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Le monde extérieur

Publié le 12/12/2022

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« Le monde extérieur existe-t-il ? Cette question peut sembler parfaitement absurde.

Peut-on sérieusement mettre en doute que le monde existe ? L’hypothèse semble davantage appartenir au registre du genre de la fiction.

Pourtant, depuis les origines mêmes de la philo, la possibilité que le monde soit illusoire ou tout au moins que nous n’accédions qu’à une partie de sa vérité.

De Platon et son allégorie de la caverne jusqu’à de nombreux philosophes contemporains, en passant par le scepticisme antique et Berkeley, l’existence du monde et la possibilité pour nous de le connaître ont été présentées comme un problème, non comme une simple évidence.

Hilary Putnam a formulé ce problème sous la forme de la célèbre expérience de pensée appelée : les cerveaux dans une cuve grâce à laquelle ils cherchent à savoir comment apporter la preuve que nous ne sommes pas dans la situation de ces cerveaux et que le monde que nous percevons et que nous connaissons n’est pas un monde illusoire.

Bien évidemment ce problème doit davantage être interprété comme un défi que comme une question réelle. Il s’agit plutôt d’expliciter les raisons qui nous poussent à tenir le monde pour réel et le sens que revêt cette affirmation.

En somme, il s’agit de réfléchir aux rapports que notre esprit entretient avec le monde. I. La conscience niant le monde (Descartes) A) Remarque préliminaire : le réalisme naïf Par réalisme naïf, on entend l’attitude spontanée de notre esprit vis-à-vis du monde.

Pour simplifier, cette attitude est composée de 2 croyances implicites : - Il existe un monde extérieur et indépendant de notre esprit. Ce monde est composé d’entités de différentes sortes : entités naturelles inertes, les êtres vivants, les personnes (êtres humains), les artefacts. - Notre esprit est capable d’accéder à ce monde tel qu’il est. Autrement dit, notre esprit possède plusieurs facultés lui permettant de développer au sujet du monde des connaissances.

Parmi ces facultés, on peut citer l’expérience et la raison.

Par expérience, on entend ici l’ensemble des infos recueillies grâce à nos sens.

Quant à la raison, c’est la faculté à relier logiquement différentes propositions de manière à en retirer une nouvelle vérité. Le réalisme naïf tient donc tout entier dans un concept : le concept de vérité étant défini comme étant la correspondance de l’esprit avec la réalité.

On fait généralement remonter cette définition à Aristote : “dire de ce qui est que cela n’est pas ou de ce qui n’est pas cela est, est faux; et dire que ce qui est est et de ce qui n’est pas, que cela n’est pas est vrai”. Jusqu’au XVIIe siècle, on peut dire que tous les philosophes ou presque ont été des réalistes naïfs au sens où ils ont adhéré aux deux affirmations énoncées ci-dessus sans véritablement les interrogées.

La situation change de façon notable à partir de la publication du Discours de la méthode de Descartes en 1637. B) Le contexte de la philosophie de Descartes Pour bien comprendre la philosophie de Descartes, il est important de connaître le contexte à l’intérieur duquel est né le projet cartésien.

Or le contexte est double, il est à la fois individuel et général. Descartes a réalisé ses études au collège jésuite de la Flèche, l’un des plus réputé de son temps.

On lui a enseigné la poésie, la rhétorique, l’Histoire, la philosophie, les sciences, les mathématiques, etc. Or il confie à quel point cette éducation, pourtant conduite par les meilleurs maîtres, a provoqué chez lui une immense déception.

Dans ce texte particulièrement sévère, il considère la plupart des connaissances qui lui ont été transmises comme étant soit inutiles, soit incertaines.

En particulier, il tient la philosophie pour un tissu d’opinions contradictoires ce qui conduit à fragiliser les sciences (car les sciences sont toujours ultimement fondées sur la philosophie).

Il n’y a que les mathématiques qui échappent au sévère jugement de Descartes.

Cette discipline reste la seule à ce jour à avoir produit des résultats véritablement certains.

En même temps, Descartes regrette dans la manière dont elles lui ont été enseignées qu’elles servent uniquement à l’architecture et à l'ingénierie.

Cette déception de Descartes s’inscrit dans un contexte plus général; le XVIIe correspond à une époque de révolution dans le domaine scientifique.

Dans les années 1610, Galilée accumule les observations grâce à sa lunette astronomique réfutant le système géocentrique.

L’hypothèse héliocentrique s’impose donc de plus en plus.

Descartes est partie prenante de cette rév scientifique.

En 1633, il renonce à publier Le monde ou traité de la lumière dans lequel il développe des théories solidaires de l'héliocentrisme, en raison de la condamnation que subit Galilée la même année. Or, tout en étant convaincu de l’héliocentrisme, Descartes ressent un profond malaise: le système géocentrisme en train de s’effondrer a été pour absolument certain par tous les plus grands esprits pendant 20 siècles ⇒ Qu’est ce qui garantit que les nouvelles théories un jour prochain ne subiront pas le même sort ? → Comment fonder de façon absolument certaine la capacité de l’esprit humain à développer des connaissances sur le monde. C) Le projet cartésien Pour tenter d’éclairer cette question, Descartes met en place une stratégie qu’il exposera successivement dans 2 textes : la 4ème partie du Discours de la méthode, 1637, ouvrage initialement prévu pour constituer la préface de Le monde ou traité de la lumière.

De manière beaucoup plus développée et radicale, Les méditations métaphysiques, 1641.

Le but de cette stratégie est de fonder une science unique dont la certitude égale celle des mathématiques.

