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Socrate et la mort.

Publié le 16/02/2024

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« 4) Socrate et la mort. La toute fin du dialogue, où Socrate s’entretient avec les juges qui l’ont acquitté (40a-41c), contient une doctrine sur la mort.

L’analyse de Socrate paraît assez simple à comprendre.

De deux choses l’une : ou bien dans l’état de mort, la conscience disparaît et dans ce cas, dit Socrate, l’ensemble du temps (chronologique) passe comme une seule nuit (psychologique) – on serait même tenté de dire un seul instant (en quelque sorte, tout se passe ici comme pour le malheureux qui, dans le coma depuis dix ans, se réveille sans aucune notion du temps écoulé) ; ou bien la mort n’est qu’un passage vers un autre monde, où nous retrouverons les personnages du temps passé – hypothèse qui réjouit Socrate, car quelles discussions passionnantes il va mener avec les héros, les poètes et les sages anciens ! Cet argument fait écho à un passage de la première plaidoirie (29a-b), où Socrate insistait sur le caractère rigoureusement inconnaissable (et probablement même impensable) de la mort.

Ici encore, il remploie son argument désormais classique : ce que je ne sais pas, je ne prétends pas non plus le savoir.

Non seulement, pour Socrate, la mort est inconnue, mais encore elle est certainement préférable dans certains cas. Si en effet l’on place la justice au premier rang des préoccupations, comme le fait Socrate, alors d’un point de vue pratique le pire des maux consiste à commettre l’injustice – ce qui revient exactement à rendre son âme mauvaise ; dans une telle situation cependant, l’on se retrouve face à une alternative facilement tranchée : entre un mal certain (commettre l’injustice) et un événement dont on ne sait pas au juste s’il s’agit d’un mal ou d’un bien, il convient, très rationnellement, de choisir le second.

Raison pour laquelle, explique Socrate, un héros comme Achille est admirable : bien que marchant à une mort certaine, il ne la préfère pas moins au déshonneur et à l’injustice.

De même, aux nombreuses personnes qui se demandent « ce qu’elles feraient », mises en position de choisir entre trahir leurs amis (ou même leur famille) et une mort immédiate, Socrate apporte une solution catégorique : il convient toujours de choisir la mort. L’attitude de Socrate tient donc de la provocation.

Son mépris affiché de la mort, au nom d’une justice qu’il incarnerait et qui se situerait au-dessus de la loi, justice qui lui impose par ailleurs de persister, quoi qu’il arrive, dans son « enquête au service du Dieu » et qui lui permet une attitude ferme face à l’éventualité de la peine capitale, constituent autant de défis à l’autorité du tribunal. Socrate voudrait pousser ses juges à le condamner à mort, qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Socrate voulait-il mourir ? Voulait-il depuis le début que la Cité d’Athènes le condamne à mort ? Il l’avoue lui-même, dans les dernières lignes du dialogue (41d) : « il est clair pour moi que mourir dès à présent, et être délivré des soucis de la vie, était ce qui me convenait le mieux » et aussi : « Le jugement que vous venez de prononcer, Athéniens, m’a peu ému, et par bien des raisons ; d’ailleurs je m’attendais à ce qui est arrivé » (35e-36a).

Socrate non seulement savait que son procès était une cause perdue, mais encore il souhaitait une condamnation à mort.

La première plaidoirie est bien une tentative de se disculper, mais avec, comme principale contrainte, l’idée qu’il sera malgré tous ses efforts reconnus coupable… et Socrate saute sur cette occasion ; mais pourquoi ? Pourquoi ce comportement en apparence contraire à son intérêt le plus immédiat ? Parce que, ici comme toujours, Socrate ne véhicule pas son principal enseignement par la parole, mais plutôt par les actes. Lorsque Socrate entre dans le prétoire, la Cité d’Athènes a deux solutions : ou bien elle acquitte Socrate, et ainsi montre que, elle aussi, place la justice au-dessus de la loi, y compris de sa propre loi ; ou bien elle condamne Socrate et ainsi commet l’injustice – mais dans ce.... »

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