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Michel Eyquem de Montaigne

Publié le 09/12/2021

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On peut faire de Montaigne quatre ou cinq portraits différents et vrais. C'est un sceptique ou même un cynique, c'est un stoïcien, c'est un catholique, c'est un humaniste... Sur quelques-uns de ses sujets préférés, il a passé du pour au contre. Il a enseigné qu'il fallait laisser les passions qui "nous esclavent à autrui". Mais il a aimé La Boétie d'une amitié si absolue que vingt-cinq ans après sa mort il lui semblait encore vivre sous ses yeux. "Lui seul, dit-il, jouissait de ma vraie image et l'emporta. C'est pourquoi je me déchiffre moi-même, si curieusement." Peu d'hommes ont à ce point donné des droits à l'autre. Il a dit qu'il était fou de s'occuper des affaires publiques, qu'elles nous font "vivre selon autrui" et "qu'il faut se prêter à autrui et ne se donner qu'à soi-même". Mais ailleurs : "J'ai pu me mêler des charges publiques sans me départir de moi de la largeur d'un ongle, et me donner à autrui sans m'ôter à moi." Il a dit que philosopher c'est penser à la mort, et que philosopher, c'est penser à la vie ­ en ajoutant qu'il ne s'arrêtait pas dans une maison pour y dormir sans penser qu'il pouvait y mourir. Il a toujours excepté de sa critique les vérités révélées, mais n'en a que plus cruellement décrit la misère de l'homme sans elles ­ et si bien séparé l'aspect visible des hommes et du monde et leur destination religieuse qu'on se demande toujours à le lire s'il anticipe l'apologétique de Pascal, ou si, diaboliquement, il ne la ruine pas par avance en mettant la religion dans l'imaginaire. Sur le sens même de ses Essais et du métier d'écrire, qu'il prend à trente-huit ans, il varie incroyablement : il écrit pour amuser ses amis après sa mort ­ il écrit pour se désennuyer, il est "moins faiseur de livres que de nulle autre besogne" ­ il écrit pour se confesser et se faire honte, pour mettre en paroles tout ce qu'il a osé faire et n'en pas garder le poids sur lui ­ il écrit pour s'obliger à une bonne conduite, puisqu'il a juré de se raconter ­ il écrit pour exercer son jugement. Dans quelques endroits, il est fait allusion à un sens plus étrange de l'acte d'écrire, à "un dessein farouche et extravagant de se peindre sur le vif", qui serait la volonté la plus propre de Montaigne : "Moi, je regarde dedans moi ; je n'ai affaire qu'à moi, je me considère sans cesse, je me contrôle, je me goûte... je me roule en moi-même." Écrire est ici un refus violent du dehors, des autres, de leurs erreurs sur nous, une religion de la vérité, le vœu fanatique de faire paraître au moins un morceau de vérité parmi les hommes : "Je suis affamé de me faire connaître, et ne me chaut à combien, pourvu que ce soit véritablement."

« Michel Eyquem de Montaigne On peut faire de Montaigne quatre ou cinq portraits différents et vrais.

C'est un sceptique ou même un cynique,c'est un stoïcien, c'est un catholique, c'est un humaniste...

Sur quelques-uns de ses sujets préférés, il a passé dupour au contre.

Il a enseigné qu'il fallait laisser les passions qui "nous esclavent à autrui".

Mais il a aimé La Boétied'une amitié si absolue que vingt-cinq ans après sa mort il lui semblait encore vivre sous ses yeux.

"Lui seul, dit-il,jouissait de ma vraie image et l'emporta.

C'est pourquoi je me déchiffre moi-même, si curieusement." Peu d'hommesont à ce point donné des droits à l'autre.

Il a dit qu'il était fou de s'occuper des affaires publiques, qu'elles nous font"vivre selon autrui" et "qu'il faut se prêter à autrui et ne se donner qu'à soi-même".

Mais ailleurs : "J'ai pu me mêlerdes charges publiques sans me départir de moi de la largeur d'un ongle, et me donner à autrui sans m'ôter à moi." Ila dit que philosopher c'est penser à la mort, et que philosopher, c'est penser à la vie en ajoutant qu'il ne s'arrêtaitpas dans une maison pour y dormir sans penser qu'il pouvait y mourir.

Il a toujours excepté de sa critique les véritésrévélées, mais n'en a que plus cruellement décrit la misère de l'homme sans elles et si bien séparé l'aspect visibledes hommes et du monde et leur destination religieuse qu'on se demande toujours à le lire s'il anticipe l'apologétiquede Pascal, ou si, diaboliquement, il ne la ruine pas par avance en mettant la religion dans l'imaginaire.

