Hymne à la beauté
Publié le 11/04/2024
Extrait du document
«
DEVOIR EN CLASSE
DISCIPLINE
Français – Analyse Littéraire
CA
SECTION(S)
ÉPREUVE ÉCRITE
Date de l'épreuve :
28.10.22
Durée de l'épreuve : 14:15 – 17:10
HYMNE A LA BEAUTÉ
BAUDELAIRE
1
2
3
4
Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme,
O Beauté ! ton regard, infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l'on peut pour cela te comparer au vin.
5
6
7
8
Tu contiens dans ton œil le couchant et l'aurore;
Tu répands des parfums comme un soir orageux;
Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore
Qui font le héros lâche et l'enfant courageux.
9 Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ?
10 Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien ;
11 Tu sèmes au hasard la joie et les désastres,
12 Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.
13
14
15
16
Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques ;
De tes bijoux l’Horreur n'est pas le moins charmant,
Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.
17
18
19
20
L'éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,
Crépite, flambe et dit: Bénissons ce flambeau !
L'amoureux pantelant incliné sur sa belle
A l'air d'un moribond caressant son tombeau.
21
22
23
24
Que tu viennes du ciel ou de l'enfer, qu'importe,
O Beauté ! monstre énorme, effrayant, ingénu !
Si ton œil, ton souris, ton pied, m'ouvrent la porte
D'un infini que j'aime et n'ai jamais connu ?
25
26
27
28
De Satan ou de Dieu, qu'importe? Ange ou Sirène,
Qu'importe, si tu rends, —fée aux yeux de velours,
Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine !—
L’univers moins hideux et les instants moins lourds?
Les Fleurs du Mal, Spleen et Idéal XXI
1
l’éphémère
les breloques
bracelet
pantelant
le philtre
genre d'insectes qui naissent et meurent le même jour
curiosités de peu de prix, petits bijoux qu’on attache à une chaîne de montre, un
haletant
breuvage qu'on supposait propre a inspirer l'amour
QUESTION N° 1
a) Etudiez et commentez les caractéristiques de la Beauté évoquées dans ce
texte !
Quelle est l’origine de la beauté
Quel rôle Baudelaire attribue-t-il à la beauté ? Que lui permet-elle ?
Comment la représente-t-il ?
(20pts)
b) Quelle est l'attitude du poète à l'égard de la Beauté ?
Comment la perçoit-il ?
En quoi cette perception de la beauté illustre-t-elle la modernité de Baudelaire ?
Quel rapport le poète entretient-il avec la Beauté ?
(10pts)
c) Dégagez de façon concise, en employant vos propres mots, L’idée centrale
de ce poème de Baudelaire.
(3pts)
QUESTION N° 2
Analysez les procédés stylistiques utilisés dans les vers 1 - 8 ! (12pts)
Aidez-vous des questions intermédiaires suivantes pour répondre a cette
question.
a.
Comment le poète interpelle-t-il la « beauté » ? Quel type de discours est-il employé
(Direct ? Indirect ?) ? Interprétez !
b.
Que traduisent l’interrogation du vers 2 et l’apostrophe ? Quel sentiment / quelle attitude
du poète à l’égard de la Beauté cela traduit-il ?
c.
Structure de ces deux strophes : En quoi sont-elles classiques ? Etudiez le genre et la
disposition des rimes (masculines/féminines – croisées/embrassées/suivies ?) Qu’est-ce
que cela suppose ?(interprétez !)
d.
Que mettent en valeur les nombreuses antithèses (Relevez-les impérativement !)
quant à la nature de la Beauté ? – Montrez que ces antithèses ont une structure
chiasmique (Une construction en miroir)
e.
Quel est le point commun entre l’abîme et le ciel profond ?
f.
Etudiez l’enjambement entre le vers 2 et le vers3.
Quelle est la position du verbe
« verser » ? A quoi renvoie verser et déborder ? Baudelaire mélange les perceptions : le
regard pour la vue, le vin pour le goût et l'odeur, le verbe verser du côté du toucher.
Quel
procédé typiquement baudelairien applique-t-il ici ?
g.
Etudiez la personnification de la Beauté.
Comment cette personnification est-elle
construite (Relevez les éléments personnifiant la « Beauté »
h.
Soyez sensible à l’anaphore du 2e quatrain
QUESTION N° 4
2
Quels sont les éléments typiquement baudelairiens de ce texte ? (15pts)
3
HYMNE A LA BEAUTE
Baudelaire
CORRECTION DU DEVOIR
Question n°1
Les caractéristiques de la Beauté
Nature et origine de la Beauté
Baudelaire cherche d'abord à cerner l'origine de la beauté et son identité.
Elle
se
présente
d'emblée
comme
un
mystère
qu'on
ne
cesse
d'interroger.
Dès le premier vers, l'auteur demande « Viens-tu du ciel profond
ou sors-tu de l'abîme? » Cette question revêt un caractère obsessionnel.
On la
retrouve posée en des termes presque identiques au vers 9 « Sors-tu du gouffre
noir ou descends-tu des astres? » On remarque que la beauté semble presque
toujours émerger d'une profondeur («ciel profond», «abîme».
