Le fantastique
Publié le 18/05/2020
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«
rlNQUIÉTANTE
ÉTRANGETÉ D'UN
GENRE LITTÉRAIRE
Le fantastique est un monde à
l'Intérieur de notre monde.
Ille
côtoie et le soudoie par des artifices
propres à susciter le doute et
l'angoisse chez le lecteur.
Car, sous
couvert de normalité, l'univers où
évolue le héros est prêt à épouser
le surnaturel.
Tout l'attrait de la
littérature fantastique réside
dans cette subversion du réel
par l'insolite, le merveilleux.
•
Réaction contre le rationalisme,
l'engouement pour les forces occultes
trouve son origine en Allemagne chez
Emst Theodor
Wilhelm
(Amadeus)
Hoffmann.
Son aura
est telle que,
vers 1830,
presque tous
les auteurs affichent une production
fantastique : ainsi Théophile Gautier
avec La Morte amoureuse (1836},
t-------------1 Charles Nodier avec La Fée aux
HISTOIIQUE
On trouve de nombreux éléments
de fantastique dans des textes aussi
anciens que L'Épopée de Gilgamesh,
La Bible, L'Âne d'or d'Apulée ou
le Satiricon de Pétrone.
Les lais de
la poétesse Marie de France offrent
des allusions � la lycanthropie.
Issus de la croyance populaire,
le non-mort, le démon, la sorcière,
le loup-garou hantent également
les œuvres de Rabelais, Dante ou
Shakespeare.
Mais le conte de fées
est.
d'une certaine manière, l'enfant
du fantastique.
• Jusqu'au XIX' siècle, le terme
« fantastique » a une connotation
péjorative et désigne l'extravagance,
l'Imagination folle (la« fantaisie »).
Lorsque Charles
Pl!"ault
publie ses
Contes de
ma mère
l'Oye, en
1697, il fait
sensation.
Mais le public éclairé de l'époque
qualifie ces contes de « merveilleux »,
et non de « fantastiques ».
Le !oiry
va pourtant donner naissance, en
Angleterre, à la fantasy, où la magie
est admise sans discussion.
• À la fin du XVIII' siècle, le genre se
développe en France principalement
sous l'influence de trois courants :
l'orientalisme (traduction des Mille
et Une Nuits par Antoine Galland de
1704 à 1717}, l'illuminisme (Cagliostro,
Saint-Germain ...
) et le roman noir
- ou gothique -anglais (Walpole,
Radcliffe, Lewis ...
).
Le Manuscrit trouvé à Saragosse
(1804), du Polonais Jan Potocki,
témoigne quant à lui des trois
influences.
Mais il faut
également
mentionner
le roman
de Jacques
Cazotte
Le Diable
amoureux,
qui, paru en 1772, va offrir au
romantisme de larges perspectives.
miettes
(1832}, Prosper Mérimée
avec La Vénus d'll/e (1837}, et même
Alexandre Dumas avec Les Mille et
Un Fant6mes {1850).
• Dans la seconde mo�ié du XIX' siècle,
l'écrivain américain Edgar Allan Poe
insuffle un nouvel élan au genre
grâce aux Histoires extraordinaires
(1838}, traduites par Baudelaire
en 1856.
Le poète ne manque pas
de louer Les Métamorphoses du
vampire dans Les Fleurs du mal
(1857}.
Villiers de L:lsle-Adam
ambitionne des œuvres « où le
rêve se fonderait sur la logique "
et n'hésite pas � faire triompher
l'amour sur la mort dans sa
Véra (1874}.
Sous la plume de
Maupassant, le corps humain est
doué d'un libre arbitre terrifiant,
comme dans
La Chevelure
(1884} ou La
Main (1889}.
Jules Veme
lui-même
rend
hommage
� Poe avec
ses Voyages extraordinaires, Arthur
Machen enchantant pour sa part
avec Le Grand Dieu Pan (1890).
Le X'f siècle ne sera pas en reste
avec H.
P.
Lovecraft et Stephen King.
pour ne citer que les plus illustres.
• Après la Première Guerre mondiale,
les récits populaires trouvent leur
terrain d'élection aux États-Unis
(pulps).
