Rapports Nord-Sud: l'égoïsme des nantis
Rapports Nord-Sud: l'égoïsme des nantis
En 1981, les rapports entre pays industrialisés et pays en développement (PVD) ont été dominés par l'attitude dogmatique adoptée par l'administration américaine depuis l'arrivée du président Reagan au pouvoir. Certes, la problématique Nord-Sud ne se limite pas au seul projet de négociations globales et universelles. Elle recouvre tout le champ du dialogue, ou plutôt de la confrontation: convention sur le droit de la mer, code de conduite des sociétés multinationales, fonds de stabilisation des cours des matières premières, etc. Si dans tous ces domaines l'impression d'impasse a prévalu à l'ONU et dans ses organisations spécialisées, une volonté de changement à l'échelle mondiale s'est manifestée de New York à Genève sous la pression du tiers monde, numériquement majoritaire.
L'échec de l'"arme pétrolière"
Proposé par les pays non alignés, repris par le groupe dit des "77" - le groupe de pression, moins politisé et plus vaste, des 122 PVD aux Nations Unies -, le projet de négociations globales représente la revendication dominante du tiers monde pour l'établissement d'un "nouvel ordre économique international", plus équitable. Son objectif est d'obtenir un réaménagement des relations économiques internationales Nord-Sud en faveur des PVD, par des négociations portant sur tous les aspects de la coopération économique internationale et du développement.
Le tiers monde espérait initialement pouvoir utiliser le pouvoir de négociations que lui conférait "l'arme pétrolière" pour obtenir des concessions des nations riches. Certains pays réformistes dynamiques (Algérie, Venezuela, Mexique...) entendaient ainsi encourager les États conservateurs dotés de la puissance pétrolière à mettre celle-ci au service de l'ensemble des défavorisés. Soucieux de la sécurité de leurs approvisionnements pétroliers, les pays industrialisés auraient pu trouver intérêt à poursuivre ainsi le "dialogue" amorcé lors de la conférence de Paris sur l'énergie, en 1976-77.
En mars 1982, cependant, aucun accord n'était encore intervenu sur la procédure et l'ordre du jour d'une éventuelle conférence, les États-Unis refusant que l'organe central des négociations globales - l'ONU en l'occurrence -, où le tiers monde dispose d'une "majorité automatique", ait autorité sur les institutions spécialisées contrôlées par les pays riches: Fonds monétaire international (FMI), Banque mondiale, Accord général sur les tarifs et le commerce (GATT). Or, celles-ci jouent un rôle essentiel en matière de transferts financiers, technologiques et commerciaux. Le Royaume-Uni et la RFA étaient très proches du point de vue américain. Mais étant liés par l'engagement de la CEE, ces deux pays ont estimé plus diplomatique de paraître jouer le jeu.
Lors du sommet d'Ottawa en juin 1981, les sept grands pays industrialisés s'étaient pourtant déclarés prêts à "participer à la préparation d'un processus mutuellement acceptable de négociations globales dans des conditions permettant d'espérer des progrès notables". Le président Reagan avait également paru lâcher du lest, un peu plus tard, fin octobre, à Cancun (Mexique), à l'occasion du premier sommet Nord-Sud. Vingt-deux chefs d'États et de gouvernements du Nord et du Sud (y compris la Chine) convinrent alors "de soutenir aux Nations Unies un consensus pour lancer les négociations globales sur une base mutuellement acceptable". Ainsi les États-Unis reconnaissaient-ils la validité du cadre de l'ONU, la globalité et l'urgence du dossier.
La réunion informelle de Cancun servit ainsi uniquement à donner une impulsion politique au plus haut niveau à un dialogue qui s'enlisait... et à confirmer l'imprimatur présidentielle américaine. D'hypothétiques négociations globales ne peuvent bien entendu avoir lieu sans la participation de la principale puissance économique mondiale. Ni sans l'appui des "riches" pays pétroliers.
