Paul Valéry
Publié le 09/12/2021
                            
                        
Extrait du document
Paul Valéry est né à Sète le 30 octobre 1871. Il cessa d'écrire, du moins de publier, pendant plus de vingt ans, entre 1895 et 1917. Son œuvre comprend essentiellement deux ou trois minces recueils vers, quelques essais et dialogues philosophiques et un assez grand nombre de préfaces qu'il réunissait périodiquement sous le titre modeste de Variété. Il mourut à Paris le 19 juillet 1945. Il ne convient guère d'en dire, peut-être d'en savoir, plus long sur les événements de sa vie. D'abord, parce qu'il méprisait les événements, c'est-à-dire tout ce qui arrive et qui pourrait n'arriver pas. “ Ils m'importunent ”, disait-il. A la fin de sa vie, il ajoutait : “ Ils m'écrasent ”, mais sans leur accorder plus de prix. Le fortuit lui répugnait au suprême degré : vain désordre d'énigmes pitoyables. Il n'estimait que la nécessité : une cohérence irréfutable de rapports limités. En second lieu, cet auteur admettait mal qu'on s'intéressât, plutôt qu'a l'œuvre, à la vie d'un écrivain, à la somme de circonstances et d'expériences, communes et presque inévitables, qui font que l'existence d'un grand poète ne diffère pas sensiblement de celle du premier venu : mêmes passions et mêmes soucis ; mêmes besoins et mêmes faiblesses. Mais celui-ci ne laisse rien et l'autre un ouvrage dont les siècles s'étonnent. Paul Valéry nourrit de la persévérance d'une vie entière l'ambition de développer à l'extrême les pouvoirs de la pensée. Ses dédains, qui furent exceptionnellement nombreux, tendaient tous à dégager l'intelligence de ce qui d'ordinaire la trouble, l'obscurcit ou en borne l'exercice chez des êtres dont il lui arrivait de juger malencontreuses les prétentions spirituelles. Toutefois, il soutint celles-ci comme personne avant lui : avec une constance et une témérité qui tenaient également du prodige. Au seul de ses poèmes qui devait devenir relativement populaire, il donna pour épigraphe les vers d'un poète grec exhortant son âme à désirer, plutôt qu'une vie immortelle, l'heureux succès d'une entreprise réalisable. Nul plus que lui n'eut le sentiment de l'irrémédiable insignifiance de l'excessif, de la redoutable insuffisance de l'illimité.
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                                                                                                                            Paul Valéry
Paul Valéry est né à Sète le 30 octobre 1871.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il cessa d'écrire, du moins de publier, pendant plus de vingt ans, entre 1895 et 1917.
                                                            
                                                                                
                                                                    Sonœuvre comprend  essentiellement  deux ou trois  minces  recueils  vers, quelques  essais et dialogues  philosophiques  et un  assez grandnombre de préfaces qu'il réunissait périodiquement sous le titre modeste de Variété.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il mourut à Paris le 19 juillet 1945.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il ne convientguère d'en dire, peut-être d'en savoir, plus long sur les événements de sa vie.
                                                            
                                                                                
                                                                    D'abord, parce qu'il méprisait les événements, c'est-à-diretout ce qui arrive et qui pourrait n'arriver pas.
                                                            
                                                                                
                                                                    “ Ils m'importunent ”, disait-il.
                                                            
                                                                                
                                                                    A la fin de sa vie, il ajoutait : “ Ils m'écrasent ”, mais sansleur accorder plus de prix.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le fortuit lui répugnait au suprême degré : vain désordre d'énigmes pitoyables.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il n'estimait que la nécessité :une cohérence irréfutable de rapports limités.
                                                            
                                                                                
                                                                    En second lieu, cet auteur admettait mal qu'on s'intéressât, plutôt qu'a l'œuvre, à la vie d'unécrivain, à la somme de circonstances et d'expériences, communes et presque inévitables, qui font que l'existence d'un grand poète nediffère pas sensiblement de celle du premier venu : mêmes passions et mêmes soucis ; mêmes besoins et mêmes faiblesses.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais celui-ci ne laisse rien et l'autre un ouvrage dont les siècles s'étonnent.
Paul Valéry nourrit de la persévérance d'une vie entière l'ambition de développer à l'extrême les pouvoirs de la pensée.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ses dédains, quifurent  exceptionnellement  nombreux, tendaient tous à dégager  l'intelligence  de ce qui  d'ordinaire  la trouble,  l'obscurcit  ou en bornel'exercice  chez des êtres  dont il lui  arrivait  de juger  malencontreuses  les prétentions  spirituelles.
                                                            