Des écrivains tels que
H.
P.
Lovecraft et Robert E.
Howard
donnent ainsi libre cours à leur
imagination en créant des courants
littéraires issus du fantastique: le
premier inaugure la weird fantasy
(fantastique de l'horreur), avec le
Mythe de Cthulhu, le second l'heroic
fantasy (fantastique épique), avec
le Cycle de Conan.
• Parallèlement se développe, durant
l'entre-deux-guerres, une tendance
en totale rupture avec le fantastique
traditionnel.
Le précurseur du genre
est Franz Kafka et sa Métamorphose
(1915), où seul l'homme est l'« objet
fantastique».
En France, Boris Vian
développe une thématique fondée
sur l'absurde et l'humour noir avec
Le Loup-Garou (posthume, 1970).
•
Le xX' siècle est parcouru par des
courants variés dont les principaux
agents sont anglo-saxons (Richard
Matheson, Anne Rice, Clive Barker,
John Ramsey Campbell et Stephen
King), mais aussi venus d'autres
horizons (Dina Buuati, Jorge Luis
Borges, Julio Cortlzar ou André
Pieyre de Mandiargues).
Si le monstre a muté, il n'a jamais
été aussi présent ni aussi difficile à
identifier.
Il incarne nos obsessions
et nos angoisses face au monde
contemporain.
Il s'illustre surtout dans le roman
noir ou gothique, qu'il a fondé et
dont il reste le maître : outre Les
Mystères d'Udolphe (1794) d'Ann
Radcliffe (1764-1823} et Le Moine
(1796}, de M.
G.
Lewis (1775-1818},
il faut citer l'étonnant Vathek (1782),
de William
Thomas Beckford
(1760-1844}, ....., ....
.,. l'effroyable
Frankenstein
- -...__.� {1818),
de
Mary Shelley
(1797-1851), et
Me/math, ou
l'Homme errant (1820}, de l'Irlandais
Charles Robert Maturin {1782-1824),
surnommé « l'Arioste » du crime.
• Le fantastique britannique obtient
ses lettres de noblesse avec l'Écossais
Robert Louis Stevenson (1850-1894)
et l'Anglais Bram Stoker (1847-1912).
Le premier produit un chef-d'œuvre
du récit d'épouvante, Docteur Jekyll
et Mister Hyde (1886), et le second
crée un véritable mythe avec son
Dracula {1897).
Oscar Wilde {1854-
1900) porte le genre à un haut degré
de raffinement avec Le Portrait de
Dorian Gray {1891}, et sir Arthur
Conan Doyle (1859-1930), 1e père
de Sherlock Holmes, campe des
Histoires et messages de /'au-delà
{1893-1900) dans la veine ésotérique.
Parmi les œuvres de l'ère victorienne,
on peut encore citer les Contes de
Noël (1843) de Charles Dickens
(1812-1870}, Les Créatures du miroir
(1872) de Joseph Sheridan Le Fa nu
{1814-1873), ou She (1887), de sir
Henry Rider Haggard (1856-1925}.
• Du milieu du XX' siècle à nos jours,
le fantastique britannique innove
sans cesse en matière de fantasy,
d'horreur, d'humour noir.
On peut
citer, parmi les auteurs les plus
représentatifs: Mervyn Peake (1911-
1968), auquel on doit Titus d'enfer
(1946), Lettres d'un oncle perdu
(1948}, Gormenghast {1950}, Titus
errant (1959) et Danse macabre
{1963), un recueil de nouvelles;
Roald Dahl {1916-1990}, champion
du conte d'humour noir, auteur (avec
Walt Disney) des Gremlins
(1943), mais surtout, pour adultes,
de Bizarre! Bizarre! (1953), qui
comprend son chef-d'œuvre, la
nouvelle Jeu, et de Kiss Kiss {1960);
John Ramsey Campbell (né en 1946),
considéré comme l'un des grands
rénovateurs du fantastique anglais,
auquel on doit Le Parasite (1980),
Obsession (1985}, La Lune affamée
{1986), Envoûtement (1988),1mages
anciennes {1989) et Soleil de minuit
(1991}; James Herbert (né en 1943},
qui associe le suspense policier
à l'univers fantastique dans des
thrillers tels que Celui qui survit
(1976}, Ruke (1977}, La Lance
(1978} ou Le Sombre (1980).
