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Perversion

Perversion Terme repris par Freud à la sexologie du XIXe siècle qui désigne une déviation par rapport à l’acte sexuel «normal», le coït. Elles sont «soit a) des transgressions anatomiques des zones corporelles destinées à l’union sexuelle, soit b) des arrêts aux relations intermédiaires avec l’objet sexuel qui, normalement, doivent être rapidement traversés sur la voie du but sexuel final». Mais pour Freud, il s’agit surtout d’une organisation psychique particulière, qui témoigne d’une façon plus générale de la place et de l’extension de la notion de sexualité pour l’être humain. C’est autour de la castration et du phallus que s’organise la perversion. La castration imaginaire, celle enjeu dans la menace de castration, renvoie à la castration symbolique fondamentale qui tient à la prise du sujet dans le langage et donne une valeur générique à la fonction du manque comme originant le désir. Le phallus dans cette perspective est un signifiant et ne se confond pas avec l’objet réel. L’absence de pénis chez la mère est donc un moment décisif auquel le pervers oppose un déni. Dans le fétichisme l’objet fétiche réalise cette opération.

PERVERSION

Si l’on considère comme « normal » l’acte sexuel comme rap­port génital entre individus de sexes opposés, toute déviation quant à l’objet (homosexualité, zoophilie, pédophilie, fétichisme), quant à l’acte (coït anal ou bucco-génital), ou quant aux circonstances (exhibitionnisme, voyeurisme, sadomasochisme) apparaîtra comme une perversion.

Historiquement, c’est par l’étude de la perversion ainsi entendue que Freud a été amené à porter un regard nouveau sur la sexua­lité. En effet, la fréquence de comportements qu’on pourrait appeler pervers selon la définition proposée plus haut l’a conduit à remettre en question une telle définition de la perver­sion. De tels comportements se produisent par exemple dans les préliminaires à la relation génitale proprement dite, dans la dimension ludique possible de la sexualité, enfin dans la sexua­lité infantile que Freud lui-même a décrite comme une sexualité « perverse polymorphe ».

La perversion, dont une des caractéristiques serait l’absence de refoulement, a été opposée par Freud à la névrose, dans une formule célèbre : « La névrose est le négatif de la perversion. » La perversion résulterait en effet d’un déni de la castration et d’un clivage du moi.

perversion, entendu dans une acception restreinte, ce terme ne désigne que les paraphilies, c’est-à-dire toutes les déviations de l’instinct sexuel par rapport à son but, à son objet ou à son mode de satisfaction. Dans un sens plus large, la perversion recouvre une conduite particulière, caractérisée, essentiellement, par la transgression volontaire de la loi, l’esprit de destruction et la recherche du mal pour le mal. Pour G. Tordjman (1981), le fondement de toute perversion est l’hostilité. Le pervers se comporte en effet en ennemi : le voyeur viole l’intimité de sa victime ; l’exhibitionniste agresse le témoin en exposant son sexe, etc. Cette hostilité trouve son origine dans un traumatisme affectif précoce, un événement dramatique de la petite enfance, enfoui dans l’inconscient du sujet Le pervers nourrit une forte agressivité contre son entourage et contre la société en général. Il est animé par la volonté de puissance (il transgresse avec volupté les lois et les tabous, auxquels il voudrait substituer la loi de son désir) et, plus encore, par le besoin impérieux d’assouvir un sentiment de revanche. Les vrais pervers sont rares. Quatre traits les définissent : l’inaffectivité, l’amoralité, l’impulsivité et l’inadaptabilité. Dès leur enfance, ils se font remarquer par leur cruauté envers les plus faibles, leur indifférence à la douleur d’autrui, leur absence d’émotion. Leurs actes ont parfois un caractère monstrueux. Pour certains auteurs, tels que E. Dupré (1912), G. Heuyer (1950) ou J. de Ajuriaguerra (1970), la perversion peut avoir une origine organique : traumatisme crânien, encéphalite, toxicomanie, etc. Pour les psychanalystes, elle correspond à une régression affective. En effet, l’affectivité du pervers n’est pas inexistante, mais elle est fixée, massivement, à un moment archaïque, prégénital, du développement psychique, généralement au stade « sadique-anal ». Le pronostic d’évolution des pervers est toujours défavorable : généralement, ils sombrent dans la délinquance ou la toxicomanie.

PERVERSION. « Il peut arriver, écrit Freud, que les instincts partiels ne se soumettent pas tous à la domination des “ zones génitales ” ; un instinct qui reste indépendant forme ce qu’on appelle une perversion et substitue au but sexuel normal sa finalité particulière. » La perversion, dans la conception psychanalytique, est la persistance ou le retour à un état anachronique de la sexualité.

