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Peut-on critiquer la démocratie ? (Penser la démocratie : démocratie directe et démocratie représentative)

Peut-on critiquer la démocratie ?
INTRODUCTION : Remettre en cause le « meilleur » des régimes politiques = paradoxal. Démocratie = Anti-totalitarisme. Démocratie semble inattaquable en ses fondements : souveraineté du peuple, promotion de la liberté, de l'égalité, de la fraternité, reconnaissance de la pluralité des opinions, etc. « Critiquer » = « crinein », faire le tri. Aspect positif et négatif de la démocratie. Sur quels principes reposent la démocratie ? Peut-on et au nom de quoi peut-on critiquer cette conception de la vie politique sans se contredire soi-même ? La capacité de l'autocritique n'est-elle pas constitutive de la démocratie ? La démocratie n'est jamais à l'abri des passions telles que la démagogie ou le populisme. La démocratie n'est-elle pas un idéal toujours déjà à conquérir contre les égoïsmes et les manipulations ?
THESE : LES PRINCIPES DE LA DEMOCRATIE.

ANTITHESE : LES FAIBLESSES DE LA DEMOCRATIE.

SYNTHESE : REMEDES AUX MAUX DEMOCRATIQUES.

1a) La souveraineté du peuple. Démocratie = l'État n'a de rôle légitime qu'au regard de la souveraineté du peuple. Pouvoir donné au peuple. Elle s'oppose aux formes politiques, de l'aristocratie et de la monarchie. Le «peuple» est appelé à faire connaître son avis: droit de vote pour tous (même si, historiquement, cela n'a pas

été très rapide). Les élus sont responsables devant le peuple Chaque homme est donc à la fois législateur et sujet : il obéit à la loi qu'il a lui-même établie. Loi = expression de la « volonté générale », cad le bien commun du peuple. Majorité des votes = pouvoir législatif. Minorité = conservant sa liberté d'expression et de critique (partis d'opposition, syndicats, associations, droit de grève, etc.). Ainsi le citoyen, parce qu'il participe à la loi qui le gouverne, demeure libre : « L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté » (Rousseau).

2a) Problème de la représentativité. La démocratie athénienne était au final une aristocratie (la souveraineté appartient aux meilleurs). Etaient tenus en

dehors de la citoyenneté: esclaves, femmes, étrangers, artisans. Comment garantir que les élus soient bien représentatifs de tous les courants de l'opinion? Problème technique de l'élection directe ou indirecte. Problème de la durée et du contrôle des mandats. C'est pourquoi la représentativité (= moyen par lequel on représente les choix populaires exprimés par le processus électoral) s'avère un exercice difficile dans les démocraties. Exemple : l'Assemblée nationale française en 2019 ne contient que 3 % d'ouvriers ! Dérive oligarchique de la démocratie coupée des intérêts du peuple. Exemple : Référendum de 2005 sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe.

3a) Contrôle des pouvoirs et référendum d'initiative populaire.

• Maintenir fermement la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire) de façon à garantir l'exercice libre de la justice et le contrôle de l'exécutif. Seul le pouvoir peut arrêter le pouvoir. Donc, tout pouvoir doit se voir opposé un contre-pouvoir, non pour l'empêcher de s'exercer mais pour en contrôler le bien-fondé. Tous les pouvoirs ne doivent pas se retrouver dans les mêmes mains, comme ce fut le cas sous la monarchie absolue. (// Montesquieu – cf. cours)

• RIC = Démocratie directe (// Rousseau – cf. cours). Le peuple ne doit pas élire des maîtres mais des servants de l'intérêt général. Mécanisme référendaire pour supprimer une loi injuste, pour révoquer un élu incompétent ou corrompu (= référendum révocatoire). Possibilité au peuple de contraindre le président à organiser un référendum sur un sujet donné. Par exemple, la Suisse n'exige que 100 000 signatures d'électeurs pour ses votations, et l'Italie 500 000 pour le référendum abrogatif.

1b) Liberté de chacun et égalité de tous. Démocratie = égalité de tous devant une même loi. Tous les citoyens y sont donc égaux par principe (pas d'inégalités de naissance, de race, de condition, etc.): en droits comme en devoirs. Isonomie (loi égale) et iségorie (parole égale).

Démocratie = le plus naturel des régimes : elle restaure la liberté naturelle de l'homme. C'est le régime où la liberté est maximum. La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent. La première tâche d'un gouvernement démocratique est de faire droit à toutes les libertés : de pensée et d'expression, de circulation, d'entreprendre, etc.

2b) Libéralisme et socialisme. L'idéal démocratique tente de concilier liberté et égalité. Mais, ces deux valeurs sont-elles réellement conciliables et non pas, en fait, contradictoires ? La liberté ne tue-t-elle pas l'égalité et l'égalité ne tue-t-elle pas la liberté ? Par exemple, la liberté d'entreprendre ne va-t-elle pas générer des inégalités économiques et sociales en favorisant les uns au détriment des autres (= libéralisme). A l'inverse, une stricte égalité entre les citoyens ne va-t-elle pas bloquer les initiatives des plus entreprenants ? À trop valoriser l'égalité, on finit par nier toute forme de liberté. (= socialisme).

