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Pindare

Pindare (Pindaros, 518-après 446 av. J.-C.). Poète lyrique grec né dans le village de Cynoscéphales près de Thèbes en Béotie, célèbre pour ses Odes épiniciennes écrites en l'honneur des vainqueurs aux quatre grands jeux Panhelléniques. Ces odes sont regroupées en quatre ensembles, les Olympiques, les Pythiques, les Néméennes et les Isthmiques.

1. Nous avons très peu d'informations sur la vie de Pindare. Dans la Ve Pythique, il semble affirmer qu'il est un membre des Égéides, une ancienne famille aristocratique étroitement liée à plusieurs États doriens, et il témoigne d'une sympathie particulière pour les institutions doriennes. Selon la légende, il apprit à composer auprès de la poétesse béotienne Corinne, et il vint à Athènes pour parfaire son éducation musicale. Sa dévotion pour le dieu Apollon lui valut des privilèges particuliers à Delphes; ses odes suggèrent une affection particulière pour l'île dorienne d'Égine et ses héros, Éaque et sa descendance. Pindare fut très vite un poète renommé, comme en témoigne le fait qu'en 498, à l'âge de vingt ans seulement, la puissante famille thessalienne des Aleuades lui passa commande d'une ode, pour l'un de ses membres qui avait remporté une victoire. L'année suivante, il gagna un concours de dithyrambes. À l'égard des grands événements historiques de son temps, il adopta un point de vue plutôt panhellénique qu'étroite-ment lié à des fidélités locales. Il considéra ainsi les invasions perses comme une menace pour la Grèce dans son ensemble, la délivrance de la Grèce comme une bénédiction. On ne peut découvrir ses sentiments personnels sur les conséquences du soutien de Thèbes aux Perses, même s'il se lamente sur la détresse et les pertes que la guerre lui a occasionnées. Son admiration pour Athènes semble ne pas avoir souffert des mauvaises relations entre les deux cités. On dit que ses compatriotes lui infligèrent une amende pour ses éloges d'Athènes, mais que les Athéniens lui versèrent le double de son montant. Ils lui élevèrent aussi une statue (que le voyageur grec Pausanias vit sur l'agora, au IIe siècle apr. J.-C.), mais ce fut sans doute bien après sa mort. Pindare voyagea dans toutes les régions du monde grec. Certaines de ses plus grandes odes furent dédiées aux tyrans de Sicile, en particulier Hiéron 1er de Syracuse. On rapporte qu'il mourut à Argos à l'âge, de quatre-vingts ans (c.-à-d. en 438; son dernier poème daté fut écrit en 446). Il jouit d'une grande réputation de son vivant, et fut vite cité comme une autorité (par exemple par Hérodote et Platon). Lors de la destruction de Thèbes en 335 (punition pour sa révolte contre la domination macédonienne), Alexandre le Grand ordonna que l'on épargnât la maison de Pindare ; ses ruines étaient encore visibles quand Pausanias visita Thèbes, vers 150 apr. J.-C.

2. Les nombreux poèmes de Pindare, où l'on trouve les principales formes de la lyrique chorale, furent regroupés par les savants d'Alexandrie en 17 livres et classés par genres : les épinicies (4 livres); les éloges, les chants funéraires, les hymnes, les péans (un livre par catégorie); les dithyrambes, les prosodies, les hyporchémata, les parthénéia (deux livres par genre) ; et un dernier livre pour une autre catégorie de parthénéia. De cet ensemble, seuls survivent les quatre livres d'Odes épiniciennes, à peu près intacts, dans la tradition manuscrite. On connaît les autres poèmes essentiellement grâce à des citations, bien que les découvertes de papyrus, à la fin du XIXe et au XXe siècle aient considérablement élargi nos connaissances, en particulier sur les péans.