La perversion est une conduite axée sur la réalisation de ses désirs, sans respect pour autrui et caractérisée par une déviation des tendances normales qu’elles soient du domaine de l’autoconservation ou de celui de la reproduction. On parle ainsi d’une perversion du goût pour désigner l’appétit pour une substance qui n’est pas un aliment. Dans la perversion sexuelle il s’agit d’une déviation du but. Elle peut se faire par rapport à l’objet : relation avec un sujet du même sexe : l’homosexualité ; avec un enfant : pédophilie ; avec un cadavre : nécrophilie ; avec un animal : bestialité. La perversion sexuelle peut se définir par rapport aux moyens : la satisfaction sexuelle se réalise par le moyen d’un objet : fétichisme, ou grâce à des tortures infligées au partenaire : sadisme, ou subies : masochisme. Un autre groupe de perversions sexuelles se définit par des manœuvres particulières : regarder les organes génitaux ou l’acte sexuel pratiqué par un couple : voyeurs ; toucher certaines parties du corps d’une personne hétérosexuelle généralement inconnue : frôleurs. Finalement la satisfaction sexuelle peut être provoquée chez certains sujets lorsqu’ils montrent leurs organes sexuels : exhibitionnistes. Adler a étudié le problème de l’homosexualité et d’autres perversions sexuelles dans une étude parue en 1917, dans un article « homosexualité » (chapitre XIV de Pratique et théorie de la psychologie individuelle comparée) et finalement dans un ouvrage : Le problème de l'homosexualité, entraînement et retraits érotiques, éd. Hirzel, Leipzig 1930. Dans ces études, Adler soutient que l’homosexualité et que les autres perversions sexuelles ne sont pas innées. Elles sont l’expression du style de vie, élaboré dans les premières années de la vie du sujet, style de vie qui exprime la réserve, voire la fuite devant les représentants de l’autre sexe. L’homosexualité exprime un refus du sujet de se voir incorporé à un rôle sexuel normal. Elle est l’expression d’un mécanisme de compensation d’un profond complexe d’infériorité, chez un sujet à intérêt social fortement limité. L’homosexuel peut bénéficier d’une psychothérapie adlérienne cherchant et analysant les causes profondes inconscientes de la personnalité. « La prophylaxie de l’homosexualité réside dans l’éducation des enfants » (A. Adler).

PERVERSITE. Terme utilisé pour porter une appréciation se référant à un système de valeurs morales. H. Ey insiste sur le fait que l’homme pervers (atteint de perversité) « ne s’abandonne pas seulement au mal, mais le désire ». Il faut souligner l’immaturité affective et la malignité de ces sujets : « Produire chez leurs semblables de la souffrance physique et morale » (Dupré) est une de leurs principales préoccupations. Une analyse en profondeur de cette attitude dévoile de profondes souffrances morales, subies par ces sujets dans leur passé, leur enfance avec humiliation et développement d’un complexe d’infériorité. Leur malveillance s’avère être d’après Adler la compensation antisociale de cette situation.

La langue française ne dispose que d’un seul mot pour désigner les sujets atteints de perversion et ceux manifestant de la perversité : le pervers.


1. « L’enfant est un pervers polymorphe » ; « les névroses sont le négatif des perversions ». Ces deux axiomes posent le phénomène « pervers » au cœur de la conception psychanalytique de la psycho-sexualité. Il n’est aucune perversion clinique qui ne trouve un prototype dans les phénomènes de l'auto-érotisme infantile. La sexualité s’étaye en marge des fonctions de conservation et ajoute sa prime de plaisir (puis élabore ses fantasmes de désir) en dérivation de l’auto-érotisme. Au cours du développement de l’enfant, on assiste donc à la mise en action des diverses zones érogènes (bouche, anus, téguments, œil, muscle, etc.) sous la relative dominance d’une activité privilégiée (succion, défécation...) définissant des stades (oral, anal) de la libido. La mise en œuvre de couples pulsionnels vient asseoir des érotismes sadomasochique, voyeuriste, exhibitionniste. Et ce n’est que tardivement, lors de la phase phallique, que la sexualité subit une première centralisation, sous le primat de l’organe génital. C’est alors que se fait un premier choix d’Objet sexuel, mettant en cause une personne totale. Des « objets partiels » (seins, fèces, téguments, etc.), et des parties du propre corps suffisent auparavant à assouvir le désir, la tension de la libido.

