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ROME

Nom du plus grand des États de l'Antiquité, qui, d'abord simple cité-État limitée au Latium, étendit progressivement sa domination à toute l'Italie, puis au monde méditerranéen et à l'Europe occidentale. • Les origines légendaires • Hypothèses sur les origines véritables • Débuts de la République. Conquête de l'Italie (509/264 av. J.-C.) • La politique intérieure jusqu'aux guerres puniques • La conquête du bassin de la Méditerranée (264/132 av. J.-C.) • La crise du régime républicain • L'âge des guerres civiles • Auguste et les débuts du principat (29 av./96 apr. J.-C.) • Le siècle des Antonins et l'anarchie militaire (96/284) • L'Empire totalitaire, païen et chrétien (284/395) • La dislocation de l'Empire (395/476) Les origines légendaires Connus seulement par des sources écrites très tardives (les plus anciennes annales des pontifes ne datent que du début du IIIe s. av. J.-C.), les débuts de Rome forment une histoire légendaire qui prit sa forme définitive chez les écrivains latins et grecs de la fin de la République et du début de l'Empire : Diodore de Sicile, Virgile, Tite-Live, Denys d'Halicarnasse, Plutarque. La tradition, en prenant pour base les travaux de Varron, contemporain de César, retient pour la fondation de Rome la date de 753 av. J.-C. Selon la légende, après la guerre de Troie et la chute de cette cité (XIIe s. av. J.-C. ?), le Troyen Énée, fils d'Anchise et de la déesse Vénus, vint s'établir sur les bords du Tibre, où il épousa la fille du roi Latinus, qui descendait lui-même de Saturne. En l'honneur de son beau-père, Énée donna à son peuple le nom de Latins. Son fils, Ascagne ou Iule, fonda la ville d'Albe la Longue, qui devint la capitale du Latium. Il fut la souche d'une dynastie albaine qui se perpétua pendant quelque trois siècles jusqu'au conflit de succession qui opposa les frères Numitor et Amulius. Ce dernier détrôna Numitor et, pour priver celui-ci de toute postérité, il fit entrer la fille de Numitor, Rhea Silvia, dans l'ordre des Vestales, voué au célibat et à la chasteté. Mais le dieu Mars vint s'unir à Rhea Silvia, et celle-ci donna naissance à deux jumeaux, Romulus et Remus. Amulius fit abandonner les enfants sur les eaux du Tibre en crue ; mais le flot déposa leur berceau au pied du mont Palatin. Nourris par la fameuse louve dans la grotte du Lupercal, les jumeaux furent ensuite recueillis par un couple de bergers. Devenus adolescents, Romulus et Remus rétablirent leur grand-père Numitor sur le trône d'Albe. Puis ils décidèrent de fonder une nouvelle ville sur le site miraculeux du Palatin. Désigné par le sort comme fondateur et roi, Romulus traça à la charrue le sillon marquant l'enceinte de la cité ; son frère Remus ayant, par bravade, franchi cette limite sacrée et inviolable, Romulus le tua. Premier roi de Rome (753/715 av. J.-C.), Romulus se donna pour conseil un sénat de cent patres. Pour peupler la nouvelle cité, il fit procéder à l'enlèvement des Sabines. Dans la guerre qui s'ensuivit, les Sabins s'emparèrent, grâce à la trahison de la vestale Tarpeia, de la citadelle du Capitole ; mais l'intervention des Sabines amena la réconciliation et la fusion des Sabins et des Romains en un seul peuple, les Quirites. Romulus divisa la population en trente curies et en trois tribus, les Ramnes, les Tities et les Luceres. Après sa mort, trois rois furent choisis successivement par le Sénat ou par le peuple : Numa Pompilius (715/672), qui organisa le sacerdoce et la vie religieuse ; Tullus Hostilius (672/640), qui triompha d'Albe (épisode des Horaces et des Curiaces) ; Ancus Martius (640/616), roi bâtisseur et conquérant, qui étendit l'influence de Rome en créant le port d'Ostie, à l'embouchure du Tibre, et en battant les Latins, auxquels il accorda ensuite le droit de cité. À la mort d'Ancus Martius, un coup d'État porta au pouvoir le tuteur de ses enfants, Tarquin l'Ancien (616/578 av. J.-C.), qui fut le premier d'une série de trois rois étrusques. Tarquin fit de grands travaux à Rome (création du Forum, des égouts, du temple de Jupiter Capitolin), doubla le nombre des sénateurs, renforça l'armée, remporta des victoires sur les Latins, les Sabins et les Étrusques. Assassiné par des descendants d'Ancus Martius, il fut remplacé par Servius Tullius (578/534), auquel la tradition attribue la création d'une nouvelle enceinte englobant les sept collines et surtout la division du peuple en cinq classes, sur la base de la fortune (« Constitution servienne »), système qui permettait, pour les besoins militaires, d'intégrer de nouveaux citoyens et qui accordait la prépondérance aux plus riches. Cette organisation a donné naissance aux comices centuriates. Il fut assassiné à l'instigation de son propre gendre et successeur, Tarquin le Superbe (534/509). Celui-ci poursuivit les grands travaux de ses prédécesseurs, acheva la construction du temple de la Triade capitoline et l'égout (Cloaca maxima) qui assécha le Forum, mena des guerres victorieuses contre les Latins ; mais il réduisit le Sénat à l'impuissance et gouverna par l'arbitraire et la violence. Son fils, Sextus, ayant outragé la femme d'un de ses parents, Lucrèce, les patriciens romains, conduits par Brutus, soulevèrent le peuple : Tarquin et sa famille durent se réfugier en Étrurie, et la République fut proclamée (509). Hypothèses sur les origines véritables L'étude critique des légendes traditionnelles peut permettre de reconstituer dans ses traits généraux l'histoire primitive de Rome. Dans la fertile plaine du Latium, le site de Rome, avec ses collines dominant le Tibre, offrait une intéressante position stratégique. On y a retrouvé des traces d'occupation humaine remontant au IIe millénaire av. J.-C. L'archéologie confirme la légende en situant l'apparition de Rome au VIIIe s. av. J.-C. À cette date, en tout cas, existait déjà, sur la pente O. du Palatin, le village latin du Germal, qu'on peut identifier avec le village de Romulus. Au VIIe s., de nouveaux villages latins s'établirent sur le Palatin, l'Esquilin, le Coelius, et d'autres, probablement sabins, sur le Quirinal et le Viminal. Après une première fédération des deux villages latins du Palatin (Germal et Palatual), sept villages latins formèrent une ligue aux liens très lâches, la fédération septimontiale (Septimontium). Il est probable que le Septimontium subit la domination des Sabins (les rois sabins de l'histoire légendaire), mais il n'est pas sûr qu'il ait eu dans la chute d'Albe le rôle décisif que lui attribue la légende. À la fin du VIIe s., les Étrusques envahirent le Latium ; ce sont eux qui furent les véritables fondateurs de Rome et qui réunirent les petits villages latins en une seule ville. Ils placèrent Rome à la tête des villes latines, et l'on peut leur reconnaître les conquêtes que leur attribue la légende. Ces rois étaient en fait des « tyrans », au sens grec du mot. Il existait sans doute, à côté du tyran étrusque qui détenait la plénitude du pouvoir exécutif, une assemblée curiate qui avait un rôle purement consultatif, et un Conseil du roi, un sénat, composé des chefs des principales familles ou gentes. En dehors de ces familles existait, sur le territoire romain, une plèbe dont les origines prêtent à de nombreuses hypothèses. Les historiens modernes contestent à Servius Tullius la paternité de la Constitution servienne (v. SERVIUS TULLIUS), qui aurait fait entrer la plèbe dans la cité romaine. En revanche, cette insertion de la plèbe fut bien l'œuvre des rois étrusques. Dans ce contexte, la révolution de 509 a pris l'aspect d'une double réaction ethnique et sociale : révolte des Latins contre des maîtres étrangers ; revanche des patriciens, qui tiraient leur puissance de la propriété foncière, sur la plèbe, dont les activités artisanales et commerciales étaient liées à la domination étrusque. Débuts de la République. Conquête de l'Italie (509/264 av. J.-C.) La révolution de 509 aboutit à l'instauration d'une république aristocratique, dominée par les patriciens. Le pouvoir royal fut morcelé entre plusieurs magistrats : les pouvoirs politique et militaire furent confiés à deux préteurs, appelés ensuite consuls, élus chaque année par le peuple dans les comices centuriates et ratifiés par le Sénat ; en cas de crise grave, le Sénat pouvait demander l'institution d'un commandement unique, qui était confié pour six mois à un dictateur muni des pleins pouvoirs. Les fonctions religieuses du roi furent dévolues en partie aux magistrats et en partie à un prêtre, le rex sacrorum, qui ne devait exercer aucune autre fonction. Au lendemain de l'avènement de la République, Rome se trouvait menacée par ses voisins immédiats : au N., les Étrusques ; à l'E. et au S.-E., des populations de montagnards, Éques, Herniques et Volsques, toujours prêts à faire dans la plaine des incursions dévastatrices ; enfin, à l'intérieur même du Latium, les Latins, qui supportaient avec impatience l'hégémonie romaine. Au cours des Ve et IVe s., la petite République romaine dut mener des guerres défensives incessantes pour sauvegarder son existence même. L'armée romaine était une armée de paysans-citoyens, qui acquit rapidement des qualités incomparables de discipline et de ténacité. Deux ans seulement après la révolution de 509, les Étrusques menés par leur roi Porsenna réussirent même à occuper momentanément la ville (vers 504) ; ils furent cependant refoulés à la suite des exploits légendaires d'Horatius Coclès, de Mucius Scaevola et de Clélie. Vainqueurs des Latins à la bataille du lac Régille (496 ?), les Romains avaient besoin de leur appui pour résister à la pression des Volsques et des Éques ; par le Fœdus Cassianum de 493 (?), ils reconnurent aux Latins un droit de partage égal du butin et des conquêtes. Après avoir repoussé à grand-peine les Volsques (épisode de Coriolan, 491 ?), les Romains menèrent contre les Éques une campagne au cours de laquelle s'illustra le dictateur Cincinnatus, incarnation du soldat-paysan de cette époque (458). Au cours de ces luttes, l'hégémonie romaine sur la Ligue latine (v. LATIUM) s'affermit. Cependant, à moins de 10 km au N. de Rome, les Étrusques de Véies tenaient solidement la tête de pont de Fidènes, empêchant ainsi toute pénétration romaine dans la vallée du Tibre. Il fallut aux Romains quatre-vingts ans de luttes pour faire tomber une barrière aussi proche : la première guerre contre Véies (482/474) resta sans résultat (épisode des Fabii), Fidènes ne fut détruite par les Romains qu'en 425, et Véies ne fut enfin prise, par le dictateur Camille, qu'en 396, après dix ans de siège. Juste après cette victoire, des Celtes, établis vers 400 av. J.-C. dans la vallée du Pô, lancèrent un raid contre Rome, laquelle fut occupée et incendiée (vers 386). Cependant, Rome se releva rapidement, mais le raid de 390 avait provoqué une révolte générale contre Rome dans le Latium, où les Romains ne mirent pas moins de trente ans à rétablir leur hégémonie. Vers le sud, un nouveau péril se dessinait avec la descente massive, dans la riche et fertile Campanie, de montagnards des Abruzzes, les Samnites. Alliés des Samnites depuis 354, les Romains furent cependant amenés à leur faire la guerre lorsque Capoue, attaquée par les Samnites, ne trouva d'autre recours que de se donner entièrement à Rome (343 av. J.-C.). Victorieuse dans la première guerre samnite (343/341), Rome dut faire face à une nouvelle révolte des Latins, qui, cette fois, furent complètement soumis, virent leur ligue dissoute, mais reçurent presque tous les droits de la citoyenneté romaine (338). Désormais maîtres absolus du Latium, les Romains menèrent la deuxième guerre samnite (327/304, v. SAMNITES), au cours de laquelle ils subirent de graves revers (les fourches Caudines, 321) et durent faire face à une coalition de tous les peuples de l'Italie centrale, mais qui s'acheva cependant par l'établissement de leur hégémonie sur toute la Campanie. La troisième guerre samnite (299/290) vit la victoire définitive des Romains, devant lesquels s'ouvrit la route de l'Italie du Sud. Les Romains, au début du IIIe s. av. J.