Databac

RICHELIEU, Armand Jean du Plessis, cardinal duc de

Prélat et homme politique français. Évêque de Luçon en 1606, délégué du clergé aux états généraux de 1614, il s'y fit remarquer par la régente Marie de Médicis et par Concini, et fut nommé secrétaire d'État à l'Intérieur et à la Guerre (1616). La mort de Concini et la disgrâce de la reine mère le firent exiler. Pourtant, il parvint à réconcilier Louis XIII et sa mère, fut fait cardinal. Il sut gagner la confiance du roi, qui le fit entrer à son Conseil en avr. 1634. Devenu rapidement le chef du Conseil, il mit en œuvre une politique intérieure de restauration de l'autorité royale sur la noblesse et le particularisme protestant, et, à l'extérieur, d'opposition aux Habsbourg d'Espagne et d'Autriche. Le péril huguenot fut définitivement écarté après la capitulation de La Rochelle (oct. 1628) et la paix d'Alès (v.) (juin 1629) qui enleva aux protestants leurs places fortes, mais leur garantit le libre exercice du culte et l'égalité civile. Richelieu dut se garder des intrigues du « parti dévot », opposé à sa politique antiespagnole. Il en triompha à l'occasion de la journée des Dupes. Contre les nobles les plus puissants, il fallut parfois des campagnes militaires pour réprimer leurs révoltes (Montmorency, oct. 1632). Tout le temps de son ministère, il dut lutter contre les intrigues du frère du roi, Gaston d'Orléans (exécution de Cinq-Mars et de Thou en 1642). Richelieu contra la puissance des Habsbourg grâce à l'alliance conclue avec le roi de Suède Gustave-Adolphe, et en soutenant les princes protestants allemands contre l'empereur, dans le contexte de la guerre de Trente Ans. En 1636, les Espagnols prenaient Corbie, menaçant Paris. Mais la situation se rétablit progressivement, avec les succès des alliés protestants et les victoires françaises (Rocroi, mai 1643). À la mort du cardinal, la France se trouvait dans une position favorable en face des Habsbourg, position consolidée par son successeur Mazarin. Grand politique, Richelieu se préoccupa aussi des conditions de la grandeur de la France : il favorisa le commerce lointain, créa une marine et jeta les bases d'un empire colonial (au Canada surtout). Il voulut aussi organiser la vie intellectuelle et littéraire, en fondant l'Académie française (1635). Le prix de sa politique fut élevé. La misère des paysans accablés d'impôts se traduisit par de violentes révoltes, durement réprimées : croquants du Limousin (1637) et va-nu-pieds de Normandie (1639).

Richelieu, Armand-Jean du Plessis, cardinal, duc de (Paris 1585 -id. 1642) ; prélat et ministre de Louis XIII.