3. Pindare a écrit dans le dialecte littéraire dorien, mais a aussi utilisé des formes épiques, en particulier pour les récits mythiques. Parmi les Épinicies, la moitié sont écrites en un vers connu sous le nom de « dactylo-épitrite », l'autre moitié dans une variante syncopée de ce mètre, que l'on désigne, de manière inexacte comme « éolique »; La structure de la plupart de ces poèmes est triadique; certains d'entre eux sont sous forme de strophes. Il n'y a pas deux odes identiques sur le plan de la métrique (à l'exception d'Isthmiques 3 et 4 pour des raisons particulières). L'analyse détaillée des odes révèle. qu'elles suivent le schéma conventionnel de l'éloge. Certains éléments y figurent de manière obligée : le nom du vainqueur, sa victoire, les victoires plus anciennes qu'il a remportées ; l'éloge de sa famille et de sa patrie; peut-être l'éloge de l'art de la poésie qui a le pouvoir d’immortaliser le vainqueur, et un récit mythique qui vient souligner de manière indirecte les autres éléments de l’éloge. L'art du poète consiste à entrecroiser ces éléments assez disparates dans un tout artistique, et l'attention du lecteur se trouve détournée des aspects techniques de la composition grâce à la rapidité et la variété du déroulement poétique. Le caractère fortement répétitif des sujets n'est pas trop apparent, même lorsqu'on lit à la suite les quarante-quatre odes, ce que leur auteur aurait difficilement imaginé. C'est plutôt la variété qui frappe dans ce recueil. Pindare contrôle parfaitement la forme qu'il a choisie, et sa technique est remarquable par ses variations constantes, sa complexité et sa vitalité. Certaines de ses phrases se présentent comme de longues périodes, dont les pauses se situent à des moments soulignés par la métrique, par exemple au début d'une nouvelle strophe. D'autres phrases doivent leur beauté à leur brièveté. Parfois, en particulier dans les odes tardives, le langage semble presque dépouillé, dépourvu d'ornements, l'ordre des mots paraît simple et prosaïque; dans d'autres odes, en revanche, le langage est riche et luxuriant, l'ordre des mots complexe. Le poète construit avec habileté les crescendos et les paroxysmes de tension à l'intérieur d'une ode: Les transitions d'un sujet à l'autre sont tantôt brutales, ce qui crée un effet rhétorique, tantôt discrètes. Les métaphores et les métonymies abondent (voir par exemple la variété des mots qui expriment la victoire).

4. Les Odes épiniciennes sont écrites d'un point de vue essentiellement religieux. C'est cet arrière-plan qui donne de la grandeur aux thèmes et au langage de Pindare. Les hommes ne sont rien par eux-mêmes. Le succès est un don des dieux. Mais les hommes accèdent à un bonheur presque divin au moment du succès. Le poète lui-même a un talent qui lui est donné par les dieux et ne peut être enseigné. Il est "le porte-parole des Muses". Zeus et Apollon sont les dieux les plus souvent invoqués. Les dieux favorisent ceux qui ont durement lutté pour leur victoire, mais les vainqueurs sont ceux qui en ont été rendus dignes par leur éducation. Pindare admire les qualités aristocratiques, la beauté et la force, développées au gymnase, la richesse et le statut social, le courage et la pleine possession de ses moyens, l'institution aristocratique de l'hospitalité, le culte traditionnel des dieux, la dévotion à la famille et à la patrie ; et il met en garde contre l'usage abusif du pouvoir et la jalousie des hommes de rang inférieur, que le succès attire toujours avec lui. Les qualités qu'il admire, il les voit incarnées chez les héros d'autrefois, en particulier Héraclès, le héros le plus souvent cité dans les odes. Pindare traite le mythe d'une manière libre et avec une grande sensibilité à sa pertinence, toujours d'une manière appropriée à la solennité de l'occasion.

