JUGEMENT
Publié le 15/05/2020
Extrait du document
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LA NOTION DE JUGEMENT
3e groupe de
notions
Ce mot aussi est équivoque.
Il désigne,
on l'a vu (1), l'acte par lequel l'esprit affirme ou nie l'existence d'une
relation, dont il aperçoit en outre la nature, entre deux ou plusieurs termes.
Le jugement peut donc être ou
non énoncé expressément dans une proposition grammaticalement correcte et
il présentera, dans ce cas, les
propriétés formelles donc nous avons parlé.
Mais, indépendamment de ces propriétés et par suite de la diversité
des objets dont
il est possible de juger, il existe aussi des jugements très divers.
Le juge ou le président d'une
cour de justice, assisté
ou non d'un jury, prononce des jugements déclarant innocent ou coupable un accusé
et le condamnant, avec
ou sans circonstances atténuantes, à une peine déterminée dont les limites, inférieure
et supérieure, sont en principe fixées par la loi.
L'arbitre aussi, dans un match de foot-ball, juge
qu'une faute
a été commise
par l'un des joueurs.
Toutes nos opinions, qu'elles soient d'ordre moral, politique, religieux
ou esthétique, sont également faites
d'un nombre plus ou moins grand de jugements.
Ainsi, au-delà des couples
d'adjectifs
contraires-« juste» et« injuste», «tempérant» et« intempérant», «courageux» et« lâche», etc ...
-
par lesquels nous jugeons moralement une conduite individuelle ou collective, tous
les jugements moraux se
réfèrent au moins implicitement aux deux notions antithétiques de bon et de mauvais et, plus précisément
encore, pour dissiper l'ambiguïté de
ces deux termes, à celles de bien et de mal moral.
Les jugements esthétiques
utilisent également un assez grand nombre d'adjectifs tels
que« joli», «pittoresque», «élégant», «gracieux»,
«grotesque» ou «laid».
Mais la valeur propre et la qualité spécifique qu'attribue le jugement esthétique au
sens strict du terme, que KANT appelle
le jugement de goût, est celle du beau et aussi du sublime.
C'est pourquoi,
comme
le note l'auteur de la Critique de la faculté de juger, si le jugement esthétique ainsi entendu repose
bien sur l'idée
d'une satisfaction nécessairement partagée par tout homme et, à ce titre, universelle, parce
qu'il
se distingue immédiatement pour celui qui le formule de l'expression du plaisir que nous ressentons devant
une chose simplement agréable ou utile,
il n'en est pas moins, du point de vue de sa quantité logique, un
jugement éminemment singulier.
Ce ne sont pas
les roses en général ni toutes les roses qui sont dites belles
mais cette rose-ci que je vois en
ce moment.
Tout jugement esthétique aura donc la forme suivante : «ceci
est beau», «ceci est sublime».
Mais justement, alors que DESCARTES, comme vous l'indique votre manuel et comme le rappelle le texte
précédent (2), expliquait le jugement et la possibilité de l'erreur
par l'intervention de la volonté qui affirme
ou nie quelque chose de quelque chose dont l'entendement a une idée plus ou moins claire et distincte, KANT
a lui-même donné au
mot «jugement» une signification toute différente qui n'est plus celle d'un acte mais
d'une faculté et qui, pour être tout à fait caractèristique de la théorie kantienne de la connaissance, n'en est
pas moins assez proche, finalement,
de ce que nous entendons aussi par ce terme lorsque nous disons de quelqu'un
qu'il
a« du jugement», «un jugement sur» ou au contraire qu'« il manque de jugement».
«Le jugement,
écrit en
ce sens KANT, est un don (3) particulier qui ne peut pas du tout être appris mais seulement exercé.
Aussi le jugement
est-ilia marque spécifique de ce qu'on nomme le bon sens et au manque de quoi aucun
enseignement ne peut suppléer; car, bien
qu'une école puisse présenter à un entendement borné une provision
de règles, et greffer,
pour ainsi dire, sur lui des connaissances étrangères, il faut que l'élève possède par lui
même
(3) le pouvoir de se servir de ces règles exactement et il n'y a pas de règle que l'on puisse lui prescrire
à
ce sujet et qui soit capable de le garantir contre l'abus qu'il en peut faire quand un tel don naturel lui manque.
( 1) Page 46 de ce fascicule.
(2) Page 65.
(3)
Souligné par nous.
67.
»
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