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Moliere Corps malade corps dansant

Publié le 04/03/2024

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« Parcours II : Le Malade imaginaire (1673), MOLIERE « Corps malade et corps dansant ». Séance 2- Explication de texte n° 6 : Extrait de la scène 1 de l’acte I (scène d’exposition) Objectif : mettre en lumière l’originalité de la scène d’exposition et montrer que le thème du corps apparaît dès le début de la pièce. Introduction Né en 1622 à Paris, Jean-Baptiste Poquelin passe sa jeunesse dans le milieu de la bourgeoisie qui sert de cadre à ses comédies.

Depuis son enfance, il aime assister aux farces et parades de charlatans proposées par des troupes itinérantes.

Devenu par goût auteur, acteur et directeur de troupe , J.-B. Poquelin, ayant pris le pseudonyme de Molière, s'intéresse aussi bien à la commedia dell'arte, qu'à la pastorale et à la farce traditionnelle, qu'il étudie lors d'une longue tournée en province avec sa troupe "L'Illustre théâtre".

Reconnu par le roi comme dramaturge de talent à partir de 1669, il devient vite le pourvoyeur des divertissements royaux et ses dernières pièces se trouvent influencées par le goût de Louis XIV pour les ballets, la musique, les spectacles distrayants.

Molière synthétise tous ces éléments dans une comédie-ballet dont la partie musicale est composée par Marc-Antoine Charpentier.

Cette pièce donne le point final à la carrière du dramaturge classique puisque, ironie du destin, Molière entame son agonie au beau milieu de la quatrième représentation du Malade imaginaire.

Représentée pour la 1e fois le 10 février 1673, cette pièce met en scène Argan, riche bourgeois qui, s'imaginant malade, s'entoure de médecins et d'apothicaires.

Peu soucieux de sa famille, il ne pressent pas que sa femme, Béline, attend sa mort pour hériter et qu'elle le pousse à enfermer sa fille Angélique au couvent au lieu de la laisser épouser Cléante. Heureusement, Béralde, le frère d’Argan, et Toinette, la servante, cherchent à aider le jeune couple d’amoureux et à ouvrir les yeux d'Argan sur les manigances de Béline et sur le jeu de dupes des médecins.

Ici, il s'agit d'expliquer la première scène de la pièce.

Nous observerons d'abord comment cette scène d'exposition noue, de manière très originale, le contact entre le spectacle et le spectateur. Puis nous montrerons dans quelle mesure le thème du corps malade envahit littéralement le texte comme la scène. 1/ Une première scène qui répond de manière très originale aux critères de la scène d'exposition et aux horizons d'attente du spectateur. > Une première scène annoncée et pourtant surprenante car sans lien avec le prologue Le passage proposé se situe à l'acte I, scène 1, c'est à dire au tout début de la pièce et forme ce qu'il est convenu d'appeler une scène d'« exposition ».

Dès lors, cette scène donne, au spectateur, les informations essentielles lui permettant de saisir le nœud de l''intrigue.

Le spectateur peut déjà être surpris de constater que cette scène ne suit pas immédiatement le lever de rideau puisqu'elle est précédée d'un prologue qui inscrit cette pièce dans le genre de la comédie-ballet.

En effet, ce prologue propose un lieu champêtre et un sujet différent ce que le titre de la comédie annonce : il s'agit de bergers et bergères chantant, dansant et fêtant la gloire de Louis XIV, de retour en France après sa conquête de la Hollande en 1672.

Dès lors, la scène 1 a de quoi surprendre le spectateur, même si elle est annoncée, sous la forme d'une antonomase, par le titre de la pièce, et, par la phrase suivante : "ce prologue [...] donne entrée à la comédie du Malade imaginaire, dont le projet a été fait pour délasser [le roi] de ses nobles travaux".

Ainsi, avant même que le rideau ne s'ouvre sur la scène d'exposition, le spectateur comprend que le sujet est léger et qu'il va lui donner l'occasion de rire d'un personnage nommé "Le Malade imaginaire". 1 > Un lieu (la chambre d'Argan) et un décor qui répondent à l'unité de lieu du théâtre classique toute en reflétant le caractère étriqué du personnage (la didascalie, l.

1 et 2) L'univers de la scène d'exposition tranche ainsi nettement avec le prologue à tous les niveaux.

Si la didascalie initiale annonce que toute la pièce se déroule à Paris, la première didascalie interne restreint vraiment la localisation à la "chambre" d'Argan (l.

1), chambre dans laquelle va se dérouler toute la "comédie".

Enfin, la didascalie introduit quelques éléments du décor tels qu'un fauteuil, une table, des factures de pharmaciens et de l'argent sous forme de "jetons".

