Valéry, Préface au catalogue d'une exposition de l'Art italien
Publié le 09/12/2021
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Le monde moderne a imposé à l'art l'idéal de la nouveauté, qui s'est substitué au jugement de la postérité. La publicité a remplacé le petit nombre de connaisseurs incorruptibles dont le goût avait jadis force de loi : à Athènes, Florence ou Amsterdam ces groupes favorisaient la création artistique. L'unité de but manque désormais aux artistes ; divisés contre eux-mêmes, ils ont sans cesse besoin de systèmes éphémères. Il ne s'agit pourtant pas pour eux d'imiter leurs glorieux prédécesseurs : mais ceux-là étaient hommes complets ; ils ne travaillaient pas pour choquer par la nouveauté mais pour rappeler à eux le public des siècles à venir.
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RÉSUMÉ
Le monde moderne a imposé à l'art l'idéal de la nouveauté, qui s'est substitué au jugement de la postérité.
Lapublicité a remplacé le petit nombre de connaisseurs incorruptibles dont le goût avait jadis force de loi : à Athènes,Florence ou Amsterdam ces groupes favorisaient la création artistique.
L'unité de but manque désormais aux artistes; divisés contre eux-mêmes, ils ont sans cesse besoin de systèmes éphémères.
Il ne s'agit pourtant pas pour euxd'imiter leurs glorieux prédécesseurs : mais ceux-là étaient hommes complets ; ils ne travaillaient pas pour choquerpar la nouveauté mais pour rappeler à eux le public des siècles à venir.
ANALYSE
Paul Valéry dénonce en premier lieu les buts que le monde moderne a donnés à l'art : il lui a imposé l'idéal de lanouveauté qui s'est substitué au jugement de la postérité.Les conditions même d'élaboration de l'oeuvre d'art se sont fâcheusement modifiées : la publicité a remplacé le petitnombre de connaisseurs incorruptibles dont le goût avait jadis force de loi : à Athènes, Florence ou Amsterdam cesgroupes favorisaient la création artistique.
Mais le mal ne provient pas seulement des conditions extérieures : lesartistes eux-mêmes sont atteints ; ils manquent d'une unité de but, et, divisés contre eux-mêmes, ils ont sanscesse besoin de systèmes éphémères.
Est-ce à dire qu'il faille imiter les artistes du passé ? Valéry ne va pas jusque-là mais affirme que leurs méthodes et leur but doivent inspirer leurs successeurs ; ils étaient hommes complets, etne travaillaient pas pour choquer par la nouveauté mais pour rappeler à eux le public des siècles à venir.
( On développera ce que nous indiquons ici.
sous la forme d'un PLAN DÉTAILLÉ.)
Dans ce texte le commentaire et, éventuellement, la discussion doivent s'orienter vers la définition, selon Valéry,des facteurs de la création artistique.
I.
- LES FACTEURS EXTÉRIEURSValéry distingue une première série de facteurs extérieurs à la création artistique, et pour cela, il oppose auxprocédés de la publicité le public de connaisseurs qui, selon lui, jugeait autrefois les oeuvres d'art.
En fait, lapublicité est devenue un moyen de diffusion approprié au vaste public que le progrès technique a conquis, mais celuid'Athènes, de Florence ou d'Amsterdam « consommait » l'art tout autant que le font nos contemporains.
Certes cepublic-là eut ses connaisseurs, mais nous avons les nôtres : de brillants groupes littéraires, de fécondes écolespicturales savent aujourd'hui encore transcender la pression immédiate du marché afin d'exprimer les virtualités denotre existence.
II.
- LES FACTEURS INTERNESLe mal que dénonce Valéry réside-t-il vraiment au coeur même de l'artiste ? Celui-ci, nous dit-il, est divisé contrelui-même.
Et comment pourrait-il en être autrement dans notre monde ? L'artiste assume la dialectiquefondamentale de toute activité humaine ; il crée et se voit créant, tente de justifier son dessein, de le réorienter,de comprendre sa fonction dans notre société.
Valéry semble faire ici le procès de.
la conscience et de la lucidité.
III.
- LE RENOUVELLEMENT CONTINU DES FORMES D'ARTIl est vrai qu'il assigne pour but suprême à l'art le souci de durer.
Que signifie tout cela désormais ? La plus grandepartie du public, la plus spontanée, se désintéresse presque totalement de l'art passé ; lorsqu'elle en est émue,c'est pour des raisons que les artistes de jadis ne pouvaient nullement pressentir.
Et il est vrai que certainesoeuvres riches admettent une pluralité de significations.
Mais c'est le présent qui doit nous intéresser et la créationartistique qui relève de l'imaginaire se doit de chercher sans cesse des formes nouvelles pour donner à l'humanitél'image même de son évolution permanente et la conscience de son inachèvement..
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