Or, l'évolution du marché mondial - où l'OPEP a vu ses positions battues en brèche - a singulièrement entamé la solidarité et les atouts des "77" vis-à-vis des pays industrialisés. Les pays producteurs, dont une partie des excédents de capitaux sont "recyclés" par les banques occidentales, se sont montrés plus préoccupés de sauvegarder leurs avoirs que d'exprimer cette solidarité. La baisse des cours du pétrole favorisée par l'arrivée de nouveaux producteurs sur le marché (où la part de production de l'OPEP est tombée des deux tiers à la moitié), le jeu des multinationales, les mesures d'économies d'énergie prises par les pays industrialisés et l'effort de développement des énergies nouvelles et renouvelables, ont en effet entraîné une diminution des revenus de l'OPEP. Dans ces conditions, on pouvait se demander si les gros producteurs étaient vraiment disposés à jeter tout leur poids dans la bataille Nord-Sud dont, à la limite, ils pouvaient craindre de faire les frais.
La nouvelle politique américaine
La nouvelle politique économique américaine vis-à-vis du "tiers monde" - notion qui n'a d'ailleurs pas cours à Washington - exposée à Philadelphie, peu de temps avant Cancun, a le mérite de la franchise: priorité à la libre entreprise, commerce plutôt qu'aide, assistance surtout accordée aux pays amis traditionnels des États-Unis (Égypte, Israël, Turquie, zone Caraïbes) afin de préserver des zones d'intérêts stratégiques et économiques vitales. Plaçant le débat sur le terrain politique, cette orientation s'appuie sur les puissants instruments économiques que sont les multinationales et les grands établissements bancaires. Rien n'est plus étrangers à cet ultra-libéralisme que la conception un tantinet volontariste que représente le projet de négociations globales. Face à la tentative de rééquilibrage des relations économiques internationales, les États-Unis font l'apologie des vertus de l'économie de marché, en somme de la loi du plus fort. Sans aller jusqu'à tourner le dos à la démarche onusienne, ils ont donc plutôt "traîné les pieds" et cherché à imposer au reste de la communauté mondiale leur propre philosophie.
Les États-Unis sont l'un des rares pays riches à ne pas avoir souscrit à l'objectif des Nations Unies invitant ces pays à transférer l'équivalent de 0,7% de leur PNB vers les pays pauvres. Estimant que la crise ne permettait pas aux donneurs habituels d'augmenter les courants d'aide, ils ont dénoncé en 1981 la multiplicité et la "politisation" des agences de l'ONU spécialisées dans le développement, et menacé de leur couper les vivres. Ils ont commencé par réduire de façon draconienne leur contribution à l'Association internationale du développement (AID, une filiale de la Banque mondiale) et aux banques régionales de développement, entraînant une réaction en chaîne des autres grands pays donneurs, imposant des coupes claires dans les prêts à long terme et sans intérêt à plusieurs pays. Principalement bilatérale, l'aide doit être, dans cet esprit, un instrument de la politique extérieure américaine.
Le changement de présidence à la Banque mondiale, où M. Clausen - un grand banquier - a remplacé M. Mac Namara, a renforcé la position américaine. Rendant hommage au dynamisme des "nouveaux pays industrialisés" (NPI), appelés à jouer un rôle accru dans les échanges, M. Clausen a estimé que le secteur privé devait prendre une place plus importante dans l'aide au développement.
Selon M. Clausen le concept "Nord-Sud", qui implique un affrontement, est dépassé: il lui préfère celui de "monde multipolaire". Une telle vision accepte implicitement des écarts importants entre niveaux de développement d'entités régionales, et elle en fait même l'un des stimulants de la croissance, les économies dominantes restant maîtresses du jeu. Le Comité d'aide au développement de l'OCDE a exprimé, dans son rapport de 1981, un point de vue voisin: "considérée du point de vue des gouvernements donneurs, la promotion du développement du tiers monde ne constitue pas un objectif final ou fondamentalement évident. Elle n'est qu'un but intermédiaire auquel les donneurs consacrent diverses mesures d'aide et autres, afin de faciliter la réalisation de certains de leurs objectifs ultimes auxquels la promotion du développement peut, selon eux, contribuer".
S'ils ne partagent pas la politique américaine et en font même les frais (sur les plans commerciaux et monétaires), les pays européens n'en renoncent pas pour autant à la "solidarité atlantique" face au Sud. Les pays riches serrent les rangs dès que l'on dénonce la rigidité des conditions d'attribution des prêts du FMI, notamment aux États du tiers monde voulant promouvoir des réformes sociales ou des politiques peu conformes à l'orthodoxie monétariste. La France, pour sa part, serait prête à accepter un assouplissement de ces règles et une plus large participation des petits pays à l'administration du Fonds.
