Le SatiriconPétroneFragment du festin de TrimalchionComme je vous le disais, cette fortune, c'est ma bonne conduite qui m'y a élevé.
Publié le 23/05/2020
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1 / 2 Le Satiricon
Pétrone
Fragment du festin de Trimalchion
Comme je vous le disais, cette fortune, c'est ma bonne conduite qui m'y a élevé.
Je suis
venu d'Asie pas plus haut que ce candélabre.
Bref, chaque jour j'avais l'habitude de me
toiser après ; et pour avoir plus vite du poil au bec, je me frottais les lèvres avec l'huile
de la lampe.
Pourtant j'ai été pendant quatorze années le chérubin de mon patron.
Il n'y
a pas de honte à faire ce que le maître commande.
Et entre-temps je contentais aussi la
patronne.
Vous savez ce que je veux dire : je me tais, je ne suis pas de ces vantards...
Du reste, avec la volonté des dieux, je devins le maître dans la maison, et dès lors, le
patron n'eut plus que moi dans la cervelle.
Bref, il me fit cohéritier de l'empereur, et je
recueillis un patrimoine de sénateur.
Mais personne n'en a jamais assez : l'envie me prit
de faire du négoce.
Pour abréger, vous saurez que je fis construire cinq vaisseaux.
Je les
chargeai de vin, c'était de l'or à cette époque, je les dirigeai sur Rome.
On aurait dit un
fait exprès : tous mes vaisseaux firent naufrage.
C'est un fait, ce n'est pas un conte.
En
un jour Neptune m'a dévoré trente millions de sesterces.
Vous croyez que je perdis
courage ? Par Hercule, cette perte ne me toucha pas plus que si de rien n'était.
Je fis
faire d'autres vaisseaux, plus grands et meilleurs, plus heureux aussi, si bien que tout le
monde m'appelait “ le fort ”.
Vous savez, un grand navire, ça a une grande force.
J'y
chargeai de nouveau du vin, du lard, des fèves, des parfums, des esclaves.
En cette
occasion Fortunata eut un geste pieux : ses bijoux, sa garde-robe, tout, elle vendit tout,
et me mit dans la main cent écus d'or.
Ce fut le levain de mon pécule.
Les choses vont
vite quand les dieux le veulent.
En une seule course, je m'arrondis dix bons millions.
Aussitôt je rachète toutes les terres qui avaient appartenu à mon patron.
Je bâtis une
maison, j'achète des marchés d'esclaves, des bêtes de somme : tout ce que je touchais
croissait comme un rayon de miel.
Quand je me vis plus riche à moi seul que tout le
pays réuni, je passai la main.
Je me retirai des affaires, je me mis à commanditer des
affranchis.
Moi-même, déjà, je ne voulais plus rester dans le commerce ; mais je fus
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