-C., entraient ainsi en contact avec les peuples de la Grande-Grèce. En 282 commença leur conflit avec Tarente, cité grecque qui appela à son aide Pyrrhus, roi d'Épire qui, débarqué en Italie avec une armée de 25 000 hommes et des éléphants, battit l'armée romaine à Héraclée (280) et à Ausculum (279), mais fut vaincu à Bénévent (275), par Curius Dentatus, et retourna en Grèce. Maîtres de Tarente en 272, les Romains, deux ans plus tard, occupèrent Rhégion, à l'extrême pointe de la botte italique. Toute la péninsule se trouvait désormais sous leur domination. Celle-ci prenait, selon les peuples et les régions, des formes très diverses. L'Italie romaine constituait alors un réseau très complexe de liens plus ou moins souples tissés entre Rome et les autres peuples, les autres « cités », entrés dans son alliance ou soumis par elle. Le territoire romain proprement dit correspondait approximativement aux provinces italiennes actuelles du Latium, de la Campagnie, de l'Ombrie et des Marches. Le reste de l'Italie se composait soit de cités sujettes, qui, conquises de vive force, payaient à Rome un tribut, soit de villes « alliées », qui étaient liées aux Romains par un traité et conservaient une autonomie plus ou moins grande. Par ailleurs, les Romains, dès l'origine, avaient fondé de nombreuses colonies en territoire italien. La politique intérieure jusqu'aux guerres puniques La réaction patricienne inaugurée par la révolution de 509 se renforça pendant toute la première moitié du Ve s. av. J.-C. Les grandes familles, les gentes, qui disposaient à la fois de la richesse foncière et du pouvoir politique, religieux et judiciaire, et s'appuyaient en outre sur un nombre important de clients, dépouillèrent de ses droits une plèbe qui avait perdu avec le roi son protecteur naturel. La réaction prit la forme de sécessions (la plèbe abandonnait la cité) dont la plus fameuse fut la sécession sur l'Aventin, en 494, et le conflit ne fut momentanément réglé que par l'institution de magistrats spéciaux et inviolables, les tribuns de la plèbe. Sous l'autorité de ces chefs, la plèbe développa son organisation, facilitée par le premier développement commercial de Rome et surtout par les besoins militaires de la cité. C'est au cours du Ve s. que furent vraiment mises en place les réformes attribuées par la légende au roi Servius Tullius. Elles favorisèrent l'intégration progressive à la classe dirigeante des éléments les plus aisés de la plèbe, qui, d'une part, formèrent une infanterie lourde à côté de la cavalerie patricienne et, d'autre part, participèrent davantage au pouvoir politique par la répartition nouvelle des citoyens en classes déterminées par la fortune. La loi des Douze Tables, rédigée par les décemvirs (451/449), fut la première loi romaine écrite, commune aux patriciens et aux plébéiens. Cependant, le patriciat déploya tous ses efforts pour freiner cette évolution, par exemple en faisant interdire les mariages mixtes. En 444, les patriciens refusèrent l'accès du consulat aux plébéiens ; en compensation, ils durent accorder à la plèbe une nouvelle magistrature, le tribunat militaire à pouvoir consulaire, mais ils se réservèrent jalousement deux autres nouvelles magistratures, la censure et la préture. L'expansion de la puissance romaine contribuait cependant à étendre le pouvoir économique des plébéiens, qui participaient à l'exploitation des terres conquises et profitaient, après la chute de Véies (395), de l'ouverture des échanges commerciaux avec la vallée du Tibre. La politique ségrégationniste du patriciat s'en alla peu à peu en lambeaux : dès 445 av. J.-C., la lex Canuleia autorisa les mariages entre patriciens et plébéiens ; puis les magistratures s'ouvrirent l'une après l'autre à la plèbe. En 300 av. J.-C., l'égalité complète régnait entre tous les citoyens libres de Rome, mais il s'agissait d'une égalité formelle. Une aristocratie nouvelle (la nobilitas), constituée de patriciens et de plébéiens riches, monopolisait en fait toutes les magistratures, car le système de vote, dans les assemblées populaires, assurait la prépondérance de la fortune. La conquête du bassin de la Méditerranée (264/132 av. J.-C.) La conquête de l'Italie s'était faite sans plan d'ensemble, à la suite d'une série de guerres essentiellement défensives. De même, la lutte contre Carthage ne fut pas l'effet d'une entreprise longuement mûrie de domination de la Méditerranée occidentale, mais une nécessité imposée aux Romains par la géopolitique. Dès lors qu'ils étaient apparus sur le détroit de Messine, face au rivage de la Sicile, les Romains devenaient les rivaux des Carthaginois, qui, dans le cours du Ve s., avaient étendu leurs positions en Sicile. Jusqu'alors, les rapports entre Carthage et Rome avaient été bons : les deux puissances avaient signé des traités commerciaux en 348 et en 323, et elles s'étaient retrouvées alliées contre l'invasion de Pyrrhus d'Épire. En 264, c'est après beaucoup d'hésitations de la part du Sénat que les Romains, répondant à l'appel des mercenaires mamertins aux prises avec Hiéron II de Syracuse, intervinrent en Sicile, ce qui déclencha la première guerre punique (264/241). Ils y firent leur apprentissage de la guerre navale et c'est sur mer, aux îles Aegates (241), qu'ils remportèrent la victoire décisive qui mit fin au conflit. Rome annexa la Sicile (241), puis la Sardaigne et la Corse (238), qui devinrent, en 227, les premières « provinces » romaines. La politique romaine restait cependant guidée par une grande prudence, et le Sénat romain refusa d'intervenir lorsque Carthage se trouva aux prises avec la révolte de ses mercenaires (240/237). De même, l'expansion romaine vers le Nord, dans les années 230/222, fut dictée par un souci défensif : pour éliminer les pirates de l'Adriatique, les légions prirent pied en Illyrie (229/228) ; pour supprimer les bandes celtes qui menaçaient l'Étrurie, la vallée du Pô fut partiellement occupée (222). La deuxième guerre punique (218/201), provoquée par l'expansion carthaginoise en Espagne et par l'attaque d'Hannibal contre Sagonte, fit connaître à la République romaine les heures les plus tragiques de son histoire ; pendant quinze ans, l'Italie fut envahie et systématiquement ravagée par l'armée carthaginoise, qui remporta sur les Romains les deux écrasantes victoires de Trasimène (217) et de Cannes (216). Mais Rome, montrant une admirable ténacité sous l'impulsion du parti sénatorial (Fabius Cunctator), réussit peu à peu à isoler et à user son adversaire. Après avoir conquis l'Espagne (218/206), les Romains, commandés par Scipion, débarquèrent en Afrique et remportèrent sur Hannibal une victoire décisive à Zama (202 av. J.-C.). Carthage ne put obtenir la paix qu'aux conditions les plus dures. Rome devenait la première puissance de la Méditerranée occidentale. C'est seulement après cette guerre que la République entra dans sa phase impérialiste, sous l'influence d'une sorte de parti militaire animé par les Scipions. Déjà, pendant le conflit avec les Carthaginois, Rome était intervenue en Grèce pour briser l'alliance entre Philippe V de Macédoine et Hannibal (première guerre de Macédoine, 215/205). Après la défaite de Carthage, les Romains engagèrent immédiatement une deuxième guerre contre la Macédoine (200). À la bataille de Cynoscéphales (197), la légion romaine écrasa la phalange macédonienne ; Flamininus put ainsi proclamer la « liberté » des cités grecques aux jeux Isthmiques de 196. Mais Rome, en avançant vers l'Orient, se heurta à un adversaire plus redoutable, le Séleucide Antiochos III, qui régnait sur la Syrie et l'Asie Mineure, et qui donnait asile à Hannibal. Ayant envahi la Grèce, Antiochos III fut vaincu par les Romains aux Thermopyles (191), rejeté en Asie et à nouveau battu, près de Smyrne, à Magnésie du Sipyle, par les Scipions (190 ou 189). À la paix d'Apamée (188), Rome dépouillait le Séleucide de toutes ses possessions d'Asie Mineure, qui allaient grossir le royaume de Pergame, allié des Romains et imposaient au vaincu une énorme indemnité de guerre. La Macédoine, qui, sous le roi Persée, avait tenté de reprendre la lutte, fut définitivement éliminée par la victoire de Pydna, où Paul Émile s'empara d'un butin d'une ampleur sans précédent (168 av. J.-C.). À la révolte des Grecs, qui éclata vingt ans plus tard, le consul Mummius répondit par la destruction de Corinthe, en 146, la même année qui vit la fin de la troisième guerre punique et la ruine définitive de Carthage ; la ville fut rasée, et le territoire carthaginois réduit en province romaine, de même que la Grèce et la Macédoine. En Espagne, la longue résistance des montagnards et des paysans celtibères fut réduite par la prise et la mise à sac de Numance (133). Rome était devenue la maîtresse incontestée de toute la Méditerranée, que déjà les Romains appelaient « notre mer », mare nostrum. La crise du régime républicain Les grandes conquêtes rompirent l'équilibre social et spirituel de l'ancienne Rome républicaine. Dès le IIIe s. av. J.-C., l'hellénisme s'introduisit par l'intermédiaire de la Grande-Grèce et trouva son principal foyer romain dans le cercle des Scipions. Caton l'Ancien, censeur en 184, et chef des vieux Romains traditionalistes, tenta vainement de réagir contre cette invasion de la licence et du luxe venus d'Orient. Rome devint fabuleusement riche : les produits les plus rares de l'Orient, les œuvres d'art de la Grèce, les métaux d'Espagne, les bêtes et les plantes étranges de l'Afrique, les céréales des provinces s'acheminaient vers elle en même temps que des milliers d'esclaves, et aussi des rhéteurs, des philosophes, des prêtres, des médecins et des pédagogues qui jouèrent un rôle essentiel dans la vie culturelle. À la suite des légions, Rome lança à travers le monde méditerranéen ses percepteurs d'impôts, ses financiers, ses entrepreneurs de travaux publics. À côté de la nobilitas sénatoriale, dont la puissance était d'origine terrienne et à laquelle la loi Claudia de 219 avait interdit de s'occuper d'industrie et de commerce, grandit une classe nouvelle d'hommes d'affaires et de capitalistes, les chevaliers. Mais la classe rurale, où se recrutait toujours le gros de l'armée, ne bénéficia guère de ces avantages : le blé de Sicile, d'Asie Mineure et d'Afrique afflua à Rome. Toute une paysannerie ruinée commença à s'entasser à Rome, où elle grossit la masse de l'infima plebs, composée d'hommes libres mais sans source de revenus. Cette prolétarisation de la classe paysanne correspond à une extension de la grande propriété, fondée sur le travail des esclaves. Dès la fin du IIe s. av. J.-C., sur 400 000 citoyens romains, 2 000 seulement étaient encore propriétaires ruraux. Cette plèbe inoccupée n'était plus qu'une masse électorale que se disputaient les ambitieux et que l'État prenait à sa charge (vers 70 av. J.-C., 320 000 personnes environ vivaient des distributions de blé gratuites), lui offrant des jeux, des représentations théâtrales, des fêtes. À cette crise sociale s'ajouta une crise politique : l'ancienne cité-État n'était plus à la mesure des responsabilités impériales ; l'absence de bureaux et d'administrations facilitait les entreprises des aventuriers qui mettaient les provinces au pillage. Pour régler le problème agraire, les deux frères Tiberius et Caius Gracchus essayèrent d'imposer, de 133 à 121, diverses réformes, qui se heurtèrent à l'opposition de l'oligarchie sénatoriale. Mais la guerre en Afrique contre Jugurtha (112/105) étala la corruption de la nobilitas et fit surgir un homme nouveau, Marius, simple chevalier d'Arpinum, que le parti populaire imposa comme consul (107). À l'ancienne armée de citoyens, Marius substitua une armée de volontaires, attirés par la solde et par des promesses de distribution de terres. Cette nouvelle armée de pauvres, liée corps et âme à ses chefs, Marius, Pompée ou César, devint une menace permanente pour l'État oligarchique et la République. L'âge des guerres civiles À l'aube du Ier s. av. J.