une dissertation sur Montaigne "Des Cannibales" - Essais
Publié le 18/10/2022
Extrait du document
«
Dissertation Montaigne Bac blanc.
Aujourd'hui, malgré une morale qui se veut ouverte, sans jugement, la société ne cesse
de cataloguer, classer les personnes selon leur culture, leur genre, leur orientation sexuelle,
leur religion ou encore leur origine.
Ainsi, les hommes sont sans cesse amenés à se comparer
entre eux.
Ce défaut est présent au sein des sociétés depuis longtemps.
En effet, lors des
grandes découvertes, les Européens, en Amérique, ont jugé les Amérindiens inférieurs à eux,
sous prétexte que leur civilisation était différente de la leur.
Des auteurs engagés s'interrogent
alors sur la nécessité du jugement, surtout quand il est fait par rapport à soi-même, à sa propre
culture.
Ainsi, Montaigne traite de ce sujet à travers certains de ses Essais comme dans les
chapitres « Des Cannibales », « Des Coches ».
Dans le chapitre « Du Jeune Caton », il
déclare : « Je n'ai point cette erreur commune de juger d'un autre selon ce que je suis ».
Montaigne s’estime donc différents des autres Européens, puisqu’il n’a pas « cette erreur
commune ».
Par l’affirmation d’un propos subjectif, le titre même des Essais entend sortir des
démarches répandues, des représentations usuelles et usées, pour une forme de « renaissance
personnelle du regard » sur l’autre.
Sur le fond jusqu’à l’écriture.
Il pense pouvoir « juger
d’un autre », c’est-à-dire dans le contexte de la découverte de l’Amérique, avoir une opinion,
un avis sur la société amérindienne, sans être influencé par ce qu’il est, sa personnalité, ses
valeurs, son mode de vie.
Dans cette perspective, quelles sont précisément les modalités de
son jugement ? De quel jugement parle-t-on ? Et Montaigne ne nous dit-il pas dès sa préface
être lui-même « la matière de son livre » ? Ainsi on peut se demander si l’on peut croire
Montaigne quand il affirme pourvoir juger sans préjugé.
A-t-il résisté à la tentation de
l’ethnocentrisme ? A-t-il un regard réellement objectif sur les civilisations amérindiennes dans
« Des Cannibales » et « Des Coches » ? Nous verrons dans un premier temps que pour
Montaigne, il faut s'éloigner de « l'erreur commune de juger d'un autre » selon ce que l'on est.
Nous verrons ensuite qu’il juge pourtant l'autre en se référant à ce qu'il connaît, à sa culture.
Nous montrerons enfin que cette comparaison, sans être pour autant raison, n'est pas toujours
inutile voire néfaste, elle peut aussi être constructive, elle amène l’humaniste qu’est
Montaigne à une certaine forme de relativisme.
Tout d'abord, Montaigne pense qu'il faut s'éloigner de « l'erreur commune de juger
d'un autre selon ce qu['on est] ».
Ainsi, Montaigne tente de mettre à distance les préjugés
qu'ont les Européens sur les autres cultures.
Il essaie de rendre compte de la civilisation des
Indiens en étant impartial.
Pour Montaigne, il est essentiel de se libérer des préjugés et de l’opinion commune.
Il
explique qu'il ne faut pas se faire influencer par notre propre culture, quand on découvre une
autre civilisation, car notre jugement sur cette dernière, sera forcément erroné.
Il développe
cette idée dans le chapitre « Des Cannibales » à travers plusieurs exemples.
Dès l’ouverture, il
fait parler le roi Pyrrhus pour nous faire comprendre que les préjugés sont trompeurs.
Plus
loin, la proposition « chacun appelle barbarie, ce qui n'est pas de son usage » insiste sur le fait
que notre seul point de comparaison, c’est notre propre culture, nos mœurs.
Il ajoute de
manière ironique : « Là est forcément la parfaite religion, la parfaite police, parfait et
accompli usage ».
Tout ce qu'y est différent de nous serait donc forcément bizarre,
« barbare ».
Dans ce passage, il montre au contraire en revenant sur le sens étymologique du
mot « sauvage » que les Indiens sont naturels et purs.
Montaigne démontre donc qu'il ne faut
pas juger d'un autre selon la « voix commune » mais selon la « voie de la raison ».
Pour cela,
il estime essentiel de bien vérifier ses sources pour voir si elles sont fiables.
C’est seulement
par ce moyen, qu’on peut éviter de colporter des rumeurs.
Par exemple, au début du chapitre
« Des Cannibales », il explique qu’il faut se méfier des gens intelligents, car ils ne sont pas
objectifs.
La plupart essaie de persuader les autres, en déformant la vérité et en l’orientant en
fonction de ce qu’ils pensent.
