Sous les moqueries légères, on trouve des idées profondes, sous les ruines visibles on trouve des bâtisses inaperçues. Commenter cette réflexion en vous appuyant sur des exemples précis du 18e siècle ?
Publié le 08/12/2021
                            
                        
Extrait du document
Symbole de la grâce et de l'esprit, le xviiie siècle est également considéré comme celui de la critique et du dénigrement. L'impression première mais superficielle qu'on en a est en effet celle d'une élégante et mordante épigramme. Pourtant les moqueries légères ou acerbes de ces hommes d'esprit qu'étaient les philosophes, leur politique de destruction, leur acharnement à combattre tant d'idées et de principes établis, ne furent pas des démarches seulement brillantes et stériles, elles répondaient à un idéal, quelquefois inavoué, de bonheur et de justice. Ainsi leur oeuvre ne fut pas exclusivement négative, et Taine, qui avait plaisir à la lire, nous explique ainsi l'intérêt qu'il y prenait : « Sous les moqueries légères on trouve des idées profondes ; sous l'ironie perpétuelle on trouve la générosité habituelle ; sous les ruines visibles on trouve des bâtisses inaperçues ».
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                                                                                                                            INTRODUCTION
Symbole de la grâce  et de  l'esprit,  le xviiie  siècle  est également  considéré comme celui de la critique  et dudénigrement.
                                                            
                                                                                
                                                                     L'impression première mais superficielle  qu'on en a est  en effet  celle d'une  élégante  et mordanteépigramme.
                                                            
                                                                                
                                                                     Pourtant les moqueries  légères ou acerbes  de ces  hommes  d'esprit qu'étaient  les philosophes,  leurpolitique de destruction,  leur acharnement  à combattre  tant d'idées  et de  principes  établis, ne furent  pas desdémarches  seulement brillantes et  stériles, elles répondaient  à un idéal,  quelquefois  inavoué, de bonheur et  dejustice.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ainsi leur œuvre ne fut pas exclusivement négative, et Taine, qui avait plaisir à la lire, nous explique ainsil'intérêt qu'il y prenait : « Sous les moqueries légères on trouve des idées profondes ; sous l'ironie perpétuelle ontrouve la générosité habituelle ; sous les ruines visibles on trouve des bâtisses inaperçues ».
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                                                                    «SOUS LES MOQUERIES LÉGÈRES ON TROUVE DES IDÉES PROFONDES »
En réaction à l'austérité des dernières années du règne de Louis XIV, on remarque sous la Régence un renouveau dejoie de vivre et de frivolité.
                                                            
                                                                                
                                                                    Dans cette atmosphère détendue s'épanouit une vie de salon brillante où l'on cultivaitles jeux de la conversation, où gens de lettres et beaux esprits rivalisaient de verve aux dépens de l'autorité.
                                                            
                                                                                
                                                                    Cessalons, qui étaient alors avec les cafés et les clubs les foyers de ta vie intellectuelle et les centres de diffusion desidées nouvelles, furent fréquentés par la plupart des philosophes, et sans doute est-ce en partie à leur influenceque certains d'entre eux durent ce goût de la boutade et de la moquerie légère qui devait faire le charme et lesuccès d'une partie  de leur  propagande.
                                                            
                                                                                
                                                                     En sacrifiant  au goût  du jour  non seulement  pour l'orientalisme  et lagalanterie, mais aussi pour la satire aimable et piquante, Montesquieu était sûr de vendre « comme du pain » sesLettres Persanes.
                                                            
                                                                                
                                                                    Pourtant cette œuvre n'était pas seulement une badinerie.
                                                            
                                                                                
                                                                    Sous la désinvolture avec laquelle Ricadonne à son ami Ibben ses premières impressions de Paris, sous la raillerie souriante de Montesquieu, se dessine nonseulement  une fine critique  des mœurs  parisiennes,  caractérisées  par une  agitation  absurde et une  vanitédéroutante,  mais encore  celle, plus audacieuse,  du système  politique français,  arbitraire,  exploitant  la crédulitépopulaire,  et celle  enfin  de la religion  catholique,  aussi despotique  que la monarchie,  source de troubles  et dedissensions.
                                                            
                                                                                
                                                                    De même, les portraits pittoresques et les anecdotes piquantes qui rendent si agréable la lecture desLettres  recouvrent  une mise  en question  de l'autorité  et des  institutions  et révèlent  la pensée  déjà hardie  deMontesquieu sur  certains problèmes qui tiendront  à cœur tous les philosophes, comme le fanatisme,  l'esclavage,l'injustice des lois.
                                                            
                                                                                
                                                                    Bien que chez lui on ne retrouve pas la pénétrante psychologie d'un La Bruyère et que sa critiquedes mœurs reste finalement superficielle et bien qu'il feigne seulement de nous amuser, l'auteur des Lettres persanesaborde des sujets graves et nouveaux, attaque des principes jusqu'alors indiscutés et propose des idées d'avenir ;son tableau allégorique  des Troglodytes offre les éléments  de base d'une république  idéale : la vertu  morale etcivique et la solidarité sociale.
                                                            
                                                                        
                                                                    Montesquieu esquisse ici les grandes thèses qu'il développera plus tard dans L'Espritdes Lois  ; par  ailleurs, en  renouvelant  la satire,  en la rendant  de grave  qu'elle avait été jusqu'à  lui, légère  etspirituelle, il annonce l'ironie incisive et mordante de Voltaire."En effet  Voltaire travestit de la  même façon sa pensée  sous l'humour, le pittoresque  et la caricature.
                                                            