Homme d’État exceptionnel par l’intelligence de la réflexion, l’aptitude à la décision et la fermeté dans l’exécution, il est lié par son père à la noblesse poitevine, par sa mère à la bourgeoisie de robe. Il est destiné à la carrière des armes, mais son frère Alphonse, à qui était réservé l’évêché de Luçon, en se retirant à la Grande Chartreuse, l’oblige à changer son fusil d’épaule. Pour que sa famille ne perde pas les revenus de cet évêché, il décide d’entrer dans les ordres. Il entreprend des études de théologie et est reçu docteur. Puis il est sacré évêque de Luçon en 1606 : il a vingt-deux ans. Dès lors il se consacre avec zèle à l’administration de son diocèse, où il crée un séminaire et organise des missions. Sa carrière prend une tournure politique en 1614 par sa participation aux états généraux. Il se fait remarquer de Marie de Médicis et de Concini, qui l’appellent en 1616 au Conseil, où il devient secrétaire d’État pour l’intérieur et pour la Guerre. C’est le début de son initiation aux problèmes européens. Cette entrée en matière politique est de courte durée. L’assassinat de Concini y met un point final. Grand aumônier de la reine mère, il la suit dans son exil à Blois et à Avignon. Pendant cette retraite forcée, n’oubliant pas les charges de son état, il écrit une Défense des principaux articles de la foi catholique (1617) et une Instruction du chrétien (1619). C’est en travaillant au rapprochement de Marie de Médicis avec Louis XIII qu’il scelle son destin : il est récompensé par le chapeau de cardinal en 1622 et il entre au Conseil le 29 avril 1624. Rapidement il devient le principal ministre. Malgré les tempêtes qui l’ont menacé et parfois fait plier, il le reste jusqu’à sa mort, soit dix-huit années exemplaires d’une belle longévité. Homme complexe s’il en est, R., tout en étant dévoré d’ambition, est prudent, dissimulé dans les affaires, machiavélique dans les comportements et les objectifs, mais toujours attaché dans les affaires publiques à la raison d’État. Dès que la couronne est en jeu, il est inébranlable, dur et implacable. Bien que de tempérament maladif - il est neurasthénique, sujet à de pénibles migraines, souffre de gravelle, d’hémorroïdes et d’abcès inguérissables -, il a le goût de l’effort. Infatigable, il travaille volontiers la nuit, toujours avec une grande puissance d’idées et une excellente connaissance des dossiers. Quant à ses sentiments religieux, ils sont traditionnels mais sans profondeur. Sous l’influence du père Joseph, sa piété se tournera tardivement vers le mysticisme. L’homme d’État a été la fidèle créature de Louis XIII. L’association du monarque et de son ministre, le Ministériat, impose au Cardinal une continuelle subordination. En revanche, même lors de la journée des Dupes de novembre 1630, quand le parti des pro-Espagnols cherche à obtenir son renvoi, il est toujours soutenu fidèlement par le roi. En homme de son temps, lui-même a sa propre clientèle, qui va des secrétaires attachés à son service jusqu’aux grands serviteurs de l’Etat comme Claude Bouthillier, surintendant des Finances et son fils Léon, secrétaire d’État des Étrangers, François Sublet de Noyers, secrétaire d’État à la Guerre ou le chancelier Pierre Séguier. Il est encore homme de son temps par le soutien qu’il accorde à sa famille, en particulier ses nièces qu’il établit. A sa préférée, il fait accorder en 1638 le titre de duchesse d’Aiguillon. La montée de la famille du Plessis de Richelieu accompagne la richesse du cardinal qui accumule les offices séculiers, les bénéfices ecclésiastiques et les gouvernements (Brouage, Oléron, Ré, La Rochelle, Nantes, Le Havre). Sa fortune foncière est considérable en Poitou et en Anjou. En 1621 il a acquis la terre de Richelieu qui devient duché-pairie en 1631. Sa richesse lui permet d’être un grand collectionneur : dans sa galerie de tableaux se côtoient les oeuvres de Bassano, Vinci, Raphaël, Caravage, Titien, Rubens, Poussin, Michel-Ange -dont quelques-uns des Esclaves, inachevés, ornent le château de Richelieu. Si l’on cherche un fil conducteur dans son action publique, on le rencontre incontestablement dans l’affirmation de l'État à l’intérieur et la prépondérance de la France à l’extérieur. En 1624, quand il prend en charge les affaires, la situation est grave : les protestants et la noblesse s’agitent. Les premiers sont puissants dans les Cévennes et en Languedoc où résiste Rohan. Mais surtout à La Rochelle, où ils sont soutenus par les Anglais et par le duc de Buckingham. R. intervient, bloque l'île de Ré et réduit, après un long siège, la ville révoltée le 28 octobre 1628. Rohan lui-même est battu. La paix d’Alais (28 juin 1629) prend acte de cette reprise en main : la liberté de culte et l’égalité civile sont reconnues aux réformés mais ils perdent leurs places de sûreté. Les seconds - les nobles - oublient leurs devoirs. Ils