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Handke, la Chevauchée sur le lac de Constance (extrait).

Publié le 06/12/2021

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Handke, la Chevauchée sur le lac de Constance (extrait).
Reprenant le thème d'une ballade de Gustav Schwab, Peter Handke fait de la banale traversée d'un lac gelé un mystère universel et plonge son spectateur dans le monde énigmatique de ce théâtre où les personnages portent le nom d'acteurs connus.
Dans cette représentation d'une représentation, les êtres symboliquement morts à eux-mêmes sur scène se renouvellent et se révèlent dans le geste théâtral et « rendent consciente une nouvelle possibilité de voir, de parler, de penser, d'exister «
dans un réel qui leur est factuel.

La Chevauchée sur le lac de Constance de Peter Handke (extrait)
Élisabeth Bergner désigne Emil Jannings, dans un souffle :
« Il nous tourne le dos, et il est assis dans le fauteuil le plus confortable : est-ce à dire qu'il est plus puissant que nous tous ? «
Henny Porten la regarde dans les yeux et se contente de secouer brièvement la tête en signe de dénégation.
Emil Jannings s'étire avec soulagement sur le fauteuil ; visiblement ravi d'avoir perdu son importance.
Élisabeth Bergner désigne de la tête Erich von Stroheim : « Il reste assis tout seul dans le coin, sur un grand canapé : veut-il nous signifier par là de nous asseoir à côté de lui ? «
Henri Porten se contente de sourire avec indulgence, comme on le fait de quelque chose qui s'est avéré n'être qu'un rêve.
Erich von Stroheim se laisse aller, lui aussi, sourit d'un air affable et se détend visiblement.
Élisabeth Bergner : « Et le miroir là-bas ? «
Emil Jannings se lève et avance d'un air DÉGAGÉ vers les deux femmes : « Rien d'autre qu'un miroir ! «
Heinrich George se joint à lui : « Peut-être y a-t-il des crottes de mouches dessus. «
Élisabeth Bergner : « Et pourquoi le tiroir de la commode refuse-t-il de s'ouvrir ? «
Jannings hésite un bref instant : « Il se coince. «
Élisabeth Bergner : « Et pourquoi se coince-t-il ? «
Erich von Stroheim bondit du canapé : « Laissez-le donc se coincer. «
George : « Oui, laissez-le donc se coincer. «
George et Stroheim avancent l'un vers l'autre avec quelques pas de danse en levant la jambe comme des ours : « Laissez-le donc se coincer. «
Jannings se joint à eux : « Laissez-le donc se coincer. Laissez-le donc se coincer. «
Tous trois dansent les uns autour des autres : « Laissez-le donc se coincer, le tiroir. Le tiroir, oh, laissez-le donc se coincer. Laissez-le, le tiroir, laissez-le, oh, laissez-le donc se coincer. « Ils chantent à l'unisson : « Oh, laissez donc le tiroir
se coincer, oh, oh, laissez donc le tiroir se coincer. «
Ils s'arrêtent et chantent la même chose en canon, sur l'air de « Whisky please let me alone «, en répartissant les voix, et avec une rupture au milieu, après un « Oh «, sur quoi ils se regardent en silence, lèvent l'index, sur quoi l'un d'eux
continue à chanter, une octave plus bas, « laissez donc le tiroir se coincer «, sur quoi les deux autres voix interviennent l'une après l'autre, également une octave plus bas, et finissent le chant en harmonie.
Tous se regardent, gravement et tendrement.
« Nous sommes libres ? Nous sommes libres ! «
En désordre : « Tout cela, ce n'était qu'un rêve ! N'était-ce vraiment qu'un rêve ? Quoi ? Je l'ai déjà oublié ! Et je m'aperçois justement que je l'oublie ! Je reste immobile et je me vois peu à peu l'oublier ! J'essaie de me souvenir, mais
en essayant de me souvenir, je m'aperçois que ça s'efface de plus en plus ; c'est comme si j'avais avalé un morceau de travers, à chaque tentative pour le faire remonter, ça s'enfonce un peu plus ! Ça s'enfonce, et vous, vous émergez de
plus en plus. Où étiez-vous, je vous cherchais. Qui êtes-vous ? Est-ce que je vous connais ? «
Ils s'embrassent, inclinent la tête, les uns vers les autres, se cachent la tête l'un dans l'autre, se frottent les uns contre les autres, se caressent de la tête et des mains.
Ils se séparent les uns des autres et s'occupent des objets, avec enjouement, les saisissent, les pressent contre eux, s'appuient contre eux en jouant, les redressent, les bercent dans leurs bras, mettent deux choses en contact comme pour une
étreinte, les pincent, les tapotent, et les caressent, ôtent la poussière qui les recouvre, ou des cheveux...
Ce faisant, ils soupirent, fredonnent, ricanent, rient, chantonnent...
Une seule fois, ils perdent leur assurance pendant un court instant, et deviennent silencieux : l'une des femmes se tient détournée, appuyée sur la rampe de l'escalier, et ses épaules frémissent.

Source : Handke (Peter), la Chevauchée sur le lac de Constance, trad. par M.-L. Audiberti, Paris, L'Arche, 1974.

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