Cette stratégie se déploie en 2 temps : - le doute = le renoncement provisoire à toutes ses anciennes opinions → “lorsqu’un édifice est fragile, plutôt que de le rafistoler, il vaut mieux le détruire entièrement afin de reconstruire sur des bases solides.

De même, si l’on veut fonder la possibilité pour l’esprit de parvenir à une vérité sur le monde, il faut au moins une fois dans sa vie, abandonner toutes ses opinions douteuses quitte à renouer avec elles ultérieurement" - La découverte d’une première vérité à partir de laquelle on pourra refonder sur des bases saines un savoir absolument certain. Dans le domaine politique, on oppose parfois les réformistes aux révolutionnaires : les réformistes recherchent l’amélioration progressive des institutions tandis que les révolutionnaires jugent en revanche nécessaire l’abolition de ces institutions afin de reconstruire la société sur de nouvelles bases.

En matière philosophique, Descartes se range clairement du côté des révolutionnaires.

Selon lui, il faut donner à la science héliocentrisme une assise certaine et apodictique ce qui exige de rénover de fond en comble la philosophie. D) “Je pense donc je suis” Dans ce texte, Descartes conduit sa stratégie en deux temps.

LE texte se décompose en 3 parties.

Tout d’abord, Descartes présente la nature et les causes du doute.

Ensuite, il dresse la liste de toutes les connaissances douteuses qu’il convient de rejeter.

Enfin, il découvre une vérité échappant au doute et pouvant constituer son premier principe: je pense donc je suis. 1.

Caractère du doute cartésien : 3 caractéristiques - il est purement intellectuel : Descartes exclut de son doute tout ce qui relève des mœurs càd des manières d’agir, Descartes doute de ce qu’il convient de penser et non de ce qu’il faut faire.

Dans le domaine pratique au contraire, Descartes souligne la dangerosité du doute (il engendre l’inaction). - Il est radical : Au sens propre, le doute consiste en une suspension du jugement.

Douter, ce n’est ni affirmer, ni nier, c’est reconnaître son incapacité à choisir.

Or, le doute cartésien va beaucoup plus loin, il consiste à tenir pour “absolument faux” tout ce qui ne serait-ce qu’une fois se sera révélé douteux.

Ce pour quoi, on qualifie souvent le doute de Descartes de radical ou hyperbolique.

La raison de cette radicalité est évidente: si le doute est appliqué ainsi, la vérité qui en échappera de ce doute n’en sera que plus éclatante. - il est provisoire : Descartes l’affirme dès le début : le but du doute est de sortir du doute, càd de tomber sur une certitude absolue : le doute cartésien n’est pas une fin en soi, il a pour objectif sa propre suppression.

On peut résumer les 3 caractéristiques du doute cartésien en disant qu’il s’agit d’un doute méthodique.

Une méthode se définit en effet comme un ensemble de démarches permettant d’obtenir un certain résultat, telle est la nature-même du doute cartésien : il est un dispositif visant à établir “le premier principe de la philosophie”. 2.

Les étapes du doute : Descartes met en place son doute en 3 arguments. Le doute sensible : Comme nous l’avons indiqué plus haut, l’expérience constitue l’une des deux sources de nos connaissances sur le monde.

Cette source est-elle fiable ? La réponse est non.

En effet, “nos sens nous trompent quelquefois".

Par exemple, un bâton droit plongé dans l’eau apparaît courbe.

Le soleil, vu de la Terre, semble de la taille d’un gros pamplemousse.

De loin, je peux confondre un arbre avec la silhouette d’un homme.

Il existe donc de nombreuses situations où les informations obtenues grâce aux sens sont erronées.

Par conséquent, “il est impossible que je continue à me fier à un instrument aussi défectueux, douteux, conformément aux principes qui régissent le doute.

Il convient donc de rejeter pour faux tout ce que je sais par expérience”.

A savoir, l’existence des choses et des personnes.

Que reste-t-il ? Principalement, les vérités mathématiques. Le doute rationnel : La deuxième source de connaissance est la raison.

Est-elle plus fiable que l’expérience ? Pas vraiment selon Descartes, car “mon esprit est sujet à l’erreur, même après avoir vérifié mon raisonnement, je ne peux jamais être parfaitement certain de ne m’être pas trompé”.

De plus, en raison du doute sensible, il n’existe plus personne pour vérifier la rectitude de mon raisonnement → même les vérités mathématiques n’échappent pas au doute.

Dans Les méditations métaphysiques, Descartes ajoute un autre argument en vue de mettre en doute les vérités mathématiques, la fiction du malin génie.

Il se pourrait qu’un Dieu trompeur / malin génie soit à l’origine de toutes mes facultés et qu’il ait fait en sorte que ma raison me trompe toujours. L’indistinction du rêve et de la réalité : Enfin Descartes ajoute un ultime argument afin de donner plus de consistance.

Selon cet argument, il est impossible d’être absolument certain qu' en ce moment, je ne sois pas en train de rêver.

Autrement dit, il n’existe aucun moyen de distinguer le vécu du rêve, de celui de la réalité.

En conséquence, je peux très bien, sans contradiction, considérer que tout ce que je pense être en train de vivre relève de la plus parfaite illusion. CCL: Le résultat du doute cartésien est proprement effrayant.

Rien ne semble avoir échappé à sa logique implacable. Ni la croyance en l’existence des choses et des personnes, ni les vérités mathématiques, ni même l’existence de son propre corps et de son environnement immédiat.

Dans Les méditations métaphysiques, Descartes envisage même explicitement qu’il soit allé trop loin. 3.

La sortie du doute : le cogito Cependant, Descartes ne.... »

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