s’agitent et complotent. Le cardinal limite leur indépendance, condamne par l’édit de 1626 les duels qui les déciment, et étouffe tous les complots. Les proches de Gaston d’Orléans sont arrêtés, Chalais, Montmorency, puissant en Languedoc, Cinq-Mars et De Thou sont exécutés. Malgré ses efforts, la noblesse n’est pourtant pas complètement domestiquée. La culture et les Arts sont mis à contribution : ils servent à mobiliser les esprits et à susciter les adhésions. R. crée l’Académie française en 1635 et surveille l’université de Paris. Il édifie le nouveau collège de la Sorbonne en confiant sa réalisation à l’architecte Jacques Lemercier, qui entreprend la chapelle en mai 1635. Il s’intéresse au théâtre pour lequel il se sent, quoique sans grand talent, une vocation d’auteur. Il soutient les troupes et construit une salle de spectacle dans son palais. Il utilise la presse naissante de son époque à des fins politiques : il fait diffuser des libelles et des pamphlets qui appuient son action, il encourage la Gazette de Théophraste Renaudot, qui épaule la parution du Mercure français. Amateur d’architecture, il bâtit à Richelieu et à Paris, où il fait élever le Palais-Cardinal (plus tard Palais-Royal), tandis que Philippe de Champaigne devient son portraitiste officiel. L’art participe à l’affirmation de l’État absolu. La politique extérieure a été l’essentiel de ses préoccupations. Sa stratégie - parfaitement traditionnelle - consiste à asseoir la puissance de la France en affaiblissant celle des Habsbourg. Il refuse d’écouter ceux qui en France (la famille royale, les Dévots de Marillac) soutiennent les puissances catholiques. Au contraire il cherche le concours des princes protestants. Trois aspects définissent son action : le premier (la politique des portes) consiste à assurer la liberté de passage aux frontières, en particulier alpines ; il prend Suse en 1629 et s’empare de Pignerol. Le traité de Cherasco (1630) donne à la France l’accès de la Valteline. À Mantoue il installe la famille alliée des Nevers. Cette stratégie permet de couper les communications entre Autrichiens, Italiens, Espagnols et Flamands. Il annexe aussi la Lorraine. Le deuxième aspect est représenté par la guerre indirecte : le cardinal soutient les princes protestants hostiles aux Habsbourg, verse des subsides à Christian IV de Danemark et à Gustave-Adolphe de Suède. Mais l’échec des Suédois à Nördlingen en 1634 lui impose (troisième aspect) d’entrer directement dans le conflit de la guerre de Trente Ans : en 1635 la guerre est déclarée aux Espagnols. Elle débute mal : la prise de Corbie en 1636 est suivie de la menace des Impériaux sur la Bourgogne et de la perte des îles de Lérins en Méditerranée. Pourtant les armes se rétablissent les années suivantes par la prise de Brisach (1638) et d’Arras (1640), l’entrée à Perpignan (1642) et le soutien aux révoltés, Catalans et Portugais, d’Espagne. À sa mort, la France est en mesure de mieux affirmer sa prépondérance en Europe. Mais les efforts de guerre lassent le royaume. Les contraintes financières sont gigantesques. Les provinces grondent : la Guyenne se révolte en 1635, l’Angoumois et la Saintonge en 1636, le Périgord en 1637, la Normandie en 1639. Les croquants du Sud-Ouest et les nu-pieds de Normandie sont réprimés impitoyablement. L’effort de guerre implique aussi un pays mieux administré : sans rien changer au gouvernement central, R. organise de façon plus précise les différentes sections du Conseil (dépêches, finances et parties), il enlève aux gouverneurs de province une partie de leur pouvoir. En revanche il développe l’institution des intendants, qui deviennent en province les instruments de l’absolutisme monarchique. Par le code Michau (1629) il réforme la législation. A ces efforts s’ajoute l’intérêt pour l’action économique dont il perçoit qu’elle est la base de la puissance des États. Il s’informe, écoute, lit des rapports et agit : en qualité de surintendant général de la Navigation et du Commerce, il crée des compagnies de commerce (la plupart éphémères) et jette les bases d’un Empire colonial au Sénégal et en Guyane en 1626, à la Martinique en 1635, à la Réunion en 1638, à Madagascar en 1643 et surtout au Canada, où la Compagnie de la Nouvelle-France, fondée en 1627, implante des colons. Il a développé et résumé la philosophie de son action dans des Mémoires, et un Testament politique dont l’authenticité n’est plus de nos jours contestée. Son ample correspondance a commencé d’être publiée depuis 1978 dans l’édition de P. Grillon, Les Papiers de Richelieu. En mourant le 14 décembre 1642, peu avant le roi, le cardinal laissait une France, certes restaurée et puissante, mais sans doute fatiguée des efforts exigés pour l’affirmation de l’absolutisme monarchique. Le revers de son action se mesure à l’ampleur des crises qui éclatent au lendemain de sa disparition.