PINDARE. Le plus grand des poètes lyriques grecs est ne en Boétie, à Cynoscéphales, bourg voisin de Thèbes, au cours de l'année 518/517 av. J.-C., probablement en août; il était donc de sept ans plus jeune qu’Eschyle. Mais bien qu’il fût Thébain, ses ancêtres qui appartenaient à l’illustre race des Égides (Ve Pythique, vv. 75-76) prirent part avec les Doriens a la conquête du Péloponèse et le poète aimait à glorifier son appartenance et les hauts faits des envahisseurs de la Grèce. Quoi qu’il en soit de ses origines lointaines, il est certain que Pindare descendait d’une des familles les plus illustres de l’aristocratie thébaine, bien que nous ne sachions rien, sinon leurs noms, de son père Daïphante et de sa mère, Cléodicé. L’enfance de Pindare nous demeure naturellement inconnue et il est évident que la tradition suivant laquelle des abeilles seraient venues faire leur miel sur ses lèvres, légende qui fut appliquée plus tard à Platon, n’a aucune valeur biographique. La Béotie, cependant, n’était pas la patrie des poètes, Hésiode y avait vécu mais il n’y était pas né, et Pindare n’avait sans doute pas grand-chose à apprendre des muses locales telles Corinne et Myrtis. Par contre, les Béotiens aimaient et pratiquaient la musique et une tradition vraisemblable veut que le jeune garçon ait été l’élève d’un des plus illustres maîtres de flûte de son pays, Scopélènos. Il convient en tout cas de ne pas oublier que la carrière d’un poète lyrique supposait alors une solide formation musicale. Selon toute vraisemblance c’est à Athènes que le jeune homme se rendit pour parfaire sa formation. Le dithyrambe alors y florissait et il est probable, comme l’affirment ses biographes, que Pindare reçut des leçons d’Agathoclès, Apollodore et surtout de Lasos d’Hermioné, qui était au sommet de la faveur et organisait à la cour des Pisistratides des concours poétiques. Le premier fait certain, et qu’on puisse dater, de l’existence de Pindare, est la composition en 498 de la Xe Pythique — v. les Epinicies. Elle est consacrée à chanter la victoire aux Jeux Pythiques d’Hippocléas, fils de Phricias et ami de l’illustre famille thessalienne des Aleuades. Que cet athlète appartenant à l’aristocratie de son pays ait recouru à Pindare montre que, des cette date, celui-ci jouissait d’une certaine réputation. Or il n’avait que vingt ans. Il est donc certain qu’il pratiquait depuis plusieurs années son art, ce dont témoigne par ailleurs éloquemment la forme de l'Ode et la maturité qui la caractérise. On y trouve déjà les principaux traits de composition, de style et d’inspiration qui font l’originalité incomparable de l’œuvre de Pindare. D’emblée et encore adolescent, il avait donc trouvé sa voie. La Xe Pythique nous fournit indirectement d’autres renseignements. C’est à Delphes que Pindare commença sa carrière et il semble que son art austère et profondément religieux ait été en faveur auprès du clergé d' Apollon puisque les premières de ses œuvres furent chantées à Delphes. Les événements de la seconde guerre médique paraissent avoir profondément troublé l'existence de Pindare. Les aristocrates thébains, alors au pouvoir, prirent parti pour les occupants de la Grèce dès le début de l’invasion; le général de Xerxès résida à Thèbes et y reçut le meilleur accueil. A Platées (479), les troupes thébaines combattaient encore au côté des armées du Grand Roi et se firent décimer. Thèbes, en la personne de ses chefs, avait trahi l’hellénisme. Il est très difficile de savoir quelle fut alors l’attitude de Pindare. Polybe l’accuse vivement d’avoir soutenu le parti le plus fort et cite, à l’appui de ses dires, un hyporchème dont nous ne possédons que quelques fragments qui ne permettent guère de conclure. La paix que Pindare y loue est la concorde intérieure, il ne se semble pas qu’il y fasse