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LA NATURE La nature doit-elle servir de norme au comportement humain ?

Publié le 04/04/2024

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« LA NATURE La nature doit-elle servir de norme au comportement humain ? Introduction La nature est l’ensemble de la réalité matérielle (physique et vivante) et en même temps le principe, l’ordre qui la régit, indépendamment de l’activité humaine. L’homme est un être capable de transformer la nature (par la technique) et de la comprendre (par la science).

L’homme se distingue donc de ce qui est purement naturel, il peut se voir lui-même comme un être qui s’élève au-dessus (par sa raison et sa conscience) de ce qui est simplement naturel, au sens de brut, d’irréfléchi. Mais d’un autre côté, la nature reste pour nous une norme de comportement, au sens où la nature fixe une limite à la volonté humaine de chercher à tout détruire en se l’appropriant. La nature doit-elle servir de norme au comportement de l’homme alors qu’il n’est pas un être purement et simplement naturel ? Dans un premier temps, nous verrons que l'activité technique de l’homme en fait un être distinct des êtres purement naturels et qui échappe donc aux normes naturelles ; dans un deuxième temps, nous verrons que malgré cela, l’être humain ne peut pas se considérer comme émancipé de la nature, car elle a façonné ce qu’il est, elle est à l’origine de sa nature ; en dernière analyse, nous verrons que la nature, à condition de préciser l’emploi légitime du terme, doit être une norme dans le domaine moral et politique, de peur que n'importe quel comportement destructeur soit justifié. 1 I (Perspective : l’existence humaine et la culture) 1/ Le naturel et l'artificiel La technique, comme l'art, produisent à partir de la nature et donc se distinguent de la production naturelle.

Aristote dans Physique, écrit que ce qui est naturel est ce qui a un principe de son changement en soi-même.

En effet ce qui est produit par l'art et la technique est autre que ce qui les produit : celui qui fabrique est un principe extérieur à ce qu'il fabrique.

Néanmoins, la nature est capable de produire, comme la technique, des choses utiles (pierres, charbon, etc.), et comme l'art, la nature est capable de produire des choses belles (fleurs, coquillages, paysages, etc.). Aristote remarque aussi que la technique dans certains cas imite la nature : on peut fabriquer des ruches en osier ou en écorce 1 et les rendre les plus imperméables possible de la même manière que les abeilles naturellement bouchent les fissures de leur ruche avec de la cire.

Autres exemples : les canaux (technique) imitent des rivières (nature), les ailes d'avion (technique) imitent celle des oiseaux (nature), les palmes (technique) imitent les palmes (nature).

Dans d'autres cas la technique perfectionne la nature, c'est-à-dire qu'elle fait ce que la nature ne peut pas faire.

Par exemple, une maison (technique) est comme le perfectionnement d'une grotte (nature) : elle protège comme elle mais elle peut en plus être ouverte ou fermée. Ainsi, par la production d'objets artificiels, la technique nous offre des possibilités en plus de celles que la nature nous fournit et dans ce sens elle rend notre action plus libre. Il faut remarquer que la technique marque une indépendance par rapport à la nature : non seulement parce que nos besoins sont grâce à la technique plus facilement satisfaits, car elle nous permet d’obtenir des possibilités variées pour atteindre nos buts, mais aussi et surtout parce que les buts de certaines techniques ne sont plus uniquement des buts naturels (l'efficacité dans l'obtention de la nourriture, dans la protection du corps, etc.).

Par exemple Leroi-Gourhan, dans Les Racines du monde, remarque que les bifaces d'il y a 300 000 ans sont taillés non pas seulement pour être efficaces mais aussi pour être beaux : leur forme est 1 Voir les Géorgiques de Virgile (IV, 35). 2 inutilement régulière2.

Contrairement à l'animal, l'homme est libre d'avoir des désirs c'est-à-dire qu’il n’a pas la survie comme seul but imposé par la nature. La nature ne doit donc pas servir de norme au comportement humain : l’être humain utilise la nature comme matière de son activité mais il impose à la nature ses propres fins. 2/ L'être humain, un être émancipé par rapport à la nature L’homme a comme particularité de fabriquer et d’utiliser des outils (du biface à l’ordinateur) pour satisfaire ses désirs : contrairement à l’animal donc, il ne se sert pas uniquement de son propre corps.