2. Lors du choix génital (autour de l’organisation du Complexe d’Œdipe), un mouvement d’idéalisation, de sublimation, de prise en considération de « l'Objet total », aboutit au refoulement des érotismes partiels. Ce n’est qu’au cours de la deuxième poussée sexuelle (puberté) que la fraction des activités « perverses » (érotiques extragénitales) qui n’a pas été refoulée, ou n’a pas fait l’objet de formation réactionnelle, de sublimation, sera réintégrée à la sexualité, sous forme de plaisirs préliminaires. Toutefois les sujets chez qui le Complexe d’Œdipe a été défait pour une raison ou une autre (angoisse de castration, impossibilité d’idéalisation ou de sublimation tenant aux particularités du contexte relationnel infantile, séduction traumatique, etc.), la sexualité restera largement fixée à des pratiques sexuelles prégénitales, ou y régressera facilement. On aura alors la condition de réalisation de la perversion. Le point d’accrochage le plus difficile est ici celui de l’admission, de la reconnaissance, de la différence des sexes, qui suppose une possibilité de symbolisation du désir grâce aux appuis identificatoires que peut donner le couple parental normal ; quand il illustre l’image d’une sexualité selon le destin (masculin/féminin) et selon la loi (de prohibition de l’inceste). Certaines perversions sont, de fait, directement en rapport avec le désaveu de la « castration » (homosexualité, fétichisme), ou avec son « défi » (sadisme et masochisme sexuels). D’une manière générale, l’instauration d’un Surmoi (issu de l’identification secondaire, symbolique) entraîne, chez le névrosé, la défense contre la régression fantasmatique qui s’actualise chez le pervers.

3. Si les phénomènes de la sexualité infantile prennent tout leur sens dans la reconstruction psychanalytique, l’existence de perversions cliniques extra-génitales (sodomie, flairage d’excréments, etc.), de plaisirs « pervers » associés à la vie normale (homosexualité épisodique, pratiques érotiques répandues : fellatio, cunnilingus, fantasmes divers associés au coït ou à la masturbation, plaisirs préliminaires) sont la preuve de l’insuffisance de la conception classique (génitale) du sexuel. La relation hétérosexuelle avec union des organes génitaux n’est ni le seul but de l’érotisme, ni inscrite par essence dans le schéma du développement, et encore moins l’association du désir sexuel à la visée de la reproduction. La sexualité est donc considérée par la psychanalyse comme une « perversion » de l'instinct animal, témoignant du statut « dénaturé » (Vercors) de l’Homme. Son représentant, le désir, reste toujours frappé d’errance et « d’aberration », jusque dans la forme de l’amour dit normal, où la « surestimation » de l’Objet (et de ses « parties »), sa substitution à l’idéal du Moi permettent, en plus d’un sens, le « retour de la perversion ».

4. Les recherches cliniques modernes sur les perversions en tant que modes habituels, fixés et exclusifs, de la quête du plaisir ont conduit toutefois à de nouvelles considérations. Celles-ci ont dû dépasser les conditions structurales les plus générales comme le recours aux seuls avatars du « déni », ou désaveu, de la « castration » dans l’évolution et l’organisation libidinale. On a insisté, alors, sur l’importance d’un niveau plus profond, mettant en cause les mécanismes les plus précoces de séparation-individuation et le rôle des objets transitionnels. Ceux-ci meubleraient le champ intermédiaire entre le narcissisme et la relation libidinale d’objet en y prenant, en somme, le statut de « fétiches » prégénitaux. D’autres études (E. Glover) situent les perversions cliniques comme des procédés permettant - par la mise en jeu des pulsions partielles - une conservation relative du sens de la réalité devant un risque de désorganisation psychotique. Dans une zone voisine, A. Goldberg a défini les perversions comme une « sexualisation des affects de déplaisir » pour pallier la défaillance narcissique. Enfin, le rôle de désintrication-réintrication des composantes agressives de la relation d’objet a été souligné. Soit dans le cadre des théories de M. Klein sur le « clivage » du Moi et des objets dans le mécanisme de l’identification projective. Soit selon les vues de R. J. Stoller pour qui la perversion est une « haine érotisée », un fantasme de vengeance masqué par la déshumanisation des objets et l’aménagement des risques, dans des actes clivés-idéalisés. Dans cette optique, des activités perverses sont destinées à transformer le traumatisme infantile (visant le sexe ou l'identité sexuelle) en « triomphe » de la jouissance adulte.

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