allusion à la politique internationale. D’autre part, on sait que le poète quitta sa patrie avant la fin de la guerre pour séjourner a Égine, qui était alors un des plus fermes appuis de la résistance à l’envahisseur. Enfin la Ve Isthmique, presque contemporaine de l’événement, célèbre longuement la bravoure des marins éginètes et la VIIIe Isthmique, écrite l’année après Platées, glorifie la liberté victorieuse qui a écarté le danger perse. Ces quelques éléments nous permettent de reconstituer hypothétiquement l’évolution probable de Pindare. Appartenant par sa race à l’aristocratie, destiné par sa profession à en célébrer les mérites, il est normal qu’il se soit tout d’abord senti solidaire de sa classe et n’ait éprouvé que de la méfiance à l’égard du peuple de Thèbes que ses sentiments antiperses encourageaient dans sa volonté de renverser l’oligarchie au pouvoir. Mais il semble que Pindare ait compris ensuite que la partie qui se jouait était celle même de la liberté. Dès lors, son choix fut fait et en quittant Thèbes pour gagner Êgine, il passait dans le camp opposé. Sa vocation n’était pas cependant de devenir le chantre du patriotisme et ce n’est pas à lui mais à Simonide de Céos qu’échut ce rôle pendant et après la seconde guerre médique. Dans les années qui suivirent le conflit, la gloire de Pindare ne fit pourtant que croître. Elle dépassa la Phocide où elle s’était d’abord manifestée et devint rapidement panhellénique. L’éclat que revêtaient les grands jeux, Olympiques, Pythiques, à Delphes, Isthmiques près de Corinthe et Néméens à Némée, attirait particulièrement les citoyens opulents des colonies occidentales et surtout de Sicile qui concouraient aux épreuves demandant une grosse fortune, les courses de chevaux et de chars. C’est parmi eux que Pindare trouva une clientèle disposée à généreusement récompenser le poète qui en une ode triomphale chanterait ses ancêtres et ses exploits. Ainsi des quarante-quatre odes ou Êpinicies que nous possédons, quinze sont-elles dédiées à des Siciliens et le plus grand nombre à Hiéron de Syracuse et Théron d’Agrigente, onze à des Éginètes avec qui Pindare entretint depuis son séjour dans les îles d’excellents rapports, quatre à des Thébains, ses concitoyens, trois à des habitants de Cyrène et particulièrement à Arcésilas, tyran de cette ville, les autres se partageant entre des cités de toute la Grèce, d’Athènes à Argos, de Rhodes à la Locride de Grande Grèce. L’activité du poète nécessitait de longs et nombreux déplacements. Le plus souvent, il se rendait lui-même aux jeux et se trouvait sur place lorsque le vainqueur lui demandait de chanter son exploit. Dans maintes odes, il se désigne en effet comme un témoin oculaire. Il allait parfois jusqu’à la ville du triomphateur où, au retour de celui-ci, son poème devait être exécuté, et dirigeait lui-même le chœur. Mais il arrivait aussi qu’il se contentât d’envoyer un chorodidascale qui avait pris ses instructions. Enfin, il fut amené à se rendre à la cour de ceux qui étaient ses clients habituels. Il semble que ce soit en 476, date à laquelle il avait écrit ses trois premières Olympiques, que Pindare fit le voyage de Sicile. Il y vit l’Etna qu’il décrit et s’arrêta dans les principales villes. Son séjour à Syracuse auprès de Hiéron semble avoir duré assez longtemps. A la cour brillante et lettrée de celui-ci il semble impossible qu’il ait rencontré Eschyle qui devait y venir peu après lui, mais il eut certainement l’occasion de fréquenter Simonide et Bacchylide qui y étaient presque à demeure, même s’il faut ne pas tenir pour certaines les anecdotes qui font état de leurs rivalités — les allusions de Pindare à ses rivaux demeurant fort obscures. Il est très probable qu’il se rendit à Agrigente, car le tyran de cette ville, Théron, était pour lui un véritable ami; il