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Peut-on ne pas craindre la mort ?

Publié le 21/04/2024

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« Peut-on ne pas craindre la mort ? On partira de l’analyse d’un tableau : la mort de Sénèque (Luca Giordano, 1684) . Le stoïcien attend la mort sans peur parce qu’il a vaincu ses passions ; loin de faire de l’attente un moment d’angoisse devant l’inconnu, il en fait l’objet d’un enseignement, et par son attitude impassible prend valeur de modèle: mourir est un acte public où les disciples du philosophe peuvent juger par ce dernier instant de la valeur d’une vie. Faut-il surmonter la mort, ou bien, avec Montaigne, s’efforcer de se familiariser avec elle ? Aborder la mort sans peur exige une attitude qui rationalise le rapport à notre disparition, de deux manières différentes : 1° soit la mort sera représentée comme un passage où l’individualité se dissipe sans que le véritable principe vital soit détruit (voir Schopenhauer plus loin).

2° soit la mort implique l’anéantissement complet de la personne, ce qui fera qu’elle « n’est rien pour nous », et qu’il s’agit de se libérer de la peur qu’elle inspire, comme l’affirment les épicuriens. Reste que la peur de la mort peut aussi jouer un rôle positif dans la société : elle nous incite à rechercher la paix et à établir les conditions d’une coexistence durable par-delà l’état naturel de guerre de tous contre tous, selon Hobbes.

Elle est à l’origine de la pensée du temps et de ce calcul d’intérêt qui nous fait préférer le contrat social au désir de domination. 1/ La religion, réaction de défense ? La crainte de la mort est une réaction profondément humanisante : elle ouvre la perspective de la religion.

Récits et croyances apparemment irrationnels apparaissent comme des défenses spontanées devant le développement de l’intelligence et les inadaptations qu’il entraîne:l’égoïsme d’abord, mais aussi la conscience de la mort et l’incertitude de nos actions réfléchies sont les obstacles que l’élan vital rencontre et à quoi il opposera l’image d’une continuation de la vie après la mort.

La religion serait-elle toute entière bâtie sur des images ? Le terme de religion désigne chez Bergson : 1°une institution sociale qui tend à la conservation du groupe ; il l’appelle religion « statique » du fait qu’elle n’est susceptible d’aucune créativité au niveau moral 2°d’autre part il nomme religion « dynamique » celle qui, englobant les saints et les réformateurs, pousse l’humanité à évoluer. Deux constats s’imposent : d’abord que la religion est indispensable à la vie sociale, en offrant une assurance contre la désorganisation sociale induite par la représentation de l’inévitabilité de la mort ; en outre, qu’elle est irrationnelle, invitant dans ses manifestations primitives aux superstitions et aux crimes.

En affirmant que la religion est une réaction contre l’aspect dissolvant de l’intelligence, Bergson lui assigne une fonction dans l’évolution de l’humanité : fonction de fabulation, de création de récits pour conférer un sens à la mort.

Conscients de leur finitude, les hommes n’entreprendraient rien si ces mythes élaborés par la religion ne les protégeaient de tout repli individualiste et du désespoir. 2/L’éternel retour et l’affirmation de la vie chez Nietzsche : (Voir le texte du manuel, p.410) La vie dans l’horizon de la mort est une vie appauvrie, qui cherche à être rachetée, dans la mesure où la fin semble lui ôter toute valeur : à quoi bon agir, si rien n’est éternel ? La mort ne peut que relativiser nos projets, à moins de permettre l’accession à une vie éternelle, promesse d’un autre monde.

Ce dualisme, Nietzsche le rejette car il aboutit à la haine de l’existence terrestre. L’hypothèse d’un éternel retour, par lequel tout ce que nous faisons est amené à se répéter indéfiniment, offre une conception renouvelée de l’existence, où la mort n’a plus qu’un rôle secondaire… Cette hypothèse se donne ainsi comme : a Une pensée sélective.

Si la philosophie, comme le pensait Socrate, doit nous « apprendre à mourir » - au sens où elle vise à nous détacher du corps pour nous tourner vers les réalités intelligibles - cette attitude ne traduit-elle pas un dégoût du monde et de la vie ? N’est-elle pas le symptôme d’une décadence ? b La pensée de l’éternel retour vise à mettre à l’épreuve les individus qui seront capables de dépasser le sentiment de la finitude et l’obsession de l’avenir, en « voulant » le passé ; l’instant change alors totalement de signification : au lieu d’être saisi comme unique et donc finalement insignifiant, il devient l’équivalent d’une création, de quelque chose qui aura fatalement une éternelle postérité, puisque tout reviendra, à l’identique.

Mais qui sera assez fort pour vouloir réellement ce qu’il veut ? Nietzsche rappelle combien la volonté est faible, pour l’homme ordinaire : en effet, notre rapport au temps nous fait vouloir « une fois », nous fait vouloir occasionnellement, car pour celui qui espère que l’avenir lui apportera du nouveau (et non la répétition.... »

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