-C., deux candidats au pouvoir absolu, Marius (qui s'appuyait sur le parti populaire) et Sylla (qui se posait en défenseur de l'oligarchie sénatoriale), se dressèrent l'un contre l'autre en se livrant à de sanglantes proscriptions. Sylla finit par l'emporter et, pendant trois ans (82/79), exerça à Rome un pouvoir monarchique déguisé qui mécontenta autant le Sénat que le parti populaire. En 79, Sylla abdiqua ; il mourut l'année suivante, laissant l'oligarchie se rétablir au pouvoir. Au cours de ces luttes intérieures, Rome ne cessa de se battre sur des fronts multiples : de 90 à 88, la guerre sociale l'opposa à ses alliés (socii) d'Italie, qui réclamaient l'égalité politique avec les Romains et finirent par l'obtenir (loi Julia, 90). De 88 à 63, les longues guerres contre Mithridate, roi du Pont, laissèrent Rome maîtresse de l'Asie Mineure et de la Syrie. La révolte de Sertorius en Espagne (80/72) et le soulèvement des esclaves commandés par Spartacus (73/71) contribuèrent à l'ascension de Pompée, qui obtint les pleins pouvoirs pour combattre les pirates méditerranéens (67) et Mithridate. Ainsi la guerre continuelle obligea le Sénat lui-même à bousculer les traditions politiques, tandis que se succédaient les scandales financiers (affaire Verrès, vers 70) et les complots (conjuration de Catilina, vers 63). Vainqueur de Mithridate et rentrant d'Orient couvert de gloire à la fin de l'année 62, Pompée n'osa tenter le coup de force militaire qui lui eût assuré la dictature. Mais, malgré les efforts de Cicéron, qui rêvait de faire l'union des possédants dans une république opportuniste, l'oligarchie paraissait désarmée en face de l'alliance de trois grands ambitieux, Crassus, Pompée et César dans le premier triumvirat (60 av. J.-C.). César, chef du parti populaire, entreprit lucidement, tenacement, la marche vers le pouvoir. Consul en 59, il se fit donner, pour conquérir les Gaules (v. GAULES, guerre des) (58/51), une armée qu'il jeta plus tard contre le régime. Pendant son absence, la République achevait de sombrer dans l'anarchie : les bandes de Clodius et de Milon se livraient des combats de rue dans Rome. Acculé aux derniers expédients, le Sénat, à l'instigation notamment de Cicéron, se résolut alors à se rapprocher de Pompée, qui paraissait le seul homme capable de résister à César. Vainqueur de Vercingétorix (Alésia, 52), César reparut en Italie du Nord à la tête de son armée à la fin de l'année 50. Il passa le Rubicon, se rendit maître de l'Italie, tandis que Pompée et l'armée sénatoriale se repliaient en Grèce. C'est le début d'une guerre civile de quatre ans (49/45). César écrasa Pompée à Pharsale en Thessalie (48), puis poursuivit les républicains sur toutes les rives de la Méditerranée. En Égypte, où Pompée avait trouvé une mort lamentable, César imposa au pouvoir sa maîtresse Cléopâtre, puis il remporta sur les pompéiens d'Afrique la victoire de Thapsus (46) et mit fin à la guerre en battant les fils de Pompée à Munda, en Espagne (45). Il était dès lors le maître absolu du monde romain : soutenu par le peuple et l'armée, il domestiqua le Sénat en le peuplant d'hommes à lui, mais il se montra clément à l'égard de ses adversaires, dédaigna de gouverner par la violence, réprima le luxe des riches et prépara l'intégration du prolétariat dans l'État totalitaire par des distributions de terres et par la mobilisation des chômeurs pour de grands travaux publics (aménagement du port d'Ostie, assèchement des marais Pontins...). Sans toucher à la façade républicaine de l'État, César cumula la puissance tribunitienne, la préfecture des moeurs et le consulat pour dix ans (46), la dictature pour dix ans, le titre d'imperator (45), enfin la dictature perpétuelle (44). Rome semblait évoluer vers une restauration monarchique, seule capable d'unifier et de métamorphoser la vieille cité romaine en un véritable État impérial. Mais une conjuration se forma, dirigée par Brutus et Cassius, et, le 15 mars 44, le dictateur fut assassiné au cours d'une séance du Sénat. Ce meurtre valut à Rome de nouvelles guerres civiles. Après la mort de César, les débris de l'oligarchie républicaine n'osèrent s'emparer du pouvoir, et deux hommes prétendirent l'héritage du dictateur : son principal lieutenant, Antoine et son fils adoptif, Octavien (Octave). D'abord adversaires (guerre de Modène, 43), Octave et Antoine se réconcilièrent et formèrent avec Lépide le second triumvirat. Ils décimèrent le parti républicain par de sanglantes proscriptions dans lesquelles périt Cicéron (43) et, à la paix de Brindes (40), ils se partagèrent le monde romain : à Antoine l'Orient, à Octave l'Occident avec l'Italie, à Lépide l'Afrique. En 36, Lépide fut déposé et Octave et Antoine se faisaient face. Mais Antoine, devenu l'amant de la reine d'Égypte Cléopâtre, songeait à la reconstitution d'un grand empire oriental, alors qu'Octave, incarnait l'idée romaine. En 32, le Sénat déclara la guerre à la reine d'Égypte : vaincus à la bataille navale d'Actium (31), Cléopâtre et Antoine se suicidèrent. L'Égypte fut annexée et réduite en province : ce fut la fin des guerres civiles, mais aussi la fin de la République. Auguste et les débuts du principat (29 av./96 apr. J.-C.) Octave, qui, au cours de la lutte, s'était fait prêter serment de fidélité par l'Italie et par les provinces d'Occident, honoré en 27 du titre d'auguste (augustus), dont il fit son nom, institua peu à peu le nouveau régime impérial. Déjà déclaré inviolable (36) et reconnu comme prince du Sénat (28, d'où le nom de principat donné au régime), il reçut en 23 la puissance tribunitienne à vie et vit son imperium proconsulare étendu à toutes les provinces ; en 19, il fut nommé préfet des mœurs ; en 12, grand pontife, ce qui ajoutait à son pouvoir politique celui de chef religieux ; enfin, en l'an 2 av. J.-C., il se fit proclamer Père de la patrie. Son pouvoir s'exerçait directement par de hauts fonctionnaires qui ne dépendaient que de lui seul (préfets du prétoire, de l'annone, des vigiles), et certaines provinces, encore mal soumises, furent placées sous l'autorité de gouverneurs nommés par le prince. Et cependant, cet Empire n'osa pas dire son nom : bien que l'empereur fût le maître de la justice, des finances et de l'armée, la fiction de l'État républicain subsista. Les comices devaient être encore réunies, et les magistrats furent nommés jusqu'à l'époque byzantine. Au début de l'Empire, la puissance romaine s'étendait sur toutes les rives de la Méditerranée ; en Europe continentale, l'armée fut ramenée derrière le Rhin, l'Empire borda les frontières du Rhin et du Danube, mais les tentatives faites sous Auguste pour atteindre la frontière de l'Elbe se soldèrent par la défaite de Varus dans la forêt de Teutoburg en 9 apr. J.-C.. En Orient, qui restait de langue et de culture grecques, la puissance était arrêtée par celle des Parthes (v. PERSE), qui avaient infligé à Crassus le terrible désastre de Carrhae (53 av. J.-C.) : en 20 av. J.-C., un accord entre les deux Empires fixa la frontière sur l'Euphrate supérieur et moyen. Une véritable administration impériale fut mise en place : les provinces, abandonnées sous la République au pillage des promagistrats et des fermiers d'impôts, dépendirent étroitement de l'empereur, mais Rome favorisa la promotion des élites provinciales. À l'abri de la paix romaine se constitua un véritable marché commun méditerranéen et européen, où les échanges bénéficiaient de la sécurité des mers et de l'admirable réseau des voies impériales. Même le sort des esclaves s'améliora, grâce à l'influence du stoïcisme et à la prospérité économique : les affranchissements furent si nombreux au début de l'Empire que l'État dut prendre des mesures pour les restreindre. Les affranchis jouèrent un grand rôle dans le gouvernement impérial. Sur le plan moral et religieux, Auguste se fit le restaurateur de la religion et de la famille : reconstruction des temples, retour aux vieilles pratiques rituelles, réformes des confréries mais surtout, instauration des cultes à signification dynastique (Venus Genitrix, Mars Ultor, Apollon Palatin), préludant ainsi à cette innovation de génie, le culte impérial, qui fut réellement populaire et suscita dans de nombreuses régions de l'Empire un véritable enthousiasme. À Auguste succédèrent les souverains de la dynastie julio-claudienne (de 14 à 68 apr. J.-C.). L'histoire de ces empereurs a certainement été altérée par des historiens tels que Suétone et Tacite qui appartenait



Rome (Roma). 1. Topographie générale. La Rome ancienne est située sur la rive gauche du Tibre, à environ 22 km de la mer, aux frontières septentrionales du Latium, au sud de l'Étru-rie. Le site fut occupé dès la seconde moitié du IIe millénaire. La tradition place l'établissement originel sur le Palatin, l'une des collines (hautes de 30 à 50 m) proches du fleuve. Cet établissement occupe un site qui sera plus tard appelé Roma Quadrata («Rome carrée»), la cité fortifiée construite, disait-on, par Romulus (voir infra 2). L'archéologie montre qu'au milieu du vine siècle av. J.-C. cet établissement s'étend, et que, peu après, le Quirinal est à son tour occupé par une communauté différente, peut-être sabine. Selon la tradition, l'établissement du Palatin s'étendit d'abord à l'aire qu'on appelle Septimontium, les «sept monts», ou sommets, qui seraient apparemment les trois crêtes du Palatin, les trois de l'Esquilin et le mont Cae-lius, tous enclos par une enceinte sacrée, le pomérium (le sens et la localisation exacts du Septimontium demeurent obscurs). Cette zone fut à son tour unie à un établissement apparenté, situé sur les deux collines opposées, le Quirinal et le Viminal. Les frontières de la cité ainsi réunie englobaient le site du futur Forum («place du marché»); l'archéologie montre que cet espace fut drainé et qu'un marché y fut construit entre 625 environ et 575. Sous le règne de Servius Tullius (voir infra), d'après la tradition, mais plus vraisemblablement au IVe siècle, la cité fut entourée d'un rempart, qu'on appelle le mur de Servius ; elle comprenait désormais les sept collines de Rome (qu'il ne faut pas confondre avec le Septimontium mentionné supra, et qu'elle englobe); ce sont le Palatin, l'Aventin, le Capitole, le Cae-lius, l'Esquilin, le Viminal et le Quirinal (en latin, les cinq premiers sont des montes, «monts», alors que les deux derniers sont des colles, «collines», mais cette distinction n'a apparemment rien à voir avec leur hauteur). C'est aussi à cette époque qu'on créa les quatre «régions». La Rome des rois est une grande forteresse qui a sa citadelle, le Capitole (l'équivalent de l'Acropole à Athènes) et son centre religieux sur l'Aventin. Sous la République, on fait du Champ de Mars (Campus Martius), proche du fleuve, un terrain d'entraînement militaire et sportif ; les activités civiques sont peu à peu concentrées sur le Forum. Le Palatin est une zone résidentielle recherchée ; bientôt, les marchés sont chassés du Forum par les édifices publics qui y sont construits; ils se réinstallent au-delà, et vers la rive du Tibre. La cité se peuple densément, surtout dans les vallées qui servent de voies principales; dès le IIIe siècle av. J.-C., on commence à construire ces grands immeubles de rapport dont plus tard les écrivains se plaindront amèrement. Quantité de temples furent bâtis à cette haute époque. Les aqueducs apparaissent plus tard, les premiers en 312, en 272 et en 144 av. J.-C. ; au IIe siècle, on construit de très nombreux édifices de toutes sortes. Au siècle suivant, Sylla, Pompée et César élaborent des projets grandioses. De César, il ne nous reste que le forum Julien; l'empereur Auguste construisit le forum qui porte son nom, trois nouveaux aqueducs, et un modeste palais sur le Palatin; il divisa la cité en quatorze «régions» au lieu de quatre. Tibère et Caligula, ses successeurs, laissèrent eux aussi leur marque; le second construisit un cirque, où furent plus tard martyrisés de nombreux chrétiens. L'apport de Néron — la Domus Aurea (voir maison dorée), le Colosse et la Via Sacra — témoignent de son goût pour l'art hellénistique. Le règne de Trajan est marqué par le monumental forum de ce nom ; son successeur Hadrien ajoute au patrimoine architectural de Rome plusieurs autres monuments importants. Entre-temps, la ville n'a pas cessé de s'étendre. Finalement, Aurélien (empereur de 270 à 275 apr. J.-C.) l'enferme dans une muraille qui enveloppe non seulement une plus grande partie de la rive gauche, mais aussi une part du Jani-cule sur la rive droite. 