Philippe Pinel
Publié le 16/05/2020
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Philippe Pinel
Philippe Pinel, illustre aliéniste français, contemporain de la Révolution, a introduit, pour ainsi dire, dans la pratique psychiatriquel'esprit de la Révolution française : il a été le libérateur des aliénés, il a fait tomber leurs chaînes ; il a essayé de les traiter comme lesautres malades, sur un pied d'égalité, et avec une âme fraternelle.
Né à Saint-André-du-Tarn, en 1745, fils d'un médecin de campagne, Pinel, reçu docteur en médecine à la Faculté de Toulouse (1773),alla compléter ses études à Montpellier, puis à Paris où, pour vivre, il donna, pendant quelque temps, des leçons de mathématiques.
Iltraduisit, vers la même époque, le Traité de Médecine pratique de l'Anglais Cullen.
Ce qui frappe, en effet, lorsqu'on étudie l'Oeuvre dePinel, c'est, en même temps que sa culture générale, son esprit scientifique et pratique.
Il déplore l'abus des doctrines, des "opinionssuccessives versatiles", et notamment les excès de l'"humorisme", avec ses rêveries sur "la bile, la pituite, le sang et l'atrabile" ; ilveut appliquer à la médecine une méthode "analogue à celle des autres sciences physiques".
Il réclame "une exactitude sévère dansles descriptions, de la justesse et de l'uniformité dans les dénominations, une sage réserve pour s'élever à des vues générales sansdonner de la réalité à des termes abstraits".
Soucieux de régler "la distribution des maladies sur la structure anatomique des parties", ilest un précurseur de Bichat, un des fondateurs de la méthode anatomo-clinique.
En 1793, il devient médecin de Bicêtre.
C'est alors que se manifeste un autre côté de sa nature, si attachante et si hardiment novatrice: le libéralisme humanitaire.
Le traitement réservé aux aliénés, tel qu'on le concevait à cette époque, pouvait se résumer en deux mots: contrainte et violence (incarcération en milieu obscur et insalubre, coups, brimades, chaînes de fer).
Pinel entreprend de substituer àcette méthode absurde et barbare celle de la douceur et de la bienveillance, avec "fermeté toujours tempérée par la patience".
Ilproclame, en termes admirables, que les aliénés, "loin d'être des coupables qu'il faut punir, sont des malades dont l'état pénible méritetous les égards dus à l'humanité souffrante".
Il alla trouver Couthon lui-même pour lui demander l'autorisation de "détacher" les aliénés de Bicêtre.
Le sombre paralytique luirépondit : "Malheur à toi, si tu nous trompes et si, parmi tes fous, tu caches des ennemis du peuple !" Couthon se fit transporter àBicêtre ; mais, mal impressionné par les cris et les outrages des aliénés, il dit à Pinel : "Ah ! çà, citoyen, est-ce que tu es fou toi-mêmepour vouloir déchaîner de pareils animaux ?" Pinel lui fit la seule objection capable de fléchir cette âme farouche : "J'ai la convictionqu'ils sont intraitables parce qu'on les prive de liberté." Couthon acquiesça, mais avec scepticisme.
On détacha d'abord un anciensoldat anglais, qui avait tué son gardien : amené "en face du soleil", il s'écria : "Oh ! que c'est bon !" puis il se tint coi.
Un autre, unhomme de lettres, qui ne cessait de vociférer, se mit "à courir jusqu'à épuisement" ; il se calma, lui aussi, presque aussitôt et fut remisen liberté (il devait être guillotiné en thermidor).
Un troisième, un soldat français, nommé Chevigné, dont la musculature athlétiquesemblait rendre l'agitation particulièrement dangereuse, fut détaché après avertissement solennel : "Si tu restes calme, lui dit Pinel, jete garderai à mon service.
Donne-moi la main !" Il s'apaisa sur-le-champ et devait faire preuve d'une reconnaissance éperdue enversson bienfaiteur.
Quelque temps plus tard, Pinel ayant été attaqué dans la rue par une bande de sans-culottes qui criaient : "A lalanterne !" (car Pinel passait pour héberger des prêtres et des émigrés ; et il avait effectivement donné asile à Condorcet), Chevignésurvint à point nommé pour défendre son libérateur et, par son ascendant physique, intimider les énergumènes.
Médecin de la Salpêtrière, en 1795, Pinel libère, à leur tour, les femmes aliénées.
Il caractérise en ces termes les résultats obtenus :"Les mêmes aliénés qui, réduits aux chaînes pendant une longue suite d'années, étaient restés dans un état constant de fureur, sepromenaient ensuite tranquillement avec un simple gilet de force et s'entretenaient avec tout le monde, alors qu'auparavant on nepouvait en approcher sans les plus grands dangers."
Pinel médecin de médecine générale autant qu'aliéniste fut nommé successivement professeur de physique médicale à la Faculté demédecine, puis professeur de pathologie interne, enfin membre de l'Institut.
Signalons, parmi ses Oeuvres principales : la Nosographie philosophique, Paris, 1798 ; il y développe sa conception générale de lamédecine traitée "comme les autres sciences physiques" ; deux autres ouvrages témoignent de sa connaissance, déjà presqueparfaite, de la psychose intermittente, avant les travaux décisifs de Falret et Observations sur une espèce particulière de mélancoliequi conduit au suicide (1792) et Mémoire sur la manie périodique ou intermittente (1802).
Enfin, dans son livre intitulé : Recherches etobservations sur le traitement des aliénés, il expose sa "révolution" dans l'art de traiter les aliénés, non par "la haine et la peur", maispar un "amour de l'humanité" assez grand pour inspirer "le courage de vaincre la routine et la peur".
A son avis, le traitement desaliénés, "qui sont des hommes", doit être "moral" et faire appel, avant tout, à la raison, à la sensibilité, à la persuasion.
En 1822 Pinel, républicain authentique (bien qu'opposé aux excès révolutionnaires), fut atteint par la suppression de la Faculté : iln'était pas tenu pour un "bon esprit" par le gouvernement de la Restauration.
Il ne protesta pas et se contenta de poser cette question: "Du moins, l'enseignement est-il assuré ?" Et il refusa sa retraite, au profit d'un autre professeur, moins fortuné que lui.
Les cours de Pinel étaient suivis par un public nombreux et enthousiaste.
Il parlait cependant avec difficulté : "Il détachait ses phrasespar efforts saccadés", écrit un contemporain ; mais la justesse, la profondeur, la générosité de son esprit et de son cOeur avaientconquis tous ses élèves.
Dupuytren, plus jeune de quelque vingt ans, nous a laissé de lui ce portrait : "Sa taille était petite, sa constitution forte.
Saphysionomie douce, vive, spirituelle, et fortement empreinte des rides de l'âge, offrait quelque chose d'antique et, en le voyant, on eûtimaginé voir un sage de la Grèce.".
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