Le lac de Lamartine. Commentaire composé

« "Le lac" est délicat à analyser car c'est un monument de la littérature française.

On peut ici examiner quels problèmes sont soulevés par le poète dans le texte : il aborde en effet la question générale de la durabilité de l'être humain et de ses oeuvres, et exprime la souffrance causée par la peur de la mort.

Cette question est ici posée dans un contexte sentimental particulier (désir que l'amour soit éternel) mais prend des résonances plus larges, philosophiques et littéraires.

Quels sont les problèmes posés par le poète et comment y répond-il? I.

La constatation métaphysique de la fragilité de la condition humaine - Variation poétique autour du discours sur les vanités, qui s'appuie sur le Qoeleth (livre de la Bible) et dont Pascal est un représentant : le discours rapporté de la femme aimée constate le caractère éphémère du bonheur et de la jouissance.

La strophe 2 fait allusion à la mort de cette femme, rapprochée de la fin de l'année (mort symbolique d'un cycle temporel, mort humaine :"l'année à peine a fini sa carrière") qui suppose la fragilité de l'existence face aux grands cycles saisonniers et temporels. - accents baroques (proches de la pensée de Pascal) : thème omniprésent du fluide, du coulant, du branlant (champ lexical de l'onde, et du flot dans tout le poème; temps qui "coule", homme qui "passe"). - accents épicuriens du discours, qui tranchent avec la note mélancolique dominante : "hâtons- nous, jouissons!" rappelle le "carpe diem" épicurien.

Face à l'impossibilité de figer le temps, le discours épicurien apparaît comme une solution temporaire. II.

Un discours essentiellement lyrique et poétique - choix de thèmes propres à la poésie lyrique : souffrance causée par le temps qui passe, mélancolie due à la peur de la mort et du vieillissement (ton de la plainte et de l'impuissance : "ne pourrons-nous jamais...

se peut-il...

quoi! ...

quoi!").

Accents aussi de la plainte amoureuse : allusion à la solitude présente du poète (strophe 2) .

Importance de la nature : le lac est pris à témoin, et dans la dernière strophe tous les éléments de la nature sont appréhendés comme des interlocuteurs, des témoins. - Le discours souffrant trouve sa résolution dans un parti pris essentiellement poétique : le discours épicurien achoppe, il n'occupe qu'une strophe.

Mais toute la fin du texte est occupée par cette solution : le poète doit sublimer ses sentiments par la contemplation de la nature, en identifiant sa souffrance à cette dernière.

Cette attitude participe d'une vision du monde romantique : le poète se considère comme parti intégrante de la nature, qui est pour lui une compagne et une complice.

Il accède à l'éternité en s'identifiant au caractère éternel de la nature elle-même ("vous que le temps épargne et qu'il peut rajeunir"). III.

Une interrogation sur la valeur de la création poétique - La forme mime le mouvement de l'inspiration : forme en strophes de quatre vers : forme extensible, contrairement au sonnet ou à d'autres formes poétiques.

Ce choix permet une expansion de la parole, qui mime le souffle de l'inspiration lyrique.

Le choix des alexandrins (vers le plus long de la poésie française) fait partie du même projet : mimer une ample. »