2. Origines légendaires et époque royale. Les traditions qui nous sont parvenues à propos de la fondation de Rome et de sa première histoire dépendent d'historiens ou d'auteurs qui écrivaient plus de cinq cents ans après les événements (voir historiographie 2), donc à une époque où il n'était pas facile de distinguer histoire et légende. En outre, comme les Romains enviaient le prestige que conféraient aux Grecs leurs brillantes réussites, ils cherchèrent à lier leur passé à l'histoire grecque; pour la légende qui donne aux premiers Romains des ancêtres troyens, voir énée. Pour réconcilier cette origine troyenne avec la tradition qui fait de Rome une colonie d'Albe la Longue (principale cité de la ligue latine), et pour combler le vide entre la date supposée de la chute de Troie (1184 av. J.-C.) et la fondation de Rome au VIIIe siècle par Romulus et Rémus, on fit de ces jumeaux les descendants d'Énée par leur mère, et on inventa une série de rois d'Albe, dont le premier était Ascagne, fils d'Enée. Dès le début du IIIe siècle av. J.-C., l'histoire est bien établie. Le dernier des rois d'Albe, Amulius, chasse Nu-mitor, roi légitime, et fait de Rhéa Silvia ou Ilia, unique enfant de Numitor, une vestale, pour s'assurer qu'elle ne se mariera pas et ne portera pas d'héritier. Mais Rhéa Silvia, visitée par le dieu Mars, enfante deux jumeaux, Romulus et Rémus. Amulius emprisonne la mère et jette les bébés dans le Tibre. Ils échouent sur le rivage et sont allaités par une louve, puis découverts par Faustulus, berger du roi, qui les élève avec l'aide de sa femme Acca Larentia. Plus tard, reconnus, ils écartent Amulius et rétablissent Numitor sur le trône d'Albe la Longue. Ils décident alors de fonder un nouvel établissement à l'endroit où le Tibre les a déposés. Un présage fourni par un envol d'oiseaux attribue la royauté à Romulus. Il entreprend de bâtir sur le Palatin une cité qui porte son nom. On a proposé pour la fondation de Rome diverses dates des IXe et viiie siècles ; 753 est la plus généralement acceptée. Pour manifester son mépris, Rémus saute par-dessus la muraille commencée : il est tué par Romulus ou par l'un de ses compagnons. Romulus cherche à agrandir sa nouvelle cité en encourageant des esclaves fugitifs ou même des criminels à s'y établir. Pour leur fournir des épouses, il invite ses voisins, les Sabins, à assister à des jeux (les Consualia) qu'il va célébrer; pendant la cérémonie les Romains s'emparent des jeunes filles sabines (c'est le célèbre épisode de l'enlèvement des Sabines). Une guerre éclate ; les Sabins, sous les ordres de Titus Tatius, assiègent le Capitole, qui est alors un avant-poste de Rome. Alors Tarpeia, fille du commandant de la citadelle, promet aux Sabins de leur livrer par traîtrise la place forte si, dit-elle, ils lui donnent «ce qu'ils portent au bras gauche » (elle entend par là leurs bracelets d'or). Lorsque les Sabins font irruption sur la citadelle, ils récompensent la traîtresse en l'écrasant sous leurs boucliers, qu'ils portent aussi au bras gauche. Selon une autre version, Tarpeia est au contraire une héroïne : pour sauver Rome, elle a cherché à s'emparer des boucliers sabins. Toujours maîtres du Palatin, les Romains finissent, après d'autres combats, par se réconcilier avec les Sabins grâce à l'intervention de leurs épouses sabines; les deux peuples s'établissent alors ensemble. Romulus disparaît ensuite lors d'un orage, enveloppé d'une nuée. Les témoins de ce miracle ne tardent pas à le proclamer dieu. Selon la tradition, six rois, dont certains au moins ont quelque épaisseur historique, succèdent à Romulus : Numa Pompilius, Tullus Hostilius, Ancus Marcius, Tarquin l'Ancien, Servius Tullius et Tarquin le Superbe. Il est clair en tout cas que la Rome la plus ancienne était gouvernée par des rois et que la dynastie des Tarquins était étrusque et non indigène. Des inscriptions et des graffitis montrent que les habitants de la Rome archaïque parlaient latin, mais que les Étrusques ont dominé la cité pendant une courte période. La tradition qui confère aux Romains une origine troyenne est purement légendaire, mais celle qui fait de Rome une colonie fondée par les Latins d'Albe a peut-être quelque fondement historique. Certaines fêtes religieuses (les Lupercales, le Septimontium, la fête des Argées), qui survivent très longtemps, semblent refléter les étapes de l'évolution qui réunit en une seule cité des communautés séparées. Le roi (rex) était élu par le peuple et conseillé par une assemblée (senatus, «sénat») d'hommes âgés (patres), chefs de ces « clans » (gentes), qui regroupent, avec leurs dépendants, les familles descendant d'un ancêtre commun ; le peuple (populus) est divisé en trois tribus, les Ramnes, les Tities et les Luceres (ces noms sont sans doute étrusques) et en trente «curies» (curiae) ou « quartiers », divisions territoriales. La plus ancienne assemblée du peuple s'appelle comices curiates (comitia curiata). Il y eut apparemment sous les rois plusieurs guerres, qui eurent pour résultat d'étendre le territoire romain. Selon la légende, Rome détruisit Albe sous le règne de Tullus Hostilius (voir HORACES ET CURIACES) ; SOUS AnCUS Marcius, elle fonda une colonie à Ostie près de l'embouchure du Tibre. Sous Tarquin T Ancien — ce Tarquin, nous dit-on, était un aventurier, mi-grec, mi-étrusque, qui, venu à Rome chercher fortune, y trouva un trône — et ses deux successeurs, les influences étrusques sont très marquées. Peuple industrieux et commerçant, les Etrusques, alors très puissants, ont peut-être conquis Rome; ou encore, il se peut que les cités étrusques aient accepté Tarquin comme roi. Servius Tullius, qui était d'humble origine, agrandit la ville et l'entoura, dit-on, d'une muraille qui porte son nom. D'autres grands travaux, par exemple la Cloaca Maxima (le «grand égout») et le temple de Jupiter Capitolin, furent menés à bien, dit-on, par l'un ou l'autre des deux Tarquins. On attribue à Servius Tullius certaines réformes institutionnelles très importantes, parce qu'elles survivront pendant toute l'époque républicaine. Il crée quatre tribus urbaines et un certain nombre (seize?) de tribus rurales (voir tribus 2 ; en 241 av. J.-C., il y en a trente-cinq en tout), fondées sur la résidence plutôt que sur la parenté ; le cens, qui enregistre les citoyens et leurs biens, et le tributum, impôt sur la fortune en temps de guerre, sont fondés sur cette organisation. Servius Tullius divise le peuple en cinq classes selon la fortune, et les classes en centuries, centuriae, qui remplacent les anciennes curies dans la plupart de leurs fonctions : l'assemblée du peuple qui compte est désormais celle des comitia centuriata, les comices centu-riates, dans lesquels le véritable pouvoir est entre les mains de la classe la plus riche (voir république romaine). Ces réformes auront des conséquences importantes: elles fondent les droits civiques sur la résidence et la richesse, et non plus sur la naissance. Tarquin le Superbe, dernier roi de Rome, consulta, dit-on, l'oracle de Delphes à propos de la fondation d'une colonie, ce qui illustre les rapports étroits qui existent dès cette haute époque entre l'Italie et la Grèce. Les Tarquins sont chassés, et leur départ, en 510 av. J.-C., marque la fin de ce qu'on croit être la domination étrusque à Rome ; malgré les tentatives de Lars Porsenna pour la rétablir, la monarchie est définitivement abolie à Rome. C'est dans le contexte de l'expulsion des rois que se situe la célèbre histoire du viol de Lucrèce. 3. La période républicaine: les luttes civiles. A la royauté succède en 510 av. J.-C. une république aristocratique. Le roi est remplacé par deux magistrats élus annuellement, les préteurs, plus tard appelés consuls, investis de l'imperium, et qui sont nécessairement patriciens (voir infra). Plus tard, il arrivera qu'ils cèdent provisoirement le pouvoir à un dictateur, nommé lors de grandes crises nationales. Le Sénat garde son statut ancien de conseil, mais il est désormais le véritable gouvernement de l'État. Durant les deux siècles et demi qui suivent, l'histoire de la République est essentiellement celle de deux combats : une lutte des classes à l'intérieur (souvent appelée lutte des ordres), au cours de laquelle se forge la constitution républicaine, et qui aboutit en 287 av. J.-C. à un compromis; un combat à l'extérieur contre les peuples voisins, où Rome, d'abord sur la défensive, prend bientôt l'initiative, et d'où elle sortira victorieuse, ayant pris la tête d'une confédération qui embrasse toute l'Italie. Du point de vue juridique, les citoyens romains étaient divisés en deux «ordres» ou «états», les patriciens et les plébéiens (plebs, la «plèbe»), qui sont aussi les riches et les pauvres, les puissants et les faibles. Cette division est presque certainement antérieure à la fin de la monarchie, mais elle s'accentue après cet événement. Les plébéiens cherchèrent à obtenir satisfaction pour leurs griefs en menaçant de faire sécession (c'est-à-dire de se retirer pour former une communauté séparée, un État dans l'État), ou même en mettant cette menace à exécution. Ces griefs étaient divers. Les plus pauvres voulaient des garanties de sécurité et de liberté personnelles contre l'oppression arbitraire des magistrats patriciens (voir appius Claudius) ; ils réclamaient des terres et un aménagement de leurs dettes. Les plébéiens les plus riches réclamaient l'égalité sociale et politique complète avec les patriciens, et en particulier l'accès au consulat. Au cours de ces luttes les plébéiens établirent leurs propres magistrats (tribuns et édiles), et leur assemblée (le concilium plebis), que les patriciens furent finalement obligés de reconnaître. Le pouvoir des tribuns fut peu à peu étendu, jusqu'à ce qu'enfin ils obtiennent le droit de veto (intercessio) sur tous les actes des magistrats. L'année 451 av. J.-C. marque un tournant dans l'histoire de la République à haute époque : après une longue lutte, les plébéiens obtiennent la création d'une commission de dix hommes, les decemvirs, decemviri, qui rédigent et publient la loi des Douze Tables ; jusqu'alors, les magistrats patriciens qui appliquaient la loi — les pontifes — étaient les seuls à en avoir connaissance. Les Douze Tables, fondement du droit romain à venir, constituent un pas en avant décisif, non seulement parce qu'elles définissent les droits et les délits, mais encore comme outil pédagogique (voir prose 2). Cependant leur contenu ne satisfaisait pas les plébéiens : il révélait toute l'étendue des incapacités qui les frappaient. Une sécession des plébéiens sur l'Aventin produisit des améliorations importantes dans leur statut juridique. Par la suite, le concilium plebis fut reconnu comme un des organes législatifs de l'État romain. Cette assemblée élisait chaque année les dix tribuns de la plèbe et les deux édiles plébéiens (chargés de surveiller les rues et les marchés, gardiens de l'ordre en général). En 445, selon Tite-Live, une loi proposée par le tribun Gaius Canuleius entérina le mariage entre patriciens et plébéiens, jusque-là formellement interdit par la loi des Douze Tables. Au cours de la période 445-376 av. J.-C., il arriva fréquemment que les «tribuns militaires avec puissance consulaire» (tribuni militares consulari potestate) — magistrats plébéiens ou patriciens créés pour exercer le haut commandement militaire — remplacent les consuls qui, par ailleurs, perdaient certaines de leurs attributions au profit des censeurs récemment institués (443 av. J.-C.). Vient ensuite (les dates sont celles que fournit la tradition) l'admission des plébéiens à la fonction de questeurs (421, mais c'est seulement en 409 qu'est élu le premier questeur plébéien) et au consulat (366) : vers 376, les tribuns Licinius et Sextus avaient proposé, par ce qu'on appelle les «rogations liciniennes » (voir liciniennes et sextiennes, lois), que les plébéiens fussent éligibles à l'un des deux consulats ; les patriciens s'y étaient farouchement opposés, mais après une résistance de dix ans ils furent obligés de céder. En 367, les patriciens avaient créé les deux édiles curules, qui avaient des fonctions analogues à celles des édiles plébéiens. Après 366, cette magistrature curule fut détenue alternativement par des patriciens et des plébéiens. En 356, un soldat plébéien distingué, C. Marcius Rutilus, fut nommé dictateur; en 351 il fut élu censeur. Le premier préteur plébéien fut élu en 337. En 304, l'édile Cn. Flavius afficha au Forum le calendrier des jours fastes (dies fasti, où les procédures légales sont autorisées) et néfastes (nefasti, où elles sont interdites), et les formulae, ou règles des plaidoiries, rendant ce savoir accessible à tous. Quatre ans plus tard, les plébéiens obtinrent l'accès aux plus hauts sacerdoces, dont les patriciens se servaient parfois pour faire obstacle aux activités politiques de la plèbe sous prétexte de lois religieuses. En 287 av. J.