Databac

Une littérature doit-elle chercher à embellir la vie, à dispenser le rêve, l'oubli de ce qui est?

Publié le 09/12/2021

Extrait du document

Ci-dessous un extrait traitant le sujet : Une littérature doit-elle chercher à embellir la vie, à dispenser le rêve, l'oubli de ce qui est?. Ce document contient 0 mots. Pour le télécharger en entier, envoyez-nous un de vos documents grâce à notre système d’échange gratuit de ressources numériques ou achetez-le pour la modique somme d’un euro symbolique. Cette aide totalement rédigée en format pdf sera utile aux lycéens ou étudiants ayant un devoir à réaliser ou une leçon à approfondir en : Littérature
xxx ?

« Optimisme ou pessimisme ? Évasion ou réalisme ? Le dilemme est éternel en littérature, et, selon les époques et les contextes socio-historiques, lesmouvements se suivent et s'opposent selon des phénomènes d'action et de réaction.

Au romantisme « succède » pu exemple le réalisme, au romanpsychologique, le roman historique et épique pour le XXe siècle.

Les tempéraments des écrivains sont également différents et leurs œuvres révèlent etreflètent cette diversité.

Colette chante son amour de la vie, hérité principalement de sa mère, Sido l'énergique qui lutte même au crépuscule de sa vie.Mauriac, lui, peint les âmes tourmentées, scrute les mobiles de cette autre P hèdre, Thérèse Desqueyroux, « chrétienne à qui il a manqué la grâce », maisaussi l'amour, la tendresse et la force de s'échapper...Quels sont les arguments des contempteurs de la littérature d'évasion, que revendiquent au contraire les réalistes et ne peut-on poser le problème end'autres termes ? Mauriac, dans son journal, se défend d'être un auteur pessimiste, en dépit de ses analyses psychologiques d'êtres tourmentés, de ses peintures de famillesétouffantes.

Il prétend peindre le vrai, sans affadissement, ce qui lui semble témoigner d'un authentique amour de la vie.

Mauriac pourfend, par ceraisonnement, principalement la littérature sentimentale, le roman rose, celui dont s'abreuve Madame Bovary, celui qu'on interdisait aux pensionnaires quis'en abreuvaient en cachette et qui connaît, de nos jours encore, du succès.Plutôt que de décrier sans analyse cette littérature qui semble avoir de tout temps existé, mieux vaut tenter de voir à quels besoins elle répond chez lelecteur.

Elle satisfait évidemment pleinement son besoin d'évasion en lui proposant un univers, des personnages et des intrigues opposés à l'univers danslequel il se débat.

Madame Bovary, confinée dans sa campagne normande, qui s'aperçoit que son mariage avec C harles est un échec, ne rêve que devoyages en Italie, de séducteurs, de cavaliers, de serments au clair de lune.

Le même principe de compensation explique le succès du roman sentimental,du roman photo et des fameuses collections Harlequin à notre époque.

Ces nouveaux contes de fées offrent une existence différente, vécue par procuration.C'est pourquoi les schémas sont identiques, puisque le besoin est toujours le même depuis le conte de fées et le mariage du prince et de la bergère que l'onretrouve sous la forme modernisée de l'idylle entre le chirurgien et l'infirmière ou le grand patron d'industri* et la secrétaire...L'époque historique joue également son rôle.

Le conte de fées connaît aussi un essor extraordinaire à la fin du siècle de Louis XIV , période troublée, triste,morne, étouffée par l'austérité religieuse et accablée par la faillite économique.

Qui lit ce genre de littérature ? Ceux qui vivent au quotidien des problèmesqu'ils ne veulent absolument pas voir doublés dans leurs lectures, soit parce qu'ils ne peuvent pas encore les affronter psychologiquement, soit parce queleur conscience politique est insuffisamment mûre.

La littérature d'évasion peut être un refuge, un voile pour ne pas voir l'extérieur.

Il est vrai qu'elle estfacile, qu'elle séduit aisément, d'autant plus qu'elle n'innove presque jamais d'un point de vue artistique.

Bref, elle est à tous points de vue sécurisante.C'est contre cette anesthésie personnelle, politique et esthétique que réagissent les « réalistes » Le réalisme, avant de désigner plus précisément un mouvement littéraire particulièrement illustré par le roman du xixe siècle, est un courant qui parcourt lalittérature et les arts à toutes les époques.

C'est une réaction contre toutes les formes d'idéalisation extrême, de poétisation et, partant, d'irréalitéd'œuvres, qui ne se donnent pas pour but de peindre le réel.Le réalisme peut d'ailleurs prendre des formes diverses.

Il peut être social avec Balzac et Emile Zola qui peignent le monde, effectivement fort noir, de laRestauration et de la montée du capitalisme dans La C omédie humaine et les Rougon-Macquart.

Il peut être psychologique comme chez les frères Goncourtavec l'étude de Madame Gervaisais ou de Germinie Lacerteux ou comme chez Mauriac dont l'exemple le plus achevé est probablement ThérèseDesqueyroux.Quoi qu'il en soit, le réalisme apparaît souvent comme une réaction, contre l'affadissement de la psychologie chez Mauriac, contre la bonne conscience desnantis chez Zola.