                                                                                
                                                                    Toutefois,  il soutint  celles-ci  commepersonne avant lui : avec une constance et une témérité qui tenaient également du prodige.
Au seul de ses poèmes qui devait devenir relativement populaire, il donna pour épigraphe les vers d'un poète grec exhortant son âme àdésirer, plutôt  qu'une vie immortelle, l'heureux succès d'une entreprise réalisable.
                                                            
                                                                                
                                                                     Nul plus que lui n'eut  le sentiment de  l'irrémédiableinsignifiance de l'excessif, de la redoutable insuffisance de l'illimité.
Pour ce penseur, qui n'acceptait d'occuper ses regards que de quelques subtils enchaînements d'idées, le monde entier perdait sa soliditéet sa  raison  d'être.
                                                            
                                                                                
                                                                     Une diversité  précaire se retrouvait abolie  par sa propre  abondance.
                                                            
                                                                                
                                                                     L'œuvre d'art, achevée, complète,  parfaite,devenait le modèle de toute œuvre, sans excepter de celles-ci l'univers même.
                                                            
                                                                                
                                                                    Cet univers, le poète l'eût tenu pour irréprochable peut-être, s'il n'avait contenu en soi ce poète qu'il était, dont l'esprit en éveil mettait avec un germe d'inquiétude un défaut essentiel dans unevaste transparence.
                                                            
                                                                                
                                                                    Paul Valéry connut ainsi sa pensée comme une manière de vice secret, qui se distinguait au sein d'une pureté peudifférente du néant.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il  mit sa gloire, sa force, sa jouissance à  bien assumer cette condition singulière.
                                                            
                                                                                
                                                                    Sa pensée seule  le retint, et lesdémarches où il l'employait et qui n'eurent bientôt qu'elles-mêmes pour objet et pour fin.
Il faut prendre à la lettre l'aveu qu'il fit d'écrire par faiblesse.
                                                            
                                                                                
                                                                    Chaque fois pourtant qu'il descendit des hauteurs muettes où il se tenaitd'ordinaire, et qu'il choisit d'être faible de cette façon surprenante, ce fut en laissant transparaître combien il en revenait plus fort que lesautres, qui n'y avaient point accès.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais il était écrivain, quoi qu'il en eût, et, des artistes de ce temps, le plus décidé sans doute à toutrapporter à l'art, c'est-à-dire à une certaine manière d'exécuter quelque chose d'inutile et de satisfaisant, où, si l'on insiste, la cause, leprétexte, la destination n'importent  pas.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il ne s'agit que d'appeler  à l'existence un vain objet  qui vaut seulement  par l'habileté dont ilporte témoignage.
                                                            
                                                                                
                                                                     De là, l'indifférence  professa pour les  sujets qu'il lui arrivait  de traiter  et qu'il  prétendait,  non sans coquetterie, nerecevoir que du hasard, qu'il abhorrait d'autre part.
Il s'estimait d'autant plus libre qu'il se consentait plus contraint.
                                                            
                                                                                
                                                                    Chaque gêne qu'il se voyait imposer, il l'accueillait avec joie, sinon avecquelque  sentiment  de délivrance,  car il jugeait  réduite  d'autant l'intervention  de sa fantaisie.
                                                            
                                                                        
                                                                     Il se persuadait  alors qu'il accroissait, àsurmonter cet obstacle, et son propre mérite et la beauté de son ouvrage.
Ne tenant pour estimables que l'ordre et certaine splendeur nue que sa perfection défend de l'injure, Paul Valéry écarta de lui, de principeet d'instinct, une broussaille capable de trop envahir et dont le foisonnement vivace lui paraissait impropre à trouver jamais forme ni loi.Cet acharnement à  congédier le sentir et le vouloir,  dans la  mesure où ils retiennent l'homme  dans l'humaine condition,  permit à cetesprit de concevoir  et de  produire  des œuvres  qui ont  peu  d'égales  dans l'histoire  des Lettres.
                                                            
                                                                                
                                                                     La lucidité  dont elles témoignent estéclatante,  leur perfection  ne l'est  pas moins.
                                                            
                                                                                
                                                                     Elles parlent  de toute  chose  avec une souveraine  autorité, qui vient  de l'extrêmedétachement  de l'auteur.
                                                            
                                                                                
                                                                    Celui-ci  semble appartenir  à un  autre monde  et tout  percer  d'un coup  en celui-ci.
                                                            
                                                                                
                                                                     Le sujet dont il  s'empares'éclaircit comme de soi-même.
                                                            