Les romantiques allemands vont
s'intéresser de très près au Miirchen
(conte populaire) pour sa naïveté
authentique et typique, où se mêlent
monde féerique et monde réel.
· Goethe (1749-1832) y voit ainsi
une dimension symbolique qu'il
illustre dans sa poésie (La Fiancée
de Corinthe, 1797} comme dans
son théâtre (Faust, 1808).
• Pour Novalis {1772-1801), le conte
apparaît comme « le modèle de la
poésie », « tout ce qui est poétique
[étant] fabuleux ».
Il illustrera sa
conception dans son roman Henri
d'Ofterdingen (1802), qui raconte
la fabuleuse
quête de la
fleur bleue.
· Mais c'est
la passion
de Ludwig
Tieck (1773-
1853) pour
lesMiirchen
qui va porter
sa première pierre à l'é d ifi ce du
fantastique allemand.
Tieck imagine
d'autres versions des contes de
Perrault, comme le firent les frères
Grimm, mais il puise aussi son goût
du merveilleux chez Shakespeare,
qu'il admire infiniment (La Tempéte,
Le Songe d'une nuit d'été).
Citons
La Coupe d'or, Le Runenberg, ou
encore Eckbert le Blond.
• En 1806,1e groupe d'Heidelberg
-cénacle romantique voulant
remettre au goût du jour les
anciennes romances, ballades
et chroniques médiévales -publie
un recueil de chansons allemandes
sous le titre Le
Cor enchanté
de l'enfant
(«Knaben
Wunderhom ").
Clemens
Brentano
{1778-1842}
et Achim von
Arnim {1781- 1831) en
prennent l'initiative, aidés
par les frères Grimm.
Plutôt que
d'élaborer un travail de collecte,
ils interprètent en les réécrivant
ces textes immémoriaux.
On doit
à Brentano Les Contes rhénans, où
apparaît pour la première fois, sous
le nom de Lurlei, la belle Ondine.
Arnim fait intervenir des créatures
bizarres, des rituels magiques et
d'anciennes coutumes, allemandes
ou juives (Isabelle d'Égypte, Melück
Maria Blainville, 1812}.
• Quand E.�4 Hoffmann s'installe
� Berlin, en 1815, il s'entoure de
compagnons fidèles qu'il nomme
les « frères de Sérapion ».
Parmi
eux figurent La Motte-Fouqué et
Chamisso, tous deux auteurs de
contes à la limite du merveilleux
et du fantastique.
La Motte-Fouqué
(1777-1843} demeure pour toujours
le créateur d'Ondine {1811), dont
Jean Giraudoux s'inspirera en 1939.
On doit� Chamisso {1781-1838)
une Merveilleuse Histoire de Peter
Schlemihl ou l'Homme qui a perdu
son ombre {1814), dont Gérard de
Nerval se fera l'écho.
• Deux auteurs issus du courant
expressionniste allemand vont aussi
marquer de leur sceau la littérature
fantastique: Hanns Heinz Ewers
(1871-1943), avec La Mandragore
(1911) et L'Araignée (1915}, et Gustav
Meyrink (1868-1932),
qui fait valoir
sa science de
l'ésotérisme
dans son
Golem
(1915}; les
personnages de Meyrink
cherchent à s'affranchir du poids du
monde par la connaissance absolue.
L:esprit romantique français
est profondément pénétré par
la découverte d'Hoffmann, dont
les contes sont traduits en 1830.
• Charles
Nodier (1780-1844)
investit
le genre
en tant que
polygraphe et livre de
nombreuses compositions, dont la
première est Une heure ou la vision
{1806).
C'est au cours d'un voyage
en Dalmatie qu'il prend note des
traditions vampiriques, dont il tirera
Smarra ou les Démons de la nuit
(1821).
En 1830, il rédige un essai
pionnier, Du fantastique en
littérature, ainsi qu'une Histoire
du roi de Bahéme et de ses sept
châteaux.
Vont suivre La Fée.
»
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