-C., la loi Hortensia, née d'une crise économique qui avait laissé les classes pauvres profondément endettées, mettait fin à la lutte des ordres. Une sécession menaçait : la nomination d'un dictateur plébéien, Q. Hortensius, permit de l'éviter. Il prit des mesures pour alléger les dettes et fît passer une loi selon laquelle les décisions du concilium plebis, ou «plébiscites» (plébiscita), auraient force de loi au même titre que celles des comices centuriates. En théorie, la souveraineté du peuple était donc établie et la lutte des ordres terminée. Il résulta de ce conflit, d'une part, la formation d'une oligarchie faite de « nobles » (nobiles) patriciens et plébéiens, qui monopolisait les magistratures aussi exclusivement que l'avaient fait les patriciens, et, d'autre part, la prédominance du Sénat, désormais composé d'anciens magistrats. On peut penser que la richesse et l'influence nouvellement acquises par quelques familles plébéiennes (même en petit nombre) avaient amélioré l'état de la plèbe en général; mais la situation économique des plus pauvres restait très difficile. On remédiait dans une certaine mesure à la disette et au manque de terres en distribuant des terres et en établissant des colonies, procédure rendue possible par la conquête de l'Italie (voir infra). En outre, les législateurs s'attaquèrent aux lois très sévères qui régissaient les dettes et réduisaient parfois des hommes libres à un statut quasiment servile. 4. L'époque républicaine: la conquête de l'Italie. Après l'expulsion des rois, Rome eut à se défendre contre les attaques de tous ses voisins (les légendes de Porsenna, d'Horatius Codés, de Clélie et de Mucius Scaevola concernent toutes les luttes de Rome contre les Étrusques). Une offensive des Latins fut, semble-t-il, mise en échec par la grande victoire du lac Régille (496), mais bientôt les Romains durent s'entendre avec les Latins pour assurer leur commune défense contre des dangers extérieurs : en 493, Sp. Cassius négocia une alliance avec la ligue latine. Le territoire romain fut ravagé par les tribus de l'Apennin (Volsques et Èques) venues de l'est, et menacé au nord et au nord-est par les Étrusques et les Sabins. Dans la première moitié du Ve siècle av. J.-C., les Romains, les Latins et les Herniques résistèrent aux assauts des Èques et des Volsques (voir les histoires liées au nom de Coriolan et de Cincinnatus) ; dans la seconde moitié de ce siècle, Rome passe à l'offensive et attaque la ville étrusque de Véies (à quelque 20 km de Rome), avec laquelle elle est sporadiquement en guerre depuis un siècle, et dont elle veut sans doute s'approprier les terres fertiles (voir fabia, gens). En 396, le dictateur Camille (M. Furius Camillus) s'empare de Véies après un long siège. La position défensive des Étrusques est indirectement affaiblie par les invasions des Gaulois en Italie septentrionale et centrale. Vers 390, un bataillon gaulois s'avance jusqu'au Latium et inflige à l'armée romaine une cuisante défaite sur les bords de l'Allia (affluent du Tibre) : la route de Rome est ouverte. La masse de la population s'enfuit, mais les vieillards de noble naissance demeurent à Rome et attendent l'ennemi, calmement assis dans la cour de leur maison. D'abord frappés de stupeur par leur silencieuse dignité, les Gaulois finissent par les massacrer. Ensuite ils ravagent la ville, à l'exception du Capitole, héroïquement défendu, dit la légende la plus habituelle, par un petit nombre de Romains sous le commandement de M. Manlius Capitolinus (pour l'histoire des oies sauvant le Capitole, voir manlius). Finalement, on réussit à éloigner les Gaulois en leur payant une rançon en or (voir brennus), mais durant leur retraite ils sont anéantis par Camille, et l'or est récupéré. On nous dit qu'une grande partie des archives romaines furent détruites lors du sac de Rome par les Gaulois. Après quoi, la ville fut reconstruite et les murailles renforcées. Rome entre alors dans une période d'expansion longue et difficile. En 358, elle impose aux Latins un nouveau traité qui en fait des sujets plutôt que des alliés et donne à Rome le contrôle militaire de la ligue latine; en 340-338, les Latins guerroient en vain pour retrouver leur indépendance. La ligue est dissoute; certaines des cités qui en font partie sont alors incorporées à l'État romain; d'autres sont forcées de signer des traités séparés qui les obligent à fournir des soldats à la demande et restreignent leur liberté de commerce et de mariage (voir latin, droit). L'influence de Rome s'étend maintenant au sud jusqu'en Campanie ; en 326 elle s'allie à Neapolis (Naples), ce qui la met en conflit avec les Samnites, montagnards belliqueux des Abruzzes, à l'est de Rome. Après la première guerre samnite (343-341), parfois décrite comme purement légendaire, Rome s'empare du nord de la Campanie ; la deuxième de ces guerres se déroule de façon épisodique entre 327 et la victoire romaine de 304; elle est marquée par la célèbre défaite qui oblige les soldats romains et leurs consuls à passer sous le joug, désarmés et demi-nus, aux fourches Caudines (321): trompés par une fausse information, les consuls s'étaient engagés dans le défilé de Caudium, avaient été encerclés et obligés de se rendre. Aussitôt après, le Sénat répudie les conditions de cette capitulation, ce qui avive encore l'hostilité entre les deux camps. Il est intéressant de noter que la première route romaine importante, la voie Appienne, a été construite pour des raisons militaires (312). Les Samnites sont finalement soumis au début du IIIe siècle lors de la troisième guerre samnite, après avoir été défaits en 295 à Sentinum, puis totalement vaincus en 290 (voir decius mus et curius dentatus). La guerre contre les Samnites avait duré soixante-dix ans et entraîné des destructions massives. Le Samnium était dévasté et ne s'en remit jamais complètement. Les Samnites eux-mêmes, quoique réduits à merci, n'oublièrent rien. En 280, ils prirent le parti de Pyrrhus, et furent punis par la création de colonies latines à Esemie (Aesemia) et à Béné-vent (Beneventum), à l'est de Capoue ; ils se soulevèrent à l'approche d'Hannibal et perdirent des territoires et des hommes ; lors de la guerre sociale, ils se révoltèrent et combattirent avec acharnement contre Sylla; ils prirent le parti de Marius marchant sur Rome. Les survivants du peuple samnite furent finalement romanisés par une assimilation progressive. Rome était désormais attirée dans les conflits de l'Italie du Sud, où les cités grecques de Grande-Grèce étaient harcelées par les tribus lucaniennes. Lorsque, en 282, Rome envoie un détachement pour défendre Thurii, qui a demandé son aide, Tarente, la plus riche et la plus puissante des cités grecques, s'irrite de cette intervention dans sa sphère d'influence, se querelle avec Rome, et, quand la guerre éclate, appelle à son secours Pyrrhus, roi d'Epire (au nord de la Grèce). En 280, quand Pyrrhus débarque en Italie avec ses soldats et ses éléphants, il apparaît comme le champion de l'hellénisme; il a appris la tactique militaire macédonienne. Après avoir remporté sur les Romains deux victoires coûteuses et indécises, des victoires «à la Pyrrhus», il comprend qu'il ne réussira jamais à les écraser. Il accepte donc l'invitation des Siciliens, qui l'appellent au secours contre les Carthaginois (278), et s'efforce de faire la paix avec Rome. Mais à Rome, le parti de la guerre l'emporte, avec à sa tête le vieux censeur Appius Claudius Caecus, et les hostilités reprennent. La double tâche entreprise par Pyrrhus dépasse ses forces. Il est vaincu par M. Curius Dentatus à Bénévent ; abandonnant ses entreprises en Italie et en Sicile, il quitte l'Italie en 275 pour se jeter dans son nouveau grand projet, la conquête de la Grèce. Dans les cinq années qui suivent (275-270), Rome s'empare de Tarente et achève de soumettre le sud de l'Italie. Une série de guerres victorieuses contre les Ombriens, les Picéniens et les Salentins (270-266) fait d'elle la maîtresse de toute la péninsule italienne de l'Arno et du Rubicon jusqu'à son extrême Sud. Rome s'assure des points d'appui stratégiques en établissant des colonies (voir colonisation 2, 6) de citoyens romains (coloniae romanae) ou de citoyens romains et latins mélangés (coloniae latinae). Étendant ses conquêtes, elle applique à chaque nouvelle communauté absorbée la politique qui lui paraît la plus appropriée. Les plus proches sont généralement gratifiées de la citoyenneté romaine, entière ou partielle; certaines reçoivent le droit de cité sans restrictions, d'autres seulement la «citoyenneté sans droit de vote », civitas sine suffra-gio (voir municipe). Les communautés les plus lointaines, qu'on appelle socii (les « alliés »), ne reçoivent pas le droit de cité, mais elles sont liées à Rome par des traités qui définissent leurs droits et devoirs; les plus favorisées ont le « droit latin », jus Latii. Tous, citoyens et alliés, doivent à Rome le service militaire, mais seuls les citoyens paient des impôts directs. L'activité politique et commerciale des alliés est soumise à des restrictions. Pour le reste ils sont essentiellement laissés libres, et on leur permet d'espérer se hausser à un statut supérieur dans leur association avec Rome. Vers 270 av. J.-C., Rome a achevé la conquête de la péninsule italienne au sud du Rubicon. Désormais, la condition normale de l'Italie est la paix, non plus la guerre. Rome n'oblige pas ses sujets à adopter sa culture, mais peu à peu les langues, les cultes et les habitudes indigènes s'effacent au profit d'une culture commune fondée sur la langue latine et le droit romain. Lorsque, en 273, l'Égypte ptolémaïque conclut avec Rome un traité d'amitié (amicitia), l'événement signale que la ville est désormais une puissance méditerranéenne. C'est cette époque que les Romains idéaliseront plus tard lorsqu'ils se remémoreront avec nostalgie les temps anciens où s'est forgé le caractère romain, lorsque la vie était simple et les moeurs austères. Nombre d'anecdotes illustrant les vertus de la Rome d'autrefois se réfèrent à cette période. Ainsi, celle des ambassadeurs romains qui, revenant d'Égypte (voir supra) en 273, remettent au trésor public les présents que leur a offerts Ptolémée II Philadelphe; ou encore C. Fabricius avertissant son ennemi Pyrrhus après que le médecin de ce roi lui a proposé d'empoisonner son maître ; ou L. Papirius qui, sur le riche butin de Tarente, ne se réserve qu'un bol de bois. Les Romains avaient déjà eu des contacts commerciaux avec les Grecs, et avaient adopté très tôt l'alphabet grec, mais c'est à la fin de cette époque que Rome subit pour la première fois l'influence de la culture grecque hellénistique. C'est un esclave grec, Livius Andronicus, fait prisonnier lors de la prise de Tarente, qui introduit à Rome l'épopée et le théâtre des Grecs. La religion subit, elle aussi, l'influence grecque. 5. L'époque républicaine: expansion au-delà de 1'Italie, v. 270-v. 120 av. J.