Les pays de l'Est tendent quant à eux à considérer le dialogue Nord-Sud comme une affaire Ouest-Sud. Ils se défendent d'avoir une part de responsabilité dans la situation des PVD qu'ils attribuent au colonialisme et à l'exploitation qui l'a prolongé. Ils se déclarent même assez largement solidaires des revendications des "77", mais nombre de pays du tiers monde considèrent qu'il s'agit là d'un geste politique gratuit et déplorent l'attitude passive de Moscou dans les discussions sur l'instauration d'un nouvel ordre économique international. Les pays de l'Est n'y prennent qu'une part modeste et marginale, faisant par ailleurs le gros dos lorsqu'ils sont invités à accroître leur effort d'assistance. L'URSS se montre plus préoccupée de consolider ses zones d'influence ou ses positions acquises, de l'Afghanistan à la Pologne, du Vietnam à l'Afrique, qu'à travailler à une restructuration des relations économiques internationales. Contrairement à la Chine, proche des "77", et qui soutient leurs demandes, l'URSS n'a pas répondu à l'invitation à se rendre à Cancun.
Le "tiers-mondisme" français
La France, pour sa part, a voulu apporter depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir un espoir et une certaine imagination dans les relations Nord-Sud. Paris s'honore désormais de faire du "tiers-mondisme". L'année 1981 a ainsi été jalonnée de déclarations officielles montrant la volonté de la France d'établir des rapports politiques nouveaux avec le tiers monde, de favoriser un développement autocentré et endogène, sans prétention paternaliste. Le nouveau gouvernement socialiste pousse aux négociations globales, plaide pour le relèvement des cours des matières premières des pays pauvres et pour le perfectionnement ou l'entrée en application des mécanismes internationaux d'intervention destinés à garantir leurs recettes. Enfin, il se propose de faire passer l'aide publique au développement (APD) de 0,34% du PNB (crédits des DOM-TOM non compris) à 0,7% d'ici à 1988.
Il lui sera toutefois difficile d'inscrire dans la pratique ces grands objectifs, du fait des contraintes budgétaires, des vieux démons du protectionnisme, de l'héritage postcolonial et du paternalisme politique et militaire dans la "chasse gardée" africaine. Le nouveau gouvernement veut cependant élargir à d'autres États du tiers monde le champ de coopération.
Paris a accueilli en septembre 1981 la conférence des Nations Unies sur les "pays les moins avancés" (PMA). Convoquée par la CNUCED, elle avait pour but d'adopter un "programme d'urgence" en faveur des 31 nations les plus déshéritées. Principaux donneurs, les pays industrialisés occidentaux et le Japon, dont l'aide va naturellement d'abord aux PVD les plus avancés, se sont engagés à augmenter "de façon substantielle" leur flux d'aide en direction de ce sous-prolétariat mondial. La France s'est, pour sa part, solennellement engagée à accroître de 0,10% du PNB en 1981 à 0,15% en 1985 son aide aux PMA, pour combler le grand retard pris sous le septennat de Giscard d'Estaing.
Ces engagements, qui ne sont pas encore des versements, ne sortiront évidemment pas les bénéficiaires de leur pauvreté. Mais la conférence de Paris a tout de même représenté une étape concrète dans la transformation des relations Nord-Sud. Les PMA ont été appelés à un sérieux effort interne. La plupart des pays donneurs (à l'exception des États-Unis) ont voulu montrer qu'ils acceptaient de faire un effort en dépit de leurs propres difficultés, même s'ils ne se sont pas engagés à long terme. Plusieurs avaient déjà dépassé en 1981 l'objectif des 0,15%.
Les difficultés du tiers monde
Souvent producteurs d'une seule matière première importante, les PMA sont difficilement en mesure d'influer sur les cours. En 1981, la baisse en termes réels des cours d'une vingtaine de produits, et celle des achats des pays développés, ont entraîné une diminution des revenus des PVD. Ajoutée à la hausse des prix des produits manufacturés ou alimentaires importés des pays industrialisés, cette diminution a accru leurs déficits extérieurs (près de 100 millions de dollars en 1981).