Sur le sensmême de ses Essais et du métier d'écrire, qu'il prend à trente-huit ans, il varie incroyablement : il écrit pour amuserses amis après sa mort il écrit pour se désennuyer, il est "moins faiseur de livres que de nulle autre besogne" il écritpour se confesser et se faire honte, pour mettre en paroles tout ce qu'il a osé faire et n'en pas garder le poids surlui il écrit pour s'obliger à une bonne conduite, puisqu'il a juré de se raconter il écrit pour exercer son jugement.Dans quelques endroits, il est fait allusion à un sens plus étrange de l'acte d'écrire, à "un dessein farouche etextravagant de se peindre sur le vif", qui serait la volonté la plus propre de Montaigne : "Moi, je regarde dedans moi; je n'ai affaire qu'à moi, je me considère sans cesse, je me contrôle, je me goûte...

je me roule en moi-même."Écrire est ici un refus violent du dehors, des autres, de leurs erreurs sur nous, une religion de la vérité, le vœufanatique de faire paraître au moins un morceau de vérité parmi les hommes : "Je suis affamé de me faire connaître,et ne me chaut à combien, pourvu que ce soit véritablement." Dans quelques cas, on peut expliquer ses contradictions par les dates, traiter certaines opinions comme provisoires,retracer un progrès dans la prise de possession de soi-même depuis les premiers essais jusqu'au troisième livre : “...j'ai une condition singeresse et imitatrice...

de mes premiers essais, aucuns puent un peu l'étranger." Il est de ceuxqui ne se croient pas d'emblée autorisés à parler de soi.

On peut donc être tenté de guetter le moment où apparaîtMontaigne lui-même, et de mettre au compte des influences celles de ses pensées qui ne s'accordent pas avec sadernière sagesse Mais, à vrai dire, ce n'est pas si simple.

Il est bien rare qu'il se renie.

Montaigne n'est pas unedoctrine neuve venant après celles de Diogène, d'Epicure, de Posidonius, de Sextus Empiricus et des autres.

Il lesdépasse moins qu'il ne les incorpore à une sagesse plus touffue où ils continuent tous de vivre.

Il n'est pas un deces grands philosophes à système qui passent par deux ou trois philosophies.

Il est tout autre chose : uneexpérience modeste d'abord, qui se déchiffre dans le miroir des anciens, qui se détourne d'elle-même pour lescontempler hommes entre tous les hommes, âge d'or où pour toujours l'humanité s'est exprimée dans des trésors depropos et d'actes exemplaires comme si elle avait à vivre non pas le Parlement de Bordeaux, les huguenots, la Saint-Barthélemy, mais Marathon, les guerres puniques, Pharsale.

Puis, il prend courage peu à peu, en vient à s'éluciderpour son compte, à trouver dans l'histoire de son temps et dans sa vie l'équivalent de l'antiquité, et finit par faireentendre, à travers le bourdonnement des mots historiques, une voix qui est la leur la sienne, de son temps et detoujours, la voix d'un solitaire, mais qui a été dans le monde et ne cesse d'y penser.

"Je m'engage difficilement", dit-il dans le IIIe livre et quelques pages plus loin : "Il faut vivre entre les vivants." Dans ces deux courtes phrases ilénonce un va-et-vient de soi à autrui, du présent au passé, de la solitude au monde qui est son mouvementperpétuel et qui fait que toutes les opinions cohabitent en lui jusqu'à la fin.

On ne peut le connaître par la simpleaddition de ses pensées, ni en retranchant comme provisoires les premières : il faut maintenir ensemble toutes cesdiscordances et imaginer cette vie toujours en train de se concevoir et de mettre à l'épreuve les idées qu'elle s'estfaites d'elle-même, qui est le sujet de son livre.

Il est un des premiers à s'être compris comme un labyrinthe.

"N'est-ce pas, écrit Michel Leiris, l'un des buts naturels de l'activité littéraire (et ce en quoi écrire se différencie des autresmodes de penser) que de forger ainsi, avec le vécu à la base et le langage comme outil, certaines véritésd'approximation que quelques-uns accepteront pour les leurs et qui, par le fait même de ce partage, cesserontd'être chimères d'un seul ou vaines apparences ?" Moins délibérément qu'un écrivain d'aujourd'hui, parce qu'il était lepremier à le faire, Montaigne se livre bien à cette occupation sans pareille, et nous ne le comprendrons que si nousdevinons chez lui ce moderne projet.

C'est le serpent qui se poursuit jusqu'à ce que, ayant rejoint cette fin de lui-même qui est aussi son commencement, il se noue en cercle et repose dans son mouvement. Il est donc sceptique d'abord et l'on trouvera chez Montaigne tous les moyens classiques de ruiner notre confiancedans les évidences sensibles et dans les autres.

Mais il n'accepte pas, comme Socrate, de consigner son ignorancedans un "je ne sais rien".

Cela supposerait que je puisse vraiment juger mon cas, opérer sur ma situation un constatincontestable, faire le bilan d'une aventure où je suis au contraire si complètement pris que je ne puis à son égardproférer aucun énoncé.

Le fameux "que sais-je ?" de Montaigne signifie que le mode fondamental de notre vie estinterrogatif, c'est-à-dire non seulement que nous nous posons des questions, mais que la question ici n'est pasl'attente d'une réponse qui l'annule et lui substitue le noir sur blanc d'une thèse, qu'elle est notre manière définitived'entrer en rapports avec quoi que ce soit, que tout "il y a" est dérivatif à une certaine attention centrale qu'il nesaurait exterminer puisqu'il la suppose.

Cette expérience permanente de l'interrogation appelle, non certes uneexplication de notre sort, mais du moins une description des apparences que nous n'avons plus aucune raison desous-estimer, puisque nous avons définitivement exorcisé la prétention à l'être et au savoir absolus.

Le "que sais-je. »

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