« gouffre noir
»).
L'allusion à une profondeur ténébreuse souligne son origine obscure.
En fait, son origine oscille continuellement entre le bien et le mal.
Une série d'images représentent cet antagonisme:
l'opposition haut/ bas («ciel profond »/« abîme ».
v.
1),
ténèbres /lumière («gouffre noir»/«astres», v.
9), « ciel »/ « enfer » (v.
21), « Dieu »/ « Satan » (v.
25).
Baudelaire définit le beau de façon paradoxale.
Une série d'alliances de
mots1 prouve en effet la nature contradictoire de la beauté.
Son regard est «
infernal et divin » (v.
2) ; elle verse confusément « le bienfait et le crime » (v.
3)
; elle annonce le jour aussi bien que la nuit (« Tu contiens...
le couchant et
l'aurore », v.
5).
La conjonction de coordination « et » souligne l'indissociabilité
du bien et du mal; leur répartition équilibrée est traduite par la parfaite
symétrie des hémistiches coupés 3/ 3 : « infernal et divin » 3 / 3
« le bienfait et le crime ».
3 /3
Rôle de la beauté
1
Rapprochement de mots ou de notions considérés comme contradictoires.
4
Étudions désormais le rôle que Baudelaire attribue à la beauté.
Elle
possède un incontestable pouvoir de fascination.
Elle subjugue le destin
(« le Destin (est) charmé», v.
10).
Le mot « charme » doit être pris ici au
sens fort d'envoûtement de même qu'au vers 14:
« De tes bijoux l'Horreur n'est pas le moins charmant.
» Sa capacité de
métamorphose est évoquée à plusieurs reprises: ses baisers sont « un
philtre » qui transforme le héros (v.
7, 8) ; elle est tour à tour « fée» (v.
26) ou «
Sirène » (v.
25).
Baudelaire précise ensuite le rôle qu'elle joue dans son existence :
(v.
23-24) « Si ton oeil, ton souris, ton pied, m'ouvrent la porte D'un Infini que
j'aime et n'ai jamais connu?» La beauté, c'est-à-dire l'Art, représente pour
le poète l'évasion.
Elle doit reculer les limites du quotidien, lui donner
accès à l'« infini » et lui révéler du nouveau (le «jamais connu » (v24)).
L'art a pour fonction de sublimer la réalité, de rendre (v.
28) : « L'univers
moins hideux et les instants moins lourds.
» C'est le recours suprême pour
échapper au temps (« instants moins lourds », v.
28) et accéder à l'éternité.
Séduit par son pouvoir, Baudelaire va la célébrer dans un véritable
hymne d'amour.
L'admiration du poète est rendue par différents procédés: une
syntaxe exclamative (« O mon unique reine! », v.
27), le leitmotiv « O Beauté »
(v.
2, v.
22), une série d'apostrophes laudatives (« Ange », « Sirène », « fée », «
reine »).
Comment le poète représente-t-il la beauté ?
Pour rendre plus évidente encore l'attirance qu'elle exerce sur lui, l'auteur
la
représente
sous
les
traits
d'une
femme.
Cette
image
s'impose
progressivement.
Au vers 2, il est d'abord fait allusion à son « regard », puis à
son « oeil » (v.
5).
La « bouche » est ensuite évoquée au vers 7 et comparée à
une « amphore ».
On trouve aussi une allusion à son « ventre » (v.
16), à son «
souris » et à « son pied » (v.
23).
On remarque donc que la perception de la
femme est fragmentée.
Mais les éléments privilégiés par Baudelaire n'ont pas
été choisis au hasard.
Tous (« regard », « bouche », « sourire », pour le
visage; « ventre », « pied », pour le corps) sont de nature érotique et
mettent ainsi en valeur la fascination sensuelle qu'exerce la beauté sur
le poète.
Notons encore que la femme sait jouer de ses charmes par
maints artifices: ses «jupons» (v.
10), ses « bijoux » (v.
14).
Son attrait
5
sensuel éclate enfin dans une danse fort suggestive (« Sur ton ventre orgueilleux
danse amoureusement », v.
16).
Force, nous est de constater que la beauté baudelairienne n'est pas
seulement contradictoire.
Elle marque aussi une évolution des conceptions de
l'auteur.
En effet, dans le poème intitulé La « Beauté » (pièce bien antérieure à
notre texte), Baudelaire avait de la beauté une vision très classique.
Il
nous la montrait immuable et éternelle « comme un rêve de....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Lecture linéaire « Hymne à la beauté »
- L’Hymne a la Beauté « spleen et idéal » Charles Baudelaire « les fleurs du mal »
- explication princesse de clèves page 20 (de “Il parut alors une beauté à la cour” à “d’en être aimé”)
- La Princesse de Clèves: une beauté à la Cour
- « Il m'a paru plaisant, et d'autant plus agréable que la tâche était plus difficile, d'extraire la beauté du Mal. », écrit Baudelaire. Pensez-vous que la poésie ne doive servir que la Beauté et se détourner du réalisme ?