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Lettres persanes (lettre 24) - Montesquieu

Publié le 09/12/2021

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Tandis que Montesquieu prête au grave et méditatif Usbek des considérations politiques et surtout philosophiques, il attribue de préférence à son jeune ami Rica, d'humeur vive et joyeuse, les moqueries légères et les traits satiriques. Rica est arrivé depuis peu dans la capitale. Transplanté tout à coup en Europe, il a eu tout juste le temps de s'étonner de ce qu'il découvre.

« Introduction.Un mois après son arrivée à Paris, le Persan Rica écrit à un de ses correspondants familiers, Ibben, qui se trouve en Turquie, àSmyrne; il lui fait part de ses premières impressions.

Le début de cette lettre est d'une composition souple, sans être désordonnée.

Onpeut distinguer les trois paragraphes : le mouvement continuel à Paris; Ispahan et Paris; les embarras de Paris.Le texte.Tandis que Montesquieu prête au grave et méditatif Usbek des considérations politiques et surtout philosophiques, il attribue depréférence à son jeune ami Rica, d'humeur vive et joyeuse, les moqueries légères et les traits satiriques.

Rica est arrivé depuis peudans la capitale.

Transplanté tout à coup en Europe, il a eu tout juste le temps de s'étonner de ce qu'il découvre.Le mouvement continuel à Paris.

Sans préambule inutile, en une phrase d'une nerveuse simplicité, Rica va à la fois justifier son silenceet jeter son ami dans la stupéfaction : depuis leur arrivée, Usbek et lui ont toujours été dans un mouvement continuel.

Indication quiserait banale sous la plume d'un Parisien, mais qui témoigne d'un bien compréhensible ébahissement sous la plume d'un Persan, dontla vie s'écoule comme au ralenti.

Et déjà la satire, si légère soit-elle, perce ici : que de démarches compliquées (affaires) sontnécessaires pour résoudre d'élémentaires problèmes qui ne se posent pas en Perse; comment Ibben ne serait-il pas étonnéd'apprendre qu'à Paris on ne peut ni se loger, ni trouver les gens à qui on est adressé, ni, ce qui est le comble, se pourvoir des chosesnécessaires qui manquent toutes à la fois? Ces prétendus civilisés ne seraient-ils que des insensés ?Paris et Ispahan.

C'est que la capitale française est une ville surpeuplée : si Paris est aussi grand qu'Ispahan, Paris compte 700 000habitants en 1712; Ispahan n'en compte pas 100 000.

La comparaison se poursuit : Rica, habitué aux demeurestrès basses de la Perse, considère les maisons élevées de Paris avec une stupéfaction analogue à celle que peut éprouver un Françaisdu xxe siècle en présence des buildings de New York : elles sont si hautes qu'on jurerait qu'elles ne sont habitées que par desastrologues, impression naturelle chez un Persan, la Perse étant le berceau de l'astrologie.

Paris est une ville bâtie en l'air, et lespectacle, étrange pour Rica, de ses habitations à plusieurs étages, le fait penser à une superposition de six ou sept maisons.

Leparagraphe s'achève sur un trait d'une outrance burlesque.

Comment imaginer que tout le monde descende à la fois dans la rue? Mais,si l'on a la complaisance de l'admettre, on comprend alors qu'il s'y fasse un bel embarras; et nous voilà préparés à un nouveaudéveloppement.Les embarras de Paris.

Montesquieu renouvelle le thème déjà traité par Boileau : c'est la description de Paris, non plus par un Parisien,mais par un étranger.

La première phrase est habilement agencée par le malicieux Rica de manière à intriguer son correspondant : tune le croiras pas peut-être; Ibben a déjà eu de quoi être ébahi; ce doit être encore plus étonnant! Depuis un mois que je suis ici ;Ibben le sait bien; pourquoi le faire ainsi languir? Je n'y ai encore vu marcher personne.

Ahurissement d'Ibben, doublé cette fois dunôtre.

Les Parisiens ne feraient-ils pas usage de leurs jambes? Cependant le mystère se prolonge : la phrase suivante, qui affecte laforme d'une maxime générale, il n'y a point de gens au monde qui tirent mieux parti de leur machine (de leur corps) que les Français,semble n'avoir guère de rapport avec la question.

Voici pourtant le mot de l'énigme : non, les Parisiens ne marchent pas, ils courent,ils volent, et les deux courtes propositions juxtaposées semblent courir, elles aussi.

L'imagination de Rica l'entraîne 'alors par contrastevers les spectacles familiers de la Perse : elle évoque les voitures lentes d'Asie, le pas réglé des chameaux, et la phrase, par l'équilibrede ses propositions, donne comme la sensation d'une marche égale et lente.

Que feraient les Parisiens, transportés à leur tour enPerse ? Ils tomberaient en syncope.Mais revenons à Paris; Rica, qui a conservé une certaine langueur orientale, n'a pu s'habituer à son agitation frénétique; il va souventà pied sans changer d'allure.

A quels désagréments il s'expose alors! Comme son esprit est plus vif que son corps, il enragequelquefois comme un chrétien (transposition savoureusement comique de l'expression employée par les chrétiens : « jurer comme unpaïen »).

La suite nous offre un exemple typique de l'humour de Montesquieu.

Rica supporte à la rigueur qu'on l'éclabousse depuis lespieds jusqu'à la tête, car les ruisseaux se trouvaient alors au milieu de la rue et il faut bien qu'un mahométan accepte avec fatalismece qui ne saurait être évité, mais il ne peut pardonner les coups de coude qu'il reçoit régulièrement et périodiquement, parce qu'ilstémoignent d'un inexcusable manque de savoir-vivre.

Le comique naît de la disproportion entre les coups de coude, sévèrementblâmés, quoique sans gravité, et les éclaboussures tolérées, quoique désastreuses pourla toilette.

Enfin, une courte scène, à peine esquissée, mais d'une cocasserie bouffonne, nous révèle le parti que l'imagination visuellede Montesquieu sait tirer des changements d'attitude : un homme qui vient après moi et qui me passe me fait faire demi-tour; et unautre qui me croise de l'autre côté me remet soudain où le premier m'avait pris.

N'y a-t-il pas là le schéma d'un gag de film comique?La dernière phrase : je n'ai pas fait cent pas, que je suis plus brisé que si j'avais fait dix lieues, résume, avec l'habituelle outrance detrait, tout ce plaisant développement. Conclusion. Ce rapide crayon de la vie parisienne est l'oeuvre d'un caricaturiste, qui sait allier l'exagération comique, la finesse et la concision.Derrière Rica, c'est Montesquieu lui-même, le Gascon pétillant et nerveux, que nous entrevoyons à chaque instant.

Son style, alerte,plus brillant et moins concentré que celui de La Bruyère, annonce déjà celui de Voltaire dans Zadig.. »

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