocrates, puis à liquider toute opposition : dès août 1947, le parti paysan fut interdit et son chef, Maniu, condamné à la détention perpétuelle (nov. 1947) ; Tataresco dut démissionner du ministère des Affaires étrangères et fut remplacé par la militante communiste Ana Pauker (nov. 1947) ; Petrescu, chef des socialistes anticommunistes, fut également éliminé. Enfin, le roi Michel dut abdiquer (30 déc. 1947) et partit pour l'exil. 000200000C150000555A C0F,La République populaire roumaine Les chefs politiques hostiles au communisme et le roi une fois évincés, la Roumanie nouvelle s'aligna rapidement sur l'URSS, avec laquelle elle fut liée, dès févr. 1948, par un traité d'amitié et d'assistance mutuelle. Après la fusion des restes du parti social-démocrate et des communistes dans le nouveau parti des travailleurs roumains (févr. 1948), des élections furent organisées qui donnèrent la quasi-totalité des sièges au Front démocratique conduit par les communistes (28 mars 1948). Le mois suivant fut proclamée la République populaire roumaine (Republica populara romina). Diverses purges éliminèrent plusieurs dirigeants du parti communiste (Patrascanu en 1948, Ana Pauker en 1952), et Groza, qui dirigeait le gouvernement depuis 1945, fut remplacé en 1952 par Gheorghiu-Dej, qui profita du conflit idéologique entre Moscou et Pékin pour engager le pays, dès 1961, dans la voie du « communisme national ». Cette indépendance par rapport aux métropoles politiques fut maintenue par Chivu Stoica (1965/67) ; elle gagna le domaine des relations économiques et diplomatiques avec l'Ouest sous Nicolae Ceausescu, qui avait refusé, en 1968, que les troupes roumaines se joignissent à celles du pacte de Varsovie pour réprimer la Tchécoslovaquie. Mais la dictature du régime n'en était pas atténuée pour autant en Roumanie même, où les choix économiques du « Conducator » privèrent peu à peu le pays des bénéfices d'une période de croissance commencée dès avant la guerre. En 1972, la Roumanie, qui souhaitait devenir économiquement indépendante de Moscou, adhéra au FMI et obtint des crédits importants. Face au remboursement d'une dette dont les intérêts étaient en hausse, Ceausescu refusa d'appliquer les mesures préconisées par le FMI et décida de restreindre la demande intérieure en donnant toute priorité aux exportations, quelles qu'en soient les conséquences pour le niveau de vie. Pour pallier les déficiences d'une agriculture sacrifiée à la fièvre industrielle depuis la naissance du régime et qui n'était plus capable d'assurer l'autosuffisance alimentaire, des remèdes autoritaires furent administrés : depuis 1988, la création de centres agro-industriels visait à restructurer l'agriculture, mais aussi à assimiler brutalement la minorité hongroise de Transylvanie (v.). La révolte grondait (répression de l'insurrection de Brasov en 1987) au sein d'une population privée du nécessaire et qui ne supportait plus la dictature d'une bureaucratie népotique (une vingtaine de membres de la famille Ceausescu occupaient des postes clés). Restant, jusqu'en 1989, en dehors de la vague de réformes touchant ses voisins, la Roumanie fut le théâtre de la révolution la plus controversée du Bloc socialiste. Les émeutes de Timisoara déclenchèrent, en déc. 1989, un mouvement révolutionnaire visant à renverser le régime et surtout le chef de l'État. Lâché par l'armée et le Comité central, Nicolae Ceausescu s'enfuit en hélicoptère de l'immeuble du Comité le 22 déc., avant d'être arrêté, puis exécuté, avec sa femme Elena, le 25 déc. 1989. 000200000D2600006169 D20,La Roumanie postcommuniste Un Front de salut national fut formé pour prendre la relève : Ion Iliescu fut nommé président par intérim et Petre Roman Premier ministre. Le nouveau pouvoir conforta son assise aux élections présidentielle et législatives de mai 1990. En sept. 1991, une manifestation des mineurs entraîna la démission de P. Roman, remplacé par Theodor Stolojan. Les élections locales de févr. 1992 mirent en lumière les progrès de l'opposition. Iliescu fut pourtant réélu en sept. 1992 grâce aux voix des nationalistes. La participation d'anciens hauts responsables de l'ère Ceausescu au gouvernement de Nicolae Vacaroiu en oct. 1992 illustra combien la rupture avec l'ancien personnel politique restait incomplète. La transition vers l'économie de marché demeurait la ligne du gouvernement, mais les privatisations piétinaient et le taux d'inflation (300 %) était le plus élevé d'Europe. La récession perdurant, un vaste mouvement de grève traversa le pays en août, puis en nov. 1993. Minoritaire au Parlement, le parti de la démocratie sociale (PDSR) du président dut donc s'allier, en janv. 1994, aux nationalistes de l'Unité nationale et de Romania Mare (« Grande Roumanie »), le parti d'extrême droite de Vadim Tudor. L'image de la Roumanie, bonne dernière dans le processus de transition économique, suspectée de dérives nationalistes et de corruption endémique, se dégrada. Le régime fut accusé de violer l'embargo décrété en mai 1992 contre la Serbie, de faire preuve d'irrédentisme face à la Moldavie voisine (République indépendant depuis 1991, constituée pour la plus grande partie de son territoire par l'ex-Bessarabie) et de persécuter sa population tzigane. L'entrée de la Roumanie au Conseil de l'Europe fut, pour ces motifs, retardée jusqu'en oct. 1993. La Roumanie, soucieuse d'améliorer ses rapports avec l'Ouest, fut en revanche le premier pays ex-communiste à signer le traité de « Partenariat pour la paix » avec l'OTAN le 26 janv. 1994. En nov. 1996, les élections législatives et présidentielle furent remportées par l'opposition démocrate-chrétienne. Emil Constantinescu devint président de la République et Victor Ciorbea Premier ministre. Mais en janv. 1998, les sociaux-démocrates, emmenés par Petre Roman, quittèrent la coalition gouvernementale ; deux mois plus tard, V. Ciorbea démissionna et fut remplacé par le chrétien-démocrate Radu Vasile. Fin 1998, tandis que l'inflation faisait rage, les entreprises d'État travaillaient à perte, l'économie parallèle prospérait et le mécontentement de la population allait grandissant. En janv. 1999, les mineurs marchèrent à nouveau sur Bucarest ; ils protestaient contre la fermeture des mines et réclamaient la démission du gouvernement. Des tensions dans la coalition au pouvoir aboutirent, en déc. 1999, à la démission du gouvernement et au limogeage de Radu Vasile. Il fut remplacé par Mugur Isarescu, ancien gouverneur de la Banque centrale. Ces manœuvres politiques contribuèrent à faire baisser la popularité de la coalition au pouvoir, et les élections générales de nov. 2000 furent marquées par une montée de l'extrême droite, le parti Romania Mare devenant le second du pays, derrière le parti de la démocratie sociale d'Ion Iliescu, qui retrouva alors le poste de président de la République, tandis qu'Adrian Nastase, du même parti, était nommé Premier ministre.

Liens utiles