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inconscient

Publié le 06/12/2021

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inconscient n.m. (angl. Un-conscious ; allem. [das] Unbewullte). Contenu absent à un moment donné de la conscience qui est au centre de la théorie psychanalytique.

Selon la première topique de l'appa­reil psychique, S. Freud nomme incons­cient l'instance constituée d'éléments refoulés qui se sont vu refuser l'accès à l'instance préconscient-conscient. Ces éléments sont des représentants pul­sionnels qui obéissent aux mécanismes du processus primaire.

Dans la seconde topique, le terme d'inconscient qualifie l'instance du ça et s'applique partiellement à celles du moi et du surmoi.

Pour la psychanalyse contempo­raine, l'inconscient est le lieu d'un savoir constitué par un matériel littéral en lui-même dépourvu de significa­tion, organisant la jouissance et réglant le fantasme, la perception, ainsi qu'une grande partie de l'économie organique. Ce savoir a pour cause le fait que le rapport sexuel ne peut être compris comme un rapport naturel puisqu'il n'y a d'homme et de femme qu'à travers le langage.

L'INCONSCIENT DANS LA PREMIÈRE

TOPIQUE

Le problème de l'inconscient est «moins un problème psychologique que le problème de la psychologie elle-même «, dit Freud dans l'Interprétation des rêves (1900), car l'expérience montre que «les processus de pensée les plus compliqués et les plus parfaits peuvent se dérouler sans exciter la conscience. De ce point de vue, ce sont les phéno­mènes psychiques conscients qui constituent la plus petite partie de la


vie psychique sans être pour autant indépendants de l'inconscient «.

Le terme d'inconscient ayant été uti­lisé avant Freud pour désigner globale­ment le non-conscient, Freud se sépare de la psychologie antérieure par une présentation métapsychologique, c'est-à-dire une description des proces­sus psychiques sous des rapports dy­namiques, topiques et économiques. C'est le point de vue topique qui per­met de cerner l'inconscient. Une topique psychique n'a rien à voir avec l'anatomie, elle se réfère à des lieux de l'appareil psychique. Celui-ci est «comme un instrument« composé de systèmes, ou instances, interdépen­dants. L'appareil psychique est conçu sur le modèle d'un appareil réflexe dont une extrémité perçoit les stimulus internes ou externes trouvant leur réso­lution à l'autre extrémité, motrice. C'est entre ces deux pôles que se constitue la fonction de mémoire de l'appareil sous forme de traces mné­siques laissées par la perception. Ce n'est pas seulement le contenu des per­ceptions qui se conserve, mais leur association, par exemple selon la simultanéité, la ressemblance, etc. La même excitation se trouve dès lors fixée de façon différente dans plusieurs couches de la mémoire. Comme une relation d'exclusion lie les fonctions de la mémoire et de la perception, il faut admettre que nos souvenirs sont d'em­blée inconscients.

L'étude des symptômes hystériques ainsi que de la formation des rêves exige de supposer deux instances psy­chiques dont l'une soumet l'activité de l'autre à sa critique et lui interdit éven­tuellement l'accès à la conscience. Le système chargé de la critique, écran entre l'instance critiquée et la cons­cience, se trouve amené à l'extrémité motrice et se nomme préconscient, tan­dis que le nom d'inconscient reviendra au système placé plus en arrière et qui ne saurait accéder à la conscience si ce


n'est en passant par le préconscient. Ainsi, un acte psychique passe par deux phases; d'abord inconscient, s'il est écarté par la censure, il est refoulé et doit rester inconscient.

Il est remarquable que seules des représentations puissent être dites ‹, inconscientes «. Une pulsion, qui n'est jamais objet de conscience, ne peut qu'être «représentée« dans les sys­tèmes inconscient comme précons­cient par une représentation, c'est-à-dire un investissement fondé sur des traces mnésiques. Les affects eux-mêmes sont déplacés, rattachés à d'autres représentations, mais non refoulés.

Une représentation du système in­conscient n'est pas inerte mais investie d'énergie. Elle peut être alors dite « dé­sinvestie « par le système préconscient. Cela implique que le passage d'une représentation d'un système à l'autre se fait selon un changement d'état de l'énergie d'investissement pulsion­nelle: libre ou mobile, c'est-à-dire ten­dant à la décharge par la voie la plus rapide dans l'inconscient, liée, contrô­lée dans son mouvement de décharge dans le préconscient. Cette distinction de l'état de l'énergie correspond à celle des processus primaires et secondaires. Il faut de plus admettre l'existence d'un contre-investissement par lequel le préconscient se protège de la poussée des représentations inconscientes et met en place le refoulement originaire, refoulement au cours duquel le repré­sentant psychique de la pulsion s'est vu initialement refuser la prise en charge par le préconscient et auquel la pulsion demeure attachée de façon inaltérable. Le refoulement originaire est alors une force attractive des représentations préconscientes.