Les réflexes protectionnistes des pays riches - naturels en période de crise - ont confirmé qu'ils ne souhaitaient pas favoriser outre mesure le développement industriel du tiers monde, craignant l'émergence de nouveaux concurrents. Ainsi, le troisième "accord multifibres" (1982-86), signé en décembre 1981 entre pays producteurs et importateurs, autorise ceux-ci à limiter l'entrée sur leur territoire de fibres textiles et de vêtements en provenance des NPI ("nouveaux pays industrialisés"). Les États-Unis se montrent à cet égard plus "libéraux" que les Européens.
En revanche, Washington porte plus particulièrement la responsabilité du retard de la signature de la Convention sur le droit de la mer, prévue pour 1981, après huit ans de négociations. La plus grande puissance mondiale estime que cette Convention porte ombrage à sa suprématie, en établissant et en voulant faire contrôler les règles d'exploitation des grands fonds marins, en protégeant les petits pays insulaires ou à littoral, et en considérant la zone maritime internationale comme "patrimoine commun de l'humanité". Depuis l'administration Reagan, qui est revenue sur les engagements pris par celle de Carter, les États-Unis estiment que la Convention constitue une entrave au libéralisme économique et notamment à l'autonomie d'action des firmes industrielles qui possèdent les capacités financières et technologiques d'exploiter les océans. L'enjeu est énorme puisqu'il concerne la mise en valeur des ressources minérales stratégiques (nickel, cuivre, cobalt, manganèse) que contiennent les nodules métalliques du fond des mers.
La même volonté de laisser l'initiative aux sociétés multinationales a conduit les États-Unis à refuser leur appui au projet de création d'une filiale énergétique de la Banque mondiale. Les pays industrialisés, et notamment la France, voyaient dans ce projet un moyen de favoriser l'investissement des excédents de capitaux de certains pays producteurs de pétrole, à parité avec ceux du Nord, dans un fonds de financement destiné à aider la valorisation de toutes les ressources en énergie des PVD. L'Arabie Saoudite avait paru donner son aval à ce projet à Cancún. Mais, une fois de plus, elle a préféré rester solidaire de Washington. Le refus américain a permis aux pays de l'OPEP, inquiets de l'érosion de leur "surplus", de tirer leur épingle du jeu. Paralysée par ses propres problèmes, l'organisation n'a pas non plus défini, en 1981, sa stratégie à l'égard des autres PVD. En août, la conférence sur les énergies nouvelles et renouvelables, qui s'est tenue à Nairobi, a certes ouvert des perspectives ; mais il était hors de sa portée d'atténuer à court terme la charge considérable que représentent pour un grand nombre d'État non producteurs les importations de produits pétroliers.
Néanmoins, les États membres de l'OPEP octroyaient déjà en 1981 20% de l'APD mondiale ; leur contribution était en moyenne beaucoup plus forte - par rapport à leur PNB - (1,35%) que celle des membres du Comité d'aide au développement de l'OCDE (0,35%). L'Arabie Saoudite a d'autre part accordé un important prêt au FMI, élargissant sa représentation dans ses instances dirigeantes et donc celle des PVD (à 30%). Mais cela ne leur permet cependant pas de peser significativement sur le système monétaire international.
Par contre, l'endettement du tiers monde en général - 525 milliards de dollars en 1981 - faisait peser une menace sur ce système, en cas de défaut de paiement ou de demandes répétées de rééchelonnement. Plus de la moitié de ces dettes étaient dues par une douzaine de pays moyennement développés: Brésil, Mexique, Turquie, Corée du Sud, Indonésie, Argentine, etc. La hausse des taux d'intérêts a rendu leur situation encore plus difficile. En fait, beaucoup de PVD ont dû encore emprunter pour assurer le service de leurs dettes. Trente pour cent des recettes d'exportation de l'ensemble des PVD (44 milliards de dollars en 1981) ont ainsi servi au paiement de ces dettes et des dividendes des multinationales. C'est pour atténuer ces charges qu'ils réclament la revalorisation des prix de leurs produits et la suppression des obstacles aux échanges mis en place par les pays riches.