semble au moins douteux, par contre, qu’il ait visité Cyrène malgré ses relations avec Arcésilas. On pense qu’il alla en personne à Athènes où le très beau dithyrambe qu’il avait composé en l’honneur de cette cité lui valut l’honneur insigne de la proxénie, sans compter le paiement de la très grosse somme de 10 000 drachmes. C’est entre 480 et 460 que Pindare donna la partie la plus importante de son œuvre. Après 460, les Odes se font moins nombreuses et la dernière qu’on puisse dater avec quelque certitude, la VIIIe Pythique, est de 446. Bien que le poète ait eu alors soixante-douze ans, on ne remarque aucun signe de vieillissement dans son talent et l’on peut dire qu’il resta, d’un bout à l’autre d’une carrière qui s’étendit sur cinquante ans au moins, toujours égal à lui-même. Un de ses biographes le fait mourir à quatre-vingts ans, c’est-à-dire autour de 438. Il semble qu’il ne soit pas mort dans Thèbes, sa patrie, mais à Argos, encore qu’il ne faille accorder que le crédit qu’elle mérite à l’anecdote qui lui fait rendre le dernier soupir, au théâtre de cette ville, la tête appuyée sur l’épaule d’un de ces beaux jeunes gens qu’il avait autrefois si magnifiquement chantés. Pindare fut marié et peut-être deux fois, car ses biographes donnent deux noms différents à son épouse, Mégaclée et Timoxeiné. Il eut deux filles, Prôtomaché et Eumétis, et un fils, Daïphante. Si la gloire de Pindare fut immense de son vivant — une de ses œuvres fut inscrite en lettres d’or dans le sanctuaire d’Athéna à Lindos —, elle s’accrut encore après sa mort et il fut dès le Ve siècle considéré comme un classique que citent volontiers ses successeurs, tels Hérodote, tels les comiques athéniens qui le parodient, ce qui est pour eux une manière de lui rendre hommage. Au IVe siècle, Platon le loue et lui emprunte de beaux vers. Quintilien encore le donne comme le premier des lyriques. Pour les générations suivantes, Pindare et son œuvre incarnaient les vertus des ancêtres, la grandeur, la majesté, l’élévation spirituelle, la dignité, l’amour de l’ordre, le sens d’une beauté sensuelle mais dépouillée et austère. Assurément, on trouve tout cela chez lui. L’idée qu’il se fait de Dieu, par exemple, le hausse fort au-dessus des autres poetes : « Dieu seul achève toute chose selon ses espérances; Dieu qui atteint l’aigle en son vol, devance sur mer le dauphin, abaisse l’orgueil des mortels et fait passer de l’un à l’autre la gloire qui empêche l’homme de périr » (IIe Pythique). Tout ce qu’il touche, il l’épure et lui donne sa plus noble résonance. Reprenant les vieilles légendes et les incorporant dans ses Odes, il les débarrasse de leurs contradictions, des blasphèmes implicites qu’elles contiennent et fait jaillir d’elles des leçons de dignité et de courage. Bien que le destin de l’homme lui semble de peu de prix — « l’homme est le rêve d’une ombre » (VIIIe Pythique, 135) —, et qu’il ne puisse rien faire de mieux que de se plier aux volontés changeantes des dieux, il croit au bonheur, à un bonheur très matériel, fondé sur la jeunesse, la beauté, la puissance, la richesse mais qui ne se garde que si l’on demeure fidèle a la vertu. Pour lui d’ailleurs, la vertu ne consiste pas à se priver des jouissances de la vie, c’est en faire le meilleur usage possible, et la vertu, jusqu’à un certain Point, on ne la peut acquérir : les qualités de âme sont de même ordre que celle du corps, dont elles sont inséparables; l’exercice les entretient, il ne les fait pas naître. L’intelligence au même titre que la beauté est un don. Et un don qu’on ne reçoit pas au hasard. C’est une qualité du sang, de la race. Foncièrement aristocratique, épris du style de vie dorien, Pindare pense que ce sont là des évidences qui ne se peuvent même discuter. La fierté que donne la grâce physique, la puissance, le talent et