                                                                                
                                                                    L'analyse qu'il propose, en même temps qu'elle émerveille par sa justesse, appelle encore l'admirationpar la qualité du discours où elle s'exprime, et qui fait qu'on n'y peut rien changer.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il y a quelque chose de déconcertant dans une pareillesûreté.
                                                            
                                                                                
                                                                    On soupçonne  presque celui qui s'en  montre  capable,  de disposer,  pour l'examen  de l'intrigue  mentale, d'organes  d'unedélicatesse infinie qui lui permettent d'en apercevoir la syntaxe intime, comme il est pour la matière des instruments qui en révèlent auphysicien la structure la plus fine.
                                                            
                                                                                
                                                                    Les ouvrages de Paul Valéry étonnent ainsi par une précision dont le secret semble refusé aux autres.Ils surprennent encore par les ambitions qu'ils trahissent et qui sont parfois si extraordinaires, qu'il ne fallut pas moins de génie pour lesimaginer que de talent pour les poursuivre et pour les satisfaire.
Il ne se trouva pas d'accord avec ses contemporains.
                                                            
                                                                                
                                                                    Leurs goûts, leurs préjugés, les idées qu'ils acceptaient sans discussion et sans s'enrendre compte, presque rien de ce bagage difficilement évitable ne l'encombre.
                                                            
                                                                                
                                                                    Durant sa vie entière, la plupart de ceux qui, comme lui,faisaient métier de  penser et de communiquer leurs  réflexions, prisèrent au  plus haut juste  ce que d'abord  il détestait  : l'ineffable etl'obscur,  le mystérieux  et l'insolite,  l'arbitraire  et l'incohérent,  l'informe, l'absurde,  tout prestige  à la  fois  étrange et  sommaire où laconscience  n'a pas  de part,  qui ne doit  rien à la  méditation  et qui  stupéfie  l'esprit au lieu  d'en  éprouver  les pouvoirs.
                                                            
                                                                                
                                                                     Il décrial'enthousiasme dans un temps où il n'y avait pas de poète qui ne découvrît dans l'enthousiasme la source même de la poésie.
                                                            
                                                                                
                                                                    La fureurétait à la  mode sous mille noms hypocrites  ou cyniques, parmi lesquels certains étaient  assez insidieux, comme sincérité, authenticité,spontanéité et d'autres, sans oublier le principal : inspiration.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il ne se laissa séduire par aucun.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il resta le partisan têtu du sang froid, dela discrétion, de la méthode.
                                                            
                                                                                
                                                                    Cette fermeté n'est pas sans mérite.
Il est peu d'exemples d'un propos tenu avec tant de constance et, qui plus est, à contre-courant du siècle.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il doit être plus rare encorequ'un auteur ait pu mettre d'aussi beaux dons au service d'une ambition si noble et, pour ainsi dire, si escarpée.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il faut enfin se réjouirqu'une réussite exceptionnelle soit ici venue récompenser des qualités, des efforts et aussi des services exceptionnels.
                                                            
                                                                                
                                                                    C'est justice.
                                                            
                                                                                
                                                                    Leschefs-d'œuvre que Paul Valéry laisse à la postérité s'apparentent aux plus grands par leur excellence.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ils s'en distinguent par une beautéentièrement nette, visiblement  calculée, qui contraste avec  une certaine naïveté  ou fraîcheur dont les autres, il  faut l'avouer, reçoiventcomme la grâce suprême  qui donne à leur éclat un  air de miracle.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais cet  esprit se méfiait de la grâce et dédaignait  les miracles.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ilaspirait seulement  à aiguiser  les vertus  de l'intellect.
                                                            
                                                                                
                                                                     C'est ainsi qu'il recueillit  exactement la gloire  qu'il désira  et qu'il  mérite.
                                                            
                                                                                
                                                                     Cetteexactitude ultime comble encore  ses vœux, car il eût cru usurper et  se fût estimé fautif, obtenant un résultat qui  débordât le moins dumonde celui qu'il attendait.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ainsi l'exigeait l'idée sourcilleuse qu'il s'était formée de la perfection..
                                                                                                                    »
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- "Prendre dans un monde, et plonger tout à coup dans un autre, quelque être bien choisi, qui ressente fortement tout l’absurde qui nous est imperceptible, l’étrangeté des coutumes, la bizarrerie des lois, la particularité des mœurs, des sentiments, des croyances dont s’accommodent tous ces hommes parmi lesquels le dieu tout-puissant qui tient la plume l’envoie brusquement vivre et ne cesse de s’étonner, - voilà le moyen littéraire" En quoi cette citation de Paul Valéry est-elle représen
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