-C. Rome est maintenant une puissance méditerranéenne ; comme telle, elle entre en contact avec les intérêts carthaginois en Sicile et en Méditerranée occidentale, et avec le monde grec hellénistique à l'est. Pour les conflits avec Carthage et la victoire de Rome, voir puniques, guerres. Entre-temps, Rome affronte une autre invasion de l'Italie par les Gaulois, défaits en 225 à la bataille de Télamon, en Étrurie. Cette victoire aboutit à la pacification de la Gaule cisalpine ; les Ligures, les Istriens et les habitants de la côte dalmate seront finalement soumis (la conquête ne sera achevée qu'en 129). Les déprédations des pirates illyriens en Adriatique nuisent au commerce romain en plein développement. Rome soumet les Illyriens en deux campagnes (229 et 219) et acquiert une tête de pont dans les Balkans en fondant l'Hlyricum, petit territoire sous protectorat romain, qui la rapproche des Grecs. Après la seconde guerre punique le contact se fait encore plus étroit. Au cours de cette guerre, les Carthaginois avaient eu pour allié Philippe V de Macédoine; ce roi ne les avait guère aidés, et les Romains l'avaient battu lors de la première guerre de Macédoine (214-205); mais Philippe avait montré qu'il voulait s'agrandir en Méditerranée orientale : Rome fut donc amenée à lui faire la guerre à nouveau. La deuxième guerre de Macédoine se termine par la victoire de T. Quinctius Flamininus à Cynocéphales en 197. La Macédoine est obligée de rétrocéder ses conquêtes, mais on lui laisse — pour quelque temps — son indépendance, tandis que Rome accorde la liberté (sous sa suzeraineté) au reste de la Grèce, jusque-là soumis aux Macédoniens ; en 194, tous les soldats romains ont quitté la Grèce. Rome ne cherchait pas à s'agrandir, mais elle voulait la sécurité, et il lui fallait pour cela écraser tout pouvoir rival. Elle se prend de querelle avec Antiochus III de Syrie (voir séleucides), auprès de qui Hannibal, le général carthaginois vaincu et chassé de Carthage, avait trouvé refuge : les Romains les soupçonnent de comploter ensemble. Lorsqu'en 192 Antiochus, sur le conseil d'Hannibal, envahit la Thessalie, les Romains l'en chassent rapidement, puis, en 189, mettent ses armées en déroute près de Magnésie (en Lydie). Antiochus est obligé de se retirer en Syrie, et la plus grande partie des territoires séleucides en Asie Mineure sont attribués à Pergame et à Rhodes ; quelques cités sont déclarées libres. Rome n'annexe aucun territoire mais reçoit une importante indemnité de guerre. La Macédoine demeure en paix jusqu'à l'avènement de Persée, qui défie les Romains dans la troisième guerre de Macédoine (172-168/167), mais est battu par Paul Émile à Pydna (168). Après quoi, un millier de citoyens de la ligue achéenne, qui avaient soutenu Persée, sont déportés en Italie, et parmi eux l'historien Polybe (pour l'ambassade grecque de 155 av. J.-C., voir philosophie 2 et cratès). La Macédoine est alors divisée en quatre républiques, mais en 146, après de nouveaux désordres, elle est annexée et forme une province. La même année, une révolte de la ligue achéenne est rapidement réprimée ; L. Mummius prend et détruit Corinthe. La Grèce centrale et le Péloponnèse sont laissés indépendants, mais contraints pour un temps à payer tribut. C'est aussi en 146 que Carthage est détruite. La cité avait retrouvé son importance économique, au point que sa richesse et son pouvoir renouvelés inquiétaient Caton le Censeur. Carthage est prise par Scipion Émilien, et son territoire devient une province romaine. En Espagne, une longue série de campagnes, culminant dans la prise de Numance en 133, aboutissent à soumettre la plus grande partie de la péninsule. Entre-temps, Rome avait acquis de diverses façons les royaumes hellénistiques de Bithynie, de Galatie, de Pergame et de Rhodes, et intervenait dans les affaires de l'Égypte et de la Syrie. En 133, le roi Attale II de Pergame lègue ses territoires à Rome (voir attalides) : ils formeront la province romaine d'Asie. À l'ouest, le sud de la Gaule, ou Gaule Narbonnaise, devient province romaine en 120. Il se produit donc au IIe siècle av. J.-C. une énorme expansion du territoire romain. À la même époque, la vie économique et sociale à Rome et en Italie subit de profonds changements. Un peu partout, la petite exploitation paysanne disparaît au profit de grands domaines gérés de manière capitaliste. L'industrie et le commerce se développent et les chevaliers (équités, voir ordre équestre) s'enrichissent considérablement (mais l'aristocratie, elle, se tient à l'écart des affaires). Les esclaves se multiplient, dans les champs comme dans les maisons. Rome a acquis soudain une immense richesse, tirée du butin et du tribut. Toutes sortes de raffinements luxueux se développent; on entreprend de construire de grandioses monuments publics. Dans tous les domaines — l'art et l'architecture, la littérature et la religion —, l'influence grecque s'exerce avec force. Les nobles sont souvent d'ardents philhellènes, tels les Sci-pions et leur cercle ; les premiers historiens de Rome écrivent d'ailleurs en grec. Les oeuvres du poète Naevius sont très romaines, mais Plaute, Ennius et Pacuvius imitent les Grecs, comme Térence un peu plus tard. Un mouvement de réaction, mené par Caton le Censeur, prône un retour à l'ancienne simplicité romaine, mais il est impuisssant à renverser le cours des choses. À la fin de sa vie, Caton lui-même passera beaucoup de temps à apprendre le grec. 6. Epoque républicaine : les Grac-ques, Marius et Sylla. Le dernier siècle de la République romaine, parfois appelé époque tardo-républicaine, est une période de luttes sociales et politiques acharnées. Les provinces sont mécontentes et s'agitent. Il manque à l'administration provinciale un système cohérent et des cadres permanents ; elle est pour l'essentiel entre les mains de gouverneurs souvent ambitieux et parfois malhonnêtes, qui cherchent à acquérir richesse et pouvoir. Les chefs militaires sont eux aussi poussés par des ambitions personnelles; les allégeances des soldats se modifient : de plus en plus, c'est à leurs généraux qu'ils sont fidèles, attendant d'eux, plus que du Sénat, primes et distributions de terres; c'est là un grave danger pour le bon fonctionnement des institutions républicaines. Le Sénat lui-même se montre plus oligarchique et moins démocratique; en conséquence, le fossé entre les partis se creuse et les luttes entre optimates et populares se font encore plus acharnées. En outre, le Sénat maltraite les alliés italiens : il leur refuse le droit de cité et, bien souvent, leur part de butin dans les guerres où ils ont combattu. D'autres facteurs jouent un rôle : l'influence croissante d'une classe riche non sénatoriale (voir ordre équestre), le développement des grands domaines (les latifundia) voués à l'élevage plutôt qu'à la production céréalière, et le déclin de la classe des petits propriétaires. Les premiers, les Gracques tentent de s'attaquer à certains de ces problèmes. Leur échec final est suivi d'une réaction conservatrice. Au cours de la guerre contre Jugurtha (112-105), le Sénat montre une telle incompétence que le peuple et les chevaliers (équités), agissant de concert, font confier le commandement à Marius. Survient alors un danger plus grand : les invasions germaniques en Gaule Narbonnaise ; les Cimbres et les Teutons ont déjà anéanti deux armées commandées par leurs consuls lorsque Marius, plusieurs fois consul, impose des réformes militaires et remporte sur les Germains deux victoires éclatantes (102 et 101). Quoique soutenu par son armée, Marius n'entend pas user de force envers le Sénat, dont il veut au contraire se faire reconnaître. Les luttes entre optimates et populares reprennent ; l'alliance de Marius avec les dirigeants du parti populaire, Satuminus et Glaucia, ne dure pas; Marius soutient alors le Sénat dans son conflit armé avec le parti du peuple. Les conséquences de la réaction conservatrice sont plus graves. Lorsque M. Livius Drusus, tribun de la plèbe en 91, propose d'accorder le droit de cité romain à tous les habitants de l'Italie, il se heurte à une violente opposition des conservateurs et le projet échoue. Son assassinat provoque une grande révolte des alliés italiens, qui débouche dans ce qu'on appelle la «guerre Sociale » (90-88) [en latin « alliés » se dit socii], ou encore la guerre Marsienne, du nom de la tribu qui déclencha le conflit, les Marses. Certains alliés cherchaient à obtenir par les armes le droit de cité romain, d'autres, par exemple les Samnites (voir 4, supra), espéraient anéantir l'hégémonie de Rome en Italie. Militairement la guerre resta indécise, mais les Romains l'emportèrent en cédant sur le point le plus important : la citoyenneté pleine et entière fut accordée à tous les habitants de l'Italie au sud du Pô. L'époque est intéressante à un autre titre : l'importance des enjeux politiques a des répercussions au plan littéraire, se traduisant par l'essor de l'art oratoire à Rome. Caton le Censeur est un orateur remarquable : les fragments de discours conservés révèlent chez lui un vigoureux patriotisme et une authentique éloquence. Peu avant l'époque des Gracques, Scipion Émilien et son ami Laelius sont fameux pour leur éloquence. Selon Cicéron (voir oratoire, art 2), qui énumère plusieurs orateurs de cette période, Caius Gracchus était, des deux frères Gracques, l'orateur le plus passionné et le plus persuasif. Le poète satirique Lucilius écrit à la même époque. La rivalité entre Marius, chef du parti populaire, et Sylla, un optimate, pour le commandement de la campagne contre Mithridate, roi du Pont, conduit au coup de force de Sylla, qui marche sur Rome en 88 à la tête de ses légions. S'ouvre alors une période de guerres civiles acharnées et sanglantes. Ayant soumis l'Orient, Sylla revient à Rome en 83 pour renverser le gouvernement établi par Cinna. En 82, après de très nombreuses proscriptions, Sylla est fait dictateur et cherche, par une série de mesures qui ne survivront pas longtemps à sa retraite politique (en 79), à renforcer le pouvoir du Sénat au détriment des tribuns et des généraux. 7. La fin de la république: 79-30 av. J.-C. (Sur l'événement qui marque les débuts de l'époque tardo-républi-caine, voir salluste.) À cette seconde phase des guerres civiles, débutant avec Marius et Sylla, sont associés les noms de Pompée, César, Crassus et Cicéron. Toute considération du bien public est désormais abandonnée par des politiciens ambitieux qui veulent confisquer le pouvoir à leur seul profit. Les conquêtes qu'ils ont faites en tant que généraux les ont enrichis ; ils disposent de troupes loyales et efficaces, sortes de milices privées qui savent bien que leur fortune dépend de la réussite de leur général. En 70, les deux consuls, Pompée, vainqueur de Sertorius en Espagne, et Crassus, qui a réprimé la révolte de Spartacus en Italie, s'allient contre le Sénat pour abolir une bonne partie de la législation de Sylla. Pendant que Pompée conquiert des territoires en Orient, à Rome, César et Crassus, ayant pris la tête du parti populaire, complotent pour empêcher son retour. Malgré ces complots, malgré la tentative de révolution menée par Catilina (et tenue en échec par Cicéron en 63), les popular es ne parviennent pas à s'emparer du pouvoir. Cicéron commence à espérer une réconciliation de tous les éléments modérés (concordia ordi-num), mais le Sénat refuse de ratifier les dispositions prises par Pompée en Orient et d'accéder aux demandes de César, qui en 60 revient d'un commandement en Espagne. En 60 se noue entre César, Pompée et Crassus un pacte qu'on nomme (seulement depuis l'époque moderne) le «premier triumvirat», qui leur assure une position dominante dans l'État. Cette alliance dure jusqu'à la mort de Crassus, vaincu et tué par les Parthes à Carrhes en 53; après quoi, les rivalités entre Pompée et César (qui pendant ce temps a soumis les Gaules et fait des incursions en Angleterre) se transforment en conflit ouvert. Pour l'anarchie qui s'étend pendant cette période, voir cicéron 1, clodius et milon. Effrayé par la gloire militaire acquise par César en Gaule, le Sénat est forcé de faire alliance avec Pompée, alliance nouée sans aucun enthousiasme de part et d'autre. Lorsqu'en 49 César revient de Gaule et franchit le Rubicon, pénétrant ainsi en Italie avec son armée malgré l'interdiction du Sénat, la guerre civile se ranime, cette fois entre César et Pompée, qui à ce moment représente le gouvernement républicain légitime. Pompée est totalement vaincu à Phar-sale, en Thessalie, puis assassiné en Égypte en 48. Les républicains continuent la guerre, mais leur parti s'effondre après le suicide de Caton d'Utique en 46 et la défaite que leur inflige César à Munda (Espagne) en 45. Qu'il ait eu