                                                                                
                                                                    Dans sesContes qui constituent la partie la plus vivante de son œuvre, il met le divertissement au service de la propagande.Le récit qui se poursuit sans logique ni vraisemblance et sur un rythme endiablé dans un cadre de pure fantaisie, etles personnages,  amusantes ou émouvantes  marionnettes,  esquisses plaisantes  ou types  fortement  campés,semblent n'avoir été imaginés que pour notre plaisir, et pourtant ils ne servent en fait qu'à la démonstration desidées audacieuses de Voltaire et à une leçon de morale.
                                                            
                                                                                
                                                                    Sous l'apparence de la gaieté, Voltaire ou bien fustige lesinstitutions et les vices de la société en faisant le procès des opinions fausses et des vains systèmes ou encoremédite sur de grands problèmes comme la Destinée, le Mal, la Providence, l'Existence de Dieu.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais les aventures duHuron, l'homme de bon sens, de Zadig, le sage, et du timide Candide ne contiennent pas seulement une critiquenégative, elles offrent également une leçon de sagesse pratique qui est toujours actuelle : l'homme peut échapperaux souffrances inéluctables de sa condition en fondant sa réflexion et sa conduite sur la raison et en créant desœuvres durables et profitables à tous.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ainsi, en nous divertissant, Montesquieu et Voltaire mènent un pathétiquecombat contre l'ignorance, les préjugés, la tyrannie et la guerre, pour l'information, la raison, la liberté et la paix.
                                                            
                                                                                
                                                                    Laraillerie de l'un et l'ironie de l'autre camouflent une grave remise en question des principales valeurs humaines.
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                                                                    « SOUS L'IRONIE PERPÉTUELLE, ON TROUVE LA GÉNÉROSITÉ HABITUELLE »
L'ironie, cette forme percutante et incisive de l'esprit, a été la grande arme des philosophes, la plus efficace et laplus séduisante.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ce jeu piquant qui consiste à dire le contraire de ce qu'on pense ou à feindre d'être du parti del'adversaire, et  qui invite sans cesse le  lecteur à lire entre les lignes, nul ne  l'a pratiqué avec  plus de brio queVoltaire.
                                                            
                                                                                
                                                                     Dans ses Contes,  sa correspondance  et ses  pamphlets surtout,  elle est omniprésente  et s'exerce auxdépens de tout ce qui lui paraît condamnable, le gouvernement, l'organisation sociale, la religion et la métaphysique.Nul non plus n'a donc été plus destructeur que lui.
                                                            
                                                                                
                                                                    Pourtant, si nous retenons d'abord de son œuvre l'aspect decritique, une vue plus profonde nous permet de découvrir le mobile de la polémique voltairienne qui est loin d'êtreseulement l'amour de la bataille et de la controverse spirituelle.
                                                            
                                                                                
                                                                    Voltaire possède-un idéal de générosité qui est letrait commun à  toutes les idées soutenues  par les philosophes, à  l'ensemble de leurs combats.
                                                            
                                                                                
                                                                     Cet idéal est lebonheur de l'homme sur la terre et les  moyens de l'assurer.
                                                            
                                                                                
                                                                    Aussi luttent-ils pour la raison, la liberté, la justice,l'harmonie sociale, la paix.
                                                            
                                                                                
                                                                    Cet amour de l'homme  avec ses possibilités et  ses limites est la trame de toute leuraction : Voltaire aime Candide comme Rousseau aime Julie, et tous deux avec Montesquieu sont à la recherche d'unart de vivre.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ce dernier recommandait de proscrire les passions, d'accepter son destin et de tirer le plus d'agrémentspossibles de la vie, plaisirs frivoles ou joies plus hautes de l'esprit ; Voltaire prescrira le bon sens simple et modesteet l'action, Rousseau l'état de nature et l'éloignement de la société; l'équipe des Encyclopédistes enfin et leur chef.
                                                                                                                    »
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 - Montrez comment, dans la Contreverse de Valladolid, J.-C. Carrière, à travers une intrigue qui se situe au XVIe siècle, amène le lecteur à une réflexion à la fois actuelle et intemporelle. Vous appuierez votre argumentation sur des exemples précis, tirés à la fois de la Contreverse et d'autres documents (livres ou films).
 - Beaucoup de lecteurs pensent que le compte rendu d'une oeuvre par un critique suffit à en donner la connaissance. Or, Alain a écrit, dans ses Propos sur l'esthétique, en 1949 : «Ce que dit l'oeuvre, nul résumé, nulle imitation, nulle amplification ne peut le dire... » Vous examinerez ces deux points de vue opposés, en appuyant votre réflexion sur des exemples précis, empruntés à votre expérience personnelle et à vos lectures.
 - Jean-Paul Sartre écrit: «J'enrage de n'être pas poète, d'être si lourdement rivé à la prose. Je voudrais pouvoir créer de ces objets étincelants et absurdes, les poèmes, pareils à un navire dans une bouteille et qui sont comme l'éternité d'un instant» (Carnets de la drôle de guerre). En appuyant votre réflexion sur des exemples précis, vous vous interrogerez sur la signification et la portée de cette définition de la poésie.
 - En vous appuyant sur des exemples précis, vous direz quel rôle la littérature a joué dans votre découverte et votre initiation à la vie. Vous pouvez, si vous le souhaitez, élargir votre réflexion à d'autres formes d'art.