Dans ce passage, Montaigne fait la leçon aux lecteurs pour
qu’ils ne croient pas tout ce qu’on leur dit et qu’ils se fassent leur propre opinion.
Il explique
que lui a fait très attention à ce que ces sources soient fiables : il a longuement discuté avec un
homme simple, rustre qui avait passé de longues années en Amérique, il a recoupé des dires
avec ceux d’autres témoins.
On peut voir également qu’il a lu l’ouvrage de Jean de Léry dont
il s’inspire à plusieurs reprises.
On le voit, Montaigne approfondit ses connaissances sur les
sociétés amérindiennes pour juger en toute connaissance de cause.
Montaigne s’efforce donc d’être objectif : il décrit les Indiens à la façon d'un
ethnologue, en évoquant leurs usages, leurs valeurs, en tentant de les comprendre et de les
expliciter.
Ainsi, Montaigne consacre, dans son essai « Des Cannibales », de longs passages à
la description du mode de vie des tribus amérindiennes.
Il détaille les travaux des différentes
personnes au sein de leur société, les femmes « s'occupent à faire chauffer leur breuvage, et
c'est là leur tâche principale.
», « les plus jeunes vont chasser à l'arc les bêtes sauvages »
tandis que le « vieillard […] ne leur recommande que deux choses : la vaillance contre les
ennemis et l’amour pour les femmes ».
Montaigne étudie aussi la religion qui a pour
représentant « des espèces de prêtres et de prophètes, qui se montrent bien rarement au peuple
car ils habitent dans les montagnes ».
Il rend également compte avec précision des différentes
relations, comme la relation de couple dans lequel « les hommes, [...] ont plusieurs femmes, et
ils en ont d'autant plus qu'ils ont une plus grande réputation de vaillance.
», ou encore la
manière de se nommer entre eux, « ils s'appellent usuellement "frère" quand ils sont du même
âge, ils nomment "enfants" les plus jeunes, et les vieillards sont des "pères" pour tous les
autres.
».
Montaigne étudie donc précisément et objectivement la civilisation amérindienne
qu’il décrit avec précision.
Enfin, pour mettre à distance les préjugés ethnocentriques, Montaigne tend à adopter
le point de vue de l’autre, à le faire parler.
Par exemple, à la fin du chapitre « Des
Cannibales », il rapporte au lecteur au discours indirect les paroles des Tupinambas, leurs
réflexions sur la société française et les réponses faites par le chef quand Montaigne
l’interroge sur sa propre société.
[Autre exemple dans « Des Coches » rencontre entre
Espagnols et Amérindiens] De même, dans le Supplément au voyage de Bougainville, Diderot
laisse la parole à un vieux tahitien qui défend le mode de vie de son peuple : « Laisse-nous
nos meurs, elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes… ».
Les auteurs du parcours
ne se contentent donc pas d’observer ou de décrire précisément les Amérindiens, ils leur
donnent la parole pour nous transmettre leur point de vue.
Ainsi, Montaigne s’efforce de mettre à distance les préjugés ethnocentriques de la
plupart de ses contemporains.
Cependant juger l'autre sans se référer à ce que l'on est, à sa
culture, à ses connaissances est quasiment impossible.
Comment en effet donner un avis ou
décrire des choses que nous ne connaissons pas ?
D’abord, Montaigne se réfère à ce qu’il connaît.
Cela lui permet de rendre compte de
concepts fondamentalement étrangers.
Pour rapprocher l’inconnu du connu, il a, par exemple,
recours à la comparaison.
Montaigne, dans ses Essais « Des Cannibales » et « Des Coches »,
compare des objets ou usages qu'ils ne connaissent pas avec des choses qu'il connaît, c'est à
dire avec sa propre civilisation pour mieux comprendre ou expliquer une société différente.
Montaigne décrit également la société amérindienne dans certains passages de son essai « Des
Cannibales » par rapport à ce qui existe en Europe : « il n'y a aucune forme de commerce; pas
de connaissance des lettres; pas de science des nombres; pas de nom de magistrat, ni de
pouvoir politique [...] ».
Il décrit la boisson des Amérindiens en se référant à « la couleur de
nos vins clairets ».
Montaigne montre qu'il reste difficile de rendre compte de ce qu’est l’autre
sans se référer à sa propre société.
De plus, Montaigne juge également en fonction de valeurs liées à un contexte
historique et à un statut social.
Ainsi, Montaigne donne plus ou moins explicitement son avis
sur certains comportements des Amérindiens dans les chapitres « Des Cannibales » et « Des
Coches ».
Cet avis est lié à sa personnalité et à son époque.
Il juger donc l'autre selon ses
propres valeurs.
Par exemple, il loue la bravoure guerrière des Amérindiens qui résiste avec
un grand courage aux Européens pourtant mieux armés.
La vaillance à la guerre correspond à....
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