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"Vernon Subutex" de Virginie Despentes

Publié le 23/06/2025

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« Introduction Extrait 8, Virginie Despentes Le XXIe siècle voit émerger une littérature engagée, en prise directe avec les réalités sociales et les dérives contemporaines.

Virginie Despentes, autrice majeure de la scène littéraire française actuelle, explore dans Vernon Subutex les effets destructeurs du capitalisme, de la précarité, et du culte de la performance.

Ce roman polyphonique raconte la chute d'un ancien disquaire, Vernon, devenu SDF, à travers les regards croisés d'une galerie de personnages. Dans cet extrait, Despentes nous plonge dans la conscience de Kiko, un trader survolté, incarnation parfaite du capitalisme néolibéral.

À travers un style syncopé et exalté, l'autrice dépeint un homme en pleine transe de puissance, déshumanisé par la vitesse, la drogue et la performance. Problématique : Comment Despentes dresse-t-elle, à travers une écriture frénétique, le portrait d'un homme-machine au service d'un monde régi par la vitesse et la rentabilité ? Plan 1.L'hyperactivité cérébrale et physique de Kiko 2.La métamorphose en figure surhumaine, voire divine 3.Une chute annoncée sous couvert d'euphorie Mouvement 1 : L'hyperactivité cérébrale et physique de Kiko Le texte s'ouvre sur un flot d'informations qui reflète la pensée de Kiko, comparée à un centre-ville de Tokyo, image d'un lieu saturé, lumineux, moderne et hyperconnecté.

La métaphore de son cerveau en "échangeur géant" traduit parfaitement cette effervescence mentale constante.

L'énumération des "huit écrans", du "téléphone", des "émissions" et du "tri intergalactique" donne une impression de surcharge cognitive et de multitâche permanent, transformant son cerveau en une machine surpuissante au service de la performance.

L'expression "il est multiplié" marque l'abandon de son identité individuelle au profit d'une fonction pure, incarnation de l'efficacité absolue dans un système capitaliste. L'opposition établie avec "un PDG lambda" ou "un directeur de banque" le place délibérément au-dessus des élites traditionnelles, le présentant comme un être supérieur qui "surfe" sur le monde avec aisance.

Despentes construit ainsi une sorte de mythologie moderne du trader, héros suprême du capitalisme, dont la toute-puissance provient essentiellement de sa capacité à maîtriser la vitesse. Mouvement 2 : La métamorphose en figure surhumaine, voire divine Kiko est dépeint comme un véritable surhomme nietzschéen des temps modernes.

L'emploi systématique du pronom "il", jamais remplacé par un "je" plus personnel, participe à cette désincarnation progressive du personnage.

Les métaphores grandioses utilisées par l'autrice renforcent cette impression : Kiko est comparé à un "centre de tri intergalactique", il est "branché sur l'heure du monde", et "l'ubiquité est [leur] don".

Ces formulations évoquent des références religieuses ou divines, présentant le trader comme une entité omnisciente et omniprésente, parfaitement synchronisée avec le monde entier, telle une divinité moderne du Marché.

La phrase "il est la grande aiguille sur la montre" approfondit cette idée de fusion entre l'homme et le système temporel mondial, abolissant toute distinction entre l'individu et sa fonction.

Une confusion troublante s'installe entre le corps et la machine : "il gère" devient un mantra obsessionnel, il dose sa drogue comme un simple carburant, et "reste sur la crête" tel un surfeur d'exception, maintenant un équilibre précaire dans un environnement constamment dangereux.

Cette image du surfeur illustre parfaitement l'homme contemporain qui domine momentanément les vagues imprévisibles du capitalisme, mais qui demeure perpétuellement menacé par une chute brutale. Mouvement 3 : Une chute annoncée sous couvert d'euphorie L'euphorie atteint son paroxysme lorsque Kiko lance le remix de Presley par Trentemoller, anecdote apparemment banale mais présentée comme un moment d'inspiration quasi divine. Cette glorification du bon "feeling" révèle un monde où l'intuition instantanée a définitivement supplanté la réflexion approfondie, où l'immédiateté triomphe systématiquement de la profondeur.

La comparaison établissant que "Kiko est un virtuose" et que "le bolide c'est son propre corps" achève de confondre totalement le corps biologique et la machine, l'être humain et l'outil technologique.

L'allitération en "s" dans "le son de son sang, ça cogne, c'est bon" produit un effet rythmique presque musical, mais évoque également une sensation de pulsation intense, d'excitation physique frôlant l'expérience sexuelle.

Cependant, cette jouissance extatique de la puissance contient en elle-même les signes d'un épuisement imminent : il "entend son sang", il "cogne" comme un moteur qui.... »

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