C'est seulement par l'étude des reje­tons du système inconscient que nous avons accès à ses propriétés. Il n'y a en effet pas de refoulement sans retour du refoulé : formations de l'inconscient,


symptômes. Le noyau de l'inconscient est constitué par des représentants de la pulsion qui veulent décharger leur investissement, donc par des «motions de désir«. Les désirs inconscients sont indépendants et subsistent côte à côte sans lien syntaxique : les pensées du rêve ne peuvent figurer les articulations logiques. Le rêve par ailleurs «excelle à réunir les contraires et à les représenter en un seul objet. Il est ainsi difficile de savoir si un élément du rêve [...] trahit un contenu positif ou négatif dans la pensée du rêve «.

D'origine infantile, les désirs inconscients sont toujours actifs, pour ainsi dire immortels. Les processus inconscients sont intemporels, «ni modifiés ni ordonnés selon le temps «. Ils sont « primaires «, c'est-à-dire qu'ils obéissent au principe de plaisir; dès lors, les représentations inconscientes sont soumises aux lois du déplacement et de la condensation, particulièrement sensibles dans le travail du rêve : la condensation permet d'accumuler sur un seul élément représentatif une suite de pensées, processus atteignant aussi les mots, fréquemment traités comme des choses par homophonie et asso­nance, tandis que le déplacement indique un centrage des pensées du rêve sur un élément de moindre impor­tance apparente.

La question de l'automatisme de répétition gouvernant l'appareil psy­chique au-delà du principe du plaisir ainsi que des difficultés surgissant au­tour de la notion de «'ch« (moi et/ou sujet), partie conscient, partie in­conscient, incitèrent Freud à abandon­ner cette première topique. Le terme d'inconscient devint un attribut éventuel des nouvelles instances du ça, du moi et du surmoi. L'inconscient fut réinter-rogé par J. Lacan au titre de concept fondamental de la psychanalyse, que la psychanalyse postfreudienne tentait d'effacer.


L'INCONSCIENT EST LE DISCOURS DE

L'AUTRE

Pour Lacan, les ornières de l'analyse postfreudienne tiennent au fait qu'on a oublié que l'expérience analytique est celle où le sujet est confronté à la vérité de sa destinée nouée à l'omniprésence des discours à travers lesquels il est constitué et situé. Puisqu'il n'est de vérité et de signification en dehors du champ de la parole et du langage, il est nécessaire de reconnaître, au-delà de la relation interhumaine, l'hétéronomie de l'ordre symbolique. Si toute parole a une adresse, la découverte freudienne s'éclaire de la distinction entre le sem­blable, autre auquel le sujet s'identifie dans le dialogue, et l'Autre, lieu d'où se pose pour lui la question de son exis­tence concernant son sexe et sa contin­gence dans l'être, nouée dans les symboles de la procréation et de la mort.

Cette question met en évidence la détermination de la loi symbolique qui fonde l'alliance et la parenté, loi que Freud avait reconnue comme motiva­tion centrale dans l'inconscient sous le nom de complexe d'Œdipe. Cette loi est identique à l'ordre du langage car c'est à travers les nominations de la parenté et les interdits que se noue le fil des lignées. Aussi le sujet se constitue-t-il au lieu de l'Autre, dans la dépendance de ce qui s'y articule comme discours, pris dans une chaîne symbolique où il est joué comme un pion: l'inconscient est le discours de l'Autre.

L'INCONSCIENT EST STRUCTURÉ COMME UN LANGAGE

Le discours de l'Autre est une chaîne d'éléments discrets qui subsistent dans une altérité par rapport au sujet aussi radicale que «celle des hiéroglyphes encore indéchiffrables dans la solitude du désert« (Écrits, 1966). Cette chaîne insiste pour interférer dans les cou­pures offertes par le discours effectif et


fait symptôme. L'insistance de la chaîne, figure de la répétition freu­dienne, montre que la nature de la mémoire symbolique est comparable à celle d'une machine à penser; mais ce qui insiste ici demande à être reconnu. Une dimension existe à la racine même du langage, qui pointe un au-delà du principe de plaisir.

C'est en s'appuyant sur les avancées de la linguistique de F. de Saussure et de R. Jakobson que Lacan montre que l'on peut retrouver, dans les lois qui régis­sent l'inconscient, les effets essentiels qui se découvrent au niveau de la chaîne du discours effectif : l'incon­scient est structuré comme un langage, ce qui ne signifie pas comme une langue.