ou non l'intention de mettre fin au régime républicain, il est certain que la dictature exercée par César introduisait dans la constitution le principe d'un pouvoir personnel autocratique. Son programme de législation sociale est interrompu lorsque, en 44, il est assassiné par des sénateurs qui avaient conspiré sa perte. Au lieu que la république renaisse de ses cendres, comme l'espèrent les conjurés, il s'ensuit une troisième phase de guerres civiles. Marc Antoine, collègue de César au consulat en 44 et chef naturel des césariens à la mort du dictateur, voit sa position menacée par Octavien, héritier de César ; de plus, on le soupçonne généralement de vouloir rétablir à son profit le pouvoir autocratique de César. Octavien commence par coopérer avec les républicains du Sénat et reçoit leur appui, y compris celui de Cicéron. Les césariens sont maintenant divisés en deux factions, les partisans d'Antoine et ceux d'Octavien. Les deux partis se battent à Mutina (Modène) en 43 ; du côté du Sénat, Octavien commande une armée de vétérans de César; Antoine, vaincu, se réfugie en Gaule Narbonnaise. Lorsqu'après Mutina le Sénat refuse d'accéder aux demandes d'Octavien, celui-ci marche sur Rome, occupe la ville et se fait élire consul : il a dix-neuf ans. Il se ré concilie avec Antoine et avec le césa-rien Lépide en vue d'écraser Brutus et Cassius, chefs du parti républicain et meurtriers de César. Les trois hommes se font nommer, pour cinq ans, « triumvirs en vue de la constitution de l'État» (triumviri reipublicae consti-tuendae). Il proscrivent leurs ennemis politiques ou personnels, confisquant ensuite les biens des proscrits afin d'établir 50 000 de leurs vétérans : cette mesure va spolier et ruiner quantité de paysans (voir Virgile). Les triumvirs continuent la guerre contre le parti républicain ; Brutus et Cassius sont vaincus à Philippes en 42. Antoine et Octave renouent leur alliance par le traité de Brindisi en 40. Peu à peu Octavien resserre son contrôle sur l'Italie et l'Occident; en 38 le triumvirat est renouvelé, mais Lépide en est exclu en 36. Antoine part pour l'Orient et se laisse séduire par Cléopâtre; dès lors, on le soupçonne de sacrifier les intérêts de Rome à ceux de la reine d'Égypte. Bientôt la rupture entre Antoine et Octavien est consommée; Antoine est vaincu à la bataille d'Actium en 31 ; en 30, à Alexandrie, il se donne la mort ; Octavien reste seul maître de Rome et de tous ses territoires. C'est la fin de la république. 8. L'époque classique ou cicéro-nienne. Les dernières années de la République (depuis environ 70 av. J.-C.), époque que, du point de vue de la langue latine et de l'histoire intellectuelle, on appelle parfois « classique » (au sens étroit), voient un remarquable épanouissement de l'activité littéraire. C'est l'époque de Cicéron et de César, celle aussi de Lucrèce, de Catulle et de Varron. Virgile est ordinairement considéré comme un écrivain de l'époque augustéenne, mais en 30 av. J.-C. il a déjà écrit les Bucoliques et les Géorgiques. Ce qui caractérise cette période, c'est que le long processus d'unification de l'Italie est désormais achevé. Une nation italienne unique est née, liée par une civilisation commune et, jusqu'à un certain point, par une identité d'intérêts politiques et commerciaux. De cette unification, la littérature fournit une bonne illustration, car quantité d'écrivains importants sont nés un peu partout en Italie (c'est encore plus vrai au temps d'Auguste) : Catulle à Vérone, Varron et Salluste en pays sabin, Cicéron à Arpi-num, cité volsque, Virgile à Mantoue, Cornélius Népos en Gaule Cisalpine. L'âge classique est caractérisé par la variété et la vigueur de l'activité littéraire, stimulée probablement par les tensions politiques, et plus certainement encore par les tendances populistes de l'époque, sans omettre l'influence croissante de la culture grecque, et en particulier celle de la littérature hellénistique. Cette vigueur se manifeste par la grande diversité des formes poétiques qui se développent — poésie épique, lyrique, didactique, pastorale; dans les divers styles de l'art oratoire, de l'«attique» austère à l'«asiatique» fleuri; dans les rivalités des écoles philosophiques; dans l'indépendance plus ferme, la liberté d'expression et le caractère plus personnel des oeuvres littéraires; dans la coutume qui consiste à achever à Athènes une éducation libérale ; enfin dans l'intérêt que suscitent toutes les branches du savoir, y compris les antiquités romaines. 9. Les débuts de l'empire : l'époque d'Auguste. Deux facteurs avaient précipité la chute de la république : l'absence d'une grande administration apte à gouverner le vaste empire désormais soumis à Rome, et l'apparition des dictateurs militaires. Utilisant le cadre institutionnel de la république ancienne, Auguste (c'est le titre que le Sénat confère à Octavien en 27 av. J.-C.) crée un système nouveau, qui est jusqu'à un certain point un compromis. Il se réserve le contrôle des armées et la politique étrangère, ainsi qu'un droit de regard général sur la machine gouvernementale, mais laisse une part de l'administration aux sénateurs et surtout aux chevaliers, équités (tout au long de son règne, il révisera périodiquement la liste des membres de ces deux ordres, en vertu de ses pouvoirs de censeur). Lorsqu'en 27 av. J.-C. il établit une première Constitution, il conserve le consulat, qu'il détenait depuis 31 (et qu'il gardera jusqu'en 23 av. J.-C.); il confie au Sénat le gouvernement de Rome, de l'Italie et de certaines provinces, les plus calmes, celles où il n'est pas nécessaire de stationner des légions ; voir provinces. Le Sénat a en outre des fonctions judiciaires et législatives ; enfin et surtout, le Sénat est consulté sur les questions politiques. Auguste, quant à lui, adopte l'apparence extérieure et le mode de vie d'un magistrat de l'ancienne République. Il prend le titre de princeps («chef», ou «premier»). Cependant son statut réel est bien supérieur à celui d'un magistrat. Il s'attribue plusieurs des fonctions du Sénat, qui peu à peu se réconcilie avec l'idée du pouvoir personnel (beaucoup de sénateurs doivent leur siège à la faveur du prince). Jusqu'en 23 av. J.-C., l'autorité d'Auguste repose sur le consulat, annuellement renouvelé, et sur son pouvoir dans les provinces. Par un nouveau dispositif institutionnel, adopté cette année-là, Auguste renonce au consulat, mais le Sénat et le peuple lui accordent à vie la puissance tribuni-cienne (les attributions des tribuns de la plèbe), ce qui le situe dans la tradition des dirigeants populaires. Il exerce un pouvoir proconsulaire sur les provinces qui dépendent directement de lui, les provinces « impériales», mais comme son imperium est déclaré majus («supérieur») à celui des autres proconsuls, même dans les provinces «sénatoriales», c'est lui qui détient le pouvoir suprême. Le contrôle qu'il exerce, par le biais de ces pouvoirs et d'autres encore, sur la législation, sur la procédure criminelle et sur une bonne partie des revenus de l'État, la large clientèle qui dépend de lui, et surtout ses fonctions de chef des armées, font de lui un véritable monarque. Pour l'administration générale de l'empire et le développement du fonctionnariat impérial sous les premiers empereurs; pour la réorganisation des finances sous Auguste, voir finances 2; pour l'administration provinciale, voir provinces. Par diverses mesures législatives, Auguste s'efforce de restaurer la religion et la morale traditionnelles du peuple romain (voir 4, supra), d'encourager les mariages souhaitables et de limiter le luxe. Les effets de ces mesures sont, au mieux, très temporaires. En politique étrangère, il abandonne les grands projets orientaux; il cherche à faire la paix avec les Parthes, et accorde tous ses soins à la politique de romanisation de la Gaule et à l'acquisition d'une frontière sûre à l'ouest. Trois cents ans plus tard, le centre de gravité de l'Empire aura glissé vers l'est, les institutions établies par Auguste auront totalement changé, et l'Occident sera envahi par les barbares ; mais avant que tout cela ne se produise, le projet augustéen d'une romanisation de l'Occident aura été réalisé dans des formes qui survivront à tous ces bouleversements. La littérature de l'époque augus-téenne reflète les changements poli tiques entraînés par l'établissement du principat. À la paix civile répond, en littérature, un sentiment de quiétude, une impression de calme après la tempête, qui imprègnent une bonne part des oeuvres poétiques du temps, notamment l'Ènéide et les derniers poèmes d'Horace. De nouveaux thèmes et de nouveaux idéaux inspirent les poètes : la mission impériale de Rome, le retour de l'âge d'or. Par ailleurs, l'audace, le sentiment de liberté, la vitalité qui caractérisaient Lucrèce et Catulle ont disparu. Ovide est banni pour immoralité. Que ce soit au Sénat ou dans les assemblées du peuple, l'éloquence perd sa principale fonction : elle dégénère en rhétorique creuse. La jurisprudence est sous contrôle impérial. L'historiographie connaît les même limitations. L'époque produit néanmoins un très grand historien, Tite-Live, qui, en dépit de sa visible admiration pour les grands héros de la République, jouit de l'estime d'Auguste. 10. Les empereurs julio-claudiens : Tibère, Caligula, Claude, Néron, 37-68 apr. J.-C. En 14 apr. J.-C., à la mort d'Auguste, Tibère, déjà revêtu de la puissance tribunicienne et de l'imperium proconsulaire, administre les affaires courantes pendant un mois, après quoi le Sénat le proclame empereur. Sous son règne (14-37), le pouvoir du Sénat s'accroît aux dépens de celui du peuple. Certaines légions se révoltent en Germanie, mais en général les provinces sont calmes et bien administrées; la Cappadoce devient province romaine, mais pour le reste, suivant le conseil d'Auguste, Tibère renonce à étendre les frontières de l'Empire. Au plan financier, l'empereur est considéré comme avare : à sa mort il laisse une grande fortune. La famille impériale est la proie de jalousies et d'intrigues continuelles. Aigri et de plus en plus misanthrope, Tibère se retire à Capri et gouverne par l'intermédiaire de Séjan, dont la carrière illustre le pouvoir potentiel inhérent à la fonction de préfet du prétoire (praefectus praetorio), et celui de la garde prétorienne elle-même. Les espions et les informateurs pullulent ; la fin du règne est une époque de terreur, riche en procès, en vengeances et en suicides. Tacite et Suétone feront de Tibère un portrait des plus sombres, alors que Velleius Paterculus chante ses louanges. Le règne extravagant de Caligula (37-41 apr. J.