le rouge et le noir
Publié le 16/03/2022
Extrait du document
«
Texte étudié :
La petite ville de Verrières peut passer pour l’une des plus jolies de la Franche-Comté.
Ses maisons
blanches avec leurs toits pointus de tuiles rouges s’étendent sur la pente d’une colline, dont des
touffes de vigoureux châtaigniers marquent les moindres sinuosités.
Le Doubs coule à quelques
centaines de pieds au-dessous de ses fortifications bâties jadis par les Espagnols, et maintenant
ruinées.
Verrières est abrité du côté du nord par une haute montagne, c’est une des branches du Jura.
Les
cimes brisées du Verra se couvrent de neige dès les premiers froids d’octobre.
Un torrent, qui se
précipite de la montagne, traverse Verrières avant de se jeter dans le Doubs, et donne le mouvement
à un grand nombre de scies à bois, c’est une industrie fort simple et qui procure un certain bien-être à
la majeure partie des habitants plus paysans que bourgeois.
Ce ne sont pas cependant les scies à bois
qui ont enrichi cette petite ville.
C’est à la fabrique des toiles peintes, dites de Mulhouse, que l’on doit
l’aisance générale qui, depuis la chute de Napoléon, a fait rebâtir les façades de presque toutes les
maisons de Verrières.
À peine entre-t-on dans la ville que l’on est étourdi par le fracas d’une machine bruyante et terrible en
apparence.
Vingt marteaux pesants, et retombant avec un bruit qui fait trembler le pavé, sont élevés
par une roue que l’eau du torrent fait mouvoir.
Chacun de ces marteaux fabrique, chaque jour, je ne
sais combien de milliers de clous.
Ce sont de jeunes filles fraîches et jolies qui présentent aux coups
de ces marteaux énormes les petits morceaux de fer qui sont rapidement transformés en clous.
Ce
travail, si rude en apparence, est un de ceux qui étonnent le plus le voyageur qui pénètre pour la
première fois dans les montagnes qui séparent la France de l’Helvétie.
Si, en entrant à Verrières, le
voyageur demande à qui appartient cette belle fabrique de clous qui assourdit les gens qui montent la
grande rue, on lui répond avec un accent traînard : Eh ! elle est à M.
le maire.
Pour peu que le voyageur s’arrête quelques instants dans cette grande rue de Verrières, qui va en
montant depuis la rive du Doubs jusque vers le sommet de la colline, il y cent à parier contre un qu’il
verra paraître un grand homme à l’air affairé et important.
À son aspect tous les chapeaux se lèvent rapidement.
Ses cheveux sont grisonnants, et il est vêtu de
gris.
Il est chevalier de plusieurs ordres, il a un grand front, un nez aquilin, et au total sa figure ne
manque pas d’une certaine régularité : on trouve même, au premier aspect, qu’elle réunit à la dignité
du maire de village cette sorte d’agrément qui peut encore se rencontrer avec quarante-huit ou
cinquante ans.
Mais bientôt le voyageur parisien est choqué d’un certain air de contentement de soi et
de suffisance mêlé à je ne sais quoi de borné et de peu inventif.
On sent enfin que le talent de cet
homme-là se borne à se faire payer bien exactement ce qu’on lui doit, et à payer lui-même le plus tard
possible quand il doit.
Tel est le maire de Verrières, M.
de Rênal.
Après avoir traversé la rue d’un pas grave, il entre à la
mairie et disparaît aux yeux du voyageur.
Mais, cent pas plus haut, si celui-ci continue sa promenade,
il aperçoit une maison d’assez belle apparence, et, à travers une grille de fer attenante à la maison,
des jardins magnifiques.
Au delà c’est une ligne d’horizon formée par les collines de la Bourgogne, et
qui semble faite à souhait pour le plaisir des yeux.
Cette vue fait oublier au voyageur l’atmosphère
empestée des petits intérêts d’argent dont il commence à être asphyxié.
On lui apprend que cette maison appartient à M.
de Rênal.
C’est aux bénéfices qu’il a faits sur sa
grande fabrique de clous que le maire de Verrières doit cette belle habitation en pierres de taille qu’il
achève en ce moment.
Sa famille, dit-on, est espagnole, antique, et, à ce qu’on prétend, établie dans
le pays bien avant la conquête de Louis XIV.
Depuis 1815 il rougit d’être industriel : 1815 l’a fait maire de Verrières.
Les murs en terrasse qui
soutiennent les diverses parties de ce magnifique jardin qui, d’étage en étage, descend jusqu’au
Doubs, sont aussi la récompense de la science de M.
de Rênal dans le commerce du fer.
Stendhal, Le Rouge et le Noir - Livre I, chapitre 1
Modèle de corrigé ..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Stendhal parle en ces mots de Julien Sorel dans Le rouge et le noir « L’œil de Julien suivait machinalement l’oiseau de proie. Ses mouvements tranquilles et puissants le frappaient, il enviait cette force, il enviait cet isolement. C’était la destinée de Napoléon, serait-ce un jour la sienne ? »
- Fiche révision EL n°9, Stendhal, Le Rouge et le Noir, I, chapitre 6
- Le rouge et le noir chapitre 18 - Analyse linéaire
- Le rouge et le noir: Éclairage sur l'œuvre et le parcours + sur le personnage de Julien
- Les personnages du Rouge et le Noir