Samory Touré

« Samory Touré Le personnage de Samory Touré a frappé l'imagination en raison de la résistance longue de dix-sept ans qu'il aofferte à la conquête française et c'est dans cette perspective qu'il a été valorisé par les jeunes nationalismesafricains.

La résistance aux Européens n'était pourtant pas son but initial et son importance au regard de l'Afriquetraditionnelle est celle d'un constructeur d'empire et d'un ouvreur de routes commerciales dans un pays jusque-làpolitiquement morcelé. Ce pays est le domaine des Malinké du Sud, du Haut Niger au Sassandra (Guinée et Côte-d'Ivoire), isolé de la merpar la forêt, mais produisant depuis des siècles le kola, cet excitant dont les Soudanais ne peuvent se passer.

Lecommerce, comme la diffusion des produits européens, et particulièrement des armes à feu, était le domaine desJula, un groupe spécialisé, se distinguant de la culture globale des Malinké par quelques traits dont l'Islam est le plusremarquable.

Le développement du trafic et la croissance en nombre des Jula qui en résulta les incitèrent, enconjonction avec l'influence des guerres saintes des Peuls, dans le Nord, à s'écarter, au début du XIXe siècle, deleur rôle de commerçants. A partir de 1835, des conquérants Jula essaient de soumettre la société Malinké animiste, qui connaît une crisegrave.

Elle est vouée à succomber si elle ne se réforme pas profondément en renonçant à son morcellement.

C'estce qu'elle va faire en se ralliant à un enfant du pays, trop attaché à ses parents animistes pour vouloir les détruire,et cependant assez ouvert sur le monde extérieur pour transformer l'ancienne société et affronter les agressionsqu'elle subit. En dehors de son génie personnel, cette conjoncture explique le triomphe de Samory.

Né vers 1830, àManyambaladugu, dans le Bas Konyan, d'une famille jula revenue à l'animisme, Samory montre très jeune uncaractère énergique, impatient du joug familial.

Pour y échapper, il revient, peu après 1850, au commerce de sesancêtres, et, par voie de conséquence, à l'Islam.

Il ne prospère pourtant pas, si bien que, vers 1855, quand sa mèreest capturée par l'armée des Sisé, il va s'engager dans les rangs de ceux-ci afin de la racheter. Après avoir découvert sa vocation guerrière, il se fâche vers 1859 avec le nouveau faama (roi) de Madina, SeréBrèma Sisé, s'enfuit et rentre au pays natal où il combat sous les ordres des Bèrète.

Mais il rompt bientôt avec euxet doit se cacher pendant plusieurs mois pour échapper à leur poursuite, dans les montagnes du Gbè (1861). Les Malinké du Konyan sont alors pris en tenaille entre les Bèrète et la puissance grandissante des Sisé qui visent àdominer tout le Konyan et à contrôler les routes du kola remontant vers Kankan par la vallée du Milo.

Ils paraissentperdus quand le fuyard Samory vient offrir à ses oncles Kamara de mettre ses talents militaires à leur disposition.

Ils'installe alors à Sanankoro, qu'il fortifie, sur les bords du Milo.

Bientôt chef d'une petite bande d'aventuriersdévoués à sa personne, il obtient, après avoir écrasé quelques opposants, le droit de mobiliser les classes d'âge desjeunes animistes : il est devenu le Keletigi, le chef de guerre des Kamara.

Cela ne fait pas encore une grande arméemais l'habileté politique supplée à sa faiblesse. En 1869, il prend le titre de faama, qui marque sa prétention à la souveraineté et il organise une armée puissantefondée sur l'usage systématique des chevaux et des fusils.

A partir de 1871, il part à la conquête des pays du Nordet surtout des riches terres à riz de la Haute Vallée du Niger.

Cette période se termine en 1881 par la prise deKankan, la capitulation des Sisé et le ralliement du royaume d'Odienné (Côte-d'Ivoire). A ce moment, Samory reste seul en scène à la tête d'un véritable empire.

Il lui donne une organisation territoriale enle répartissant entre quelques grandes armées et son caractère devient de plus en plus musulman.

En 1884, Samoryprend le titre d'almumi emprunté aux Peuls du Fouta-Djalon et, en 1886, il imposera la conversion à l'Islam, ce quidétachera de lui beaucoup de ses sujets. Samory est pourtant un empiriste, non un mystique, mais il voit dans l'Islam le liant nécessaire au vaste domainequ'il a conquis, au moment où il se trouve confronté à un danger redoutable qu'il n'avait pas prévu. En février 1882, alors qu'il vient de prendre Kenyeran, il a été soudain attaqué par la petite colonne de Borgnis-Desbordes, qu'il a contraint à une retraite précipitée, mais qui lui a fait mesurer la puissance redoutable des armesdes Blancs.

Ceux-ci occupent Bamako en février 1883, fermant la route du Nord à l'Empire samorien en pleineexpansion.

Les Français visent cependant l'axe du Niger, vers l'est, ce qui donne à Samory l'espoir de retarder laconfrontation.

Malgré toute sa prudence, le commandant Combes l'expulse du Buré en février 1885 mais, durant lesmois qui suivent, Samory, qui est au sommet de son génie militaire, met les Français en difficulté et paraît menacerle Haut-Sénégal. Il a cependant subi des pertes effroyables et il est menacé dans l'Est par le puissant royaume de Sikasso, dont lesouverain, Cèba, va bientôt négocier avec les Blancs ; il conclut avec eux les traités de Kènyeba-Kura (28 mars1886) puis de Bisandugu (25 mars 1887), pensant acheter ainsi leur neutralité sinon leur bienveillance. En avril 1887, il part alors avec toutes ses forces à l'assaut de Sikasso, mais il devra renoncer, après un siège deseize mois, en raison de la révolte, attisée par les Français, qui secoue tout son Empire.

De la fin de 1888 àdécembre 1890, Samory écrase peu à peu la Grande Révolte et reconquiert son ancien domaine, mais celui-ci est. »