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lettre

Publié le 06/12/2021

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lettre n.f. Dans le sens de caractère ou dans celui de missive, la lettre est à la fois le support matériel du signi¬fiant et ce qui s'en distingue comme le réel se distingue du symbolique.

Bien que la lettre et l'écriture ne deviennent des termes psychanaly-tiques qu'avec Lacan, il existe chez Freud de nombreuses références à l'écriture, depuis l'Esquisse d'une psy-chologie scientifique (1895) et les lettres à Fliess jusqu'au texte intitulé Note sur le bloc magique', (1924). Le bloc magique illustre l'opposition entre le système perception-conscience et l'incons¬cient; il y a d'une part la feuille de 

 

Celluloïd, toujours prête à recevoir de nouvelles inscriptions ou perceptions, et le bloc de cire, qui garde indéfini¬ment toutes les traces écrites, c'est-à-dire toutes les traces mnésiques. Cette utilisation métaphorique de l'écriture ne préjuge en rien du rôle de l'écriture concrète dans le fonctionnement psy-chique tel que Freud le met au jour. En premier lieu, dans les mécanismes du rêve, qu'il compare volontiers au rébus ou à l'écriture égyptienne, l'image a valeur de signifiant et non de significa-tion. Si le hiéroglyphe est bien un des¬sin simplifié, celui-ci n'est pas forcément là pour représenter par exemple un vautour ou un instrument agricole. Le dessin est en fait utilisé pour sa valeur littérale, parce que le nom de l'objet représenté participe phonétiquement à la composition d'un signifiant qui n'a rien à voir avec un oiseau. De même dans un rêve un cor¬beau pourra se lire un beau corps. S'il ne s'agit pas de l'écriture alphabétique usuelle, il s'agit bien d'une écriture phonématique, certes privée et forte¬ment dépendante de la langue du rêveur. Le rêve ne se prive pas à l'occa¬sion d'utiliser l'écriture commune, comme dans ce rêve de P« Homme aux rats« où les lettres «p, c« (pour condo¬léances) se transforment pendant qu'il écrit en p, f« (pour féliciter). En ce qui concerne le lapsus calami, Freud ne le distingue pas, au niveau de l'interpréta¬tion, du lapsus linguae. Il y a pourtant des exemples qui tiennent spécifique¬ment à l'écriture et non au phonème. Il faut bien en conclure que l'inconscient sait lire. De nombreux exemples cli¬niques le démontrent. Chez I'« Homme aux loups «, la lettre V ou W joue un rôle central: Freud la retrouve dans le V de l'horloge censée marquer l'heure de la scène primitive, dans l'ou¬verture des jambes des filles, dans le battement des ailes du papillon ou dans les ailes arrachées de la guêpe (Wespe), que l'« Homme aux loups«

 

prononce « espe «, la castrant de son W pour y retrouver les initiales de son nom, S.P., quitte à la voir resurgir dans les loups (Wolf), auxquels il doit son surnom. Chez l'« Homme aux rats «, Freud, tel le Saussure des anagrammes, décompose la formule conjuratoire Glejisamen, qui devait protéger sa bien-aimée, en Cisela et Samen (sperme), la fusion des lettres réalisant ce qui était évité.

Melanie Klein, à partir des analyses d'enfants, découvre derrière les fautes d'orthographe d'innombrables fan-tasmes sur les lettres, par exemple l'image phallique attachée à la lettre i ou au chiffre 1. Elle formule l'hypo-thèse selon laquelle l'écriture pictogra-phique ancienne, fondement de notre écriture, se retrouverait dans les fan-tasmes inconscients de chacun. Cela illustre le versant imaginaire de la lettre.

LA LErnu VOLÉE

Pour Lacan, le signifiant est essentielle-ment supporté par la voix et se module dans la parole. Si dans «l'Instance de la lettre dans l'inconscient« (1957; Écrits, 1966) Lacan prend appui sur la lettre et sur l'écriture de l'algorithme saussu-rien S/s, c'est pour montrer qu'il y a dans le signifiant une structure locali¬sée, celle du phonème entendu comme unité différentielle. Cette structure localisée de la parole était prédestinée à se couler dans les caractères de l'écri¬ture, et l'écriture de son côté, comme nous le verrons, attendait d'être phoné-tisée. Par exemple, lorsque Lacan, reli¬sant Freud, dit que le rêve s'aborde à la lettre, il précise qu'il entend par struc-ture littérante la structure phonéma-tique. Dans «le Séminaire sur "la Lettre volée"« (1955; Écrits), Lacan s'appuie sur le conte d'Edgar Poe pour démon-trer le pouvoir du signifiant. La lettre est le sujet véritable du conte et, sans que son contenu soit jamais révélé, elle règle le ballet de tous les personnages; 

 

l'expression «être en possession d'une lettre« se révèle alors admirablement ambiguë. La lettre échappe à l'investi-gation minutieuse de la police, dont l'erreur consiste à la prendre pour un objet de la réalité, une ordure selon le jeu de mot joycien: a letter/a liner. Dans le réel, en effet, rien n'est caché; ce qui est caché est de l'ordre du symbolique, comme le montre l'exemple du livre perdu bien que présent dans la biblio¬thèque, simplement parce qu'il n'est pas à sa place alphabétique, c'est-à-dire symbolique. Cette lettre met en cause l'ordre symbolique, la loi que le roi incarne; mais, en fait, elle le constitue tout aussi bien puisque cet ordre se fonde sur l'exclusion d'une lettre. Cela suffit à situer la lettre comme objet a et plus précisément comme le phallus lui-même. Dans son «Introduction au séminaire sur "la Lettre volée"« (Écrits), Lacan présente la construction for-melle d'une chaîne signifiante élémen-taire. Cette chaîne de lettres rend compte de l'automatisme de répétition freudien, de la surdétermination sym-bolique en tant qu'elle se distingue du réel et de l'existence d'un refoulement primordial qui fonde la loi.