Il est d'ailleurs perçu comme un manifeste et l'on peut appliquer la phrase de Mauriac « C omment ne s'offenseraient-ils pas du portrait nonretouché qu'un artiste leur impose ?» à l'accueil fait à L'Assommoir par exemple.

Car le paradoxe est là.

Ceux qui lisent la chronique de C ette vie ouvrièrene sont pas des ouvriers, mais des bourgeois.

Le décalage social est constant, qu'il s'agisse de littérature politisée ou de littérature sentimentale, entreceux qui lisent et ceux dont la vie est décrite dans l'ouvrage.Le réalisme a le plus souvent un rôle de signal d'avertissement.

C 'est pourquoi la littérature militante lui est attachée.

Il puise son inspiration dans le réelqu'il transforme plus ou moins par l'alchimie de son art.

Avec Zola, par exemple, l'ouvrier fait son entrée en scène, avec sa vie quotidienne et son langage.Car le réalisme innove en matière esthétique.

La langue de L'A ssommoir ou de Voyage au bout de la Nuit de Louis Ferdinand Céline par exemple sontexemplaires à ce titre.On le voit, le réalisme, entendu au sens large du terme, éveille le lecteur, l'oblige à affronter ses démons intérieurs (l'analyse psychologique actuelle ne peutse dispenser de compter avec la psychanalyse) et ses fléaux extérieurs (les romans de Soljenitsyne révélèrent ainsi au grand public l'existence du goulag).Cependant, on peut se demander si, au-delà de cette dichotomie entre littérature d'évasion et littérature du réel, n'existe pas un moyen terme que Mauriacignore volontairement ? On peut tout d'abord - et c'est l'argument le plus important -opposer au raisonnement de Mauriac qu'il existe une littérature authentiquement pétrie de joie,d'optimisme, tissu d'hymne à la vie et au bonheur.

C ette littérature n'a rien à voir avec le roman sentimental.

A u contraire, elle chante et prêche une saineet drue joie de vivre.

Ses grands auteurs ont pour nom Rabelais, Molière dans ses pièces les plus proches de la farce (Le Médecin malgré lui, Le Médecinvolant) ou de la fantaisie comme Le Malade imaginaire.

C olette, qui évoque la nature, les fleurs, les chats, les chiens et la figure maternelle inoubliablequ'est Sido, illustre un autre pan de cette littérature de la joie de vivre.On pourrait, de même, invoquer dans la foulée les écrivains comiques.

C ependant, le comique est parfois un masque, le rire peut être parfaitement gratuitcomme dans certains jeux de scène de théâtre mais il peut aussi cacher une angoisse profonde ou alerter le lecteur d'abus qu'il ne doit plus ignorer : c'est ainsi que fonctionne l'ironie dans leconte voltairien.Parallèlement, certains genres littéraires que Mauriac n'envisage pas, réalisent cette fusion de l'évasion et d'une certaine prise en compte du réel.

C'est lecas de la science fiction.

Ce genre dépayse sûrement par l'époque à laquelle il se place et la découverte technologique qu'il met en place.

Il fait égalementsiennes nos préoccupations : la décadence de la civilisation de l'écrit dans Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, les abus de l'électricité et la renaissance d'unmonde archaïque dans Ravages de Barjavel.

Des romans de pure fantaisie comme L'Écume des Jours réalisent cette même fusion.

Quoi de plus déroutantcomme univers que celui où se meuvent ces adolescents fous de jazz ou de Jean Sol Paître ? Quoi de plus proche de nous que la hantise de la maladie,l'irruption de la mort, l'absurdité de la guerre, le modernisme du travail en usine que critique en quelques pages, déroutantes du point de vue des images,mais oh combien percutantes, Boris V ian ?Le plus important au-delà des polémiques et des querelles d'hommes, car la réponse de Mauriac n'est pas empreinte de sérénité, est que l'auteur affirmeson tempérament, peigne son monde intérieur.

Ainsi, il évitera l'académisme ou la facilité du faiseur qui applique des recettes.

Mauriac n'est lui-même quedans la peinture des êtres tourmentés, torturés, hantés par l'idée de faute et de rachat.

C olette est elle-même dans sa mémoire des jardins et des animauxfamiliers. Chacun est libre de chercher dans la lecture ce qui lui fait défaut, ce qu'il n'arrive pas à formuler clairement ou ce qui émerge à peine de son subconscient.

Acelui qui préfère se bercer d'illusions, une littérature d'évasion, sentimentale, sécurisante, voire lénifiante.

A celui qui veut analyser ses démons intérieurset percer les secrets du monde qui l'entoure, une littérature dite « réaliste » qui s'efforce de lever le voile sur les êtres et les choses.

Optimisme etpessimisme sont questions d'êtres et de tempérament, de choix, de maturité intellectuelle et esthétique.

L'important est la liberté du créateur face à la vieet à son art.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles