Le sartrisme
Publié le 16/05/2020
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Le principe
Nous disons souvent que nous ne sommes pas libres, que nous sommes cernés par des contraintes de toutessortes.
Jean-Paul Sartre répond :
1 - loin de n'avoir pas le choix, nous avons sans cesse à faire des choix.
2 - loin d'être cernés par les contraintes, nous n'avons à subir qu'une seule nécessité : nous sommes condamnés à être libres.
Sartre établit une analogie entre la création divine et l'activité artisanale.
Quand un artisan veut fabriquer uncoupe-papier, il doit s'en donner une définition qu'il appliquera ensuite dans la réalité matérielle ; le concept decoupe-papier précède son existence.
De même, quand Dieu conçoit l'homme, il en définit tous les caractères avantde le créer ; ainsi, chez l'homme créé, l'essence précède l'existence.
Mais si l'on refuse l'existence de Dieu, lesdonnées sont complètement changées ; l'homme arrive au monde sans être prédéfini.
C'est à lui que revient latâche de se définir.
Dans ce cas, l'homme existe' et se définit ensuite ; l'existence précède l'essence.
L'hommen'est que ce qu'il se fait.
Evidemment, cette condition est beaucoup plus lourde à porter que la prédestination.
Quand on se pense commedéfini en essence avant même son existence, on peut faire appel à l'idée de nature humaine, à sa constitutionprofonde, pour excuser ses faiblesses, ses lâchetés, ses fautes.
Pour Sartre, la nature humaine n'existe pas, ou dumoins, la seule caractéristique commune à tous les hommes, c'est qu'ils ont à être libres.
La responsabilité
Les analyses les plus subtiles de Sartre concernent les conduites de mauvaise foi par lesquelles le sujet tente de se mentir à lui-même sur ses propres responsabilités.
Il ne s'agit que de tentatives car, par définition, il estimpossible de se mentir à soi-même.
La morale existentialiste est extrêmement rigoureuse.
En effet, elle n'épargne à l'individu aucune responsabilité,elle ne lui accorde aucune excuse.
Tout homme est responsable de son existence, non seulement pour lui-même,mais aussi pour les autres.
A chaque fois que je pose un acte, je crée sous le regard des autres un modèle del'homme tel que j'estime qu'il doit être.
Chacun de mes choix a donc une valeur universelle.
L'ouvrier qui se résignechoisit la résignation non pas seulement pour lui-même, mais aussi pour les autres.
Celui qui se marie choisit la,monogamie pour lui, mais aussi pour l'humanité entière.
Notre responsabilité est donc universelle.
En conséquence, la conscience de notre responsabilité s'accompagne de trois sentiments pénibles :
L'angoisse, état d'attente d'un danger inconnu, nous envahit au moment de prendre une décision car nous ne pouvons pas estimer à l'avance toutes les conséquences de nos actes ; l'angoisse est pénible, mais ellefait partie de l'action.
Le délaissement, sentiment d'abandon, caractérise l'homme sans Dieu.
Puisqu'il est seul, sans père pour le guider, l'homme libre ne peut j'as compter sur des valeurs a priori que la morale religieuse lui enseignerait : ildoit inventer lui-même ses valeurs, au risque de se tromper.
Le désespoir que Sartre redéfinit comme une forme de la lucidité, l'action sans espoir, c'est-à-dire sans illusions consolatrices, est une condition de l'action réaliste ; je ne dois pas compter sur la chance, sur lavolonté d'un Dieu, sur des hommes que je ne connais pas.
Je dois déterminer mon acte dans le strict cadredu possible, et ne pas rêver.
Le Cogito pluriel
On a accusé Sartre de sombrer dans l'individualisme bourgeois en recentrant la liberté sur l'action d'un sujet.
Pourrépondre à cette attaque venue à la fois des chrétiens et des communistes, Sartre reprend le Cogito cartésiensous une forme plurielle.
Le Cogito n'est pas un acte solitaire ; il est accompli sous le regard de l'autre.
Laconscience est un être pour lequel il est dans son être question de son être en tant que cet être implique un êtreautre que lui.
L'ego ne se saisit pas comme une conscience pure ; il est conscience de et pour.
Dans le Cogito,l'ego saisit une double existence, celle des autres en même temps que la sienne.
Le monde n'est pas un simpledécor pour une conscience individuelle.
C'est un lieu de relations complexes entre des Cogitos qui n'existent et nese connaissent que les uns par les autres : c'est un monde d'intersubjectivité.
Autrui est le médiateur indispensableentre moi et moi-même.
Ainsi, Sartre ne pouvait affirmer sa philosophie que dans l'action, par un engagement permanent pour défendre laliberté des autres.
Sa philosophie de la liberté n'est pas individualiste ; elle restaure la valeur de la solidarité.
je suisobligé de vouloir en même temps que ma liberté la liberté des autres, je ne puis prendre ma liberté comme but,que si je prends également celle des autres pour but..
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