On sait que les apports essentiels de la linguistique structurale tiennent à la distinction du signifiant et du signifié, le signifiant constituant un réseau à structure synchronique du matériel du langage en tant que chaque élément y prend sa fonction (Lacan dit «son emploi «) pour autant qu'il est différent des autres.

La psychanalyse permet cependant d'avancer la position primordiale du signifiant par rapport au signifié, les deux ordres étant séparés par une barre résistant à la signification: il faut aban­donner l'illusion que le signifiant repré­sente le signifié; ainsi les signifiants « homme « et « femme « ne renvoient pas aux concepts d'homme et de femme, mais à la différence des places assi­gnées à l'un et à l'autre par la loi symbo­lique, c'est-à-dire phallique : ce pourquoi «les motifs de l'inconscient se limitent au désir sexuel«.

Mais la structure du langage ne se limite pas à celle de l'horizontalité syn­taxique et de l'articulation syntag­matique: l'épaisseur verticale de la dimension des tropes — les figures essentielles de la métaphore, un mot pour un autre, et de la métonymie, connexion du mot à mot — permet par permutation et élision des signifiants


de créer des effets de signification. Or, métaphore et métonymie sont assimi­lables au déplacement et à la condensa­tion: le symptôme est une métaphore et le désir est une métonymie.

LE SUJET DE L'INCONSCIENT

Les productions de l'inconscient té­moignent que «ça pense« au niveau de l'inconscient. Il faut distinguer le sujet de l'énoncé, sujet grammatical lié à la prestance, qui ratiocine mais ne pense pas, et le sujet de l'énonciation. Si les productions de l'inconscient se carac­térisent par le mode d'achoppement autant que de trouvaille sous lequel elles apparaissent, il faut admettre que l'inconscient a une structure de dis­continuité, de fente aussitôt refermée qu'apparue, structure de battement temporel où le sujet de l'énonciation s'entr'aperçoit l'espace d'un instant : celui du ratage de l'objet du désir, qui fuit toujours.

Le sujet de l'inconscient est cepen­dant fondamentalement sans voix. La structure différentielle du signifiant implique que le sujet soit représenté par un signifiant maître pour un autre signifiant, lequel a pour effet l'éva­nouissement du sujet. Ainsi, le sujet est pétrifié, réduit à n'être plus qu'un signi­fiant, du même mouvement où il est appelé à parler. Il ne peut que donner à entendre quelque chose dans le retour du refoulé : ainsi s'explique que le rêve soit un rébus, c'est-à-dire une expres­sion pictographique sans alphabet constitué, dont les éléments sont équi­voques et variables hormis la symbo­lique sexuelle; les pensées du rêve, non arbitraires, ne peuvent se conclure sur un sens définitif, car leur cause, point ombilical, échappe : ce que Lacan nomme le réel.

LA LETTRE

L'unité fonctionnelle dans l'organisa­tion de l'inconscient n'est pas le pho­nème — il n'y a pas de voix dans l'inconscient — mais la lettre, qui, par


sa nature localisable et différentielle, s'offre comme pur symbole. C'est dire qu'elle commémore le meurtre de l'objet par le symbole. Cependant, sa matérialité incite le sujet à la considérer comme signe de l'objet perdu, voire comme l'objet lui-même.

Ainsi, les mots sont traités comme des choses, c'est-à-dire comme valant par leur tissage et leurs connexions lit­térales à l'instar de la poésie. Ils se prêtent à la dislocation et à la césure selon le jeu de « lalangue «, où le sujet de l'inconscient trouve à se faire entendre et le symptôme à s'écrire.

Ainsi, les éléments de la chaîne inconsciente, lettre ou séquence signi­fiante, en eux-mêmes sans signification ni césure, prennent leur valeur de ce qu'ils peuvent faire irruption dans la langue parlée en tant que signes d'un désir interdit, par le biais préférentiel de la lettre.

TOPOLOGIE

 

Il faut se déprendre de la représentation de l'inconscient comme étant un de­dans opposé à un dehors. L'inconscient est caractérisé par une structure topo­logique de bord : la béance de l'in­conscient en son mouvement d'ouverture et de fermeture est d'une structure isomorphe à celle des pul­sions prenant électivement appui sur les zones du corps comportant un bord. Cette topologie peut être rappor­tée à celle de la bande de Môbius: le surgissement des formations de l'in­conscient dans le discours effectif ne nécessite aucun franchissement de bord, mais est en continuité comme l'envers et l'endroit d'une bande de Môbius: la coupure opérée par l'inter­prétation fait surgir l'inconscient comme envers de la bande.

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