qu’il considère comme une qualité majeure de l’individu — à condition qu’il en rende grâce à qui il les doit, les dieux d'abord, ses ancêtres ensuite —, Pindare l’a possédée lui-même. Lui qui, par profession, a été le panégyriste stipendié des puissants, il a toujours gardé envers eux son indépendance, sa liberté d’expression. Jamais devant eux il ne s’abaisse; il a trop conscience du service inestimable qu’il leur rend en leur assurant cette seule immortalité qu’est la gloire transmise par l’œuvre d’art. Comme un sculpteur, auquel il se compare, qui, grâce à l’effigie d’airain placée dans l’Altis, non loin du stade où le corps de l’athlète avait provoqué l’admiration des foules, assure son immortalité, c’est au poète que ceux qu’il peint devront de ne pas périr tout à fait et, quelque don qu’ils lui remettent, ils demeurent ses obligés. Offrant des lignes rigoureuses, des surfaces nettes mais éclairées de la palpitation et de la grâce exquise de la vie comme les bronzes d'Inspiration dorienne, comme l’Apollon de Piombino, les vers de Pindare, dans leur extrême concision synthétique, touchent directement la sensibilité la plus profonde. La majesté irrésistible du déroulement de la phrase emporte en un mouvement souverain sa pleine charge d’images instantanées qui restituent, en un éclair, au lecteur, même moderne, de très anciennes émotions. La langue de Pindare est celle même dont se sont servis tous les grands poètes du lyrisme choral, le dorien littéraire, mais Pindare l’assouplit et en fait un instrument d’une hardiesse extrême. Antiquité. ♦ « Ne brûlez pas la maison du poète Pindare. » Alexandre le Grand. ♦ « Celui qui cherche à égaler Pindare s’appuie sur des ailes de cire pareilles à celles de Dédale et donnera son nom au cristal des mers. » Horace. ♦ « Des neuf poètes lyriques Pindare est le premier et il surpasse de beaucoup les autres par l'élévation des pensées, par les maximes et les figures, par une heureuse abondance de mots et de choses et par un torrent d’éloquence qui lui est propre.» Quintilien. ♦ « Sa voix tonne par-dessus toutes. » Properce. XVIIe-XVIIIe siècle. ♦ «Pindare... pour marquer un esprit hors de soi, rompt quelques fois de dessein formé la suite de son discours; et afin de mieux entrer dans la raison sort, s’il faut ainsi parler, de la raison même, évitant avec grand soin cet ordre méthodique et ces exactes liaisons oui ôteraient l’âme à la poésie lyrique. » Boileau. ♦ « Sa poésie est un impénétrable galimatias. » Perrault. ♦ « Le nom de Pindare n’est guère plus le nom d’un poète que celui de l’enthousiasme même. Il porte avec lui l’idée de transport, d’écarts, de désordre, de digressions lyriques; cependant il sort beaucoup moins de ses sujets qu’on ne le croit communément. Ses pensées sont nobles, sentencieuses, son style vif et impétueux, ses saillies sont hardies... » Diderot. ♦ « Sors du tombeau, divin Pindare... / Toi... qui modulas savamment / Des vers que personne n’entend / et qu’il faut pourtant qu’on admire. » Voltaire. XXe siècle. ♦ « ... Le plus tragique peut-être des lyriques par l’éclat et la hardiesse de l’imagination, mais calme dans sa hardiesse, austère dans son éclat, toujours maître de son génie et de ses sentiments, admirable interprète de l’antique modération. » A. Croiset.




PINDARE (Cynoscéphales, 518-Argos?, 438 av. J.-C.). Poète lyrique né près de Thèbes, en Béotie. Descendant d'une grande famille de l'aristocratie dorienne, il eut toujours une préférence marquée pour les cités aristocratiques. Profondément religieux, il était particulièrement attaché au culte d'Apollon à Delphes. Il nous reste quatre livres dédiés aux vainqueurs des grands jeux panhelléniques (Odes Olympiques, Pythiques, Néméennes et Isthmiques). Pindare mourut comblé d'honneurs.

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