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MONTAIGNE Essais, I, XXIII De la coutume et de ne changer aisément une loy receüe (extrait)

Publié le 02/12/2021

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Ci-dessous un extrait traitant le sujet : MONTAIGNE Essais, I, XXIII De la coutume et de ne changer aisément une loy receüe (extrait). Ce document contient 1303 mots soit pages. Pour le télécharger en entier, envoyez-nous un de vos documents grâce à notre système gratuit d’échange de ressources numériques. Cette aide totalement rédigée en format PDF sera utile aux lycéens ou étudiants ayant un devoir à réaliser ou une leçon à approfondir en: Echange.


[...] La raison humaine est une teinture infuse environ de pareil pois à toutes nos opinions et moeurs, de quelque forme qu'elles soient : infinie en matiere, infinie en diversité. Je m'en retourne. Il est des peuples, où sauf sa femme et ses enfans aucun ne parle au Roy que par sarbatane. En une mesme nation et les vierges montrent à descouvert leurs parties honteuses, et les mariees les couvrent et cachent soigneusement. A quoy cette autre coustume qui est ailleurs a quelque relation : la chasteté n'y est en prix que pour le service du mariage : car les filles se peuvent abandonner à leur poste, et engroissees se faire avorter par medicamens propres, au veu d'un chascun. Et ailleurs si c'est un marchant qui se marie, tous les marchans conviez à la nopce, couchent avec l'espousee avant luy : et plus il y en a, plus a elle d'honneur et de recommandation de fermeté et de capacité : si un officier se marie, il en va de mesme ; de mesme si c'est un noble ; et ainsi des autres : sauf si c'est un laboureur ou quelqu'un du bas peuple : car lors c'est au Seigneur à faire : et si on ne laisse pas d'y recommander estroitement la loyauté, pendant le mariage. Il en est, où il se void des bordeaux publics de masles, voire et des mariages : où les femmes vont à la guerre quand et leurs maris, et ont rang, non au combat seulement, mais aussi au commandement. Où non seulement les bagues se portent au nez, aux levres, aux joues, et aux orteils des pieds : mais des verges d'or bien poisantes au travers des tetins et des fesses. Où en mangeant on s'essuye les doigts aux cuisses, et à la bourse des genitoires, et à la plante des pieds. Où les enfans ne sont pas heritiers, ce sont les freres et nepveux : et ailleurs les nepveux seulement : sauf en la succession du Prince. Où pour regler la communauté des biens, qui s'y observe, certains Magistrats souverains ont charge universelle de la culture des terres, et de la distribution des fruicts, selon le besoing d'un chacun. Où l'on pleure la mort des enfans, et festoye l'on celle des vieillarts. Où ils couchent en des licts dix ou douze ensemble avec leurs femmes. Où les femmes qui perdent leurs maris par mort violente, se peuvent remarier, les autres non. Où l'on estime si mal de la condition des femmes, que l'on y tuë les femelles qui y naissent, et achepte l'on des voisins, des femmes pour le besoing. Où les maris peuvent repudier sans alleguer aucune cause, les femmes non pour cause quelconque. Où les maris ont loy de les vendre, si elles sont steriles. Où ils font cuire le corps du trespassé, et puis piler, jusques à ce qu'il se forme comme en bouillie, laquelle ils meslent à leur vin, et la boivent. Où la plus desirable sepulture est d'estre mangé des chiens : ailleurs des oyseaux. Où l'on croit que les ames heureuses vivent en toute liberté, en des champs plaisans, fournis de toutes commoditez : et que ce sont elles qui font cet echo que nous oyons. Où ils combattent en l'eau, et tirent seurement de leurs arcs en nageant. Où pour signe de subjection il faut hausser les espaules, et baisser la teste : et deschausser ses souliers quand on entre au logis du Roy. Où les Eunuques qui ont les femmes religieuses en garde, ont encore le nez et levres à dire, pour ne pouvoir estre aymez : et les prestres se crevent les yeux