Une des thématiques de la pièce est donc posée à travers ce petit nombre d'objets : la marotte ou monomanie (=idée fixe, goût obsessionnel) du personnage, à la fois pour l'argent et pour la médecine. > Un texte théâtral singulier, entre le monologue et le dialogue De plus, la scène d'exposition se révèle surprenante à un autre niveau puisqu'elle présente le personnage principal, celui qui apparaît dans le titre, seul.

Le spectateur se trouve donc confronté à un personnage monologuant sur scène.

La scène d'exposition du Malade imaginaire est donc assez originale dans sa manière de présenter le personnage principal au spectateur et indique, d'emblée, que la pièce va proposer une comédie de caractère.

Mais Molière pousse l'originalité plus loin puisqu'il introduit, à l'intérieur du monologue, des "dialogues" comme le suggère encore la didascalie initiale.

En effet, tout en se parlant à lui- même, Argan semble dialoguer avec son apothicaire, pourtant absent.

Les guillemets,dès la 1ère ligne, soulignent cette dimension dialogique avec l'emploi de l’ interpellation "Ah ! Monsieur Fleurant, c'est se moquer".

Le dramaturge fait donc d'Argan une sorte de ventriloque puisque le spectateur entend véritablement M.

Fleurant, l'apothicaire, s'exprimer par la bouche d'Argan : "Plus, du vingt-quatrième , un petit clystère insinuatif, préparatif, et rémollient, pour amollir, humecter et rafraîchir les entrailles de Monsieur" (l.

4-5).

Cette situation, tout à fait risible, permet de dénoncer d'emblée la folie d'Argan, qui joue littéralement à la fois le rôle du malade et du soignant.

En introduisant ce dialogue à l'intérieur du monologue, Molière parvient à rendre la scène particulièrement vivante et comique, et ce notamment à travers la double énonciation puisque le dialogue n'a finalement pas pour destinataire M.

Fleurant, qui est absent, mais bien, au-delà d'Argan, le spectateur. > Une scène d'exposition qui laisse le spectateur affronter la monomanie d'Argan sans ouvrir de perspective sur les enjeux de la pièce. Aussi, Molière laisse le spectateur dans le flou puisqu'il ne donne aucun élément concernant le nœud de l'intrigue, d'abord parce qu'aucun des membres de la famille d'Argan n'apparait au cours de ce monologue.

Ce silence sur les autres protagonistes, en dehors du cercle médical, en dit long de l'égoïsme du "Malade imaginaire", littéralement aveuglé par sa monomanie.

Il faudra attendre la scène 5 du premier acte pour que la question du mariage de la fille d'Argan, noeud de l'intrigue, intervienne dans la conversation.

Même le rôle du serviteur, rôle moteur dans les pièces de Molière, est repoussé à la scène 2, lorsque Toinette entre sur les ordres réitérés de son maître. Conclusion partielle : Ainsi, la scène d'exposition du Malade imaginaire surprend le spectateur à plus d'un titre.

En effet, la première scène de la comédie projette le spectateur dans un tout autre monde que celui que proposait le prologue.

Loin de la fantaisie de la pastorale, le lieu, comme le décor de la scène d'exposition trahissent un personnage étriqué et égocentrique, tourné uniquement vers lui-même.

Cet aspect se trouve encore renforcé par le texte, puisque le personnage est seul sur 2 scène et entame donc un monologue.

Enfin, même si le monologue se transforme en "dialogues" puisque l'imagination d'Argan l'amène à faire comme s'il était à la fois le malade et le soignant, force est de constater que le monde dans lequel vit le personnage principal est déconnecté de la réalité : aucun mot ne permet au spectateur d'avoir des informations sur la famille d'Argan et donc sur le nœud de l'intrigue. 2/ Une scène d'exposition qui pose les bases de la comédie de caractère en amenant le spectateur à se concentrer sur les manies d'Argan > Le portrait d'un bourgeois avare À travers cette scène, le spectateur apprend qu’Argan est, comme tout bon bourgeois qui se respecte, près de ses sous,comme l'indique le champ lexical des nombres qui apparaît dès les premières phrases du monologue.

La satire de la bourgeoisie est donc immédiate puisqu' Argan évoque sa maladie et ses médecins tout en réalisant une tâche qui exige une forme de concentration. De plus, les chiffres reviennent comme un refrain, sous la forme du rythme ternaire « Trois et deux font cinq, / et cinq font dix et dix font vingt » .

Enfin, il faut imaginer qu’Argan a devant lui une tablette constituée de cases : la case des demi-sous (six deniers), celle des sols, celle des cinq sols, celle des dix sols, celle des livres ou francs, celle des cinq livres et celle des vingt livres (1 sol vaut 12 deniers, 20 sols font 1.... »

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