Wanda Landowska
Publié le 16/05/2020
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Wanda Landowska
Au souvenir de la géniale claveciniste sera toujours attaché le doux nom de Saint-Leu-la-Forêt.
Dans sa vie denomade, cet endroit a été Le Havre où l'artiste, en plein rayonnement de sa personnalité, réalisait ce qu'elle croyaitêtre le but de sa vie, n'imaginant pas la tragédie qui allait dévaster le monde.
D'où venait l'enchantement si spécial qui pénétrait profondément le cOeur de ceux qui ont joué ou assisté à uncours public à Saint-Leu-la-Forêt chez Wanda Landowska ?
Cette nostalgie de la pureté absolue que tout être porte en soi était alimentée et assouvie ; le rêve de Baudelairede L'invitation au voyage enfin réalisé.
Chacun quittait sa prison quotidienne et s'évadait dans ce paradis retrouvé.La salle de concert aux lignes simples, à l'aspect d'un bouton d'or, facilitait une joyeuse concentration.
A l'intérieur,l'estrade basse, avec ses deux pianos Pleyel et se deux clavecins couleur de miel, vous indiquait tout de suite que lamusique régnait en souveraine.
Le soleil entrait à flots, de biais, par tout un côté vitré.
A travers les rideaux jaunes,un jeu de lumière et d'ombre très captivant s'établissait.
Le temple était nu et rien, à part la nature et ses caprices,ne troublait notre attention.
En fin d'après-midi, à l'heure où l'on dégageait les fenêtres, on apercevait les peupliersargentés frémir au doux vent de l'Île-de-France.
A ce moment où le cours se terminait, le Maître, soit au clavecin,soit au piano, laissait libre cours au démon de la musique qui la possédait et nous tous, élèves, public, grisés desons, nous nous sentions unis par une fraternité qui faisait nos cOeurs se détendre et notre confiance de toutechose renaître comme au temps de notre enfance.
Durant l'été, des musiciens du monde entier accouraient, afin de s'abreuver à cette source unique où l'on s'essayaità faire revivre les plus belles musiques des XVIIe et XVIIIe siècles.
Dans les cours publics ou privés, le style decette musique nous était enseigné, révélé aussi bien par la voix humaine que par le violon, une flûte ou un hautbois.Wanda transcendait la matière.
Par ces instruments peut-être mieux qu'au clavecin, elle nous faisait profondémentsentir la valeur d'un ornement, ce léger rubato qui rendait si expressif tel "tremblement" ou "pincé", la lenteur ou larapidité d'un trille ou une série d'ornements versant les uns dans les autres, s'enchaînant sans arrêt, formant ainsiune arabesque ininterrompue.
Retrouver la fantaisie et la grâce des interprètes des XVIIe et XVIIIe siècles, quiavaient vraiment part de créateurs dans la réalisation de la mélodie ornée, était son but.
Sa divination et sa scienceétaient telles qu'elle nous restituait les siècles passés avec une ferveur qui rejoignait notre ferveur du XXe siècle.Elle touchait ainsi à l'essence même de la musique dans le temps, hors du temps.
A une époque qui s'annonçait comme celle de la rigueur rythmique, Wanda fut la première virtuose à oser tenir unrythme impeccable dans les Concerti de Mozart, et cela avec un tel raffinement et une telle science du style et del'ornementation, que beaucoup de chefs d'orchestre l'engageaient uniquement pour cette admirable leçon de style.Après son passage, le public ne supportait plus le style relâché qui avait cours alors.
Elle venait à l'époque du néo-romantisme, où une fausse conception du romantisme avait fait oublier les justes rapports des styles.
Il ne serait pas étonnant qu'elle fût à l'origine de cet engouement pour la musique de chambre interprétéemaintenant par tant d'orchestres, qui atteignent une perfection classique rejoignant la pure tradition du XVIIIesiècle.
Au fond, le clavecin n'était pas pour elle une fin en soi, mais le moyen par lequel elle faisait comprendre cequ'avait été le véritable style des XVIIe et XVIIIe siècles.
Ceux qui n'ont pas senti l'humilité que Wanda Landowskas'imposait dans le travail, face à l'Oeuvre d'art, semblent avoir passé à côté de ce qu'elle nous a légué et qui devraitrester un exemple pour les générations qui viennent.
A défaut de sa présence, ses disques restent un vivanttémoignage de son art exceptionnel..
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