-C.) met en évidence le caractère autocratique du principat, déjà bien visible sous Tibère, et l'incapacité du Sénat à limiter les excès d'un prince qui était peut-être fou. Lorsque Caligula est assassiné en 41, il n'a pas de successeur au principat, mais la garde prétorienne découvre dans le palais l'oncle de Caligula, Claude, dernier survivant de la famille d'Auguste, et, par fidélité dynastique, le proclame empereur. Son règne (41-54) est caractérisé par une politique étrangère vigoureuse (la Bretagne est soumise et devient province romaine en 43 ; d'autres territoires sont annexés et constitués en provinces), par l'extension très libérale de la citoyenneté romaine, par les grands travaux publics, et par le développement du fonctionnariat impérial, dans lequel les affranchis acquièrent une position dominante. Claude essaie sans succès de restaurer l'efficacité du Sénat comme organe de gouvernement et de diminuer l'influence des espions professionnels. Il n'échappe cependant pas aux conspirations : ses affranchis et ses deux dernières épouses, Messaline et Agrippine, fomentent des intrigues. On dit qu'Agrippine empoisonna Claude pour faire accéder au trône son fils Néron, qu'elle avait eu d'un précédent mariage. Néron n'a que seize ans lorsqu'en 54 il succède à Claude. Les cinq premières années de son règne sont tranquilles ; l'empereur écoute les conseils de sa mère ; il laisse Burrhus, préfet du prétoire, et le philosophe Sénèque, son précepteur, gouverner avec sagesse. En 59, les choses commencent à se gâter: Néron fait périr sa mère et sa femme Octavie pour pouvoir épouser Sabine Poppée, sa maîtresse. Sénèque est forcé de se retirer, Tigellinus succède à Burrhus, mort en 62, dans la charge de préfet du prétoire. Si la passion de Néron pour les courses de char, pour le théâtre et la musique, et ses apparitions en personne sur la scène, ont scandalisé la bonne société romaine, son philhellénisme était sincère. Les Grecs se souviendront longtemps de sa visite dans leur pays (67) ; sa généreuse décision d'exempter d'impôt les antiques foyers de la culture hellène le rend populaire, au moins en Orient. Lorsqu'en 64 une bonne partie de Rome brûle, sans doute par accident, on accuse les chrétiens, qui subissent alors une première persécution. La reconstruction de la ville obéit à des principes raisonnables, et l'édification du nouveau palais, la Maison dorée, permet à Néron de se laisser aller à ses goûts artistiques, avec un résultat spectaculaire. En 61, l'armée romaine réprime une grave insurrection qui avait éclaté en Bretagne, à la suite des abus de pouvoir de l'administration provinciale romaine ; menés par Boudicca, les Bretons avaient remporté quelques succès. En 65, à la suite de la découverte d'une vaste conspiration, menée par C. Calpurnius Pison — les extravagances de l'empereur l'avaient rendu impopulaire —, Néron exige le suicide de Lucain, de Sénèque et de Pétrone, mais refuse de voir à quel point sa conduite est imprudente. Une révolte se répand en Judée; finalement Vindex, un légat gaulois issu d'une famille royale, se soulève à son tour, de même que Galba, gouverneur de la province d'Espagne. Abandonné de tous, l'empereur s'enfuit de Rome et se donne la mort le 9 juin 68. Sous les Julio-Claudiens, l'activité littéraire connaît à Rome un déclin brutal. Auguste avait su gagner à sa cause les écrivains de son temps ; à la génération suivante, les grands auteurs — Lucain, Sénèque, Perse, Phèdre, Pétrone, Columelle — montrent peu de sympathie pour l'empire. 11. Galba, Othon, Vitellius, les Flaviens, les Antonins, 69-192 apr. J.-C. L'«année des quatre empereurs» (69) est un temps de luttes intestines sanglantes qui accompagnent les règnes brefs de Galba, d'Othon et de Vitellius. Cette année marque un tournant : on s'aperçoit qu'il est possible de faire, hors de Rome, un empereur par la volonté des soldats. Les légions admettent pourtant que les empereurs qu'elles ont faits doivent être agréés par le Sénat. Galba est nommé par l'armée d'Espagne, mais les prétoriens, de leur côté, font empereur Othon, qui est chassé par Vitellius, candidat des légions de Germanie inférieure, dont il est le légat. Vitellius est reconnu par le Sénat, mais l'armée d'Orient, avec le soutien des légions du Danube, proclame empereur son propre général, Vespasien (Titus Flavius Vespasianus), légat de Judée. Lorsque Vitellius propose d'abdiquer, ses soldats l'en empêchent. Rome est envahie et mise à sac par les légions du Danube, et Vitellius est tué. En décembre 69, le Sénat reconnaît pour empereur Vespasien, qui entre à Rome au début de 70. Cette période houleuse est suivie par une phase de récupération, sous le gouvernement sage et efficace de Ves pasien, de Titus et de Domitien. À la différence des Julio-Claudiens, issus d'une très ancienne famille patricienne, les Flaviens ont des origines relativement modestes : le père de Vespasien était chevalier, percepteur d'impôts dans la ville italienne de Reate (Rieti). Vespasien fait commencer son règne du jour où les soldats l'ont proclamé empereur en 69, et non du moment où le Sénat l'a confirmé. Par une politique économique prudente, il restaure les finances publiques, profondément désorganisées par les prodigalités de Néron et par la guerre civile ; il renforce les frontières existantes et fait entrer au Sénat un plus grand nombre de provinciaux, de façon que cette assemblée soit plus représentative de l'Empire. Cependant il néglige le Sénat et accorde sa confiance à des conseillers. Son règne accomplit un progrès décisif sur la voie de la monarchie absolue, qui s'exprime par l'accaparement des magistratures : il accumule les consulats et fait revivre à son profit la censure qui lui permet de contrôler la composition du Sénat. Sous les Flaviens, les chevaliers (équités) tendent à remplacer les affranchis dans les bureaux de l'empereur. Vespasien entreprend de grands travaux publics : le Colisée, terminé par son successeur, en est l'exemple le plus frappant. La révolte des Juifs, qui éclate en 66, est réprimée par une armée commandée par Titus, fils de l'empereur. Le siège de Jérusalem commence en 70 et se termine par le pillage et la destruction de la ville : la Judée devient une province gouvernée par un légat impérial. Titus commémore sa victoire par un arc de triomphe qui est toujours debout, près du Forum. En 79, à la mort de Vespasien, Titus est préfet du prétoire et partage déjà l'imperium de son père, ce qui lui assure une succession facile. Son règne bref ne comporte guère d'autres grands événements que l'éruption du Vésuve en 79 et l'incendie de Rome qui, en 80, détruit le temple de Jupiter Capitolin nouvellement construit par Vespasien. C'est ce Titus qui, devant la violente hostilité des Romains envers tout ce qui est royal, fut contraint de renvoyer la reine Bérénice, qu'il aimait. De quelques lignes de Tacite, Racine a fait une tragédie. Titus meurt en 81 ; Domitien, son frère cadet, lui succède : il est acclamé empereur par les prétoriens et la succession est ratifiée par le Sénat. C'est un administrateur énergique, un grand bâtisseur et un protecteur des arts : il reconstruit le temple de Jupiter Capitolin et restaure les bibliothèques publiques endommagées. Il cherche à améliorer la moralité publique, limite les représentations des mimes et légifère contre le vice. Sous son règne, la justice échappe en grande partie à la corruption. Domitien restera toujours populaire auprès des soldats ; il fait de vigoureux efforts pour assurer la sécurité des provinces, et ses armées, sous le commandement de Julius Agricola, étendent les territoires contrôlés par Rome en Angleterre (voir grande-bretagne 4). L'accaparement des magistratures (consulats répétés, censure à vie) et l'attitude autocratique de l'empereur, ainsi que ses tendances philhellènes, mécontentent une partie de la classe sénatoriale. Après la révolte du légat de Germanie supérieure en 88-89, Domitien se met à écouter ses espions et se croit victime de conspirations, montées notamment par des sénateurs. Les sept dernières années de son règne sont une époque de terreur, durant lesquelles les exécutions se multiplient. Ces dernières années influenceront fortement le juge ment que porte l'historien Tacite sur le principat en général. En 90, Domitien est assassiné et son nom effacé des monuments publics. Sous la terreur domitienne, la littérature décline. C'est le temps de Pline l'Ancien, de Stace, de Martial et de Quintilien. Après le règne paisible et conciliateur de Nerva (96-98), un sénateur influent choisi par les assassins de Domitien parce qu'il convenait à beaucoup de gens, vient le gouvernement simple et ordonné de Trajan (98-117), fils adoptif de Nerva, qui parvient à obtenir le soutien de toutes les légions. Ces deux règnes (96-117) apportent à Rome un intense soulagement, dont témoignent les grandes oeuvres historiques de Tacite, les Satires de Juvénal et les Lettres de Pline le Jeune. L'Empire romain est à son apogée, c'est un temps de paix et de stabilité. Les règnes bienfaisants d'Hadrien (117-138) et des Antonins (138-192) marquent la fin de la littérature classique (au sens large). Les principaux écrivains de l'époque sont Suétone, Aulu-Gelle et Apulée. 12. Les institutions romaines. I. Sous la République. Pour le fonctionnement des institutions à l'époque républicaine, voir RÉPUBLIQUE ROMAINE. Les principaux «magistrats» (c'est-à-dire officiers de l'État, gouvernants) sont les consuls, les préteurs, les censeurs, les questeurs, les tribuns de la plèbe et les édiles ; les dictateurs, et leurs collaborateurs, les magistri equitum, ne sont nommés qu'en cas de crise exceptionnelle. Pour les fonctions des divers magistrats, voir les entrées correspondantes. Pour certains fonctionnaires mineurs, voir vigintisexviri. Pour l'ordre dans lequel on accède aux magistratures et les intervalles obligatoires entre chacune d'elles, voir cursus honorum. Pour les assemblées législatives. Pour l'administration de la justice. Pour l'administration des territoires conquis, voir 4 supra et provinces. il Sous les premiers empereurs. Peu à peu le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif sont, en fait sinon en théorie, rassemblés entre les mains du prin-ceps, même si certains empereurs ont l'habitude de tenir compte, dans une mesure variable, des avis du Sénat. Les sénatusconsultes (senatus consulta, «décisions du Sénat») ont force de loi sans avoir à être ratifiés par les comices (assemblées du peuple); en outre, l'empereur émet des édits. La législation issue des comices se fait rare. Jusqu'en 14 apr. J.-C. (mort d'Auguste), les comices continuent de se rassembler pour élire les magistrats; après cette date le Sénat s'en charge. L'empereur a un droit légitime, mais limité, à nommer les candidats. Les quaestiones (tribunaux criminels permanents) continuent de siéger, mais le Sénat acquiert un pouvoir judiciaire qui en fait la haute cour de justice de l'Empire. En outre, l'empereur, aidé par un conseil {consilium) d'assesseurs, a le droit de juger n'importe quel procès. Pour l'administration des provinces. On voit se multiplier les fonctionnaires, nommés et contrôlés par l'empereur. Celui-ci puise très souvent dans sa propre maison pour trouver les hauts fonctionnaires de l'Empire; une forte équipe de secrétaires et de comptables se constitue sous son immédiate autorité. Dès l'origine, les affranchis sont très fréquemment employés, et bientôt à des postes très importants. Certains de ces affranchi


ROME. Nom donné à l'un des plus grands États de l'Antiquité. Il se constitua à partir de la ville de Rome, domina ensuite l'ensemble de la péninsule italienne, puis le monde méditerranéen. Située dans le Latium, sur la rive gauche du Tibre, Rome aurait été fondée selon la tradition en 753 av. J.-C. par Romulus. Son histoire peut être divisée en 4 périodes : la Rome royale (VIIIe-VIe siècles av. J.-C.) ; la République romaine (vie-ier siècles av. J.-C.) ; le Haut Empire (Ier siècle av. J.-C.- IIe siècle ap. J.-C.) - apogée de la puissance et de la civilisation romaines - et le Bas Empire (IIe-Ve siècles ap. J.-C.). Voir Antonins, Byzantin (Empire), Empire romain d'Occident, Empire romain d'Orient, Étrusques, Invasions (Grandes), Flaviens, Julio-Claudiens, Sévères, Tite-Live, Virgile.


ROME, Traités de. Accord signé le 25 mars 1957 entre la France, l'Allemagne fédérale, l'Italie, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg et qui institua la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom). ROME ROYALE. Elle correspond à la première période de l'histoire de Rome (VIIIe-vie siècles av. J.-C.), alors gouvernée par des rois. Selon la légende rapportée par l'historien Tite-Live et le poète Virgile, ce fut vers 753 av. J.-C. que Romulus, lointain descendant du troyen Énée, fonda Rome sur la colline du Palatin. À Romulus auraient succédé deux rois sabins et un roi latin (Numa Pompilius, Tullius Hostilius et Ancus Martius) puis trois rois étrusques (Tarquin l'Ancien, Servius Tullius et Tarquin le Superbe) ; une révolution mit fin à cette royauté et la république fut proclamée. Cette tradition sur les origines de Rome est en partie confirmée par les fouilles archéologiques. À partir du IIe millénaire av. J.-C., des envahisseurs indo-européens (les Italiotes) s'installèrent par vagues successives en Italie, se mêlant aux populations déjà établies (les Ligures). Mais Rome, au VIIIe siècle av. J.-C., n'était encore qu'un ensemble de petits villages latins et sabins installés aux flancs de quelques collines (Palatin, Viminal, Quirinal). Les Étrusques, en réunissant ces villages au vie siècle av. J.-C., furent les véritables fondateurs de Rome, dont ils firent la cité la plus puissante du Latium.

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