pour accointer les demons, et prendre les oracles. Où chacun faict un Dieu de ce qu'il luy plaist, le chasseur d'un Lyon où d'un Renard, le pescheur de certain poisson : et des Idoles de chaque action ou passion humaine : le soleil, la lune, et la terre, sont les dieux principaux : la forme de jurer, c'est toucher la terre regardant le soleil : et y mange l'on la chair et le poisson crud. Où le grand serment, c'est jurer le nom de quelque homme trespassé, qui a esté en bonne reputation au païs, touchant de la main sa tumbe. Où les estrenes que le Roy envoye aux Princes ses vassaux, tous les ans, c'est du feu, lequel apporté, tout le vieil feu est esteint : et de ce nouveau sont tenus les peuples voisins venir puiser chacun pour soy, sur peine de crime de leze majesté. Où, quand le Roy pour s'adonner du tout à la devotion, se retire de sa charge (ce qui avient souvent), son premier successeur est obligé d'en faire autant : et passe le droict du Royaume au troisiéme successeur. Où l'on diversifie la forme de la police, selon que les affaires semblent le requerir : on depose le Roy quand il semble bon : et luy substitue l'on des anciens à prendre le gouvernail de l'estat : et le laisse l'on par fois aussi és mains de la commune. Où hommes et femmes sont circoncis, et pareillement baptisés. Où le soldat, qui en un ou divers combats, est arrivé a presenter à son Roy sept testes d'ennemis, est faict noble. Où l'on vit soubs cette opinion si rare et insociable de la mortalité des ames. Où les femmes s'accouchent sans pleincte et sans effroy. Où les femmes en l'une et l'autre jambe portent des greves de cuivre : et si un pouil les mord, sont tenues par devoir de magnanimité de le remordre : et n'osent espouser, qu'elles n'ayent offert à leur Roy, s'il le veut, leur pucellage. Où l'on saluë mettant le doigt à terre : et puis le haussant vers le ciel. Où les hommes portent les charges sur la teste, les femmes sur les espaules : elles pissent debout, les hommes, accroupis. Où ils envoient de leur sang en signe d'amitié, et encensent comme les Dieux, les hommes qu'ils veulent honnorer. Où non seulement jusques au quatriesme degré, mais en aucun plus esloigné, la parenté n'est soufferte aux mariages. Où les enfans sont quatre ans à nourrisse, et souvent douze : et là mesme il est estimé mortel de donner à l'enfant à tetter tout le premier jour. Où les peres ont charge du chastiment des masles, et les meres, à part, des femelles : et est le chastiment de les fumer pendus par les pieds. Où on faict circoncire les femmes. Où l'on mange toute sorte d'herbes sans autre discretion que de refuser celles qui leur semblent avoir mauvaise senteur. Où tout est ouvert : et les maisons pour belles et riches qu'elles soyent sans porte, sans fenestre, sans coffre qui ferme : et sont les larrons doublement punis qu'ailleurs. Où ils tuent les pouils avec les dents comme les Magots, et trouvent horrible de les voir escacher soubs les ongles. Où l'on ne couppe en toute la vie ny poil ny ongle : ailleurs où l'on ne couppe que les ongles de la droicte, celles de la gauche se nourrissent par gentillesse. Où ils nourrissent tout le poil du costé droict, tant qu'il peut croistre : et tiennent raz le poil de l'autre costé. Et en voisines provinces, celle icy nourrit le poil de devant, celle là le poil de derriere : et rasent l'oposite. Où les peres prestent leurs enfans, les maris leurs femmes, à jouyr aux hostes, en payant. Où on peut honnestement faire des enfans à sa mere, les peres se mesler à leurs filles, et à leurs fils. Où aux assemblees des festins ils s'entreprestent sans distinction de parenté les enfans les uns aux autres. [...]

  Les loix de la conscience, que nous disons naistre de nature, naissent de la coustume : chacun ayant en veneration interne les opinions et moeurs approuvees et receuës autour de luy, ne s'en peut desprendre sans remors, ny s'y appliquer sans applaudissement. 

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