L'efficacité de l'assistance des institutions internationales a été parfois sévèrement critiquée, du fait notamment de ses effets négatifs sur la production agricole. Élément positif cependant: pays industrialisés, pays pétroliers et pays démunis sont parvenus à s'entendre sur le financement du Fonds international de développement agricole (IFAD). L'augmentation des participations européennes - dont celle de la France - est venue compenser le modeste versement des États-Unis. L'IFAD est pourtant présenté comme un modèle de coopération multilatérale pour venir en aide aux petits paysans des pays pauvres...
Un problème reste tabou: celui des dépenses d'armements, qui draine une large partie des ressources financières du tiers monde (25% d'entre eux consacraient plus de 20% de leur budget à ce poste, et certains plus de 50%). Ces dépenses d'armements représentent plus de dix milliards de dollars par an.
Tentatives de coopération Sud-Sud
Devant l'impasse du "dialogue" Nord-Sud, les PVD ont recherché à deux reprises (à Caracas en mai 1981, puis à New Delhi en février 1982) les voies d'une coopération entre eux, dite Sud-Sud, ou encore "d'autonomie collective". Différentes formes de coopérations régionales existent déjà, et les pays pétroliers participent également à de nombreuses opérations de financements. Mais la volonté de donner une dimension plus vaste et concrète à ce "discours de l'impossible", selon la formule de Samir Amin, se heurte encore à d'importants obstacles: caractère concurrent des économies de nombreux PVD (y compris aujourd'hui des NPI), réserves des bailleurs de fonds du tiers monde, prédominance des orientations économiques traditionnelles et de relations de dépendance entre Nord et Sud, mais aussi entre pays du tiers monde eux-mêmes.
La coopération Sud-Sud ne se veut d'ailleurs pas une rupture avec le Nord industrialisé. De Caracas à New Delhi (où les "77" étaient en nombre limité mais où la Chine était de la partie), les PVD ont étudié les possibilités de mettre sur pied un système de "préférences généralisées", de constituer des associations de pays producteurs de matières premières sur le modèle de l'OPEP, une agence pour le développement des ressources énergétiques, des unités d'assistance technique et de collaboration technologique et industrielle, etc. Mais les riches pays à "surplus" n'ont pas montré un grand enthousiasme pour venir en aide à ceux qui enregistrent d'importants déficits, ni pour offrir des capitaux aux PVD qui pourraient offrir en échange hommes et technologies.
La coopération Sud-Sud comme la confrontation Nord-Sud ne pouvait que souligner les divergences d'intérêts entre pays du tiers monde. Va-t-on assister, dès lors, à une "déglobalisation" des problèmes ou, comme le craint le président tanzanien Nyerere, à un "retour à la loi de la jungle"? L'approche Nord-Sud est fondamentalement réformiste. Elle est conduite par de nouveaux venus qui souhaitent conquérir leur place sur le marché international, ou par des États "locomotives", fortement structurés politiquement. Une majorité de pays, moins influents et dont les capacités de négociations sont faibles, se contente de suivre la marche. Les rivalités au sein des "77" n'ont pas permis de mettre sur pied, à New York, un secrétariat ou un organe politique assurant la coordination permanente. Ce devrait être chose faite en 1982. Quel sera son poids face à l'intransigeance américaine?
Les rapports Nord-Sud n'ont pas figuré au premier plan des préoccupations des grandes puissances en 1981, malgré le sommet de Cancun et les prises de positions françaises. En particulier parce qu'elles ne sentaient pas leurs approvisionnements en matières premières menacés. Les crises d'Afghanistan et de Pologne puis celles d'Amérique centrale, ont ravivé la tension Est-Ouest et, une fois de plus, rejeté le dossier Nord-Sud à l'arrière-plan des relations internationales.
Il avait fallu la "crise" de l'énergie pour que la France et les autres grandes nations industrielles se montrent disposées, en 1976 et 1977, à discuter de cette question. Certes, le dossier Nord-Sud devait être à nouveau en tête de l'ordre du jour de la conférence des pays non alignés, prévue en septembre 1982 à Bagdad. Le mouvement devait prendre à ce sujet des positions politiques, et tenter de retrouver une "unité" minée par les conflits (Afghanistan, guerre irako-iranienne, Cambodge), après que son action a été dans une large mesure paralysée sous la présidence cubaine. Né d'une volonté d'indépendance à l'égard de l'impérialisme occidental, le mouvement des non-alignés est aujourd'hui confronté à la réalité de l'impérialisme soviétique et à ses affrontements internes.
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