3b) Inégalités et justice distributive. Les citoyens acceptent l'inégalité, si elle tourne à l'avantage des plus défavorisés. La démocratie libérale ne vise pas expressément à supprimer les inégalités socio-économiques, mais elle les considère comme justes si et seulement si ces inégalités produisent, en compensation, des avantages pour chacun, et en particulier pour les membres les plus défavorisés de la société. Ce principe de redistribution des richesses doit permettre à ceux qui n'ont pas été favorisés naturellement de trouver une compensation en termes de santé, d'éducation, de chômage... Le système des retraites français, fondé sur la solidarité nationale, est un bon exemple  = social-démocratie.

1c) Fraternité républicaine. L'égalité ne peut être instaurée que si le sentiment de fraternité prévaut sur celui des différences. Tant que certains individus croient être meilleurs, l'égalité entre les hommes est menacée. Il ne peut y avoir d'égalité si, au lieu de le considérer comme un frère et un égal, le noble se croit supérieur au prolétaire, le riche au pauvre, l'homme à la femme, etc. « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui», stipule la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. En d'autres termes, ma liberté est limitée par le respect que je dois à l'autre. Il n'y a pas de liberté si chacun prétend pouvoir exercer sa propre liberté au détriment de celle d'autrui. D'où découle: la possibilité de la «fraternité» et le renforcement du sentiment d'appartenance nationale (en cas de conflit, l'armée est bien celle de toute la nation).

2c) Les dérives possibles de la démocratie.

• Inefficacité des démocraties contre la montée des totalitarismes / nationalismes historiques (Mussolini, Hitler) qui se réclament précisément d'un «sursaut» devant permettre de sortir de l'avachissement de la nation.

• Problème interne: jusqu'où doit aller la liberté d'expression? La démocratie, au nom de ses propres principes, a du mal à interdire les partis extrémistes. La démocraties doit-elle tolérer les partis anti-démocratiques ?

• Il y a en permanence risque de perversion démagogique (puisqu'il s'agit de rassembler sur un candidat un maximum de voix). Thème déjà présent chez Platon, à la fin de « La République »: pour lui, la démocratie signifie le règne des incompétents (puisque le démos est inculte).

3c) Démocratie et éducation. La première tâche d'un gouvernement démocratique, dont le propre est de faire droit à la liberté de pensée et d'expression, est d'apprendre à chacun à penser par soi-même. La démocratie suppose une éducation politique suffisante des citoyens. Or celle-ci n'est jamais menée tout à fait à bien. Il faut éduquer le démos contrairement à ce que préconisait Platon ! Cela devrait lui permettre de ne plus être victime de la démagogie, et de mieux comprendre la portée réelle et les dangers des thèses extrémistes, religieux ou politiques. Pas de liberté aux ennemis de la liberté. Pas de démocratie pour les ennemis de la démocratie. Pas de paix pour les belliqueux.

// Rousseau qui publie l' « Emile ou de l'éducation » la même année que « Du contrat social ». Cf. cours de Terminale.

TRANSITION :

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CONCLUSION : LA DEMOCRATIE TOUJOURS A CONQUERIR

Au premier abord, la démocratie semble ne pas être critiquable et pleinement légitime au regard de ses principes même de liberté, d'égalité et de fraternité. Pourtant Hitler a été élu démocratiquement… La démocratie ne génère-t-elle pas du dedans d'elle-même les perversions qui la menacent ? Au final, la démocratie n'est-elle pas le plus fragile des régimes politiques ?

Les dérives oligarchiques voire totalitaires des démocraties au cours de l'Histoire exigent de chaque citoyen lucidité et vigilance. Mais les critiques qu'on peut lui adresser restent moins graves que celles que l'on peut faire à d'autres systèmes, parce qu'elle a au moins l'avantage de parier sur la raison humaine en même temps que sur l'égalité de tous. Quels sont les remèdes à appliquer pour toujours plus de démocratie ? Quelles solutions pour une démocratie toujours déjà à conquérir ?

Le meilleur régime ou le « moins mauvais » (Churchill) serait peut-être paradoxalement le plus fragile. La démocratie, plus seulement un régime politique fondé sur la loi de la majorité, c'est également « un système de valeurs ». Être démocrate implique beaucoup de vertu, à savoir: parfois aller contre son intérêt privé pour le sacrifier sur l'autel du Bien de tous, accepter la modération du contre-pouvoir, tolérer d'autres opinions que la sienne.

    La démocratie est toujours à conquérir. Elle est un idéal régulateur vers lequel toute société doit tendre.

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