Bibliographie : Article Richelieu par M. Foisil dans le Dictionnaire du Grand Siècle sous la direction de F. Bluche, 1990, t. 2, p. 1337-1341 ; M. Carmona, Richelieu, l'ambition et le pouvoir, 1983 ; R. Mousnier, L'Homme rouge ou la Vie du Cardinal de Richelieu, 1992.




Petit-fils de Louis de Vignerot du Plessis. Homme politique français. Émigré en 1790, il se distingua dans l'armée russe contre les Turcs et fut nommé gouverneur de la province d'Odessa (1803/14), qui lui dut son premier essor. Rentré en France en 1814, il devint en sept. 1815 Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, et signa le second traité de Paris (nov. 1815). Au congrès d'Aix-la-Chapelle (1818), il obtint l'évacuation totale des troupes étrangères, et, fort de ce résultat, se retira du ministère. Rappelé après l'assassinat du duc de Berry (1820/21), il se refusa à faire une politique de réaction violente et se contenta de mesures modérées qui dressèrent contre lui aussi bien les ultras que les libéraux. Il démissionna en déc. 1821.


RICHELIEU, Armand Jean du Plessis, cardinal de (Paris, 1585-id., 1642). Prélat et homme politique français. Grand homme d'État, il renforça l'autorité royale, marquant ainsi une étape décisive vers l'absolutisme et s'efforça, à l'extérieur, d'imposer contre les Habsbourg la prépondérance française en Europe. Fils d'un grand prévôt de France, il fut d'abord destiné à la carrière des armes, mais son frère renonçant à l'évêché de Luçon, Richelieu en devint l'évêque (1606) afin de conserver dans la famille le bénéfice épiscopal. Administrant avec zèle son diocèse, il se distingua aux États généraux de 1614 comme député de son ordre, devint aumônier de la régente Marie de Médicis, mère de Louis XIII, puis secrétaire d'État (1616). Disgracié avec la reine mère après l'assassinat de Concini, il la suivit en exil à Blois, puis se retira dans le prieuré de Coussay où il écrivit une Défense des principaux points de la foi catholique et une Instruction pour les chrétiens. Son rôle dans la réconciliation de Louis XIII et de sa mère lui permit d'entrer au Conseil (1624) comme principal ministre, poste qu'il conserva jusqu'à sa mort. Richelieu devait, en accord avec le roi, s'assigner un double but : ruiner le parti huguenot et rabaisser l'orgueil des grands afin de restaurer l'autorité royale et d'assurer l'indépendance et le prestige de la France en Europe. À cause de leurs privilèges politiques et militaires qui faisaient des protestants un « État dans l'État », le cardinal entreprit avec acharnement le siège de La Rochelle et la guerre contre les villes du Midi. Le danger écarté, Louis XIII établit la paix d'Alès (1629), laissant aux protestants la liberté de culte mais leur ôtant tous leurs autres privilèges. Parallèlement, Richelieu lutta contre les grands (princes du sang et grands seigneurs) soutenus par la clientèle des gentilshommes de province et n'hésitant pas, pour fomenter des conspirations contre le ministre, à faire appel à l'étranger, notamment à l'Espagne. Chalais, Montmorency, Cinq-Mars, complices de Gaston d'Orléans, frère du roi, furent exécutés. La journée des Dupes (10 novembre 1630), qui faillit donner la victoire aux opposants, provoqua l'exil de la reine mère, Marie de Médicis, et le renforcement de l'autorité de Richelieu. À l'extérieur, le ministre, conscient du danger que constituait pour la France la puissance des Habsbourg d'Espagne - maîtres de Factuelle Belgique, de la Franche-Comté et du Roussillon -, s'efforça de nouer des alliances avec les puissances protestantes et consacra l'alliance avec l'Angleterre par le mariage (1625) d'Henriette de France (soeur de Louis XIII) avec Charles Ier. La France envahit la Valteline, coupant toute communication entre les impériaux et le Milanais, puis conquit Pignerol (1630), prenant ainsi pied en Italie. Cependant, la mort de Gustave Adolphe de Suède (1632) et la défaite des princes protestants obligèrent Richelieu à s'engager directement dans la guerre de Trente Ans (1635). Conscient de la nécessité d'imposer aux intérêts particuliers la souveraineté de F État, Richelieu s'attacha à étendre l'autorité monarchique dans tous les domaines. La législation et le Conseil du roi furent réformés, les marines militaire et marchande furent développées afin de favoriser le commerce lointain et la constitution d'un empire colonial (Canada, Sénégal, Madagascar). L'ordre enfin fut maintenu grâce à l'envoi d'intendants dans les provinces, leurs décisions et leur justice devant se substituer à celles des officiers et des puissances locales. Malgré l'écrasante fiscalité et la misère du peuple (révoltes des Croquants et des Va-nu-pieds en 1639-1641), Richelieu réussit à maintenir la cohésion de la France. La rigueur des temps n'empêcha pas le ministre d'intervenir dans le domaine des lettres par la création de l'Académie française (1634), la construction de la chapelle de la Sorbonne et celle du Palais-Cardinal (futur Palais-Royal) qu'il légua à Louis XIII. Voir Champlain (Samuel de).


RICHELIEU, Armand Emmanuel du Plessis, comte de Chinon, duc de Fron-sac, puis duc de (Paris, 1766- id., 1822). Homme politique français, petit-fils du duc Louis François Armand de Richelieu. Plusieurs fois ministre de Louis XVIII sous la Restauration, il fut l'un des représentants du parti constitutionnel, favorable à l'application de la Charte de 1814. Émigré en Russie lors de la Révolution, il rentra en France en 1814. Premier ministre et ministre des Affaires étrangères (1815-1818), il dut signer, après les Cent-Jours, le second traité de Paris (novembre 1815), couvrit et obtint, au congrès d'Aix-la-Chapelle, l'évacuation totale des troupes étrangères stationnées en France. Richelieu revint à la tête du gouvernement après l'assassinat du duc de Berry (1820), mais ses mesures modérées dressèrent contre lui à la fois les ultras royalistes et les libéraux et il dut démissionner (1821).

Liens utiles