C’est cette particularité qui est le thème du mythe de Prométhée tel qu’il est exposé dans le Protagoras de Platon (cf.

le cours sur la technique I, 1). II 1/ C'est la nature qui fait de l'homme ce qu'il est Mais est-il bien sûr que la possession par l’homme de la technique ne doive rien à la nature ? Aristote pense au contraire que la nature a en quelque sorte voulu que l’homme dispose de la technique. Dans ce texte, il s’oppose à Anaxagore et sa thèse mécaniste (mécanisme : idée selon laquelle un processus naturel se fait sans but déterminé : « ça s'est fait mécaniquement »).

Au contraire Aristote est finaliste (finalisme : idée selon laquelle un processus naturel se fait en fonction d'un but, d'une fin, d'une intention). Fin : intention qui vise la réalisation d'un phénomène (exemple : je sors de chez moi parce que j’ai pour fin de me promener) Cause : phénomène qui en produit un autre (mon téléphone ne marche plus parce qu’il est tombé dans l’eau) Pour Anaxagore, le fait que l'homme ait des mains est la cause de son intelligence.

Argument : car grâce à elle, il a pu maîtriser la nature et devenir autonome par rapport à elle, développer des moyens plus efficaces pour atteindre ses buts.

Pour Aristote, le fait que l'homme ait des mains est la conséquence d'un 2 On peut voir dans cet exemple l’origine de l’art. 3 principe naturel, d'une fin de la nature : c'est parce qu'elle l'a voulu et fait intelligent, qu'elle lui a donné les moyens d'utiliser concrètement cette intelligence : les mains. Aristote établit ensuite une analogie entre la main et la flûte pour effectuer une déduction3 qui lui permet de justifier sa position finaliste. Analogie : identité de rapport entre deux éléments et deux autres (1/2 = 3/6) Ressemblance : similitude d’aspect entre deux éléments Dans le troisième alinéa, Aristote se livre à une critique du mythe de Prométhée : contrairement à ce qu'affirme le mythe l'homme n'a aucun désavantage naturel.

Bien au contraire, il dispose d’un avantage naturel redoutable : la main.

En effet, la main est un outil naturel efficace : il fonctionne de manière immédiate (pour frapper, ou tenir par exemple) et il permet médiatement de fabriquer des outils. Grâce à cet avantage naturel, l'homme a plus de liberté que les autres animaux (de ce point de vue, il n’y a pas d’opposition avec l’idée du mythe de Prométhée) : ses activités sont plus variées et il peut choisir ses propres moyens d'activité au lieu de les subir en permanence (les animaux ne peuvent se séparer de leurs outils naturels). Donc, pour réfléchir sur l'origine de la technique, on peut partir d'une interprétation présente dans 2001, l'odyssée de l'espace, un film de Stanley Kubrick. Ce qui est à l'origine de ce premier essai de la technique, par lequel on passe de l'état purement animal ou naturel à l'état humain, c’est avant tout le besoin et le dénuement, comme dans le mythe de Prométhée.

Mais alors, question : est-ce avant tout grâce à sa constitution physique naturelle que l'homme a pu acquérir l'intelligence technique ou est-ce parce qu'il avait naturellement une aptitude intellectuelle, une conscience qu'il a pu par la suite utiliser son corps pour progresser techniquement ? Deux interprétations possibles pour l'apparition symbolique du monolithe noir : - c'est le hasard (une faim extrême et un geste mécanique) qui fait découvrir le pouvoir de l’os, mais alors comment expliquer que l'homme a compris le pouvoir que lui donnerait cet outil ? 3 La voici, et il s’agit d’un syllogisme (déduction rationnelle d’une conséquence à partir de deux points de départ, et dont le schéma est : si A = B et B = C, alors A = C) : - Le plus intelligent (A) est celui qui sait se servir du plus grand nombre d'outils (B) ; - Or la main (C) permet de se servir du plus grand nombre d'outils (B) - Donc la main (C) a été donnée à l'être le plus intelligent (A) 4 - l'intelligence (la raison) était déjà naturellement chez l’homme et n’attendait qu’une occasion pour se manifester.

Variante possible : c'est la curiosité qui leur fait toucher le monolithe, cette curiosité étant naturelle chez l’être humain, et c’est elle qui provoque les découvertes qui développent la raison humaine. 2/ Nature, norme et origine de l’être humain Ce qu'est l'homme, ses caractéristiques et ses accomplissements les plus avantageux, c'est à la nature qu'il les doit dans la mesure où elle est responsable de ce qu’est l’homme originairement.

Leroi-Gourhan, dans Le Geste et la parole, affirme.... »

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