LETTRE, TRAIT UNAIRE

ET NOM PROPRE

Il y a chez Lacan une théorie de la genèse de l'écriture exposée dans le séminaire l'Identification (1961-62). L'écriture n'est pas primaire, elle est le produit du langage, mais l'écriture attendait d'être phonétisée. Ainsi, les marques distinctives sur les poteries égyptiennes sont devenues signes d'écriture. Lacan fait le lien entre l'ein-ziger Zug, le «trait unaire « freudien, c'est-à-dire l'une des trois formes de l'identification, identification à l'un des traits de l'objet, et cette genèse de l'écriture. Dans le prétendu idéo-gramme, le trait est «ce qui reste du figuratif qui est effacé, refoulé, voire rejeté «. C'est quelque chose de l'objet

 

que le trait retient, son unité, il fait un. Ce reste est donc de l'ordre du trait unaire et peut jouer le rôle de marque en entrant en rapport avec l'émission vocale. Par exemple, le caractère qui en sumérien se dit « an « et désigne le ciel ou dieu est une représentation défor-mée d'un astre empruntée par les Akkadiens, qui disent le ciel et dieu autrement; ce caractère va fonctionner d'autant plus comme valeur phoné-tique «an«. L'emprunt d'un matériel d'écriture à un peuple étranger favorise le processus de phonétisation. Le nom propre joue alors le rôle essentiel. À cause de son affinité avec la marque, le nom propre se conserve d'une langue à l'autre et permet de déchiffrer une écri¬ture inconnue. Il y a un lien privilégié entre le nom propre, le sujet et le trait unaire. Le sujet se nomme, et cette nomination équivaut à la lecture du trait un, mais il se fige aussitôt dans ce signifiant un et s'éclipse, si bien que le sujet se désigne de l'effacement de ce trait, une rature. La coupure à la fois simple et double de la bande de Môbius donne à cela son support topo-logique.

LE RÉEL DE LA LETTRE

Dans Lituraterre (1971), Lacan, prenant sans doute Derrida comme interlo¬cuteur, insiste pour dire que l'écriture n'est aucunement primaire. La lettre ferait «le littoral entre jouissance et savoir «. Il situe le signifiant du côté du symbolique et l'écriture du côté du réel; «c'est le ravinement du signi¬fié... «, c'est-à-dire de l'imaginaire; la lettre est une précipitation du signi¬fiant. Il y a dans cette précipitation de l'écriture une opposition entre la non-identité à soi du signifiant et l'identité à soi de la lettre, un mouvement du sens au non-sens. Il existe dans le savoir de l'inconscient un trou qui en rend la jouissance incomplète, et Lacan utilise la lettre a pour marquer la frontière de ce trou. Le non-sens radical de la lettre 

 

tient au réel. La lettre, distincte du signifiant, est susceptible d'en marquer la limite, l'intrusion de l'objet a comme radicalement autre.

LA LETTRE ET L'INCONSCIENT

L'écriture n'est pas primaire ; c'est le signifiant qui est premier et qui condi-tionne l'inconscient et donc la fonction de la lettre. Il faut distinguer d'une part le fleuve du langage, le signifiant et la structure grammaticale qui participe au sens, et d'autre part les alluvions qui se déposent, l'inconscient, lieu des représentations de chose, pur enchaî-nement littéral, en fin de compte non-sens radical qui fonctionne grâce à l'ex-clusion de la lettre.

L'analyse est une lecture, les produc-tions de l'inconscient se prêtent à cette lecture et le psychanalyste lit autre-ment dans ce que dit l'analysant avec une certaine intention. Bien entendu, cette lecture équivoque sur l'ortho-graphe. Mais cela suppose donc une écriture dans l'inconscient. Quant au symptôme, «s'il peut être lu, c'est qu'il est déjà inscrit dans un procès d'écri-ture«, écrit Lacan dans «la Psychana-lyse et son enseignement« (1957; Ecrits). Ce qui est important dans un symptôme, c'est non pas la significa-tion «mais sa relation à une structure signifiante qui le détermine «. Plus tard, il définira le symptôme comme ce qui ne cesse pas de s'écrire. Le symptôme est une véritable fonction mathéma-tique où la lettre inconsciente fait office d'argument. L'analyse est une lecture de cet inconscient textuel et insensé, une lecture qui équivoque donc sur l'orthographe et qui, par les césures qu'elle introduit, fait sens jusqu'au point d'en découvrir le non-sens radi¬cal. Cette dialectique de l'écriture et de la lecture a été exploitée par Lacan jusque dans les titres de ses séminaires : Les non-dupes errent ou L'insu que sait de l'une-bévue s'aile à mourre, qui peuvent se lire de multiples façons. De même,

 

l'écriture des mathèmes tente de tou-cher un réel de structure et s'offre à de multiples lectures.

L'ÉCRITURE NODALE

Avec le noeud borroméen dans ses der-niers séminaires, Lacan introduit une écriture nouvelle, celle des noeuds pré-cisément, ce qui renverse le sens de l'écriture. En effet, le noeud borroméen est une véritable écriture primaire, non pas une précipitation du signifiant mais un support du signifiant, puisque le symbolique vient s'y accrocher. Ainsi, Lacan analyse l'oeuvre de Joyce, son écriture, comme la réparation d'une erreur dans l'écriture de son noeud bor-roméen.


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