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Publié le 17/05/2020
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……
XXXIV.
- Mon biographe 1 m'adresse cet étrange reproche :
Au collège, comme plus tard à l'atelier, il refuse de partager les
jeux de ses camarades, fait bande à part, dédaigne les amis, se
livre, entre les heures de travail, à des promenades solitaires,
etc.…
Sans doute je méditais dès lors la destruction de la famille et de la
propriété.
La sottise réactionnaire ayant fait de moi, en 1848, un
ogre, il a bien fallu me trouver une jeunesse d'ogre, et je ne serais
point surpris qu'il se rencontrât des gens prêts à jurer qu'ils m'ont
connu ogrillon.
Au fait, j'ai pu paraître, de douze à vingt ans, un peu farouche.
La
faute n'en était pas à mon c œ ur, mais au système chrétien, qui,
pervertissant les notions, atrophiant les instincts, travestit
l'homme et lui impose des sentiments factices, à la place de ceux
que lui a donnés la nature.
Qu'il me serait aisé, en effaçant ce que la malveillance a mis de
fausses couleurs dans ce tableau de ma jeunesse, de me poser en
philosophe imberbe, fuyant la corruption des villes, et méditant
dans la solitude sur les misères de l'humanité !
La vérité m'est beaucoup moins favorable ; c'est pour cela qu'elle
est plus instructive, et que je tiens à la rétablir.
Jusqu'à douze ans, ma vie s'est passée presque toute aux champs,
occupée tantôt de petits travaux rustiques, tantôt à garder les
vaches.
J'ai été cinq ans bouvier.
Je ne connais pas l'existence à la
fois plus contemplative et plus réaliste, plus opposée à cet
absurde spiritualisme qui fait le fond de l'éducation et de la vie
chrétienne, que celle de l'homme des champs.
A la ville, je me
sentais dépaysé.
L'ouvrier n'a rien du campagnard ; patois à part,
il ne parle pas la même langue, il n'adore pas les mêmes dieux ;
on sent qu'il a passé par le polissoir ; il loge entre la caserne et le
séminaire, il touche à l'Académie et à l'hôtel de ville.
Quel exil
pour moi quand il me fallut suivre les classes du collège, où je ne
1Eugène Jacquot, dit de Mirecourt..
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